Grève à Rue89 : « Notre route continue »

Pascal Riché, co-fondateur et directeur de la rédaction de Rue89, était de passage à Montpellier vendredi 14 décembre. L’occasion pour les étudiants du Master 2 Métiers du journalisme de l’interroger sur le conflit qui a opposé, la semaine dernière, la rédaction de Rue89 à son actionnaire, le groupe Nouvel Observateur. Interview vidéo.

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Pascal Riché, Rue89 : réflexions sur une presse en crise

La crise qui touche la presse écrite est de plus en plus présente. Baisse de la diffusion, de la confiance envers les journalistes, journaux détenus par des actionnaires en lien avec le pouvoir. Certains ont trouvé une solution alternative et indépendante à cette situation. C’est le cas de Rue89 crée en 2007 à l’initiative d’anciens journalistes de Libération. Son rédacteur en chef, Pascal Riché, répond à nos questions.

Un point sur la situation actuelle du site Rue89

Rue 89 existe depuis trois ans et se rapproche de l’équilibre. Pascal Riché revient sur le modèle des  »pure players » et explique comment fonctionne son site d’information en ligne. Entre liberté éditoriale et légitimation de l’information sur le net, il défend, arguments à l’appui, un nouveau média qui se bat pour exister.

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Où en est la presse en ligne ?

Internet apparait pour beaucoup comme un outil où les informations ne sont pas fiables, où tout le monde peut donner son information, au risque de la dénaturer. Dans cette vidéo, Pascal Riché explique qu’il a fallu, pour les pure players, partir de zéro et se créer une image crédible et rassurante. Avec d’autres médias sur internet tels que Médiapart ou Slate, Rue 89 a participé à la création d’un statut d’éditeur en ligne où les journalistes sont reconnus comme tels.

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Les limites des médias traditionnels: l’exemple de la télévision lors de l’intervention de Nicolas Sarkozy le 16 novembre dernier. Que peut apporter la presse en ligne?

Rue 89 a, selon Pascal Riché, pour principal objectif de délivrer une information honnête et objective. Il revient sur un épisode de la vie politique française où cette exigence journalistique a été quelque peu bafouée: l’intervention, le 16 novembre 2010 de Nicolas Sarkozy à la télévision, alors interviewé par Claire Chazal, David Pujadas et Michel Denisot.

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MÀJ: 22.11.10, 23h04

Pascal Riché : les aides à la presse en ligne critiquées mais assumées par Rue89

Pascal Riché, co fondateur et rédacteur en chef de Rue89, était le 22 janvier dernier à Montpellier. Venu enseigner aux élèves journalistes les spécificités de l’écriture web, il a accepté d’aborder son aventure devant la caméra de Haut courant.

Pionnier de l’information en ligne, le site Rue 89 s’est lancé en 2007 avec pour objectif singulier de révolutionner l’information.

Il s’est principalement démarqué par son interaction avec la communauté des internautes ainsi que ses contenus multimédias, renouvelant grâce au web, le rôle et la perception du journalisme.

Dans un souci de transparence, le site privilégie un débat participatif et propose une «information à trois voix» mettant à contribution journalistes, experts et internautes. L’avantage ? Obtenir une information complétée, vérifiée, contredite… Bref, enrichie. «Un modèle repris par les sites d’information des grands journaux qui ont petit à petit intégré les blogs et le participatif» d’après l’ancien correspondant international de Libération.

L’expérimentation comme totem d’indépendance, Rue89 a su éclaircir de nombreuses zones d’ombres dans l’actualité en prenant en compte les multiples évolutions qu’offre Internet aux médias et au public. Et entend bien continuer ainsi, «sans penser au papier» et à «sa difficulté de gestion».

Les sites d’information en ligne connaissent un essor fulgurant sur la toile tandis que la presse papier ne cesse de s’affaiblir. Pourtant, ce pure-player qui ne manque pas d’ambition, reste encore à la recherche d’un modèle économique stable et viable.

Haut courant a profité de cette rencontre pour discuter de l’évolution d’une telle entreprise dans le journalisme.

60 millions d’euros de subventions pour les entreprises de presse sur Internet.

Le premier fond d’aide au développement de la presse en ligne, créé suite aux États généraux de la presse écrite, prévoit sur les trois années à venir 60 millions d’euros de subventions pour les entreprises de presse sur Internet.

