Un prince pas si charmant

Jean-Marc est un chef d’entreprise irascible, un père absent et un quadra dédaigneux sinon exécrable qui passe son temps à conduire trop vite, fumer comme un pompier et sortir tard la nuit – ou tôt le matin au choix. Bref, le Parisien carriériste et égoïste qui ne sert que ses intérêts. Alors qu’il doit se rendre au mariage de sa fille, un étrange concours de circonstances l’amène à croiser Marie, jeunette innocente pleine de principes, naïve et ingénue. Rapidement, elle croit voir en Jean-Marc le prince charmant qu’elle attendait depuis toujours : ce qu’elle ne sait pas encore, c’est que l’entreprise de Jean-Marc est responsable de la fermeture de l’usine familiale de son propre père. 

« Il y en a qui ont des papas poules, moi j’ai un papa pute » [[Citation du film]]

Le pitch d’« Un prince presque charmant » prévisible et pas surprenant pour deux sous. Le côté comédie romantique n’est ni drôle ni passionné, seulement mielleux et cliché à souhait. Le schéma classique de l’homme à femme qui tombe amoureux en deux jours de la gentille niaise, est vu et revu. Aucune surprise pour ce film, sinon la médiocrité du ton et de l’histoire qui se délite peu à peu. 
Vincent Perez en bobo odieux enchaine les gags ratés et des blagues qui ne font rire que lui. Un personnage caricatural et peu crédible qui gâche en tout point le talent du comédien. 
Face à lui, une Vahina Giocante qui se veut irrésistible et joue de son charme pour interpréter une jeune idéaliste dont la crédulité tend rapidement à la bêtise. De rire nunuche en propos ringard, rien ne manque à son portrait de midinette amoureuse du grand méchant patron. 

Un casting qui ne rattrape en rien le vide du scénario. Une heure et demie de film plat, creux et sans résonance qui n’enchante pas les salles. Enfin, le happy end prévisible de l’histoire vient clore cette fantastique production, qui n’apporte vraiment rien au paysage du cinéma français. 

« Sugar Man » : à la recherche de Sixto Rodriguez

Sixto Rodriguez, c’est le soldat inconnu de la folk américaine des seventies. Il est le protagoniste de Sugar man, le premier documentaire de Malik Bendjelloul, en ce moment à l’affiche.

Sugar Man, enquête musico-journalistique de Malik Bendjelloul, revient sur le parcours d’un musicien atypique, né dans les années quarante à Détroit : Sixto Rodriguez. Le chanteur, entiché de musique grâce à la guitare de son père, écrit les banlieues ouvrières de cette Amérique que l’on oublie parfois. Ses textes sont aussi poétiques que politiques et sa voix attire rapidement les chasseurs de succès. Pourtant, après deux albums sortis en 1969 et 1971, les honneurs attendus ne sont pas aux rendez-vous. Sixto Rodriguez, toujours ouvrier, abandonne sa carrière musicale et disparaît de la scène publique. 


Une icône ressuscitée

Pendant ce temps, l’Afrique du sud s’ébranle, toute coupée du monde qu’elle est. La musique de Sixto Rodriguez y arrive, par le hasard d’un disque oublié dans la valise d’une touriste américaine. Une génération privée de liberté reprend Sugar man, l’histoire d’un dealer américain. Rapidement censuré, il devient un étendard pour les rares afrikaners qui luttent contre l’apartheid. D’aucuns le comparent à Bob Dylan et il vend plus de 500 000 albums, devenant, sans le savoir, une véritable icône de la « nation arc en ciel ».
Dans les années 90, un vendeur de disque et un journaliste musical, tous deux Sud-Africains, veulent en savoir plus sur ce mystérieux artiste. Ils le pensent mort, suicidé sur scène, immolé ou victime d’une overdose en prison. Leur démarche d’enquête constitue la base du documentaire de Malik Bendjelloul. Les pérégrinations de ces fans de la première heure nous mènent doucement vers la révélation : Sixto Rodriguez n’est pas mort. Il travaille dans la démolition, toujours bien arrimé au bitume de la Motown qu’il décrivait dans ses chansons. La suite, émouvante quoiqu’un peu galvaudée, raconte la rencontre des deux protagonistes avec Sixto Rodriguez, sa vie modeste dans la ville du moteur puis la consécration, enfin, de ce musicien talentueux. A l’initiative des deux acolytes, il découvre son public, immense et passionné, lors d’une tournée en Afrique du sud en 1998.

