« C’est bien de déguster les vins, mais il faut pouvoir les vendre après »

Comment un caviste bio indépendant visite un salon du vin bio ? Nous avons suivi le caviste de la Cave du Boutonnet pendant une matinée.

Il est arrivé au salon avec une liste de quelques producteurs à aller voir. Muni de son cahier – et de son palais -, le commerçant de la Cave du Boutonnet, Laurent de Zanet, a prévu d’arpenter le salon sur deux jours à la recherche de nouveautés à proposer à ses clients. Il en profitera aussi pour aller voir les producteurs avec qui il travaille déjà : « cela permet d’entretenir des relations de fournisseur à distributeur » précise-t-il.

Analyser ses besoins

« Avant de débarquer sur le salon, il y a un travail de préparation, un travail de recherche » explique le caviste. Pour la liste des nouveautés à aller voir, il a d’abord analysé ses besoins. Là, il manque notamment de Bourgogne, et cherche, si possible, un chablis : « je travaille déjà avec un château mais j’aimerais trouver plus abordable », annonce-t-il. Problème : « certains exposants n’ont plus de vin à vendre et ne sont là que pour voir leurs clients établis » soupire le caviste bio.
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Le business avant le plaisir

L’autre difficulté est de ne pas se laisser emporter par des dégustations car « les vins il faut pouvoir les vendre après ». Le caviste se rappelle cela à lui-même, après une dégustation d’un champagne bio qui l’a subjugué, à en croire ses commentaires : « c’est magnifique ça c’est fin c’est élégant, c’est… ». A la fin de la dégustation, il prend la carte des vignerons et prévient qu’il prendra contact avec eux pour parler prix. « Il faut toujours avoir en tête de replacer les choses dans mon contexte de petite cave de quartier ». Il explique qu’il achète des nouveautés en fonction des prix d’abord, de sa clientèle, et aussi de ses goûts personnels « mais parfois je me trompe, j’ai des bouteilles qui ne partent pas » avoue-t-il. N’ayant « pas la place et peu de demande » pour les vins étrangers, il se consacre aux vins français. Pendant les dégustations, le caviste marque ses impressions dans son carnet (« léger », « croquant », …) et attribue des notations aux vins sous forme de « + ».

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Le commerçant a sélectionné, en amont du salon, huit producteurs à aller voir.
Crédit : © Fanny Rousset

Le caviste se dirige maintenant vers un stand de Bourgogne et reconnaît un vigneron héraultais, Louis Aleman (Domaine du Clos Roca) : « il me livre tous les mois, on se connaît bien ». Et là, c’est parti pour une dégustation de toute sa gamme. Le « 15 » – comprenez 2015 -, le « 16 », son nouveau vin sans sulfite… Les dégustations s’enchaînent et les commentaires avec : « c’est joli à la fin », « le 16 est moins souple, il n’est pas serré », et le caviste n’hésite pas à dire ce qu’il pense à son copain vigneron : « je trouve que là ça… ça manque de caractère ».

Arrivé au stand bourguignon, Laurent est content de trouver un producteur certifié Demeter, le label gageur de la production en biodynamie. Il goûte toute la gamme, soit tout de même douze vins différents ! Mais il faut bien tester la marchandise. Heureusement, il recrache tous les vins qu’il goûte.
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Il enchaîne ensuite sa visite avec un vigneron du Languedoc, à Millésime Bio pour la première fois. Là encore, il est plutôt satisfait de ce qu’il goûte. Il demande une carte des prix avant de s’éloigner faire une petite pause débrief.

Cet habitué de Millésime Bio, mais aussi des salons off qui ont lieu en même temps à Montpellier, met donc beaucoup de sérieux et d’application dans les visites de ces salons. Mais « les producteurs tentent surtout d’attirer des importateurs qui prennent beaucoup de volumes, plutôt que des cavistes indépendants comme moi », confie-t-il.

Le vin bio non européen est-il bien bio ?

Au salon Millésime Bio à Montpellier, certains vins viennent de loin. L’Amérique du sud, l’Afrique, l’Australie, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande sont représentés au plus grand salon de vins bio du monde. Mais les vignobles de ces pays sont-ils en accord avec les critères européens de l’agriculture biologique ? Haut courant a mené l’enquête.

« Pourquoi avoir choisi un sujet aussi chiant ? », demande Simon Daure propriétaire du domaine Viña las Niñas, dans la région de Santa Cruz au Chili. En effet, le sujet de la certification bio est loin d’être sexy. Mais un consommateur averti en vaut bien deux, voire trois ! Nous avons donc cherché à savoir si notre vin bio du Chili est bien conforme au bio européen. Pour le président du salon Patrick Guiraud, la question ne se pose pas : « s’ils sont sur le salon c’est qu’ils sont certifiés biologiques ». Comprendre le pourquoi du comment de la procédure fut un long chemin semé de verres de vins. Aucun vigneron ou négociant interviewé n’a une vision globale des démarches administratives. Les deux contrôleurs de l’organisme de certification Ecocert interrogés, n’ont pas la totalité des informations en mains non plus. Mais en recoupant les témoignages et avec l’aide de Valérie Pladeau, ingénieure à Sudvinbio, nous avons réussi à reconstituer le parcours d’importation du vin bio en Europe.