Au coté de Mediapart et Slate, Rue89 a obtenu un fond d’aide de 249 000 euros. Ces pure player s’étaient regroupés autour du Spiil ( Syndicat de la Presse Indépendante d’Information en Ligne) et avaient milité pour que soit rétablie «l’équité et la transparence de ces aides à la presse».
Le montant de celles attribuées aux sites de journaux papiers n’a encore jamais été révélé à ce jour.

De nombreuses critiques mais un choix assumé

Évoquant des «conditions de concurrence faussées», Pascal Riché a exprimé la position de Rue89 face à ces subventions et explique pourquoi ils les ont accepté, malgré de nombreuses critiques.

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La presse papier ne va pas disparaitre tout de suite

Même si P.Riché reconnaît que l’essor du support numérique dans l’information «bouleverse une presse déjà fragile», il ne lui prédit pas pour autant une fin proche.

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Internet: la porte ouverte à un nouveau modèle économique de l’information

Mardi 2 février, de 17 à 19h, à la Maison des étudiants de Richter, le Master 2 management des médias de l’université Montpellier 1 recevait un colloque intitulé « Internet, quel modèle économique pour l’information ? » Elie Cohen, économiste et directeur de recherche au CNRS, et Pierre Haski, co-fondateur du site d’informations en ligne Rue89, étaient invité pour participer au débat animé et organisé par Jean Kouchner, directeur de ce même master. Compte-rendu d’un débat haut en couleur, qui a rassemblé plus d’une centaine de personnes.

Ah ben web mais bon

Le pôle 3 des Etats généraux de la presse reprend la réflexion sur le web et les modèles de journalisme qu’il importe. Seulement rien de concret n’en est sorti pour l’instant. Conscients du vide à occuper, les sites web d’information ont pris les devants. Exemples.

« Internet et les nouveaux modèles », s’il est un intitulé qui laisse espérer un vent de renouveau sur la presse française c’est bien celui du pôle 3 des Etats Généraux de la Presse Ecrite. Or, pour l’instant, c’est plutôt calme plat sur la mer numérique. Pas même une légère brise à l’horizon du .com. Certes, la révolution web vient tout juste d’entamer sa marche et les susnommés Etats Généraux ont à charge d’y répondre de la manière la plus adéquate possible, mais à l’heure numérique rien de concret, pas même un remous théorique n’émane du « think tank » présidé par Bruno Patino, l’ex patron du Monde-Interactif. De « visionnaire et reconnue » [Voir son discours inaugural du 2 Octobre]] , la réflexion plébiscitée par Nicolas Sarkozy se cantonne pour le coup à l’invisible et l’indiscernable. Même constat sur la toile, où le roulis règne en maître : quand [Rue 89 se prête au jeu, « sans illusion », MediaPart organise ses propres états généraux. Et, tant craints qu’isolés du débat, les blogueurs tanguent entre l’incrédulité et l’incompréhension la plus totale. Le triste naufrage d’une idée au départ pas si mauvaise : des Etats généraux de la presse pour sauver la presse.

Après plus d’un mois de concertations alambiquées aux aboutissements encore incertains, l’on pourrait penser qu’Internet et ses plumes ne sont pas vraiment les bienvenus aux Etats Généraux de la presse, et l’on aurait presque tort de se priver.

Comme à son habitude, Nicolas Sarkozy n’a pas tourné sept fois son curseur dans sa fenêtre avant « de lâcher son com’ » au discours inaugural du 2 Octobre. Selon le président, « pour le moment en tout cas, la presse numérique ne constitue pas un modèle alternatif rentable ». L’instigateur des Etats Généraux critique par ailleurs, comme l’avait fait Danièle Giazzi l’auteure du rapport éponyme avant lui, « le respect incertain de la propriété intellectuelle ainsi que le risque de relâchement de la qualité de l’information », supposés symptômes d’un world wide web fourre tout. Entre autre chose, le fait que les éditions électroniques de journaux proposent sans frais les archives du support papier n’est pas pour aider au constat déjà bien terne de l’Elysée. Des sites officiels qui participent à « leur propre concurrence pour rien » et une gratuité qui « aggravent les problèmes», bien loin d’enfoncer les portes le bilan présidentiel ferme les fenêtres.