Un documentaire original et passionnant

Malik Bendjelloul signe un documentaire presque à la hauteur du talent de Sixto Rodriguez. Les témoignages sont bien choisis, émouvants sans être complaisants. Les images sont soignées et la bande son – signée Rodriguez – ravira les amateurs de folk. La première partie du documentaire souffre parfois de longueurs, et quelques images prétextes – qui viennent pallier le défaut d’images d’archive de l’artiste – gâchent un esthétisme par ailleurs bien maîtrisé. On regrette que le documentaire soit quelque peu romancé. En effet, Sixto Rodriguez n’ignorait pas tout de son succès puisqu’il avait effectué plusieurs tournées en Australie au début des années 80 avant d’abandonner effectivement la musique. Malik Bendjelloul occulte complètement cette partie de la carrière de Sixto Rodriguez. L’histoire, vraie, se suffisait à elle-même. Le résultat est toutefois convaincant et le rythme ne souffre pas trop des quelques excès de Bendjelloul et la seule découverte du trop peu connu Rodriguez est un argument suffisant pour aller voir Sugar Man.

‘‘La stratégie de la poussette’’ : la gentille comédie de ce début d’année

Thomas et Marie se rencontrent, s’aiment, s’installent ensemble et filent le parfait amour. Jusqu’au jour où Marie lui demande un enfant : paniqué, Thomas refuse. Face à son refus de s’impliquer davantage dans leur histoire, Marie le quitte. 

Un an plus tard, Thomas n’est toujours pas remis de la rupture et cherche un moyen de la reconquérir. Lorsque sa voisine hospitalisée lui confie son bébé, la nouvelle tombe à point nommé : Thomas se sert de son rôle de nouveau papa un peu perdu pour récupérer la femme de sa vie. 

« C’est pas de ma faute si les femmes aiment les papas »[[ Citation du film]]

Le scénario un peu léger mis en scène par Clément Michel, prend tout son sens grâce à l’interprétation des rôles donnés à chacun des acteurs. 
Raphaël Personnaz, jeune célibataire irresponsable qui se retrouve du jour au lendemain à gérer un nourrisson de quatre mois, enchaine les gaffes et les maladresses avec humour. Loin de son personnage plein d’angoisse et de culpabilité dans Les trois mondes, sorti le mois dernier, ce rôle de beau gosse attendrissant et largué lui permet de s’essayer avec brio dans un nouveau registre. 
On regrette cependant la retenue de Charlotte Le Bon, ancienne miss-météo un peu loufoque, qui reste discrète tout au long du film. On l’attendait au tournant, mais touchante, elle ne brille pas autant que les deux seconds rôles : Jérôme Commandeur et Julie Ferrier. 
Tous les deux incarnent un professeur de tennis de banlieue qui se prend pour l’entraineur de Roland Garros, ainsi qu’une jeune divorcée nymphomane accro aux jeunes papas. Pleins d’humour, ils enchainent les remarques acerbes et gags cocasses. 

Sans être le film de l’année, cette jolie comédie romantique aura au moins le mérite de faire rire son public. Des situations improbables et des blagues faciles mais réussies, puisque la salle n’a pas cessé de s’esclaffer tout au long de la séance. Un film simplet mais drôle, à voir seul ou à deux pour passer un bon moment sans se torturer les méninges. Une manière de commencer 2013 avec légèreté. 