Premier cas de figure : l’équivalence entre le pays exportateur et l’Union Européenne

Si le vin provient d’un pays qui a des équivalences avec l’Union Européenne, la certification du pays tiers suffit pour être certifié bio en Europe. Par exemple, le clos Henry Vineyard, dans la région de Marlborough en Nouvelle-Zélande, est certifié par l’organisme Bio-Gro, comme étant conforme aux standards de la Nouvelle-Zélande. L’Union européenne reconnaît le label de ce pays, le vigneron peut donc appliquer « l’eurofeuille » sur ses bouteilles. -571.jpgPour l’instant, en ce qui concerne le vin, l’Union Européenne a reconnu l’équivalence de cinq pays tiers : le Canada, les États-Unis, la Suisse, la Nouvelle-Zélande et dernièrement le Chili. L’Europe à des équivalences sur les produits biologiques avec huit autres pays (Australie, Argentine, Japon, Tunisie, République de Corée, Costa-Rica, Israël, Inde), mais elles ne concernent pas le vin pour ceux-ci.
L’équivalence ne signifie pas que les réglementations bio de ces pays correspondent exactement à celles de l’Union. Par exemple, les Etats-Unis sont plus strictes sur la définition d’un vin biologique. La dose de sulfites (additifs utilisés pour la vinification) autorisée dans le vin est de 100mg/l chez l’oncle Sam, alors qu’elle varie de 100 à 170 mg/l, en fonction des vins, dans le règlement européen.

Deuxième cas de figure : passer par un organisme de certification

Certains pays comme l’Afrique du Sud, l’Australie ou l’Argentine, ne sont pas reconnus comme équivalents par la commission européenne. Les vignerons et les négociants doivent donc passer par des organismes certificateurs pour exporter leur production. Le français Ecocert, l’allemand BCS, ou le néerlandais Control Union ont des filiales sur tous les continents. « Une soixantaine de ces organismes sont reconnus par l’Union Européenne », précise Valérie Pladeau, ingénieure à Sudvinbio. Être certifié bio d’après le cahier des charges de ces organismes suffit pour recevoir « l’eurofeuille ». C’est le cas d’Andrej Razumovsky, vigneron dans la région de Mendoza en Argentine. Il est certifié Argencert Organico en Argentine, une filiale d’Ecocert. Il respecte un cahier des charges accepté par la Commission Européenne et peut donc exporter son vin bio en Europe.
Ce régime d’importation devrait changer d’ici 2021, en parallèle de la révision générale du règlement bio. « Les organismes devront revoir leurs cahiers des charges pour correspondre stricto sensu au règlement européen », explique Valérie Pladeau.

Du bio sans logo

Louis Boutinot, responsable exportation au Domaine Waterkloof en Afrique du Sud est bien loin de ces considérations. Il n’appose aucun logo bio sur ses bouteilles. « Je ne veux pas être catégorisé », confie-t-il. Selon lui, le bio regroupe une grande diversité de produits plus ou moins respectueux de l’environnement. Il fait du vin bio par conviction et par souci de qualité, mais ne voit pas le besoin de l’afficher sur ses bouteilles. « Je suis tout de même certifié Ecocert, comme ça mes clients peuvent vérifier mes pratiques », précise Louis Boutinot. Mais sa décision n’est pas inaliénable : « Si j’ai une grosse commande qui me demande d’apposer le logo européen, je le ferai ».
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Un double contrôle du vin bio

Les exportateurs sont contrôlés dans leur pays d’origine mais aussi dans le pays d’importation. L’importateur du vin bio est soumis à l’évaluation d’un organisme de certification, qui vérifie l’origine de la production. C’est un contrôle au prisme de la documentation. « S’il y a des doutes, le contrôleur peut demander une analyse par prélèvement », explique un contrôleur Ecocert. Ces contrôles sont critiqués par certains vignerons. « Parfois c’est un peu du pipeau, on a l’impression que les contrôleurs ne connaissent pas grand chose à la vigne », confie un exportateur qui taira son nom. « Ils vérifient plus la taille du logo que ce qui se passe dans les champs … ».

Le Bio-protectionnisme entre pays

« Les négociations d’équivalence entre pays c’est compliqué », commente Valérie Pladeau. En effet, chaque pays cherche à protéger son marché. Jusqu’il y a deux ans, il fallait faire venir un contrôleur chinois pour certifier en bio son exploitation. « C’est politique, les Chinois veulent favoriser leur propre production », confie un jeune contrôleur d’Ecocert. Mais cela « bouge » avec la hausse de la demande en bio dans les pays émergents.

Le vin bio voyage-t-il trop ?

Pourquoi produire en respectant l’environnement, puis envoyer son vin bio à l’autre bout du monde, à l’aide de transports peu écologiques ? Cette question taraude nos esprits innocents. Après quelques recherches, nous découvrons que nous ne sommes pas les seuls à trouver cela paradoxal. L’organisme privé Bio Suisse, qui gère le label Bourgeon, interdit les transports en avion des produits labellisés. Mais ceci s’applique rarement au vin, puisque l’exportation se fait principalement en bateau. Cet impact écologique négatif, les exportateurs le regrettent et le justifient souvent par « la petite taille de leur marché » respectif. D’après Patrick Guiraud, le président de Sudvinbio, ce phénomène est minime : « 98% des vins consommés en France sont français, seul 2% proviennent de l’étranger ». Ces 2%, englobent les vins européens et les vins extra-européens. Mais la France ne représente pas la diversité de la situation européenne. L’Allemagne, la Suède, ou le Danemark sont de grands pays importateurs. Principalement des trois plus grands producteurs de vin bio : l’Espagne, l’Italie et la France. La part exacte de vin bio non européen importé dans l’Union européenne reste pour l’instant un mystère.

Le vin bio victime de son succès ?