C’est un fait, Nicolas Sarkozy ne croit pas, et ses amitiés propriétaires de la presse française non plus, au média Internet. Minoritaire, jugé impropre à une information de qualité et surtout inadapté aux logiques de rentabilité d’une entreprise de presse, le média numérique représenterait aux yeux du président « un espoir (…) mais aussi beaucoup de menaces ».

Alors, la réflexion sur le net n’est-elle pas à chercher du côté du banc des accusés, le net lui-même ? Car, sauf en de rares exceptions (Télérama, plus récemment Marianne et Le Parisien), la presse papier apparaît bien incapable de réfléchir posément aux Etats Généraux ainsi qu’à l’avenir de la presse qu’ils dessinent. Ce n’est un secret pour personne, les sites d’information n’en sont encore qu’à leurs balbutiements. Ses égéries, à l’instar du Monde Numérique, seraient bien en mal de survivre sans le support alimentaire des médias papiers, audiovisuels en plus de l’aide « substantielle » des agences de presse. A cet égard, Rue 89 et MediaPart ont pour ainsi dire un clic d’avance. Information gratuite, payée par la publicité et la conception de sites web d’une part, journal numérique pour abonné de l’autre, les deux sites d’information exclusivement webienne incarnent deux alternatives économiques créatrices. Partis de rien si ce n’est leur nom, leur savoir faire et l’envie de réussir là où les médias traditionnels (qui les ont formés) ont échoué, Rue 89 et Mediapart : deux médias professionnels, deux exemples à la rentabilité encore à prouver d’un possible autre choix que celui proposé par Nicolas Sarkozy. Celui des grands groupes appuyés sur les agences de presse [[Recommandation 9 du Rapport Giazzi : Doter l’Agence France Presse d’un statut et d’une
direction pérennes, soutenir son projet numérique. Danièle Giazzi estime en outre qu’il « il est indispensable de renforcer le rôle de l’AFP (…), cette institution joue un rôle central et prééminent dans la qualité de l’information diffusée par les médias français.»]] et la notion de « marque » exportable d’un média à l’autre. Car dans les rédactions de ces tout jeunes médias, tous les rédacteurs ou presque accusent d’une certaine expérience dans les médias traditionnels. Un milieu formateur, qui, semble-t-il, ne répond plus à leurs attentes fondatrices, celles que l’on se forge sur le terrain et que l’on inculque normalement dans les écoles sans jamais s’en défaire : l’objectivité d’abord, l’anticonformisme ensuite, l’information avant tout.

Ces médias uniquement internet, comparables à Bakchich et Arrêt sur Images, le Rapport Giazzi déposé en septembre dernier sur le bureau du président de la république compte bien leur apporter une aide financière méritée. Celle dont jouissent les médias traditionnels et leurs sites web depuis plusieurs années déjà [[Recommandation n°5 du rapport Giazzi : Élargir les aides de la commission paritaire aux nouveaux supports d’information, extension du régime de TVA réduite aux publications uniquement Internet.]] . Un juste retour des choses voire un rééquilibrage dira-t-on. Car, si l’est des journaux qui informent, qui ont du moins tenté de le faire durant la tenue des Etats Généraux de la Presse, ce sont bien les médias Internet (nous vous invitons à ce titre à découvrir le site norovision.fr qui développe une analyse des médias des plus pertinentes). Au risque, comme ce fut le cas pour Arrêt sur Images, de s’en voir exclu.

Ce qu’il en ressort pour l’internaute lambda? Pas grand-chose de gratuit en tout cas. Débourser quelques euros pour connaître le futur de la presse, c’est parfois cher payé mais actuellement la seule option possible devant l’insuffisance du milieu en matière d’autocritique.

« La presse n’est pas un service public »

Le vendredi 17 octobre 2008, nous avions le plaisir de recevoir Pascal Riché, co-fondateur et rédacteur en chef de Rue89.com. Fondé en 2007, ce site d’information généraliste et participatif a été conçu comme une alternative à la presse traditionnelle. C’est en réaction à la crise qui les touchait en tant que journalistes de Libération que Pascal Riché et Pierre Haski, accompagnés de Laurent Mauriac et Arnaud Aubron ont lancé ce projet.