« L’homme qui rit » : Victor Hugo magnifié 

Dans l’hiver 1690 une tempête de neige fait rage : Gwynplaine jeune garçonnet d’une dizaine d’années est abandonné à son sort. Luttant contre le froid et la mort, il se met en quête d’un abri pour le reste de la nuit. Sur son chemin, il porte rescousse à un bébé dont la mère vient de mourir de froid. Les deux orphelins sont recueillis par Ursus, vagabond philosophe, qui erre de ville en ville dans une vielle roulotte. Il ne peut rester indifférent face à la balafre qui orne le visage du jeune garçon et la cataracte qui touche Déa dès son plus jeune âge. 
Quelques années plus tard, le trio ainsi formé, sillonne les routes et donne en spectacle « l’homme qui rit » qui conte l’histoire d’amour entre Gwynplaine et Déa. A chacune de leur représentation c’est un franc succès qui les attend, de partout on veut voir la cicatrice de l’homme qui rit. Ce dernier fait rire, effraie et émeut les foules. Plus encore, il les transporte. 
Gwynplaine succombe peu à peu aux sirènes de la gloire et lorsque la troupe se rend dans la banlieue de Londres, leur petit monde bascule tout à coup. 

« C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches » [[Citation du film et de Victor Hugo]]

Victor Hugo est à l’honneur en ce moment. Alors qu’on attend la sortie de l’adaptation américaine des « Misérables », prévue pour février prochain, en France c’est le réalisateur Jean-Pierre Améris qui reprend à merveille le roman philosophique d’Hugo.
La mise en scène spectaculaire souligne tour à tour l’œuvre de l’écrivain ainsi que le talent du casting savamment choisi. Le tout orchestré dans des décors fastes et réalistes qui nous plongent au cœur du Londres du 18ème siècle. 
Véritable plaidoyer politique, le film s’insurge contre l’oisiveté excessive d’une noblesse opulente face à la misère morbide du petit peuple. Des thèmes récurrents qui ont traversé la Révolution jusqu’à nos jours : la mutilation de Gwynplaine n’est autre que celle de la nature humaine, l’intolérance face à la différence de l’autre et le mépris dans le regard d’autrui. Gwynplaine obligé de cacher son vrai visage derrière un foulard dénonce abruptement : « le peuple, c’est moi » .  
La distribution des rôles vient parfaire l’ensemble : Gérard Depardieu grandiose dans la peau du nomade au grand cœur, pseudo-philosophe qui prend sous son aile deux enfants abandonnés. Christa Theret pleine de grâce et figure de l’innocence, éprise d’un Marc-André Grondin dont la mine balafré n’entame en rien la prestation brillante et les émotions vibrantes qu’il s’amuse à jouer. 

Meilleur que ce que l’on attendait, L’homme qui rit ramène le spectateur directement au cœur de l’univers propre à l’écrivain français. Une mise en scène sublimée pour un Victor Hugo engagé, du « Made in France » comme on en fait plus. 

The Hobbit, un retour gagnant en Terre du Milieu

The Hobbit, un Voyage inattendu, sorti mercredi 12 décembre, est le récit des aventures de Bilbon Sacquet, d’une compagnie de treize Nains et d’un magicien. Peter Jackson, à la baguette de réalisateur, se plonge une nouvelle fois dans l’univers de Tolkien.

Peter Jackson, une ribambelle de joyeux drilles et les beaux paysages de la Nouvelle-Zélande. Non, ce n’est pas le Seigneur des Anneaux, la trilogie cinématographique qui a marqué le début des années 2000. Il s’agit de Le Hobbit, un Voyage inattendu, le premier film d’un nouveau triptyque du réalisateur qui signe un retour, lui attendu, en Terre du Milieu.

