« Le journalisme par « effraction », une réponse aux stratégies du pouvoir »

Vendredi 1er février 2008. Le journaliste Guillaume Dasquié se retrouve à nouveau face aux étudiants du Master professionnel « Métiers du Journalisme » de Montpellier. Thème de l’intervention : le journalisme par « effraction », ou comment exercer sa profession par tous les moyens et continuer de délivrer une information honnête au citoyen.

Fin novembre, il avait fait le déplacement pour parler de son expérience comme journaliste d’investigation, de sa vision du métier, et délivrer quelques conseils pratiques aux reporters en formation. Entre-temps, le 7 décembre dernier, Guillaume Dasquié a été mis en examen pour « détention et diffusion de documents ayant le caractère d’un secret de la défense nationale ».Tout ça pour avoir publié, le 17 avril 2007, dans Le Monde, une enquête qui démontrait qu’avant le 11 septembre 2001, la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) avait anticipé les menaces d’Al-Qaida sur les États-Unis et qu’elle avait transmis ces informations aux services secrets américains (voir « Dérives et pressions pendant la garde à vue du journaliste Guillaume Dasquié »). Le jeudi 24 janvier, les avocats de Guillaume Dasquié ont déposé une requête en annulation de la procédure devant la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris, au nom du droit à la protection des sources journalistiques. « Obtenir des informations sensibles génère forcément le type de réaction qui m’est arrivée. Mais ce n’est pas parce qu’un journaliste arrive à se procurer une information avec le tampon « confidentiel défense » qu’il doit tourner la tête et passer à autre chose » explique-t-il, déterminé. Presque deux mois après sa garde à vue de trente-huit heures et sa mise en examen, il revient sur sa « mésaventure », renforcé dans ses convictions :

x4cndf&v3=1&related=1

Pour Guillaume Dasquié, exercer le métier de journaliste dans un monde où règnent les stratégies de communication est devenu un sacerdoce, une mission quasi impossible sans le contournement des méthodes traditionnelles. Il introduit alors le concept d’un journalisme nerveux, virulent et déterminé, dont les seules limites restent, pour lui, la morale et l’éthique. « Les journalistes se doivent de contourner les dispositifs violents de la part des acteurs politiques ou individuels qui visent à cadenasser l’information : faire du vrai journalisme aujourd’hui, c’est faire du journalisme par « effraction » ».

x4cni5&v3=1&related=1

Qui parle de journalisme par « effraction », parle des moyens – pas toujours très légaux – que le journaliste utilise pour aller chercher l’information, ou alors pour se protéger lui-même. Le meilleur exemple : les micros et caméras cachés.

x4cnmt&v3=1&related=1

Certains professionnels, comme le journaliste Edwy Plenel, s’interdisent le recours à de tels procédés, quel que soit l’enjeu de l’information à glaner. Guillaume Dasquié, lui, ne voit ces techniques que comme des outils au service du jeu « informateur-informé ». « Pour s’en sortir dans le jeu de la communication, le journaliste ne doit pas être l’instrument du jeu, mais le manipulateur lui-même. Pour produire de l’information sur des sujets touchant la raison d’État, il faut forcément briser les règles, passer par des chemins détournés. Au bout du compte, on est soit manipulateur, soit manipulé. Au journaliste de choisir son rôle ».

En conclusion, Guillaume Dasquié évoque l’avenir du journalisme d’investigation avec le développement de l’information sur Internet. Pour lui, les médias on-line offrent de véritables perspectives : « C’est un vrai succès aujourd’hui dès que des sites Internet produisent de l’information de qualité. Ils développent une identité journalistique propre et une crédibilité supérieure aux supports papier. Les possibilités de développement ramènent les journalistes aux questions essentielles, aux bases du métier ».

Thréard – Plenel : Menaces sur la presse à l’heure du sarkozysme

Jeudi 17 janvier. Faculté de Montpellier, l’amphithéâtre est plein. A la tribune : Yves Thréard, directeur adjoint du Figaro, Edwy Plenel, de MediaPart et Paul-Henri Antonmattei, doyen de l’Université de Droit, modérateur du débat. Face à eux : près de cinq cents spectateurs, des étudiants, des professeurs, des gens intéressés par l’avenir des medias et plusieurs responsables de la presse locale (Midi Libre, Montpellier Plus, La Gazette de Montpellier, l’Agglorieuse) venus parler de « la liberté de l’information en France ». Le débat est ouvert. Les deux figures de la presse évoquent les problématiques qui pèsent sur la presse française au titre desquelles l’enjeu de l’indépendance, politique et économique, et la concentration des titres. Toutes les menaces qui pèsent sur la liberté de la presse, introduites par le doyen dans son cadre juridique, sont égrenées.