Pascal Riché nous explique leur choix de la gratuité de l’accès au site, vu comme une propriété génétique d’Internet, légitimant ainsi le recours à la publicité :

Le site n’a cependant pas encore atteint son équilibre financier, ne bénéficiant pas des subventions accordées aux journaux traditionnels se lançant sur la toile. Pascal Riché déplore cette distorsion de la concurrence :

On pourrait croire que l’indépendance financière par rapport au pouvoir politique leur garantit une certaine liberté. Au contraire, il s’avère que Rue89 a subi des pressions, notamment au mois de juillet, après avoir diffusé une vidéo montrant Nicolas Sarkozy en off de son interview sur France 3 :

Refusant une « république bananière », Pascal Riché se dit choqué : ce n’est pas à l’Elysée d’organiser les Etats généraux de la presse :

Quoiqu’il soit, Pascal Riché reste optimiste : « Internet ne tuera pas les autres médias ».

Avec ça, vous ne pourrez plus dire que vous n’êtes pas haut courant.

Des hics et des toc : une chaotique année médiatique

Depuis son élection, Nicolas Sarkozy cohabite tant bien que mal avec les médias. Entre mépris et connivence, de nombreux sujets houleux ont parsemé la première année élyséenne de l’ancien maire de Neuilly. Suppression de la publicité télévisuelle dans le service public, polémiques autour de la nouvelle loi sur la protection des sources et conflit ouvert avec l’AFP. La presse française est menacée. Tour d’horizon d’une chaotique année politico-médiatique.

Fin janvier, un ponte du quotidien conservateur le Figaro, Yves Thréard, déclarait sans ambages ni faux-semblants : « Nicolas Sarkozy n’aime pas les journalistes, il les déteste même ». Le ton était donné.

« M. Sarkozy confond télévision publique avec télévision d’Etat »

Quelques jours auparavant, au cours de sa conférence de presse spectaculaire devant plus d’une centaine de journalistes, le président de la République a annoncé la suppression de la publicité dans l’audiovisuel public, effective dès le 1er janvier 2009, sans concertation avec les ministres et les directions concernés. Un manque à gagner de plus de 800 millions d’euros pour France Télévision qui a aussitôt fait réagir l’opposition, soupçonnant le président de favoriser par cette réforme, les affaires de groupes tel que le groupe Bouygues, propriétaire de TF1. Patrick Bloche, vice-président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale en charge des médias avait alors dénoncé un « jeu de bonneteau hasardeux consistant à déshabiller le service public pour venir à la rescousse des grandes chaînes privées dont les actions ont aussitôt décollé« .

Pour désigner le nouveau mode de financement de la télévision publique, la Commission Copé, regroupant, à parité, professionnels et parlementaires, a été mise en place. Ses conclusions, rendues le 25 juin, ont fait long feu, surpassées par la volonté présidentielle d’appliquer ses propres idées : Nicolas Sarkozy a fixé son propre calendrier (la publicité disparaitra entre 20h et 6h du matin dès janvier 2009 puis la mesure sera étendue au 1er décembre 2011 alors que la commission préconisait 2012). Pour financer le manque à gagner, le chef de l’Etat a décidé de taxer les opérateurs de téléphonie et d’Internet à 0,9 %, alors que la commission Copé proposait que cette taxe soit de 0,5 %.

Mais c’est la nomination du président de France Télévision en Conseil des ministres qui a provoqué le plus grand tollé. En lieu et place de l’actuelle nomination par le CSA, la procédure, qui accordera ce pouvoir à l’exécutif, prévaudra également pour la présidence de Radio France. « M. Sarkozy confond télévision publique avec télévision d’Etat. Il sera peut-être, demain, rédacteur en chef« , a dénoncé dans le Monde Arnaud Hamelin, producteur et président du Syndicat des agences de presse télévisées (Satev). L’indépendance des médias français, déjà fortement malmenée, encaisse là un nouveau coup dur.
Une séquence « off » du président crée la polémique

x5z26r&related=1Cette annonce coïncide avec la publication par rue89 d’une vidéo « off » du président avant une interview sur France 3. Dans ce témoignage, Nicolas Sarkozy semble rappeler qu’il est le patron du service public et promet du changement. « Ca va changer » répète-t-il énervé dans ce document. Fait-il référence à la présidence actuelle de Patrick de Carolis avec qui le ton est récemment monté ? Après avoir menacé de démissionner, le président de France Télévision s’est exprimé sur RTL : « Lorsqu’on dit qu’il n’y a pas de différence entre la télévision de service public et les télévisions privées, je trouve cela faux, je trouve cela stupide, et je trouve cela injuste ». Une sortie qui a fortement déplu à l’Elysée. Soi-disant conforté dans ses fonctions par Sarkozy, Patrick de Carolis reste ouvertement sur la sellette. Henri Guaino ne le nie d’ailleurs pas. Selon Le Monde, le conseiller du président confirme qu’une nouvelle nomination aura lieu après l’adoption de la loi. Même la majorité semble agacée par l’attitude présidentielle. « On ne peut pas s’attaquer à l’AFP et à France Télévision », se lamentait un député UMP.