L’aventure d’un Hobbit

Peter Jackson retrouve donc l’univers de Tolkien neuf ans après Le Retour du Roi. Cette fois-ci, ce n’est pas l’histoire de Frodon, ni celle d’Aragorn, ou de Legolas on y parle peu des Hommes et des Elfes. Il est question de nains et d’un hobbit. Ce Hobbit, c’est le jeune Bilbon Sacquet (Martin Freeman, exemplaire), l’oncle de Frodon. Un Hobbit qui, comme la plupart des semi-hommes, se satisfait d’une vie casanière rythmée par ses neuf repas quotidiens, ses promenades et ses pauses, bien méritées, arrosées de bière et embrumées par l’herbe de sa contrée, la Comté. Une vie parfaite, dont Bilbon se satisfait parfaitement jusqu’à la visite surprise d’un ami oublié. Gandalf (Ian McKellen), le magicien, fait irruption avec ses plans, ses mystères, ses promesses d’aventure et… ses amis nains. Treize nains ripailleurs, avec, à leur tête, un chef, Thorin (le peu connu Richard Armitage) et un plan : récupérer le fief qui leur a été volé par Smaug, un dragon sanguinaire attiré par l’or du peuple des cavernes. Après de nombreuses hésitations, Bilbon le pantouflard décide de prendre part à la quête et se lance sur la route de la Montagne Solitaire aux côtés de Thorin, Nori, Ori, Dori, Fili, Kili, Oïn, Gloïn, Bombur, Bofur, Bifur, Balin, Dwalin et Gandalf.


Bilbo le Hobbit : Un Voyage Inattendu – Official… par Eklecty-City

Peter Jackson fidèle à lui-même

La troupe emprunte un chemin qui se révèlera – évidemment- semé d’embûches, de rencontres inopinées, de périples imprévus. Ouargues, orcs, trolls, ennemis passagers, adversaires héréditaires, petites batailles et grands combats, Le Hobbit regorge de scènes d’action aux cadres vertigineux et aux chorégraphies millimétrées. La réalisation est dynamique, comme à l’habitude de Peter Jackson qui ne lésine pas sur les moyens pour parvenir à ses fins. En dehors de ces séquences mouvementées, le spectateur en prend plein la vue avec les panoramas verdoyants qui servent de décors à des chevauchées mémorables. L’utilisation réussie et innovante de la 3D, qui ne sert pas uniquement à donner de la profondeur aux champs filmés, est également à souligner. Elle est intégrée dans l’image et participe à son impact visuel.

Cependant, la force du Hobbit n’est pas uniquement dans les visions qu’il propose : le thème musical dédié aux Nains est aussi rocailleux que celui des Efles était aérien dans le Seigneur des Anneaux. Les tonalités basses imaginées par Howard Shore soulignent la gravité de la mission. Le compositeur utilise également les mélodies qu’il avait créées pour la première trilogie, ce qui ravira les fans et les plongera dans des vagues de nostalgie. Quelques clins d’œil et de nombreux traits d’humour achèvent le premier tableau d’un triptyque qui ne manquera pas de faire des émules. Vivement la suite !

Télé Gaucho : un beau gâchis 

Un pitch simplet et un casting de français en vogue, le dernier film de Michel Leclerc ne révolutionne pas le cinéma. 

« Télé Gaucho : la seule télé libre de France »  [[Citation du film]]

Retour dans les années 90 : propulsé à Paris où il a dégoté un stage au sein d’HT1 la chaine de télé la plus consumériste du PAF, Vincent, aspirant cinéaste de génie sorti tout droit de sa bourgade de province, se retrouve en même temps enrôlé par un programme télévisé concurrent. 
Télé Gaucho c’est le rassemblement de personnalités toutes plus déstructurées les unes que les autres : un chef de fil phobique et névrosé qui se prend pour un grand reporter, une pseudo journaliste gauchiste et butée dont les coups d’éclats virent à l’hystérie, une caméraman bonne à rien et auto-destructrice, complétée par un chanteur travesti et un semblant de révolutionnaire qui se prend pour Che Guevara et vit toujours chez ses parents dans le XVIe arrondissement de Paris. Cette joyeuse équipe de bras cassés se lance dans une lutte contre le capitalisme et les injustices moribondes de la droite au gouvernement. Vivotant dans un immense local de quartier où tout le monde finit par se retrouver pour assister à la diffusion des reportages brouillons et fanfarons. Ça crie, ça boit, ça revendique tout mais aussi et surtout n’importe quoi.

Une ode à l’anarchisme des années 90, qui vire à la dérision. 