En sept ans, le chiffre d’affaire du vin bio en France a triplé pour s’élever à plus de 1,2 milliard d’euros. Conséquence de ce succès, les rayons bio sont régulièrement vides. Face au risque de pénurie, la production biologique peut-elle suivre le rythme ?

Le bio bientôt en rupture de stock, qui aurait pu imaginer un tel phénomène ? Longtemps considéré comme un produit destiné à une élite, le bio s’est démocratisé : un Français sur trois déclare avoir consommé du vin bio d’après une enquête d’IPSOS pour Sudvinbio. En 2016, les consommateurs y ont consacré 792 millions d’euros dans les surfaces de vente. Le marché français des vins bio a été multiplié par quatre en douze ans. Et, cerise (bio, bien sûr) sur le gâteau, les Français sont prêts à dépenser davantage pour un produit comme le vin que pour les autres produits agroalimentaires.
Contrairement aux idées reçues, l’écart de prix entre le vin bio et le vin conventionnel est faible. L’offre se fait sur un cœur de gamme qui se situe à 75% à moins de 15 euros la bouteille d’après une étude réalisée par Agrex Consulting pour Sudvinbio. Le bio séduit de plus en plus, à tel point que 10% des consommateurs de vin bio ne consomment plus du tout de vins conventionnels. Une révolution.
Face à cette demande grisante, la production s’accélère aussi. En 2016, la France comptait 5263 exploitations viticoles soit 70 740 ha de vignes en bio, soit 9% du vignoble national (contre 6% en 2010). Malgré la croissance de la production, la consommation biologique est bien plus rapide. En septembre 2017, le directeur de l’agence Bio, Florent Guhl, alertait sur les risques de pénurie des produits bio. La viticulture biologique est aujourd’hui confrontée à de nouveaux défis.

Face à cette demande exponentielle, il y aurait urgence à augmenter les surfaces et les rendements. Pas si simple. Les conversions vers le bio ont ralenti ces dernières années, avec en 2016 une croissance de « seulement » 10%. Plusieurs producteurs sont aussi revenus au conventionnel à cause des complications liées, par exemple, au climat. Pas toujours évident non plus de convaincre une population viticole vieillissante de vite se convertir au bio. Par ailleurs, la conversion bio n’est pas une promenade de santé : coût, respect du cahier des charges européens et vulnérabilité des vignes face aux aléas climatiques… en dissuadent plus d’un. Autre ombre au tableau : le désengagement progressif de l’État, source d’inquiétude pour les vignerons .
Par le jeu de cette bonne vieille loi de l’offre et de la demande, le risque est aujourd’hui de voir le prix de la bouteille de vin bio flamber.

Vers une flambée des prix du vin bio ?

Or, pour Florent Guhl, directeur de l’Agence bio comme pour Patrick Guiraud, président de Sudvinbio, le prix reste le frein numéro un pour les consommateurs. Leur objectif est de maintenir le faible écart de prix entre le vin conventionnel et le vin bio. La distribution est donc un véritable enjeu. Le vin bio est très convoité et personne n’est prêt à lâcher la grappe.
En 2016, la vente directe est le principal circuit de distribution à 41% et les magasins bio et les cavistes représentent 42% des ventes de vin bio. Mais les grandes et moyennes surfaces (GMS) captent 17% du marché et s’emparent de plus en plus du bio. Les hypermarchés actuellement en crise, profitent de ce succès pour se faire des marges excessives comme le révèle l’UFC Que Choisir.
Le recours à l’importation est-il inévitable ?
Un risque peu avéré pour les deux spécialistes car les autres pays sont également confrontés au même problème de pénurie. Les consommateurs bio recherchent avant tout des produits français. Une chose est sûre, ils ne pourront pas suivre l’inflation des prix du bio.

Ecocert : déambulation avec «la police» bio du salon

Ils considèrent leur mission comme la « sauvegarde de la réputation » du salon. Les contrôleurs du label bio Ecocert ont inspecté les allées du Millésime Bio pour épingler d’éventuels vignerons fraudeurs ou distraits. Les réactions peuvent être épidermiques… ou pas. Reportage.

«Vous voulez voir quoi exactement ?». Le contrôleur à peine salué, le ton est donné. «Simplement votre certificat bio, l’étiquetage de vos bouteilles et leur provenance pour m’assurer qu’elles soient bien toutes issues du même domaine». Paul Robinet, formulaire au bras, tente d’apaiser la vigneronne, les yeux au ciel à l’écoute de sa réponse. Un soupir. Les sourcils en circonflexe. Une moue barre son visage. À l’évidence, la présence du contrôleur sur son stand du Millésime Bio l’agace autant qu’elle la surprend. « Je l’ai déjà montré lors de l’inscription au salon. Je ne l’ai pas avec moi sous forme papier. Je ne pensais pas en avoir besoin puisque je ne savais pas qu’il y aurait encore des contrôles ».

Argument courant selon Paul Robinet. Pourtant, la présence sur deux jours des cinq employés de l’organisme de certification indépendant Ecocert, mandaté par Millésime Bio, a été annoncée au préalable sur le site officiel de l’événement.

« – Franchement, inspecter sur le salon, c’est… »
« – En quoi est-ce un problème Madame ? »
« – Ça fait perdre du temps
», s’agace-t-elle.

Car il est vrai que des contrôles ont déjà été effectués en amont auprès de chaque exposant, par les organisateurs eux-mêmes.