Cette vidéo « off » de rue89 a également relancé le débat sur la protection des sources journalistiques. Après la demande de l’Elysée à rue89 pour que le site d’information détruise la vidéo, France 3 a ainsi porté plainte afin de découvrir la source qui a permis « la fuite » de cette séquence « off ». Une première en France : un média qui menace un autre média pour découvrir sa source. Fondateur du site menacé et ancien de Libération, Pierre Haski explique : « La lettre de l’avocat exigeait aussi que Rue89 révèle la source de ce document. Cette demande, sans précédent entre médias, avait provoqué de nombreuses protestations, notamment des journalistes et de la direction de la rédaction de France3 qui s’en sont désolidarisés. Rue89 avait refusé d’obtempérer, et la vidéo est toujours disponible ». L’usage veut que ce soit l’Etat qui perquisitionne des journaux pour trouver leurs sources. Le Canard enchainé peut en témoigner.

Protection des sources : une loi floue

En décembre dernier, le journaliste Guillaume Dasquié, spécialisé dans les enquêtes sur le renseignement, était mis en garde à vue à la DST. Au final, une mise en examen pour « détention et divulgation au public de renseignement ou fichier ayant le caractère d’un secret de la défense nationale ». « La garde à vue de Guillaume Dasquié met en relief le retard de la législation française, la plus rétrograde d’Europe pour la protection des sources des journalistes. L’article 109 du code de procédure pénale n’assure pas assez la protection des journalistes », expliquait alors Robert Ménard à Hautcourant.com. Promis dans son programme présidentiel, la nouvelle loi sur la protection des sources des journalistes a été adoptée le 15 mai en première lecture à l’Assemblée nationale. Aussitôt dénoncée par un cortège de juges, d’avocats et de journalistes, elle ne protège les sources que dans certains cas. Les journalistes satiriques espéraient une loi leur permettant de n’encourir aucune sanction devant un juge s’ils ne divulguaient pas leurs sources. Ils ont été déçus. « La justice aura le droit de rechercher l’origine d’une information de presse lorsqu’un « impératif prépondérant d’intérêt public » l’imposera, à titre exceptionnel, en cas de crime ou délit grave et si cela est absolument nécessaire à l’enquête », explique le site bakchich.info. Le flou de la formulation interpelle.

Après 14 mois de sarkozysme et de conflits politico-médiatiques, François Malye, secrétaire général du Forum des sociétés de journalistes (FSDJ), juge « qu’il y a une régression démocratique. On assiste à une reprise en main par des grands acteurs qui veulent mettre de l’ordre dans les médias ».

Thréard – Plenel : Menaces sur la presse à l’heure du sarkozysme

Jeudi 17 janvier. Faculté de Montpellier, l’amphithéâtre est plein. A la tribune : Yves Thréard, directeur adjoint du Figaro, Edwy Plenel, de MediaPart et Paul-Henri Antonmattei, doyen de l’Université de Droit, modérateur du débat. Face à eux : près de cinq cents spectateurs, des étudiants, des professeurs, des gens intéressés par l’avenir des medias et plusieurs responsables de la presse locale (Midi Libre, Montpellier Plus, La Gazette de Montpellier, l’Agglorieuse) venus parler de « la liberté de l’information en France ». Le débat est ouvert. Les deux figures de la presse évoquent les problématiques qui pèsent sur la presse française au titre desquelles l’enjeu de l’indépendance, politique et économique, et la concentration des titres. Toutes les menaces qui pèsent sur la liberté de la presse, introduites par le doyen dans son cadre juridique, sont égrenées.

