Sentiments confus pour Antillais déboussolés

Flashback. Le 4 novembre 2008, un vent d’espoir a soufflé. Un moment historique plébiscité par près de 80% des Français, avec une saveur plus particulière pour les habitants d’Outre-mer, des Antilles à la Réunion.

L’élection de Barack Obama a provoqué un réel sentiment de fierté pour ces populations où le métissage fait partie intégrante de la société. Un instant unique, célébré par une liesse populaire qui vivait ce vote comme un grand tournant pour les minorités du monde entier. Pour les Antillais, un homme noir Président des États-Unis était un signe fort pour l’intégration. On entendait alors dans de nombreuses bouches : « A quand un Obama français ? » A quand un fils ou une fille d’immigré à la plus haute marche de l’État ? A quand des élites dirigeantes reflétant réellement la diversité de la société française ?

Il y a bien eu quelques effets d’annonce : Fadela Amara, Rachida Dati ou encore Rama Yade invitées à participer au gouvernement de Nicolas Sarkozy. Plus récemment Pierre N’Gahane, Français d’origine camerounaise devenu le premier Préfet noir de France. Pourtant au final, le constat est amer pour cette France de la diversité : une sous-représentation des minorités chez les hauts-fonctionnaires, chez les élus et dans la plupart des grandes formations politiques. Injustice pour certains, ségrégation officieuse pour les plus radicaux, cette situation n’en est pas moins alarmante dans un pays qui se présente comme celui des Droits de l’Homme et de l’égalité.

photo_1234949108792-1-0.jpgAujourd’hui, retour à la réalité. Incertitude et incompréhension ont remplacé espoir et fierté. La joie éphémère d’une page d’histoire qui s’écrit, a fait place aux réalités d’une société antillaise qui souffre. Un malaise social accentué par l’indifférence du gouvernement aux « S.O.S » des peuples guadeloupéens et martiniquais. Produits de première nécessité aux prix exorbitants, salaires qui stagnent et chômage galopant, voilà les problèmes à régler pour éviter l’implosion.

Mais cette crise masque surtout des problèmes profonds. Les jeunes Antillais sont désœuvrés et subissent le chômage encore plus durement qu’en métropole. Près de 40% des moins de 30 ans sont sans emploi. Beaucoup d’entre eux se perdent dans le crack et la violence. D’autre part, l’économie locale est gérée par une véritable caste d’hommes blancs : les békés. Ces descendants de grands propriétaires esclavagistes trustent plus de 40% des mannes financières de Martinique et de Guadeloupe alors qu’ils ne représentent qu’un à 2% de la population antillaise. Pour un peuple qui n’a pas encore pansé les plaies de l’esclavage, comment ne pas comprendre qu’une telle situation ne puisse évoquer chez certains un sentiment de rejet ou d’infériorité ?

Ce qui s’exprime aujourd’hui aux Antilles, c’est d’abord le désarroi de cette population qui veut être écoutée et considérée comme les autres. Aurait-on seulement imaginé que la situation dégénère à ce point dans un autre département de France métropolitaine ? A croire que la société américaine, qui appliquait une forme d’apartheid il y a encore 50 ans, a évolué plus vite que la notre, qui a abolit l’esclavage il y a plus de 150 ans…

« The change has come » lançait le slogan de Barack Obama comme un message au monde. Traduisez : le changement est venu. Et bien aux Antilles, il tarde à arriver…

Jégo ne guadeloupe pas son avion

Chaleur dans les Dom Tom. Prix trop élevés, salaires trop bas, le mécontentement s’accélère depuis le 20 janvier 2008 dans ce petit coin de paradis qu’est la Guadeloupe. Face à la contestation grandissante, la métropole s’organise. Enfin, essaye…
Yves Jégo, secrétaire d’État à l’outre mer, tente de gérer la crise aux gré de ces déplacements. Mais quand ce dernier est rappelé en urgence par le premier ministre, le règlement de la situation semble bien compromis.