L’épreuve – même si elle n’est que de courte durée – peut, de fait, légitimement exaspérer. Et ce genre de réaction épidermique – bien que marginale, selon les contrôleurs, sur les 200 stands inspectés -, Paul Robinet les comprend : « La filière oenologique est l’une des plus contrôlées. Et celle du bio, la plus visée par les scandales. La sincérité des producteurs est souvent remise en cause. Il s’agit donc pour eux d’un énième contrôle ».

Apporter de la crédibilité au salon

Une impression d’être «suspect» pas très agréable donc. Mais selon eux, indispensable : «Nous vérifions que le certificat est en cours de validité, que tous les produits en exposition sur le stand sont exclusivement bio et qu’un seul domaine soit représenté, explique Paul Robinet. Nous ne sommes, certes, pas la garantie la plus forte du salon, mais nous assurons la cohérence entre tous les exposants et faisons en sorte que les visiteurs ne soient pas floués. Il est question de la sauvegarde de la qualité et de l’image de prestige du Millésime Bio ».

« Globalement, les gens le comprennent assez bien, tient à préciser l’un de ses collègues, Julien Pezet. Certains sont même contents. Comme les habitués par exemple. Car ils estiment que cela apporte de la crédibilité à l’événement».

Des sanctions graduelles

Mais pour d’autres, qui dit contrôles dit sanctions. « C’est vrai qu’on est perçus comme la police du salon », continue Paul Robinet. Et c’est pour cela « qu’on essaye d’y aller en douceur. Après tout, on n’est pas des huissiers. On est surtout là pour rectifier le tir. Ce sont des contrôles essentiellement dissuasifs. On ne fait que dresser un rapport. La sanction n’est pas de notre ressort » mais bien de celle des organisateurs.

En plus d’être décidées au cas par cas, les sanctions sont graduelles. Elles peuvent aller du simple avertissement à l’exclusion du salon, avec effet immédiat. « Tout dépend de la gravité de la fraude, explique Cendrine Vimont, chargée de communication et relations presse. Si la personne ne fait qu’exposer ses vins en conversion, on lui demandera de les ranger immédiatement. En revanche, si elle fait déguster du conventionnel, elle peut risquer une exclusion de un à trois ans du Millésime Bio. »

« Tout le monde se surveille »

Dans le cas de cette vigneronne, le contrôle était aléatoire. Mais les deux-tiers des stands à inspecter résultent d’une présélection établie par les organisateurs de l’événement selon des profils dits « à risques » : les primo-exposants peut-être pas complètement au fait du règlement du salon, les exploitants mixtes qui pourraient profiter de l’occasion pour exposer ou faire déguster leur production conventionnelle ou encore les « récidivistes » ayant déjà reçu un avertissement l’an passé.

Mais Paul Robinet le confesse, «nous effectuons parfois des contrôles sur dénonciations. Il y a de la concurrence entre les vignerons. Tout le monde se surveille».

Mais ici, la commerciale était totalement clean. Son certificat a été présenté sous forme digitale. Et si des contre-étiquettes manquaient à quelques bouteilles, pas de quoi alarmer le contrôleur : « Elle n’ont peut-être tout simplement pas pu être étiquetées à temps ».

Avant de s’éclipser, une signature en bas du formulaire, quelques impressions échangées sur le salon avec la collaboratrice de la vigneronne… elle, déjà partie, sans piper mots.

Tous nouveaux, tous bio !

Ils dévoilent leurs bouteilles pour la première fois dans les allées du Millésime Bio. Zoom sur 5 des 75 primo-exposants de 2018.

Ils sont Français, Italiens et Roumains. Tous jeunes certifiés (2015, 2016, 2017). Ils n’ont pas attendu longtemps avant de s’exposer sur le salon mondial du vin bio, au cours duquel ils espèrent conquérir les visiteurs… et de nouveaux marchés.

Domaine de Bon Augure

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Appellation : Haute Vallée de L’Orb IGP
Producteur : Cédric Guy
Date de certification bio : 2016
Biodynamie : Certification Demeter en cours
Taille du domaine : 6 hectares
Marchés : France et Europe
« Le bio est surtout un argument commercial. C’est obligatoire d’être en bio aujourd’hui ! »

Château Jean Faure

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Appellation : Saint-Emilion grand cru AOP
Producteur : Olivier Decelle
Date de certification bio : 2017
Biodynamie : début de conversion en cours
Taille du domaine : 18 hectares
Marchés : 50% en France et 50% à l’export (Nord de l’Europe, Chine)
« On a toujours eu la philosophie du bio. Même avant d’être certifiés, on travaillait en bio »

Les Vignerons Parisiens

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« Nous sommes un chai urbain : les vignes sont dans le Rhône, mais la vinification se fait à Paris, dans le troisième arrondissement » explique le commercial, Emmanuel Gagnepain.
Appellation : France sans IG
Producteur : Matthieu Bosser
Date de certification bio : 2015 depuis le début
Biodynamie : Oui pour 2/5 des vignes
Taille du domaine : 4 hectares
Marchés : USA, Canada, Japon, Angleterre. Fournisseur du Restaurant Ducasse. « Notre marketing est basé sur l’image de Paris mais cela ne suffit pas. Il faut que le vin soit bon ! ».