La presse et les « capitaines d’industries » : « Une presse de gouvernement »

« Par la logique de capitalisme oligarchique, débute Edwy Plenel, l’ensemble du poumon médiatique en France est dirigé par des personnes qui ont d’autres intérêts que les médias et des liens personnels avec l’homme le plus puissant de France. Aux journalistes de se battre, même si les contenus finissent toujours par être atteints ». Et d’expliquer à ses auditeurs qu’il considère que les journalistes sont dépositaires d’une responsabilité « qui vous concerne ». Même si la personnalisation de la politique entraîne le nivellement par le bas du débat démocratique. « La France est, du point de vue de la liberté démocratique et de la libre communication des idées, une démocratie de basse intensité ».

x45bfz

L’information est ainsi biaisée par la proximité affichée des patrons de presse avec le pouvoir : Arnaud Lagardère, Serge Dassault, Bernard Arnault, Vincent Bolloré, etc. Selon le fondateur de Mediapart, Bolloré notamment, qui réoriente son groupe vers les medias (Direct 8, Direct soir, Matinplus) utiliserait ses journaux pour tenter de servir ses intérêts. Le co-propriétaire, avec le groupe Le Monde, du quotidien gratuit « Matin Plus » aurait, selon Edwy Plenel, dans un objectif commercial (fabrique du caoutchouc), influencé ses quotidiens pour promouvoir une visite anecdotique du président Camerounais Paul Biya en France. L’ancien directeur du Monde parle ainsi « de presse vénale, de gouvernement » : « ces mêmes intérêts profitent de la presse pour avoir un retour sur investissement. » Le principal problème est donc pour lui l’absence de pluralisme au sein d’une presse devenue dépendante d’une seule majorité politique.

Yves Thréard, même s’il ne nie pas le risque de collusion d’intérêts, défend quant à lui l’idée qu’à l’origine du problème, il y a le fait que la presse française soit sous-capitalisée et justifie les récents investissements des « capitaines d’industrie » sans lesquels la presse papier serait déjà morte. Parmi ces « tycoons », « Il existe trois types de patrons de presse : le type Robert Hersant (feu le patron du Figaro et France-Soir), « papivore » ; les médias maîtres comme Arnaud Lagardère ou François Pinault (propriétaire du Point) pour qui le lecteur est un consommateur et le patron de type politique, à l’ancienne comme Serge Dassault. »

De ce fait, le directeur adjoint de la rédaction du Figaro conteste l’idée de l’utilisation à des fins commerciales du quotidien par son propriétaire Serge Dassault, par ailleurs sénateur UMP de l’Essonne. Selon lui, , « il a un journal pour faire oeuvre de militantisme.» Mais le journaliste, qui rappelle la tradition bien française de presse d’opinion plutôt que d’information, dit se sentir libre à son poste, considérant que le problème de censure, qu’il ne connaît pas, tourne plutôt autour d’ « une affaire de sentiment d’absence de liberté ».

x45bjf

Il n’empêche, Yves Thréard reconnaît sans peine que dans le contexte de l’effritement actuel du lectorat, les recettes de son journal, comme de beaucoup d’autres, restent garanties par la publicité. Et que la demande du lecteur elle, tend à être celle d’un consommateur d’infos people. Les rédactions, fragilisées, deviennent de plus en plus « pieds et poings liés » face aux annonceurs. Sans pub, pas d’argent. Et sans argent, pas de reportages au long cours, pas d’enquêtes fleuve.
Le responsable du Figaro se veut néanmoins optimiste: la situation ne serait pas si mauvaise pour la presse établie. Et il ne faudrait pas succomber aux sirènes du défaitisme, quelles que soient la crise et la défiance qui agitent aujourd’hui la presse. Et puis si la presse quotidienne nationale souffre, « la presse quotidienne régionale résiste mieux, tandis que la presse magazine, les « news », se portent bien ».