Panique sous les tropiques. Depuis le 20 janvier, la Guadeloupe vit au rythme des manifestations et des blocages. En gros, c’est la galère. Le Nouvel Obs rappelle les faits : « une grève générale à l’appel de 52 organisations réunies dans un « Comité contre l’exploitation outrancière » (LKP) réclame (…) une baisse du prix des carburants, des produits de première nécessité, des impôts et des taxes, ainsi qu’une hausse du salaire minimum de 200 euros ». Une situation alarmante qui ne l’est pas forcément pour nos dirigeants. De toute façon, la Guadeloupe, c’est loin, il y fait chaud et les fonds marins sont fabuleux, alors il n’y a vraiment pas de raison de grogner. Pourtant, c’est l’escalade du mécontentement, et ce sont de 12 à 18 000 manifestants qui prennent d’assaut Pointe-à-Pitre les 29 et 30 janvier derniers.

Mais ou était Yves Jégo ? En pleine révision de l’intégrale du guide du routard collection DOM TOM ? Qui sait, en tout cas, le secrétaire d’Etat à l’outre mer a tardé à réagir. Pour le Canard Enchainé, la raison est toute autre : « Si Jégo a attendu deux semaines avant de s‘envoler pour Pointe à Pitre, c’est tout simplement parce qu’il voulait rester à Paris jusqu’au 31 janvier, jour de la réunion de son club groupusculaire Nouvelle Société ». Le temps d’enlever sa toge et d’enfiler son bikini, Jégo a tout de même fini par s’envoler le 1er février. Une réaction un peu trop tardive qui a provoqué l’amertume du président. « Il a merdé » a-t-il constaté dans le Canard Enchainé. Et de poursuivre : « Une crise comme celle de la Guadeloupe, si on ne la règle pas dans les 48 heures, on ne peut la régler normalement ».

Mais tout le monde n’a pas la frénésie présidentielle. Moins Speedy Gonzales que Rantanplan, Jégo vit la crise à la cool, sans pour autant être insensible au sort des insulaires. Dans un entretien au Journal du Dimanche, il constate une situation plus qu’alarmante : « Il est normal que l’éloignement ait un impact sur les prix, mais certains prélèvent des marges qui paraissent abusives ». Le secrétaire d’état s’est même engagé « à revenir ici chaque mois pour rendre des comptes aux Guadeloupéens » rapporte la Provence. Quel zèle ! Tu m’étonnes John, la crise aurait été à Saint Pierre et Miquelon, ça n’aurait surement pas été la même…

Guadeloupe en quarantaine: Risques de contagion

Qui n’aurait pas été séduit par une ambiance surement plus caliente que la neige parisienne ? Yves Jégo, à la fraiche et détendu de la valise diplomatique, en a même oublié d’être un sale con. Deuxième reproche de Nicolas Sarkozy recueilli par le Canard Enchainé : « Sur place, Jégo a lâché trop vite. Dans une telle négociation, si on lâche tout tout de suite, c’est la fuite en avant assurée ». En avant, on sait pas. Mais fuite, ça s’est sur il y aura. Rue 89 nous fait ainsi part du départ en urgence d’Yves Jégo : « Dimanche 8, au soir du vingtième jour de grève en Guadeloupe, le ministre de l’Outre-mer a quitté Basse-Terre, pour aller chercher « des solutions à Paris » ».

Surprise dans la population Guadeloupéenne. Mais que leur hospitalité ne soit pas mise en cause, car la raison de cette précipitation était à cherche ailleurs. Pour Bakchich, « François Fillon a la réponse. C’est lui qui a rappelé à l’ordre le secrétaire d’État, jugé trop généreux ». Le Monde indique quant à lui une autre hypothèse : « le gouvernement craint la contagion ». « En donnant satisfaction au collectif (LKP) de syndicats et d’associations de Guadeloupe qui mène la grève générale depuis le 20 janvier, l’Etat sait qu’il s’expose à coup sûr à une revendication similaire en Martinique et en Guyane » a complété Libération.