Tenuta Stella

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Appellation : Collio Goriziano DOC (vin italien)
Producteur : Alberto Faggiani
Date de certification Bio : 2016 « On a toujours travaillé en bio, même avant la certification » précise la commerciale.
Biodynamie : non
Taille du domaine : 5 hectares
Marchés : 15 – 20% à l’export : USA, Angleterre, Allemagne, Australie. « On souhaite vraiment augmenter les ventes à l’export. En Italie, le marché du vin bio n’est pas encore très installé. »

Domeniul Bogdan

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Appellation : Roumanie
Producteur : Bodgan Mihalcea
Date de certification : 2016, depuis le début
Biodynamie : « Nous avons entamé la procédure pour être en biodynamie. Nous serons les premiers à être en biodynamie en Roumanie ! »
Tailles du domaine : 153 hectares
Marchés : France, Europe, Asie (Japon, Corée du Sud)

Des scénarios d’avenir pour la folle aventure du vin bio

Lors du salon Millésime Bio des chercheurs de France AgriMer ont rendu public un rapport qui dresse de prometteuses perspectives d’avenir pour les vins bio. Les scénarios sont là, l’heure est au choix pour la filière.

Tout a changé en trois ans. Mais les mêmes interrogations demeurent. En 2015, France AgriMer lance une vaste étude prospective sur la filière viticole bio alors en plein doute sur son avenir. A l’époque, les professionnels s’interrogent sur la capacité du marché à absorber leur production bio et, de manière plus globale, sur les désirs des consommateurs. Trois ans plus tard, en 2018 donc, la situation est tout autre : les consommateurs se tournent de plus en plus vers les produits bio… et les vins de la filière sont même en situation de pénurie !

Présentée mardi 30 janvier, au deuxième jour du salon Millésime bio, l’étude prospective de France AgriMer (réalisée avec Montpellier SupAgro) dresse cinq scénarios. «Aucun n’est vrai, aucun n’est faux», tient à souligner Hervé Hannin, ingénieur de recherche de Montpellier SupAgro. Durant 14 mois, les chercheurs ont surtout tenté d’anticiper les évolutions possibles de la filière pour lui permettre de faire ses propres choix et d’être «dans une philosophie de l’action». Ils ont développé un outil d’aide à la décision mais pas question pour eux d’imposer leur vision ou un scenario en particulier. En se penchant sur un horizon de 20-25 ans, l’étude dresse un panorama très large des évolutions possibles de la filière.

La démarche se veut scientifique et a été élaborée selon trois paramètres. Tout d’abord, ils ont voulu que tous les acteurs de la filière française des vins bio, des vignerons aux négociants en passant par les syndicats interprofessionnels ou encore les coopératives, soient bien représentés dans leur étude. Le travail s’est ensuite concentré sur la production des différentes hypothèses (plus de 800 au total) sur la base de thèmes à enjeu pour l’avenir. Enfin ces différentes hypothèses ont été combinées pour écrire des scénarios d’avenir pour le secteur.
Ils dépendent, par exemple, d’éléments de contexte comme «le changement climatique, le pouvoir d’achat, les attentes des consommateurs, le statut du vin sur le marché mondial, les politiques publiques» explicite Françoise Brugière, chef de la mission prospective chez France AgriMer.

Au final cinq scénarios principaux ont été retenus: la filière bio essaie de survivre, elle gère sa rente de situation, disparaît pour renaitre, elle assume sa croissance quantitative ou, à l’inverse, la filière se réduit au segment premium «vin bio et santé». Dans certains scénarios se croisent des pistes envisageables pour l’avenir tels que le positionnement du bio comme un produit haut de gamme ou encore comme un produit reconnu pour ses bienfaits pour l’environnement et la santé. L’un des enjeux évoqués par les scénarios est de se questionner sur l’intégration du progrès technique par les vignerons et ainsi pouvoir satisfaire la demande croissante de la part des consommateurs.
Comme le rappelle Gwenaelle Le Guillou, directrice du syndicat des Vignerons Bio de Nouvelle Aquitaine, la prospective a été élaborée pour «sortir des à priori. On a essayé de réfléchir en positif et négatif en évoquant ce qu’on souhaite pour la filière».

En conclusion de cette présentation à Millésime Bio, France Vin Bio -l’association nationale interprofessionnelle des vins bio- a indiqué être en train de réaliser un plan d’action en s’appuyant sur les différents scénarios d’avenir de la filière. Ce plan sera composé d’un tronc commun et sera décliné différemment selon les bassins viticoles. «Il ne faut pas gommer les spécificités régionales» a rappelé justement Hervé Hannin. Thierry Duchenne, le directeur de Sudvinbio, a soulevé l’idée d’un «chantier» tout en mentionnant le fait de ne pas «choisir un scénario, c’est utopique».

Changement climatique : Quand la vigne trinque les vignerons s’adaptent

Vendanges plus précoces, raisins plus sucrés, vins plus forts en alcool. Très exposée aux effets du réchauffement climatique, la viticulture doit adapter ses pratiques. Sur le terrain, ni inquiets, ni sereins, les professionnels de la vigne en conviennent : les vignerons sont déjà des experts de l’adaptation. Un climatologue et deux vignerons de l’Hérault croisent leurs regards sur la situation.

2°C. C’est la différence de température observable entre le haut et le bas de la pente d’une parcelle de vignoble de coteau, due au seul fait du dénivelé et de l’exposition. Mais 2°C, c’est aussi l’augmentation de la température liée au réchauffement climatique à horizon 2100 que les signataires de l’accord de Paris se sont engagés à ne pas dépasser.
Climatologue et géographe, directeur de recherche au CNRS, Hervé Quénol étudie depuis une dizaine d’années les effets du réchauffement climatique sur la viticulture. Dans le cadre de projets de recherche, tels Laccave en France ou Life-Adviclim au niveau européen, il collecte des données dans les vignes. Sa conviction : « A l’échelle de son exploitation, le vigneron est déjà capable de s’adapter! ».