Thréard : « Sarkozy déteste les journalistes »

Dès la première question venant du public, un nom surgit. Un nom en sept lettres, toujours les mêmes: Sarkozy. Quelle influence? Quelles connivences? Quels liens avec les grands titres de la presse parisienne? Son rôle dans le big bang audiovisuel annoncé?
Edwy Plenel dénonce alors l’autocensure dont ont fait preuve les journalistes lors de la conférence de presse « spectacle » du Président de la République le 8 janvier dernier : « Il a parlé pendant une heure. La conférence a duré deux heures et sur 600 journalistes présents, seulement 13 questions ont été posées dont la moitié ne concernait pas la vie quotidienne des français mais la vie privée du président. »

Le directeur adjoint du Figaro semble tempérer : « Je ne pense pas que Nicolas Sarkozy soit plus censeur que ses prédécesseurs, qui l’étaient tout autant que lui », dit-il, pour mieux attaquer : « Je crois simplement que Nicolas Sarkozy, peut-être un peu plus que les autres, n’aime pas les journalistes. Et qu’on a du mal à l’accepter. » Silence dans l’amphithéâtre, Yves Thréard reprend: « Il déteste les journalistes », », lâche-t-il, avant d’ajouter: «Nous sommes des empêcheurs de tourner en rond, enfin j’espère».

x45bmi

Le vecteur Internet, « ce qui sauve »

Le débat ouvert, les journalistes se font interpeller : des étudiants contestent. La virulence des propos vis à vis de la liberté de la presse, inexistante selon eux, bouscule les polémistes et Yves Thréard, révolté, s’emporte, récusant l’idée que les journalistes soient « tous des pourris ». « C’est grave pour nous parce que ça veut dire qu’on fait très mal notre métier ». Il enjoint par ailleurs le lecteur à faire la part des choses et ne pas se laisser dominer par l’information.

Pour sa part, Edwy Plenel, évoque Edgar Morin, sociologue et philosophe français : « là où croît le péril croît aussi ce qui sauve ».

Presse gratuite, information périssable, puissance de la télévision, auto-critique journalistique inexistante ou insuffisante, tout y passe. Et on en vient inévitablement à Internet, où les projets éditoriaux (backchichinfo, Rue89, Mediapart) se multiplient. «Souffle nouveau de la presse», pour Yves Thréard, «outil qui devrait permettre la complexité de l’information» pour Edwy Plenel. Qui conclut: «Sur Internet, il n’y a pas de contrainte de place. Mais un enjeu: celui de la hiérarchie.» Et une quête : retrouver l’indépendance.

Quand l’UMP veut court-circuiter la presse d’information

Le parti présidentiel aurait-il une telle aversion de la presse ? A tel point que pour fournir l’information, il se passerait des vecteurs traditionnels que sont les journaux ? Le 21 janvier, une newsletter de l’UMP tombe : « « Réforme Hebdo », le nouveau rendez-vous des citoyens avec les responsables politiques ». « Un outil d’information transparent »…

Le mail envoyé par l’Union pour un Mouvement Populaire commence ainsi : « Le 6 novembre dernier, l’UMP a lancé le tableau de bord du suivi des engagements, un outil d’information interactif et transparent destiné à suivre les réformes et les actions engagées depuis l’élection du président de la république et sur toute la durée du quinquennat ». Le suivi informatif des réformes et actions engagées par le gouvernement sera donc effectué par …. des membres du parti majoritaire du Président de la République. L’UMP semble ainsi penser que les journalistes ne font pas leur travail de recherche, de suivi et d’information sur les projets lancés par Nicolas Sarkozy. Il leur revient donc ce privilège d’informer les citoyens sur l’état d’avancement des réformes!

La Fédération numérique, véritable outil d’action

Au cours d’un rendez-vous hebdomadaire « filmé et diffusé en différé sur le site de l’UMP » chaque vendredi, « un membre du gouvernement répondra aux questions de Jérôme Chartier, député du Val d’Oise et secrétaire national chargé du Suivi du tableau de bord, et de Thierry Solère, secrétaire national en charge de la Fédération numérique ». Jérôme Chartier occupe donc un poste au Palais Bourbon dans les rangs de la majorité présidentielle. Thierry Solère, lui, en plus de son poste de secrétaire national en charge de la Fédération numérique de l’UMP, est maire-adjoint de Boulogne-Billancourt, une banlieue riche de la petite couronne parisienne, et vice-président du Conseil Général des Hauts de Seine où a longtemps régné notre président.

l_ump_lance_sa_federation_numerique_large.jpg

Tout nouvellement créée, la Fédération numérique de l’UMP est une plate-forme (UMPnet.org) de militantisme en ligne, phénomène en plein essor. Par ce biais, le parti au pouvoir entend se positionner comme le premier parti politique français sur Internet. « Mais la plateforme Internet n’a pas pour seule fonction de représenter le parti et de le rendre visible. C’est aussi un véritable outil d’action, un « moyen de faire de la politique autrement » ». Cette plate-forme « militante » servira de support à « Reforme Hebdo » pour soi-disant informer les citoyens.

