«Nous ne sommes pas une petite partie jetable de la gauche»

Les Verts de Jean-Louis Roumégas, et la liste d’Hélène Mandroux n’ont pas réussi à s’entendre pour le second tour des élections municipales. Avec 11,12% des suffrages, ils se présentent alliés à la liste Montpellier écologique, sociale, vraiment à gauche conduite par Francis Viguié (5,46%). Explications d’Emmanuel Reynaud, secrétaire régional des verts.

Contre toutes attentes, Les Verts présentent au second tour une liste commune avec Montpellier écologique, sociale, vraiment à gauche.

Oui, la liste de Francis Viguié qui regroupe la LCR, les Collectifs Unitaires Anti-Libéraux (CUAL) et Montpellier Tous Ensemble (MTE). C’est une liste de gauche alternative très diverse, comme ils aiment à le montrer. On a pu se contacter rapidement, car on partage beaucoup de combats. Nos militants se connaissent. Pour le coup, il y avait urgence. Eux comme nous avons du y réfléchir très vite du fait des contraintes légales (dépôt des listes en préfecture mardi à 18H) et logistique (impression des professions de foi et du matériel de vote).

Vous n’aviez jamais envisagé de ne pas fusionner avec la liste d’Hélène Mandoux?

Non, jamais! Si on l’avez envisagé, nous n’aurions pas agit comme ça vis à vis du parti socialiste. Nous avons cru un accord possible, cela aurait été si nous avions eu face à nous des partenaires loyaux. Georges Frêche avait déclaré «vouloir nous faire descendre en dessous des 10%», mais c’était avant le premier tour. Nous avons prouvé que nous étions une force électorale, et les politiques ont le devoir de respecter les gens.

Pendant la campagne, le message que nous passions était qu’il fallait que l’on fasse plus de 10% pour peser, mais qu’ensuite on conclurait une alliance avec Hélène Mandroux pour le second tour. Elle, de son coté, acquiesçait. Au second tour, on va demander aux électeurs s’ils pensent qu’Hélène Mandroux a bien fait d’éjecter les Verts, et donc de dire aux 9000 personnes qui ont voté pour la liste de Jean-Louis Roumégas : «Vous ne m’intéressez pas». Elle les place sur le même plan que les électeurs de Jacques Domergue. Ni eux, ni nos électeurs n’auront droit à la parole. C’est plutôt grave.

Emmanuel Reynaud (à gauche) et les photographes de presse le 9 mars au soir

Quelles sont les conséquences pour vous, d’une entrée dans l’opposition?

Nous avons toujours été pragmatique. Il n’y a pas d’opposition de principe à avoir. En revanche, en cas de désaccord avec la majorité, nous n’aurons pas de compromis à faire. Nos électeurs nous soutiennent. Il n’y aura pas de «vote utile», Hélène Mandroux a déjà gagné. Quand on est dans sa position, agir comme elle l’a fait avec nous est synonyme d’arrogance. En ce qui me concerne, je n’aimerai pas être dans la liste Mandroux à l’heure actuelle, avec ceux qui ont participé à l’éviction de l’écologie de la ville de Montpellier. Qui va nous protéger demain des promoteurs immobiliers? Je ne vois pas ce que le MoDem de Dufour et le PCF peuvent apporter à cette ville.

Les Verts, ne sont pas là pour protéger des pâquerettes! Nous avons un message fort qui concerne la planète, l’environnement, et donc les gens. Je ne comprends pas qu’elle abandonne l’écologie au profit d’une absence de projet pour la ville. Si on en croit la profession de foi de Mandroux, elle est pour l’emploi, pour le logement, pour l’environnement. C’est bien. Comme tout le monde en fait. Le seul message politique que délivre cette liste c’est: «Nous sommes les plus forts, donc on fait ce que l’on veut!».

«Nous avons un problème avec Georges Frêche»

Hélène Mandroux vous a proposé 4 sièges au conseil municipal, au final vous en visez 6 dont 2 accordé à la liste de Francis Viguié. Qu’est-ce que ça change?

La politique ce n’est pas de la comptabilité! Il est question de rester debout, on ne peut pas accepter n’importe quoi. Quand on est élu on représente des gens, en l’occurrence, les 9000 qui ont voté pour nous. Ils l’ont fait pour un projet et c’est pour celui-ci que l’on se bat. Si on ne pèse pas au sein d’une majorité, à quoi ça sert? En étant dans l’opposition, on crée des lignes pour l’avenir. On sera là pour rappeler le message que les électeurs écologistes ont voulu faire passer.