Largement inspiré de sa propre expérience au sein de Télé Bocal, Michel Leclerc réalise un film qui fracasse la crédibilité des pseudos parisiens révolutionnaires de l’époque. 
Le collectif Télé Gaucho s’empare des sujets les plus polémiques d’alors : les expulsions des sans papier, les manifestations du Front National, les premières marches contre le SIDA ou encore celles en défense de l’IVG. Mais Le traitement qu’ils en font est tellement lamentable qu’il en devient risible. L’amateurisme et l’hystérie dont fait preuve tout le long du film l’équipe de télévision, prête à rire ou à pleurer selon les points de vue, mais ce qui se veut comme une comédie est loin de transporter les foules dans des grands éclats de rire. C’est tout juste si l’on ricane un peu. 
On retrouve dans le film une tripotée d’acteurs en vogue qui ne suffisent pas à relever le niveau : Maïwenn, que l’on a vu dans Polisse, et Eric Elmosnino, le Gainsbourg du cinéma français, en couple destructeur et furibard qui n’a de cesse de se crêper le chignon. Ils répondent au duo que forment Sara Forestier, la midinette imbécile dont la maladresse confine à la bêtise, et Félix Moati seule véritable surprise du film. Pour son premier grand rôle, celui que l’on avait déjà vu dans LOL, sorti en 2008, campe un cinéaste en devenir qui se perd dans le monde fourbe et perfide de la télévision. Une interprétation touchante qu’il exécute avec brio. 
Entre cinéma et télévision, Michel Leclerc fait tomber son premier amour plus bas que terre. Il aurait dû davantage s’inspirer des propos de Godard, qu’il ne cesse pourtant de marteler tout le long du film : « le cinéma c’est regarder vers le haut ».

Anna Karenina : une adaptation époustouflante

L’histoire brûlante d’Anna Karenine est désormais bien connue, c’est la mise en scène du roman de Tolstoi par Joe Wright qui vient souligner la magnificence du chef d’œuvre littéraire. 

« Toutes les familles heureuses se ressemblent ; les familles malheureuses le sont chacune à leur façon »[[ Citation du roman de Léon Tolstoi]]

Dans la Russie des années 1874 Anna Karenine (interprétée par Keira Knightley) membre haut placée de l’aristocratie, épouse de ministre et mère de famille dévouée emène une existence matériellement riche dans un univers superficiel où seul le paraître compte. Lors d’un voyage à Moscou elle fait la rencontre du comte Alexis Vronski (interprété Aaron Taylor-Johson), un coup de foudre réciproque qui ne passe pas inaperçu au sein de la noblesse russe. Tentant d’étouffer la puissance de ses sentiments naissants, Anna rentre à Saint-Pétersbourg pour retrouver sa vie de famille paisible et ennuyeuse aux côtés d’un mari omnibulé par sa propre personne et ses fonctions gouvernementales. Mais c’était sans compter sur la pugnacité du comte qui la suit et s’installe en ville. L’évidence de leur attirance ardente s’impose rapidement et les deux amants finissent par céder à la tentation. Alors qu’Anne fait le choix du cœur, elle s’heurte aux commérages perfides et autres médisances de la haute société. 