Virgile Joly, propriétaire du domaine homonyme à Saint-Saturnin-de-Lucian, entre Lodève et Clermont-l’Herault, confirme : «Les agriculteurs sont habitués à vivre avec les aléas et à s’adapter en permanence».

Pour autant, les impacts du réchauffement climatique sont bien réels et l’avenir de la profession viticole se construit en les prenant en compte. « La température augmente encore plus rapidement que ce qu’on avait imaginé, il faudra une large gamme d’adaptation », constate le chercheur. Il y a dix ans, la réalité du changement climatique en laissait plus d’un dubitatif. Aujourd’hui, la majorité des agriculteurs a pris conscience du défi à relever.  « On le ressent, il y a de plus en plus d’années de sécheresse, en 30 ans, les vendanges ont avancé d’une demi journée par an! », s’exclame François Delhon, vigneron trentenaire du Domaine Bassac, au nord de Béziers.

La viticulture, particulièrement exposée au changement du climat

Face aux trois grandes manifestations du réchauffement de la planète – hausse des températures, sécheresse, augmentation des extrêmes climatiques comme le gel ou les périodes de très fortes chaleurs – la viticulture est en première ligne, explique Hervé Quénol.

« Depuis quelques années on a des températures moyennes plus élevées, les hivers sont moins rudes, cela élimine moins de parasites. Quand les étés sont trop chauds, la photosynthèse peut ne plus se faire, cela bloque la maturité des raisins », relate Virgile Joly. « Les années de sécheresse, on observe des rendements en baisse d’environ 15% », constate de son côté François Delhon.

Culture dite « pérenne », la vigne reste en place d’une année sur l’autre. En cas de pépin, le viticulteur ne peut se résoudre à tout arracher pour repartir du bon pied l’année suivante. Deuxième particularité, « la vigne est touchée par le réchauffement climatique à deux niveaux : la plante et le raisin », continue le climatologue. Et les effets du réchauffement s’immiscent jusque dans le verre. « Plus de sucre, moins d’acidité, plus d’alcool », liste Hervé Quénol. Alors qu’une pêche plus ou moins sucrée d’une année sur l’autre ne va pas perturber le consommateur, la modification des caractéristiques des vins inquiète d’avantage. Sur ce point, le chercheur se veut pragmatique : « Les caractéristiques des vins ont toujours évoluées dans le temps, les gouts des consommateurs également ».

Une adaptation sur mesure

L’adaptation des pratiques s’impose comme la seule alternative pour dompter les impacts de l’emballement du climat. Depuis quinze ans, les chercheurs s’y intéressent de près. La complexité : les impacts du changement climatique sont différents selon les régions. « Il y a des régions viticoles où le réchauffement climatique est positif. Des pays comme l’Angleterre, l’Allemagne, la Suède peuvent maintenant avoir une qualité de vin qu’ils n’avaient pas », précise Hervé Quénol. La bonne échelle de réflexion sévère être le vignoble. Autant dire, du sur-mesure.

« On en est à la deuxième année de sécheresse, cela fait se poser des questions. Quelles vignes va-t-on planter pour l’avenir? », se demande Virgile Joly. Lui a choisi le vermentino, que l’on retrouve en Corse, mais aussi le carignan, bien adapté.
C’est le principal questionnement des viticulteurs : le choix des cépages et porte-greffes. « Ils plantent pour 30 ans, ils ne peuvent pas se tromper », explique Hervé Quénol.

Pour le climatologue, les connaissances emmagasinées en terme d’adaptation commencent à être suffisamment pertinentes pour un conseil de qualité. « Oui, on a pas mal d’information, ça s’organise », confirme Virgile Joly. Pour les vignerons, tous les moyens sont bons pour dégoter des bonnes pratiques. « On va voir ce que font les autres, les pays du Sud, on travaille avec les ingénieurs agro, les pépinières…», raconte François Delhon.

Quant à la question de l’utilisation de l’eau, selon Hervé Quénol, c’est le prochain enjeu majeur. Le développement de l’irrigation sera nécessaire dans certaines régions, à l’instar du sud de la France. Dans un contexte où l’utilisation de l’or bleu par l’agriculture est déjà sous forte tension, le débat entre profession viticole et pouvoirs publics s’annonce compliqué.

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Vieille terre de vin, la Slovénie affiche ses pionniers bio

Une longue histoire viticole, une petite production encore méconnue et de gros efforts pour se tailler une place sur le marché du vin. Les Slovènes cherchent aujourd’hui une reconnaissance difficile à mettre en place, spécialement pour le vin bio. Rencontre avec de jeunes vignerons du cru.

« Chez nous le vin est une vraie tradition qui remonte à plusieurs centaines d’années !  » s’exclame Matej Korenika, vigneron trentenaire à Izola, en Slovénie. Un cri du cœur pour ce passionné vivant dans ce petit pays d’Europe centrale de deux millions d’habitants. La Slovénie a depuis longtemps une tradition agricole, et plus particulièrement viticole. Ses origines remonteraient aux tribus celtes installées dans la région il y a plus de 2400 ans. Historiquement, on distingue trois grandes aires viticoles dans ce pays d’ex-Yougoslavie . « La plus importante se nomme Primorska, elle se situe à l’ouest avec des vignobles bordant la Méditerranée », où Samo Premrn a ses pieds de vigne. Les deux autres régions se répartissent entre les vallées de la Save (Posavje), au sud le long de la frontière croate, et celle de la Drave (Podravje), près de la frontière autrichienne à l’est. Les Slovènes l’affirment : c’est ici que pousse la plus vieille vigne du monde à la maigre production réservée aux chefs d’État de passage. A Maribor, deuxième ville du pays, une vigne daterait de plus de 400 ans ! A l’image de ce pays aux paysages éclectiques entre Alpes juliennes et mer Méditerranée, les différentes régions viticoles répondent à des caractéristiques climatiques et telluriques spécifiques : 52 cépages différents y prospèrent. Avec un petit vignoble d’environ 20000 hectares, la Slovénie dispose d’un vrai savoir-faire avec 30 000 personnes travaillant dans le secteur, selon l’Office National Slovène des Statistiques.