On sera également là pour faire passer un message: «Nous avons un problème avec Georges Frêche». Nous l’avons toujours dit. Ce message sera plus clair si on est dans l’opposition. Honnêtement, le traitement «Frêchiste» réservé à l’opposition, nous ne le souhaitons à personne. Ses méthodes sont presque dignes de la Stasi [[Police Politique de la RDA]] ! Le principe c’est l’intimidation et la menace. Il n’y a aucune humanité dans sa façon de traiter les gens. Il faut admettre que les choses ne sont plus comme ça depuis Mandroux. Contrairement à Frêche, elle est humaine. Profondément.

Pourtant vous ne cessez de pointer sa «déloyauté»

Elle est mal entourée. On se demande qui tire les ficelles dans cette liste, elle s’est tellement contredite! Elle n’a pas cessé de dire qu’elle voulait des verts. Je renvoie au PS les mots de Robert Navarro [[1er secrétaire de la fédération socialiste de l’Hérault]] : «Quand on veut vraiment un accord, on le trouve».

Georges Frêche dit vouloir faire à Montpellier avec cette alliance qui va du PCF au MoDem un «Laboratoire d’un futur parti de gouvernement». Pourquoi le fait-il sans les Verts? C’est ne pas tenir compte des résultats! Nous ne sommes pas une petite partie jetable de la gauche! Nous notre propos n’est pas de faire que Montpellier soit aussi gros que Shangaï. Sans prétention, les verts veulent pouvoir peser sur l’avenir de la planète.

Georges Frêche, victime de ses excès verbaux ou Le Pen de gauche ?

Dans le cadre de la sortie de son nouveau livre, « L’assassinat raté de Georges Frêche » (Editions Singulières), Alain Rollat, ancien journaliste au Monde et fondateur de La Gazette de Sète, revient sur ce qu’il appelle un « cas d’école ». Deux ans après l’affaire dite des « sous-hommes », l’auteur décrypte les rouages de la machine médiatique qui selon lui se serait emballée contre le président de la région Languedoc Roussillon. Après le scandale des «Blacks de l’équipe de France», ce sont ces deux « affaires » qui l’ont « décidé à opérer sur Georges Frêche un arrêt sur image, (…), comprendre comment ce notable auréolé par ses œuvres montpelliéraines avait pu devenir ce despote taxé de racisme dont la plupart des médias véhiculaient l’image. »

A quelques jours de la sortie officielle de son ouvrage (prévue pour le 21 février 2008) que nous avons pu nous procurer, Alain Rollat nous a accordé un entretien exclusif.

Avant d’aborder le sujet du livre, Alain Rollat revient sur le rachat du groupe des Journaux du Midi et la responsabilité du Groupe Le Monde dans cette affaire.
Alain Rollat a propos du Midi Libre

Hautcourant : Pourquoi ce livre ?

Alain Rollat : Pour opposer mon objection déontologique à l’équation aberrante selon laquelle Frêche serait assimilable à Le Pen. L’idée que je me fais du journalisme m’a conduit à démontrer l’absurdité de cette fausse symétrie. Je me suis attelé au décryptage de cette image mensongère parce que personne, visiblement, n’avait envie de le faire. J’ai cherché à comprendre pourquoi et j’ai démonté un mécanisme médiatique prouvant que l’addition de demi-vérités ne fait pas toujours une somme véridique.

Vous comparez le cas de Georges Frêche avec la vindicte roumaine, avec le massacre d’Ouvéa et les prisonniers israéliens. N’est-ce pas là une façon de créer de l’émotion avec Frêche que de comparer des scandales d’Etat, des prises d’otage, des exécutions sommaires de tyrans, des manipulations dramatiques, avec la vindicte dont est victime un seul homme et seulement pour des mots ?