Une mise en scène surprenante qui emporte le spectateur 

Le synopsis n’apporte pas de surprise par rapport à sa version originale, mais le traitement de l’ouvrage, au premier abord étonnant, ne laisse pas indifférent les amateurs de salles sombres. Les principales actions se déroulent au sein d’une salle de théâtre d’époque : sur scène, en coulisses, dans la fosse publique ou dans les loges de la haute société mais aussi dans les fondations de l’amphithéâtre. On est transporté d’une scène à une autre comme on changerait de décor pour passer d’un acte à l’autre. Les personnages se perdent dans un jeu d’acteur époustouflant, minutieusement chronométré. Chorégraphiées, les actions de chacun sont rythmées par des envolées musicales, chaque geste se répond et se met en mouvement sous l’impulsion des répliques des comédiens. Des scènes de danse renversantes, et des envolées lyriques foudroyantes qui forcent à se demander si l’on assiste tantôt à un opéra classique, à une pièce de théâtre ou encore à un ballet russe. Les costumes et décors mirifiques apportent la touche finale à cette merveille de film qui fait voyager le spectateur au plus profond de l’aristocratie russe. De l’illusion féerique des bals russes en passant par les courses hippiques qui font la joie de la haute société, mais aussi dans les méandres d’une société fourbe et hypocrites embourbée dans ses convenances. Keira Knightley, dont la grâce et l’élégance ne sauraient laisser personne indifférent, magnifie une Anne Karenine dont la folie amoureuse tend à l’auto-destruction ; quand à Jude Law il incarne le rôle qu’on attendait plus pour souligner savamment son jeu d’acteur en interprétant le mari aveugle et trompé, tantôt indifférent puis magnanime. Un grand moment de spectacle qui réchauffe les cœurs en cet hiver polaire.

Le « Capital » ne fait pas recette

La bande-annonce s’avérait prometteuse, mais le film en son entier est bien loin du compte.

Le pitch s’annonçait attrayant – comment le système bancaire corrompt la race humaine – mais sa mise en scène réalisée par Costa-Gavras le vide de tout intérêt.
Le casting semble mal choisi : Gad Elmaleh s’essaie en requin de la finance et tend à faire du film une tragi-comédie davantage qu’un thriller financier. Les personnages sont odieux ; mais il fallait bien s’y attendre dans ce milieu, et ne captivent en rien le spectateur. Le choix des répliques s’apparente à une succession d’expressions capitalistes, qui, mise bout à bout finissent d’achever l’attention de l’auditoire qui perd vite le fil de l’histoire.

« Continuons à prendre aux pauvres pour donner aux riches » [[Citation du film]]

Sur grand écran, les financiers s’illustrent ainsi sous leurs plus mauvais jours. Les scènes s’enchainent sans laisser le temps de tout bien comprendre. On passe de Paris à Miami, de Tokyo à New-York et les réactions des uns et des autres sont aussi surprenantes que les rebondissements laissent à désirer. De trahison en faux-semblants l’univers des traders semble aussi palpitant qu’une journée de débat à l’Assemblée Nationale. Encore que les sujets débattus y sont relativement maitrisés. Dans « Le Capital » Gad Elmaleh campe le président d’une des plus grandes banques européennes. Parvenu à ce poste par une sombre manoeuvre de financiers véreux, il enchaine les décisions les plus abracadabrantesques au gré de ses envies, sans stratégie apparente il se fait la marionnette de plus puissants que lui. Comble de l’histoire : il parvient à se maintenir à son poste et renouveler sa présidence à la direction du groupe. Abandonnant derrière lui tout scrupule, et avide de pouvoir et d’argent, il ne semble guider que par la quête du « toujours plus ».

Vraisemblablement le public visé sortait tout droit d’HEC et le plaisir du cinéma se voit complètement mis de côté. Si vous ne sortez pas d’une grande école, il faudra s’accrocher pour suivre l’histoire du début à la fin. Déroutant, certes, mais pas forcément dans le bon sens du terme : en témoigne les ronflements de mon voisin de salle sombre.

Traiter le système bancaire en période de crise aurait pu s’avérer payant, mais on est bien loin de l’authenticité fracassante de « Margin call » . Sorti en 2011 le film suivait des traders de Wall Street à la veille de l’éclatement de la crise des subprimes. Compréhensible et incisif, il plongeait le spectateur au coeur du milieu. Avec « Le Capital » la seule immersion que pourrait connaître l’auditoire serait au coeur de son propre ennui.

Le réalisme insoutenable de «The Impossible» fait pleurer les salles

Plongée au cœur de l’enfer : « The Impossible » réalisé par Juan Antonio Bayona revient sur le tsunami qui a balayé l’ouest de la Thaïlande en Décembre 2004.

« Dans un film comme celui-là, tu dois voir le monstre en face, et plonger ta caméra à l’intérieur, pour faire vraiment ressentir au public ce que c’était d’être là-bas » confie Juan Antonio Bayona. [[Propos recueillis par l’AFP.]]