Un vin qui peine à s’exporter

Si les slovènes sont producteurs depuis longtemps, ils sont également de très gros consommateurs de vin. Ils ingurgitent près de 43,6 litres de vin par an et par personne en moyenne. Un chiffre record qui les place sur la deuxième marche du podium des plus gros buveurs de vin juste derrière les Français. Le niveau de la production slovène ne suffit pas à répondre à la demande intérieure. En 2016, le pays a pressé près de 660 000 hectolitres de vin selon l’office slovène des statistiques pour une consommation intérieure de 810 000 hectolitres. Une forte demande qui a longtemps bridé les exportations slovènes. L’indépendance du pays en 1991 puis son adhésion à l’Union Européenne en 2007 ont conduit les vignerons locaux à se tourner vers l’extérieur. «  Le vin slovène commence à se tailler une solide réputation, assure Samo Premrn, jeune vigneron de 37 ans, nos possibilités d’exportations s’agrandissent  ». Une réalité pour les trois exposants locaux du Salon Millésime Bio puisqu’ils exportent près de 30% de leurs productions dans le monde. « Mes premiers marchés à l’international sont l’Italie, la Suisse et enfin la France » explique Matej Korenika.

Le difficile démarrage du vin bio

Alors pourquoi aussi peu de producteurs slovènes au salon Millésime Bio ?  « Le bio est encore embryonnaire en Slovénie, cela représente selon moi 3% des vignobles » témoigne Matej, passé en bio depuis 2013. « Les vignerons slovènes ont peur de passer au bio, rapporte-t-il, du fait de la perte de quantité, du prix jugé trop haut ou encore d’un climat trop difficile notamment du côté de la frontière autrichienne ». Une difficulté à la conversion encore plus forte pour la biodynamie. Matej compte parmi les huit agriculteurs slovènes à exploiter leurs vignes selon cette technique: « En Slovénie, la biodynamie c’est considéré comme l’enfer, soupire le vigneron trentenaire, quand vous commencez à parler du cahier des charges à respecter, les vignerons prennent peur ». -566.jpg Korenika&Moskon, son domaine de 30 hectares est aujourd’hui le principal producteur en biodyamie slovène mais la conversion ne fût pas de tout repos. « Quand nous avons commencé notre conversion pour obtenir le logo Demeter, nous avons dû demander un partage d’expérience à des vignerons italiens ». Un changement de paradigme compliqué qui lui a fait perdre de nombreuses parts de marchés en Slovénie. Néanmoins, la vision des slovènes est en train de changer : « Le mouvement autour de l’agriculture biologique est en train de prendre de l’ampleur, et les gens commencent à y être sensibles », explique Samo Premrn du domaine Pasji Rep. Un effet boule de neige « qui pousse de plus en plus de producteurs à se tourner vers le bio » dans le pays. Et pourquoi pas à venir garnir les stands du Salon Millésime Bio.

Les associations de vigneronnes, «un état d’esprit»

Longtemps, les femmes ont été les invisibles des vignes. Mais depuis environ dix ans, certaines se sont fédérées en associations ou réseaux d’entraide et occupent une place entière dans la sphère viticole. Alors pourquoi ces femmes, désormais reconnues dans leur métier continuent d’avoir des organisations à elles? Explications avec Valérie Tabariès-Ibanez, présidente de l’association Vinifilles.

L’association Vinifilles regroupe 18 vigneronnes en Languedoc-Roussillon, dont 80% sont en bio. Créée en 2009, cette association est essentiellement axée sur «l’entraide de vigneronnes» explique Valérie Tabariès-Ibanez. «On est passionnées, et notre but est de partager, entre femmes, notre métier» ajoute-t-elle.
Les maitres mots de l’association sont : l’entraide, la formation et la solidarité. Leur objectif principal ? Se soutenir entre femmes qui exercent ce même métier. Et valoriser le fait qu’elles sont des actrices majeures dans leur domaine, même si elles travaillent souvent en collaboration avec des hommes, comme leur mari ou frère.

Ces femmes se veulent féminines mais pas féministes. Elles ne revendiquent pas plus d’égalité homme-femme dans la sphère viticole. Leur mission – «faire avancer les choses»– se traduit surtout par plus de soutien, de solidarité et d’entraide entre elles. Mais c’est aussi une touche féminine qu’elles assurent ajouter aux vins qu’elles produisent. «Je pense qu’on a une sensibilité propre à la gente féminine » souligne cette vigneronne de l’Hérault. A l’entendre expliquer cette notion, on pourrait la résumer ainsi : plus de subtilité. En plus d’être « plus efficaces » s’amuse notre vigneronne héraultaise, en conciliant enfants, vie de famille et travail.