« Réforme Hebdo, outil d’information interactif et transparent » ou moyen de communication ?

Connivence, parti pris, esprit critique oublié. Ce rendez-vous hebdomadaire, présenté comme une émission d’information, frôle entre la propagande et l’outil de communication. « Proche du peuple », tout le monde a le droit de poser ses questions au membre du gouvernement invité le vendredi suivant. Les journalistes devront-ils passer désormais par ce biais pour poser les questions qui dérangent ? Mais surtout, les questions choisies « méticuleusement » par les membres de la Fédération numérique seront-elles complaisantes avec l’interviewé ? N’est-ce pas le travail journalistique des services politiques que de suivre, commenter, critiquer et fouiller l’action gouvernementale ainsi que l’application des réformes sarkozystes ?

Premiers éléments de réponse dès ce vendredi 25 janvier. Le premier invité sera l’habile négociateur Xavier Bertrand, ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité qui répondra aux questions normalement soumises par les Internautes. En somme, une sorte de conférence de presse en ligne où les organisateurs ne risquent pas d’être pris au dépourvu par des questions qui les bousculent.

Inquiètudes et précisions autour du projet de suppression de la publicité.

Lors de sa conférence de presse du lundi 8 janvier, le président de la République a annoncé le projet de supprimer la publicité sur les chaines de télévisions publiques. Depuis cette déclaration, en dépit des précisions que tentent d’apporter chaque jour les membres du gouvernement, professionnels concernés, opposition et syndicats s’inquiètent.

Nicolas Sarkozy a une nouvelle fois promis, lors de ses vœux aux forces vives de la Nation jeudi 17 Janvier, que la suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publiques serait « compensée intégralement« . Cette compensation, a précisé le président de la République, prendrait la forme « d’un financement très largement mutualisé sur la totalité des nouveaux moyens de communication« . Le chef de l’Etat a souhaité  » que le service public de la radio, regroupé au sein de Radio France, s’engage sur les mêmes orientations. »

Les espaces alloués à la publicité sur TF1 et M6 sont déjà saturé avec un taux de remplissage à 91 % et 86 %.

Taxes. Dès le lendemain, la ministre de la Culture Christine Albanel a déclaré sur l’antenne de RTL que la taxe sur les produits électroniques destinée à compenser la suppression de la publicité sur les chaînes publiques ne dépasserait pas « un maximum de 1%« . Selon la ministre, cette nouvelle redevance devrait pouvoir compenser la perte de 800 millions d’euros entrainée par la fin de la publicité sur le service public. Elle s’appliquerait aux produits électroniques grand public dotés de fonctions TV comme les téléviseurs, les ordinateurs et les téléphones mobiles. Elle s’ajouterait à une taxe prévue sur les télécommunications (Internet et téléphonie mobile) et une taxe prévue sur le surplus de publicité dont profiteraient les chaînes privées. TF1 et M6, principales bénéficiaires, devraient en effet absorber les espaces publicitaires pris sur France Télévisions. Or, les espaces alloués à la publicité sont déjà quasiment saturés avec un taux de remplissage respectivement à 91 % et 86 %, d’où l’inquiétude de Maurice Lévy, Pdg de l’agence de publicité Publicis qui déclarait le 9 Janvier sur BFM, « le marché français est un marché qui a une offre insuffisante, notamment en médias audiovisuels. Et il est clair que ne plus avoir accès à la télévision publique va handicaper le marché.« . La masse de publicité supprimée sur les chaines publiques pourrait alors se reporter sur les chaines privées de la TNT ou du câble.

Réactions immédiates. Le chef de l’Etat a fait valoir que « plus personne » n’aura ainsi « le mauvais prétexte qui consiste à dire : la tyranie de l’audience m’empêche d’avoir des programmes adaptés à une télévision publique ». Je souhaite un service public de la télévision qui soit réellement différent des chaînes privées. Parce que si le service public de la télévision fait les mêmes programmes que les chaînes privées, on peut se poser la question de l’intérêt d’un service public« , a-t-il ajouté. Dans une tribune publiée dans Le Monde daté de vendredi, Patrick de Carolis, président de France Télévisions se défend de cette affirmation et rappelle « que les chaînes du groupe font déjà une télévision bien différente de celle de leurs concurrentes privées. Quelle télévision ouvre à son public les portes de la Cité interdite ou du château de Versailles et ferme celles de la téléréalité ? ».