Attention aux raccourcis trompeurs ! Le cas Frêche me paraît un cas d’école, en matière de traitement de l’information, parce qu’il prouve que l’addition de bouts de vérité ne fait pas toujours une vérité vraie. Quand je me réfère au syndrome de Timisoara je le fais pour renvoyer à un phénomène identifié : le refus, parfois observé chez les médias, de sortir de l’erreur collective consécutive à un emballement irrationnel. Quand je rappelle certaines des folles rumeurs colportées en Nouvelle-Calédonie dans la période où je « couvrais » ce sujet pour Le Monde, je le fais pour illustrer le complexe de Sem et Japhet exposé dans la Bible : le refus de voir la réalité en face comme les fils de Noé refusaient le spectacle de leur père ivre…Je ne recherche aucun effet émotionnel, je m’inscris dans une méthodologie qui m’oblige à préciser quels instruments j’utilise pour ma démonstration. Les comparaisons auxquelles je procède ont justement pour but de montrer qu’en politique le mot ne suffit pas à faire l’homme. Chez Frêche, l’emploi du mot « sous-hommes » présentait toutes les apparences du racisme mais cela n’autorisait pas à conclure que Frêche était raciste. Quand le journalisme se fait sommaire il n’est plus digne de ce nom.

Votre ouvrage paraît inattaquable sur le fond, vous démontez l’engrenage dans lequel Georges Frêche a été pris. Dans ce cas pensez-vous qu’il existe des vérités de fait absolues qui ne souffrent pas la contradiction ?

Les vérités de fait n’étant que des vérités « modestes », selon le qualificatif d’Hannah Arendt, elles ne sauraient être absolues. Les vérités journalistiques ne sont pas des vérités scientifiques. C’est justement pour cela que les règles déontologiques du journalisme préfèrent les notions d’intégrité et d’honnêteté intellectuelle au critère prétentieux de l’objectivité qui n’est que l’horizon à atteindre…

A propos de l’affaire des harkis, et sans avoir à préjuger de l’antiracisme de Frêche, est-il acceptable qu’un homme politique puisse utiliser en public de tels termes teintés de populisme ? Cela vaut aussi pour l’affaire des Blacks dans l’équipe de France ?

Non, aucun homme politique ne saurait être exonéré de ses écarts de langage. Populisme rime avec démagogie. Mais, en démocratie, c’est au citoyen qu’il appartient d’être vigilant. On a les élus qu’on mérite.

Avec cette affaire, Georges Frêche n’est-il pas dans la situation de l’arroseur arrosé et n’a-t-il pas suscité les réactions que l’on sait dans la mesure où, le matin même, à une inauguration du tramway, il avait justement déjà estimé que les harkis étaient « les cocus de l’UMP » ?

Oui, vous avez raison. A force de verser dans la violence verbale Georges Frêche a subi un retour de manivelle qui a coalisé contre lui, chez ses adversaires, comme chez certains de ses propres amis, ainsi que chez les journalistes locaux, tous ceux qui ne supportaient plus ses excès de langage. Ceux-là ont été ravis de le voir puni par là où il avait péché…De là à écrire « Frêche = Le Pen »… Les journalistes qui ont franchi ce pas ont manqué à toute retenue, et surtout à leur devoir d’information véridique.

A propos des malheurs de Frêche avec la Septimanie, l’An I de la gratuité, le Midi Libre se défendait des attaques du président de la région en arguant que le quotidien faisait son travail. Les articles étaient tous négatifs selon vous. Est-ce que Midi Libre avait un parti pris ou a fait preuve de négligence ?

Le rachat du groupe des Journaux du Midi, laisse à craindre, selon Alain Rollat un « appauvrissement du contenu rédactionnel« .

Alain Rollat sur La Depeche du Midi (2)

La défense de Midi Libre aurait été plus crédible si le quotidien régional s’était montré équitable. En montant en épingle tout ce qui apparaissait en négatif dans le bilan régional de Frêche, à l’automne 2005, sans publier en regard tout ce qui pouvait apparaître en positif, Midi Libre a donné le bâton pour se faire battre. Frêche y a vu une volonté de lui nuire, il a déclenché des représailles en privant le journal d’une partie de ses recettes publicitaires, puis ce contentieux a dégénéré quand l’affaire des « sous-hommes » a éclaté, en février 2006. A ce moment là Midi Libre a réglé ses comptes avec Frêche dans tous les sens du terme. Il a préféré la loi du talion à celle de l’information, ce n’était plus du journalisme mais une vulgaire empoignade.