Au sein du Cercle Femmes de vin qui regroupent neuf associations de femmes viticultrices, «la solidarité» est une valeur cardinale, insiste la présidente de Vinifilles. Qui explique en quoi «se fédérer» a été important. Avant d’ajouter: «c’est toujours mieux de faire les choses à plusieurs, c’est plus drôle et plus efficace». Et aussi «moins cher». Bref, un «état d’esprit»
Illustration de cette solidarité affichée: des cagnottes ont été mises en place pour palier aux coups durs et pertes de rendements liés à des problèmes climatiques, techniques ou autres. La présidente raconte ainsi que l’année dernière, elles ont aidé une de leur vigneronne en difficulté à s’en sortir. Et c’est toujours le cas. « Ça aide vraiment » insiste Valérie Tabariès-Ibanez.
Pour autant, elle remarque que certaines vigneronnes ne sont pas membre d’associations et s’en sortent très bien. Finalement, c’est peut-être là le meilleur signe que les femmes sont désormais des professionnelles de la vigne comme les autres.

Les buveurs de bio vus de derrière les comptoirs

Qui achète et boit du vin bio ? Eléments de réponse chez les cavistes, restaurateurs et dans les supermarchés de Montpellier.

Vous avez sans doute remarqué, lorsqu’un samedi à 19h, vous allez en vitesse au supermarché du coin acheter une bouteille de vin, que le rayon abrite plusieurs bouteilles étiquetées « bio », et que là, vous vous dîtes « Ah tiens, pourquoi pas ? » Ou alors « Non, très peu pour moi ». Toujours est-il que, selon une étude de Sudvinbio (PDF), le vin bio, labellisé, se porte bien. En 2016, les ventes de vin bio ont progressé de 18 % sur le marché français et de 32 % à l’export par rapport à 2015. Aussi, l’enquête Sudvinbio-Ipsos 2015 (PDF), montre qu’en France, 35,8 % des sondés boivent du vin bio, régulièrement ou de temps en temps.

Mais qui sont les consommateurs de vin bio ? L’enquête Sudvinbio-Ipsos montre qu’il s’agit d’un public plus jeune, plus féminin et plus soucieux de la sécurité alimentaire et des problèmes environnementaux que les consommateurs de vins conventionnels.

L’Occitanie est la première productrice française de vin bio avec plus de 25 000 ha de vignes en bio. Alors, chez les cavistes, dans les restaurants et dans les supermarchés de Montpellier, quelle part le vin bio occupe-t-il ? Est-il un argument de vente ? Et quel est le profil de ses acheteurs ?

Pour y répondre, direction les cavistes, les supermarchés et les grands restaurants de la capitale héraultaise.

Du vin bio partout ou presque

Chez les cavistes généralistes, le bio occupe une place plus ou moins importante. « Aux grands vins de France » ou à la « Maison régionale des vins et des produits du terroir », c’est 60 à 75 % de bouteilles bio. Alors qu’à la cave de « La Courte Échelle » aux Beaux-Arts, il n’y a que 30% de bio : « Je préfère diversifier mon offre car beaucoup de vins bio se ressemblent » prévient le caviste, Philippe Allègre. En revanche, les trois confrères s’accordent sur le fait qu’il y a une réelle demande et que leur stock de vins bio tend à augmenter.

Mais par-dessus tout, ce qui compte d’abord pour eux, c’est que le vin soit bon : « Le bio est un argument de vente car c’est le petit plus » déclare le caviste d’ « Aux grands vins de France ».

La « Cave du Boutonnet » et « La cave des Arceaux » ont, elles, fait du bio leur crédo. Le gérant de la première, Laurent de Zanet, propose 100% de vins naturels et bio. « Aujourd’hui, les gens, et pas que les bobos, sont très sensibles au bio et veulent des produits sains » déclame-t-il. Selon lui, les goûts des vins bio sont plus variés que ceux des vins conventionnels. Chez la deuxième cave, 95 % des bouteilles sont bio : « C’est la région qui veut ça, et c’est aussi la politique de la maison » déclarent les sommelières.

Les gens sont souriants quand on leur dit que c’est du bio

Côté restaurants, les gastronomiques proposent également une grande proportion de vins bio. Rue de l’Aiguillerie, chez « Cellier Morel, La Maison de la Lozère », 60 à 70% des vins sont bio. « Les gens sont souriants quand on leur dit que c’est du bio » s’enthousiasme Alexandre Ségura, le sommelier. À « La Réserve Rimbaud », au bord du Lez, 80% de la carte des vins est bio. La sommelière, Céline Dalbin, précise cependant que le restaurant « n’a pas une démarche pro-bio et que ce n’est pas un argument mis en avant. Notre philosophie est plutôt celle du terroir et de la qualité ».

Enfin, sur trois restaurants non-gastronomiques contactés, deux proposent entre deux et quatre bouteilles bio à leur carte tandis que le dernier y est complètement réfractaire.

-564.jpg Quant aux trois supermarchés visités… ils en ont ! Et de plus en plus : entre 15 et 30 références selon les différentes enseignes. En général mélangés aux autres vins, ils se cachent aussi parfois au rayon bio du magasin. Les prix commencent à 4,50€ environ pour monter jusqu’à 30€.

Le profil des clients n’est pas simple à dresser. Les experts interrogés dégagent quelques tendances lourdes (jeunes, femmes, écolo, qui mangent bio) mais d’autres profils se laissent parfois tenter.

Et les vins naturels ? Là aussi, les cavistes observent une forte demande. Mais ces vins sont plus chers que les bio car plus complexes à produire. Comptez au minimum 10€ « Aux grands vins de France », par exemple alors qu’un vin bio débute à 6€ en magasin spécialisé.

Alors, si vous n’êtes pas complètement réfractaire au bio, la prochaine fois que vous hésiterez chez votre caviste, au restaurant ou au supermarché, lâchez-vous sur l’étiquette verte… c’est sans danger !