Un dossier à prendre avec des pincettes donc. Mais pourquoi utiliser des pincettes quand on peut y aller au bulldozer ? Sortant la grosse artillerie, François Fillon a enfin permis le retour dans l’ile de son secretaire d’état. « Yves Jégo est revenu en Guadeloupe dans la nuit de mardi à mercredi, en compagnie de deux médiateurs nommés par le Premier ministre, explique la Tribune. Ces derniers auront pour tâche de trouve un accord salarial entre le patronat et le collectif KLP à l’origine de la grève générale démarrée dans l’île le 20 janvier ». Et pendant ce temps, Yves Jégo retourne à son intégrale du guide du routard ?

Yves Jégo s’installe en Guadeloupe

Depuis le 20 janvier 2009, des mouvements sociaux d’une ampleur considérable bloquent l’île. Selon le MEDEF-Guadeloupe, la grève générale aurait déjà entraîné un manque à gagner de 130 millions d’euros pour l’économie locale. Après deux semaines de paralysie, le Secrétaire d’Etat à l’Outre-mer se décide enfin à agir.

Commerces et écoles fermés, habitants bloqués par la pénurie d’essence, touristes immobilisés, la Guadeloupe est en panne. La grève générale s’accompagne d’une grève des stations d’essence aux lourdes conséquences. Un collectif regroupant 46 organisations syndicales et associatives, le «Liyannaj Kont Pwofitasyon» (LKP) rassemble les foules autour de lui, dans des manifestations historiques. Le 31 janvier, ils étaient 65 000 selon le LKP et près de 20 000 selon la police dans les rues de Pointe-à-Pitre sur une population de 405500 habitants.
Le 1er février, Yves Jégo, Secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, décide de s’installer en Guadeloupe jusqu’au règlement de la crise qu’elle traverse.

« Ils ne feront pas ce qu’ils veulent dans notre pays »

La priorité pour les manifestants ? Le pouvoir d’achat et la lutte contre « la vie chère ». Concrètement, il s’agit, entre autres, d’une baisse des prix des produits de première nécessité, des impôts et des taxes, ainsi que d’une augmentation des salaires, retraites, smic ou minimum vieillesse. Mais c’est bien un ras-le-bol général qui s’exprime. Education, formation, production, service public, emploi… autant de domaines concernés par les 146 revendications du LKP. Le tout dans un climat politique tendu, étayé par des slogans tels que « La Gwadloup sé tan nou, la Gwadloup a pa ta yo : yo péké fè sa yo vlé an péyi an-nou » (« La Guadeloupe nous appartient, elle ne leur appartient pas : ils ne feront pas ce qu’ils veulent dans notre pays »).
Les gérants de stations-service grévistes, eux, refusent l’implantation de nouveaux concurrents.

Tardives négociations

Six jours de fortes mobilisations pour de premières discussions, cela peut paraître long. Et les organisateurs n’ont pas été insensibles à cette attente. Désormais, ils veulent de vraies réponses. Des négociations entamées le 26 janvier sont suspendues le 31. Devant la détermination du mouvement à ne pas lâcher prise, Yves Jégo s’est vu contraint de considérer ces évènements sérieusement, estimant la « situation explosive ».
Finalement arrivé sur place le 1er février, il évoque l’application anticipée d’un Revenu de Solidarité Active (RSA) dès 2009 pour 61 000 foyers, « un accord sur la baisse de la TVA appliquée aux produits de première nécessité », ou encore le gel du montant des loyers HLM. Il insiste sur sa volonté de contrôler la transparence des prix en Guadeloupe.
Un plan de 56 millions d’euros a aussi été posé sur la table des négociations par la région, le département et l’association des maires. Ce plan prendrait la forme de baisses de taxes et de redéploiements de crédits.
Le 2 février, Yves Jégo a annoncé la réouverture de 25 stations services (sur les 115 que compte l’île) et prévoit une réouverture de toutes les stations le 4. Optimisme forcé ou début de conciliation ?