Face au séisme provoqué par l’annonce du président et des interrogations qui gravitent autour, le Syndicat national des journalistes (SNJ) a qualifié, dans un communiqué publié jeudi, de « leurres » les solutions avancées par Nicolas Sarkozy pour compenser la suppression des recettes publicitaires dans l’audiovisuel public, et dénoncé « l’impréparation » de l’annonce du président sur ce projet.  » De « nouvelles pistes » ont été citées dans son entourage, ce qui démontre, s’il en était besoin, l’improvisation et l’impréparation qui ont entouré l’annonce fracassante du 8 janvier dernier. « .

« Une fausse bonne idée qui cache de vraies mauvaises intentions. »

« Berlusconisation ». De même, les réactions politiques ont été immédiates. Ségolène Royale juge  » totalement irresponsable d’aller proposer la suppression d’une recette sans savoir quelle sera la recette qui viendra garantir le bon fonctionnement du service public.  » François Bayrou estime « qu’il s’agit d’un incroyable cadeau aux télévisions privées » et craint une « augmentation de la redevance et la création de taxes nouvelles« . Dans la même lignée, Patrick Bloche, vice-président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale en charge des médias dénonce un « jeu de bonneteau hasardeux consistant à déshabiller le service public pour venir à la rescousse des grandes chaînes privées dont les actions ont aussitôt décollé« . En effet, dès le lendemain de l’annonce du président, le mardi 8 janvier, la séance à la bourse de Paris était marquée par le décollage du titre TF1 de 8.38% et celui de M6 Métropole TV de 6.86%. Le groupe Bouygues, maison mère de TF1 et dont le Pdg Martin Bouygues, témoin du mariage de Nicolas Sarkozy avec Cécilia et parrain du dernier né du couple, est considéré comme le « meilleur ami » du Président, prenait 3.24 %.
Pour le responsable des questions audiovisuelles au sein du groupe PS à l’Assemblée nationale, Didier Mathus, la suppression de la publicité « est une fausse bonne idée qui cache de vraies mauvaises intentions : limiter les moyens des chaînes publiques et les contingenter en une sorte de gros Arte, qui dégagerait définitivement le terrain pour TF1, M6 et le groupe Bolloré. C’est une sorte de Berlusconisation définitive. »

Serge Halimi prend la tête du Monde Diplomatique

Le journaliste Serge Halimi a été élu à la direction du Monde diplomatique à l’unanimité par le personnel du journal lundi dernier. Il succèdera à Ignacio Ramonet en poste depuis 1991 souhaitant prendre sa retraite à la fin de son mandat en 2008.

Le conseil d’administration des Amis du Monde diplomatique doit désormais valider la candidature de Serge Halimi lors d’une réunion le 25 janvier. Le journaliste sera définitivement élu, seulement après que le conseil de surveillance de la SA Le monde diplomatique se soit prononcée.

ramon.jpg
Plusieurs candidats dont Alain Gresh, rédacteur en chef du mensuel jusqu’en décembre 2005 et longtemps considéré comme le probable successeur, ont été récusés à l’occasion de tours de scrutins précédents. Intéressé par le poste Maurice Lemoine, l’actuel rédacteur en chef s’est finalement retiré de la compétition.

Le groupe Le Monde détient 51% des parts du Monde diplomatique. Et c’est peut-être là que le bât blesse. Serge Halimi n’apparait pas comme le favori de la direction du Monde. La désignation du journaliste controversé surprend en raison des critiques qu’il développe vis-à-vis des grands médias français. Ses ouvrages phares, « Les nouveaux chiens de garde » en 1997 puis, « Le grand bond en arrière » en 2004 mettent à plat les liens entre journalistes, hommes politiques et groupes industriels ou financiers. Serge Halimi, dans son premier ouvrage faisait notamment référence à Jean-Marie Colombani, alors directeur du Monde.
serge.jpg Le 19 décembre, une nouvelle période de turbulence secoue le quotidien : le directoire démissionne après le refus de la Société des rédacteurs du Monde d’approuver le projet de budget 2008. Un évènement qui accentue le flou rencontré par les deux journaux et que Serge Halimi observe d’un œil attentif.

Le journaliste a participé à l’animation du site de l’Acrimed qui propose, comme son nom l’indique, une action critique des médias. Le site n’évoque pas le changement de direction au Monde diplomatique. Peut-être de quoi illustrer la notion de « journalisme de révérence » développée par Serge Halimi.