Georges Frêche s’est-il réjoui des turbulences du Midi Libre? L’auteur donne son avis sur les relations qui unissent une presse régionale et la classe politique.
Alain Rollat, presse régionale et pouvoir politique (3)

Vous parlez des relations entre le président de la région et le Midi Libre qui sont houleuses. Le Midi Libre n’a-t-il que des torts ? Dans son rapport aux médias Frêche n’utilise-t-il pas des moyens de pression ?

Non, tous les torts ne sont pas du côté de Midi Libre. Georges Frêche a fait de ses rapports avec la presse des rapports de force et dans ce genre de situation la vie est difficile pour tout le monde. Le traitement de l’information en subit fatalement des conséquences et c’est dommage.

Dans la lutte des quotidiens régionaux ou locaux La Gazette est souvent taxée de « frêchiste ». Est-ce avéré ? Et cela n’est-il pas de nature à créer un système médiatique binaire ?

La Gazette de Montpellier s’est construite, depuis 1987, en opposition culturelle au contenu de Midi Libre qui était alors en situation de monopole. Et il vaut toujours mieux, où que ce soit, disposer de deux journaux plutôt que d’un seul. L’information des Montpelliérains y a trouvé son compte. Georges Frêche, dont les relations avec Midi Libre ont toujours été tumultueuses, a naturellement tiré profit de ce pluralisme mais le contenu de La Gazette a toujours été équilibré. Je veux dire que si son fondateur, Pierre Serre, ne fait pas mystère de ses convictions de gauche, ni de sa sympathie personnelle pour Georges Frêche, le contenu de son hebdomadaire n’est pas, pour autant, celui d’un journal militant ou celui d’un journal inféodé. Frêche n’y est pas épargné quand il mérite d’être épinglé. Le succès spectaculaire de La Gazette prouve, me semble-t-il, que, à Montpellier, les citoyens apprécient beaucoup la diversité que leur garantit ce système binaire en matière d’information, sans oublier la contribution satirique de « L’Agglo-rieuse »…

Après les deux livres de Delacroix et Maoudj votre ouvrage a-t-il vocation à servir de synthèse ou à faire pencher la balance ?

Mon livre n’est ni un pamphlet ni un dithyrambe. Je ne suis plus, depuis très longtemps, en recherche de vocation. Si ma démonstration pouvait faire réfléchir certains de mes jeunes confrères à la nécessité de l’humilité dans la pratique de notre métier – et parfois au devoir de dire « non » à son propre employeur- j’en serais le plus heureux des vieux crabes…

Alain Rollat, ancien du Monde et des Journaux du Midi, se sait attendu par la profession sur le contenu de son livre. Ne craint-il pas une levée de boucliers? Pourquoi parler de « cas d’école »?
Alain Rollat se sait attendu par la presse sur la sortie de son livre

Frêche a-t-il encore un avenir politique (région ou ministère) ?

Il ne sera jamais ministre et il le sait. C’est trop tard. Quel chef de gouvernement prendrait d’ailleurs le risque de sa « grande gueule » ? Georges Frêche aspire à finir sa carrière au Sénat et à exercer un second mandat à la présidence de notre région. Je lui souhaite de sortir de la vie politique par cette grande porte car il mérite mieux que l’image qu’il donne trop souvent de lui-même.

Quel avenir entre Georges Frêche et le nouveau groupe de presse régional, allant de Bordeaux à Montpellier?
Alain rollat, Frêche face à la restructuration des groupes de presse

Montpellier est-elle encore aujourd’hui une « surdouée » ?

Le fait d’avoir été surdouée ne l’empêche pas de vieillir mais je trouve que c’est une ville qui vieillit bien parce que sa population a conscience que c’est une chance de vivre à Montpellier.

Etes-vous devenu «frêchiste» ?

Le journalisme politique, tel que je le conçois, interdit la connivence. Il impose, au contraire, la prise de distance maximale vis-à-vis du « sujet » à observer. Mon regard est celui de l’entomologiste. Frêche m’intéresse parce qu’il est un « spécimen » peu commun dans le paysage politique. J’ai longtemps observé le fonctionnement de Georges Pompidou sans devenir pompidolien, puis celui de Valéry Giscard d’Estaing sans devenir giscardien, puis celui de François Mitterrand sans devenir mitterrandolâtre. Je suis allergique aux étiquettes. Je n’étais pas frêchiste et ne le suis pas devenu. Je tiens trop à ma liberté d’expression pour l’aliéner.