Le Secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, en fonction depuis mars 2008, affronte un premier mandat ministériel qui ne manque pas d’obstacles. La sortie de crise de la Guadeloupe s’annonce délicate. Un risque de contagion est aussi à envisager, en Martinique notamment. Certains syndicats ont d’ores et déjà lancé un appel à la grève pour le 5 février. En mars, il devra gérer la question du référendum sur la départementalisation de Mayotte, qui attise la colère des Comores voisines.

Yves Jégo s’installe en Guadeloupe

Depuis le 20 janvier 2009, des mouvements sociaux d’une ampleur considérable bloquent l’île. Selon le MEDEF-Guadeloupe, la grève générale aurait déjà entraîné un manque à gagner de 130 millions d’euros pour l’économie locale. Après deux semaines de paralysie, le Secrétaire d’Etat à l’Outre-mer se décide enfin à agir.

Commerces et écoles fermés, habitants bloqués par la pénurie d’essence, touristes immobilisés, la Guadeloupe est en panne. La grève générale s’accompagne d’une grève des stations d’essence aux lourdes conséquences. Un collectif regroupant 46 organisations syndicales et associatives, le «Liyannaj Kont Pwofitasyon» (LKP) rassemble les foules autour de lui, dans des manifestations historiques. Le 31 janvier, ils étaient 65 000 selon le LKP et près de 20 000 selon la police dans les rues de Pointe-à-Pitre sur une population de 405500 habitants.
Le 1er février, Yves Jégo, Secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, décide de s’installer en Guadeloupe jusqu’au règlement de la crise qu’elle traverse.

« Ils ne feront pas ce qu’ils veulent dans notre pays »

La priorité pour les manifestants ? Le pouvoir d’achat et la lutte contre « la vie chère ». Concrètement, il s’agit, entre autres, d’une baisse des prix des produits de première nécessité, des impôts et des taxes, ainsi que d’une augmentation des salaires, retraites, smic ou minimum vieillesse. Mais c’est bien un ras-le-bol général qui s’exprime. Education, formation, production, service public, emploi… autant de domaines concernés par les 146 revendications du LKP. Le tout dans un climat politique tendu, étayé par des slogans tels que « La Gwadloup sé tan nou, la Gwadloup a pa ta yo : yo péké fè sa yo vlé an péyi an-nou » (« La Guadeloupe nous appartient, elle ne leur appartient pas : ils ne feront pas ce qu’ils veulent dans notre pays »).
Les gérants de stations-service grévistes, eux, refusent l’implantation de nouveaux concurrents.

Tardives négociations

Six jours de fortes mobilisations pour de premières discussions, cela peut paraître long. Et les organisateurs n’ont pas été insensibles à cette attente. Désormais, ils veulent de vraies réponses. Des négociations entamées le 26 janvier sont suspendues le 31. Devant la détermination du mouvement à ne pas lâcher prise, Yves Jégo s’est vu contraint de considérer ces évènements sérieusement, estimant la « situation explosive ».
Finalement arrivé sur place le 1er février, il évoque l’application anticipée d’un Revenu de Solidarité Active (RSA) dès 2009 pour 61 000 foyers, « un accord sur la baisse de la TVA appliquée aux produits de première nécessité », ou encore le gel du montant des loyers HLM. Il insiste sur sa volonté de contrôler la transparence des prix en Guadeloupe.
Un plan de 56 millions d’euros a aussi été posé sur la table des négociations par la région, le département et l’association des maires. Ce plan prendrait la forme de baisses de taxes et de redéploiements de crédits.
Le 2 février, Yves Jégo a annoncé la réouverture de 25 stations services (sur les 115 que compte l’île) et prévoit une réouverture de toutes les stations le 4. Optimisme forcé ou début de conciliation ?

Le Secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, en fonction depuis mars 2008, affronte un premier mandat ministériel qui ne manque pas d’obstacles. La sortie de crise de la Guadeloupe s’annonce délicate. Un risque de contagion est aussi à envisager, en Martinique notamment. Certains syndicats ont d’ores et déjà lancé un appel à la grève pour le 5 février. En mars, il devra gérer la question du référendum sur la départementalisation de Mayotte, qui attise la colère des Comores voisines.