La presse et les « capitaines d’industries » : « Une presse de gouvernement »

« Par la logique de capitalisme oligarchique, débute Edwy Plenel, l’ensemble du poumon médiatique en France est dirigé par des personnes qui ont d’autres intérêts que les médias et des liens personnels avec l’homme le plus puissant de France. Aux journalistes de se battre, même si les contenus finissent toujours par être atteints ». Et d’expliquer à ses auditeurs qu’il considère que les journalistes sont dépositaires d’une responsabilité « qui vous concerne ». Même si la personnalisation de la politique entraîne le nivellement par le bas du débat démocratique. « La France est, du point de vue de la liberté démocratique et de la libre communication des idées, une démocratie de basse intensité ».

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L’information est ainsi biaisée par la proximité affichée des patrons de presse avec le pouvoir : Arnaud Lagardère, Serge Dassault, Bernard Arnault, Vincent Bolloré, etc. Selon le fondateur de Mediapart, Bolloré notamment, qui réoriente son groupe vers les medias (Direct 8, Direct soir, Matinplus) utiliserait ses journaux pour tenter de servir ses intérêts. Le co-propriétaire, avec le groupe Le Monde, du quotidien gratuit « Matin Plus » aurait, selon Edwy Plenel, dans un objectif commercial (fabrique du caoutchouc), influencé ses quotidiens pour promouvoir une visite anecdotique du président Camerounais Paul Biya en France. L’ancien directeur du Monde parle ainsi « de presse vénale, de gouvernement » : « ces mêmes intérêts profitent de la presse pour avoir un retour sur investissement. » Le principal problème est donc pour lui l’absence de pluralisme au sein d’une presse devenue dépendante d’une seule majorité politique.

Yves Thréard, même s’il ne nie pas le risque de collusion d’intérêts, défend quant à lui l’idée qu’à l’origine du problème, il y a le fait que la presse française soit sous-capitalisée et justifie les récents investissements des « capitaines d’industrie » sans lesquels la presse papier serait déjà morte. Parmi ces « tycoons », « Il existe trois types de patrons de presse : le type Robert Hersant (feu le patron du Figaro et France-Soir), « papivore » ; les médias maîtres comme Arnaud Lagardère ou François Pinault (propriétaire du Point) pour qui le lecteur est un consommateur et le patron de type politique, à l’ancienne comme Serge Dassault. »

De ce fait, le directeur adjoint de la rédaction du Figaro conteste l’idée de l’utilisation à des fins commerciales du quotidien par son propriétaire Serge Dassault, par ailleurs sénateur UMP de l’Essonne. Selon lui, , « il a un journal pour faire oeuvre de militantisme.» Mais le journaliste, qui rappelle la tradition bien française de presse d’opinion plutôt que d’information, dit se sentir libre à son poste, considérant que le problème de censure, qu’il ne connaît pas, tourne plutôt autour d’ « une affaire de sentiment d’absence de liberté ».

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Il n’empêche, Yves Thréard reconnaît sans peine que dans le contexte de l’effritement actuel du lectorat, les recettes de son journal, comme de beaucoup d’autres, restent garanties par la publicité. Et que la demande du lecteur elle, tend à être celle d’un consommateur d’infos people. Les rédactions, fragilisées, deviennent de plus en plus « pieds et poings liés » face aux annonceurs. Sans pub, pas d’argent. Et sans argent, pas de reportages au long cours, pas d’enquêtes fleuve.
Le responsable du Figaro se veut néanmoins optimiste: la situation ne serait pas si mauvaise pour la presse établie. Et il ne faudrait pas succomber aux sirènes du défaitisme, quelles que soient la crise et la défiance qui agitent aujourd’hui la presse. Et puis si la presse quotidienne nationale souffre, « la presse quotidienne régionale résiste mieux, tandis que la presse magazine, les « news », se portent bien ».

Thréard : « Sarkozy déteste les journalistes »

Dès la première question venant du public, un nom surgit. Un nom en sept lettres, toujours les mêmes: Sarkozy. Quelle influence? Quelles connivences? Quels liens avec les grands titres de la presse parisienne? Son rôle dans le big bang audiovisuel annoncé?
Edwy Plenel dénonce alors l’autocensure dont ont fait preuve les journalistes lors de la conférence de presse « spectacle » du Président de la République le 8 janvier dernier : « Il a parlé pendant une heure. La conférence a duré deux heures et sur 600 journalistes présents, seulement 13 questions ont été posées dont la moitié ne concernait pas la vie quotidienne des français mais la vie privée du président. »

Le directeur adjoint du Figaro semble tempérer : « Je ne pense pas que Nicolas Sarkozy soit plus censeur que ses prédécesseurs, qui l’étaient tout autant que lui », dit-il, pour mieux attaquer : « Je crois simplement que Nicolas Sarkozy, peut-être un peu plus que les autres, n’aime pas les journalistes. Et qu’on a du mal à l’accepter. » Silence dans l’amphithéâtre, Yves Thréard reprend: « Il déteste les journalistes », », lâche-t-il, avant d’ajouter: «Nous sommes des empêcheurs de tourner en rond, enfin j’espère».