Le scénario reprend l’histoire vraie, d’une famille espagnole partie passer les vacances de Noël dans un complexe hôtelier luxueux. La nature ne fera aucune distinction entre les touristes et les locaux. Ravageant tout sur son passage, un raz de marée s’abat sur les côtes thaïlandaises.

Immersion totale pour le spectateur pris au piège d’un film sans faille, qui nous fait vibrer d’émotions du début à la fin : on y retrouve la peur bien sûr et la surprise face à l’inimaginable qui se produit. Cette vague qui fracasse tout sur son chemin et emporte hommes, femmes, enfants. Les scènes sous-marines nous emportent avec elles, nous tourmentent aussi. Les cris insupportables d’une mère cherchant son enfant, la torture infâme des blessures qui lui sont infligées, très vite nous plongent dans l’horreur absolue de la situation. C’est ce réalisme qui est le plus poignant. Le spectateur est transporté au cœur de la tempête.

« C’est le réalisme de l’émotion que je cherchais » explique le réalisateur.[[Propos recueillis par l’AFP.]]

A la peur et l’angoisse de l’instant présent, succède l’impossible organisation de l’après tsunami. Des côtes entières dévastées, des champs de ruine où s’amoncellent des corps sans vie. L’insupportable souffrance des milliers de blessés, Juan Antonio Bayona ne nous épargne aucun détails sordides. Certaines scènes restent intolérables à voir, mais l’œil se détourne malgré lui : impuissant, on voudrait que cesse l’enfer.
Puis vient l’attente et l’espoir impérissable d’un père à la recherche de sa femme et de son fils aîné. Une famille séparée, déchirée, qui se croise sans se trouver, se perd dans une souffrance infinie sinon désarmante. L’innocence des enfants et le courage d’un fils, mais aussi l’extrême solidarité humaine : ; face à l’horreur la plus intégrale, face à l’acharnement d’une nature qui massacre sans distinction.

Une jolie surprise donc pour cette superproduction au casting américain : Ewan Mac Gregor et Naomi Watts subliment ce que la bande-annonce présentait comme un énième navet. Loin du compte, c’est un panel d’émotions des plus poignantes qui attend les spectateurs de « The Impossible ».

La Traversée : Michaël Youn bouleverse les genres

La « traversée » , c’est une petite fille portée disparue et un couple qui ne peut plus faire face, qui se déchire, se sépare. C’est l’histoire de cette fillette qui réapparait, soudainement deux ans plus tard à l’endroit même où l’on avait perdu sa trace. Sans raisons, sans explications. Ce sont des destins qui se croisent et déploient l’intrigue avec brio. 

De rencontres en chassé-croisé, c’est l’histoire d’une résurrection donc, mais pas forcément celle à laquelle on aurait pensé. 

Après six ans de pause, Jérome Cornuau signe un retour fracassant avec son nouveau film. 
Le scénario, largement inspiré du best-seller « Parce que je t’aime » de Guillaume Musso, est captivant. L’adaptation française s’arme d’un casting attachant. Michaël Youn, habitué des comédies puériles et des rôles infantiles, s’essaie avec succès à ce nouveau registre. En père éploré et mari dévasté, il plonge au cœur du désespoir avec un réalisme déconcertant. Il offre une figure paternelle dévouée à Pauline Haugness, fillette bouleversée et muette face à son traumatisme. Fanny Valette vient compléter ce trio improbable, en starlette maniaco-dépressive hantée par une insécurité maladive et une tendance à l’autodestruction. Deux adultes en dérive face à une enfant ressuscitée qui leur apprendra à accepter l’inacceptable et faire face à la vie dans ce qu’elle a de plus tragique.

Un univers obscur et ténébreux qui tend parfois au surréalisme, rythmé par une musique idoine et gracile. Dans ce thriller énigmatique, l’histoire surprend et fascine le spectateur, tenu en haleine jusqu’à la fin. La chute, ingénieuse et moderne, clôt une belle leçon de vie et d’amour…