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Le vecteur Internet, « ce qui sauve »

Le débat ouvert, les journalistes se font interpeller : des étudiants contestent. La virulence des propos vis à vis de la liberté de la presse, inexistante selon eux, bouscule les polémistes et Yves Thréard, révolté, s’emporte, récusant l’idée que les journalistes soient « tous des pourris ». « C’est grave pour nous parce que ça veut dire qu’on fait très mal notre métier ». Il enjoint par ailleurs le lecteur à faire la part des choses et ne pas se laisser dominer par l’information.

Pour sa part, Edwy Plenel, évoque Edgar Morin, sociologue et philosophe français : « là où croît le péril croît aussi ce qui sauve ».

Presse gratuite, information périssable, puissance de la télévision, auto-critique journalistique inexistante ou insuffisante, tout y passe. Et on en vient inévitablement à Internet, où les projets éditoriaux (backchichinfo, Rue89, Mediapart) se multiplient. «Souffle nouveau de la presse», pour Yves Thréard, «outil qui devrait permettre la complexité de l’information» pour Edwy Plenel. Qui conclut: «Sur Internet, il n’y a pas de contrainte de place. Mais un enjeu: celui de la hiérarchie.» Et une quête : retrouver l’indépendance.

David Abiker

David Abiker, chroniqueur sur France Info et le site Arrêt sur Images, était vendredi 7 décembre invité à Montpellier dans le cadre d’une conférence au bénéfice des étudiants du Master Journalisme de la faculté de Droit. Il s’est exprimé sur son métier de chroniqueur et sur les mutations que subit l’information avec le support que représente Internet. Il a ensuite répondu aux questions d’un étudiant.

Dans un premier temps, il a décrit son parcours professionnel et ce qui l’a amené aux métiers de l’écrit. Suite à une première carrière dans la communication il s’est s’intéressé à l’écriture de chroniques. Après une remise en question, David Abiker a abandonné le salariat pour se consacrer à la chronique. Son attrait pour l’écriture et l’aspect sociologique du net l’ont poussé vers les blogs. De là, il s’est familiarisé avec le quotidien des internautes (blogs, etc.)
Il présente par ailleurs les sites sur lesquels il aime aller chercher de l’information.

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Plus spécifiquement sur les enjeux d’Internet pour l’information, David Abiker revient sur l’impact de la publicité sur la toile et s’attarde sur le positionnement des journaux, qu’ils soient en papier ou virtuels. Il dénonce à ce titre l’autocensure dont peuvent user les rédactions, ainsi que la dépendance qui peut exister à l’égard de l’actionnaire majoritaire.
Presses papier et web se complètent sur les contenus, et forment un ensemble dont le journaliste est l’éclaireur auprès des citoyens.

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Les projets de sites d’informations fleurissent à l’heure actuelle, entre Arrêt sur images, MediaPart, et les projets gratuits comme Rue89 ou Marianne2. Chacun envisage un modèle économique et un public, profitant des transformations des habitudes des citoyens en matière de multimédia. Le chroniqueur détaille et donne son point de vue sur la question et approfondit l’épineux problème de l’impact du payant pour l’information elle-même.

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Féru de blogs, il revient sur l’importance des commentaires, et du « tout participatif » que promet Internet. Si l’intérêt s’avère souvent limité, le commentaire permet toutefois de quantifier l’intérêt du lecteur, chose impossible à réaliser dans le journal papier.

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Pour finir, l’invité du master revient sur les sites en ligne des quotidiens de référence, et l’idée qu’il se fait de l’avenir de la presse, dont il voit la complémentarité entre le net et le papier.

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Après la conférence et l’entretien, instructifs et chaleureux, David Abiker s’est rendu au Club de la Presse de Montpellier.