La cigale chante, les fourmis légifèrent

Il était partout, il est partout, il sera partout. Nicolas Sarkozy se retrouve de nouveau sur tous les fronts. Il s’était calmé suite à la sévère défaite de son parti aux municipales, ayant compris que sa communication tous azimuts énervait. Le répit aura été de courte durée et il n’a pas pu s’empêcher de revenir omniprésent sur le devant de la scène, le gouvernement dans la caravane.

Les offensives sont multiples : assurance maladie, loi de modernisation de l’économie, spot publicitaire onéreux sur le pouvoir d’achat, réévaluation des quotas dicté par Brice Hortefeux en matière d’immigration, rapport de la Commission Copé sur la télévision publique. Une effervescence médiatique qui occulte et met volontairement au second plan le programme de la session extraordinaire de l’Assemblée Nationale prévue à partir du 1er juillet où seront votées, dans l’indifférence des vacances estivales, le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ainsi que le projet de loi constitutionnelle, modifié par le Sénat, de modernisation des institutions de la Ve République. Deux réformes sensibles et importantes que le président préfère faire passer en session extraordinaire donc. Quand les Français favorisent le farniente aux luttes sociales. Pas bête le pensionnaire de l’Elysée.

Afin d’éviter les turbulences que ces réformes nationales de premier plan peuvent engendrer, Sarkozy va attirer le regard et les médias (à moins que ce ne soit le regard des médias) sur son hyperactivité internationale. L’occasion fait le larron et ce larron là souhaite sauver le monde entier. Présidant le Conseil de l’Union européenne au nom de la France, comment va-t-il surmonter le « non » irlandais ? Suite à son récent discours devant la Knesset, Sarkozy souhaite proposer une alternative aux Etats-Unis dans la résolution du conflit israélo-palestinien. Sans l’hypermédiatisation hexagonale, on dirait du Chirac dans le texte. Et pendant ce temps là, les députés UMP pourront légiférer en toute tranquillité, insidieusement dans l’ombre de la capitale. Voilà l’été!

Europe : 2005-2008, même combat ?

Un double « non » franco-hollandais en 2005, un « non » irlandais en 2008 et une myriade de ratifications parlementaires : les politiques n’ont pas confiance en leurs concitoyens qui eux, n’ont toujours pas confiance en l’Europe.

2005-2008 : l’Europe reste incomprise. Trois ans après le double refus référendaire de la France et des Pays-Bas de ratifier la première constitution européenne, le récent, et finalement prévisible, « non » irlandais semble moins problématique. Néanmoins, l’adoption par la majorité des pays membres d’un processus de ratification du « Traité simplifié » par voie parlementaire révèle la méfiance que les dirigeants européens ont en leurs populations.

Lorsqu’en 2005, l’idée même de constitution avait été abandonnée, les dirigeants feignaient avoir compris le sens du double-refus : la construction européenne est incomprise et trop abstraite pour les citoyens. Dans son programme présidentiel, Nicolas Sarkozy promettait de relancer l’Europe.

«Beaucoup d’Européens ne comprennent pas la façon dont on construit l’Europe»

A deux semaines de la présidence française de l’Union Européenne, rien n’a changé, les craintes restent les mêmes. «L’Europe, ça été vécu pour protéger, et tant d’Européens pensent que l’Europe, ça inquiète. À nous d’en tenir compte, pas dans six mois, tout de suite», expliquait récemment Nicolas Sarkozy. Comme s’il prenait à peine conscience du phénomène. Et le président français d’ajouter : «Beaucoup d’Européens ne comprennent pas la façon dont on construit l’Europe en ce moment. Il faut qu’on en tienne compte très rapidement et qu’on change notre façon de faire l’Europe. L’idée européenne, on n’a pas le droit de la saboter, mais il faut qu’on fasse différemment.» Différemment. Autrement qu’avec le couple franco-allemand en tête ? De nombreux observateurs attribuent ce nouvel épisode à la faille du couple, pourtant pierre angulaire de la construction européenne depuis ses débuts.

RTEmagicC_Logo_priorites.JPG.jpgLe 1er juillet, le chef de l’Etat français prendra la présidence du Conseil de l’Union Européenne pour six mois. Son style arrogant et détonant risque de se confronter aux mœurs nettement plus policées des diplomates bruxellois. Nicolas Sarkozy risque d’appliquer à Bruxelles son style hexagonal : aller vite, être partout, au risque de parfois se contredire. Au programme de cette présidence française intitulée « l’Europe protection », quatre axes de travail : l’immigration, l’environnement, la défense et la PAC (politique agricole commune).

«L’Europe craint les initiatives de Nicolas Sarkozy»

L’immigration, sujet des plus épineux et qui risque fortement de créer des tensions. Sous la houlette du couple Sarkozy-Hortefeux et de Berlusconi, le président du conseil italien, le thème, annoncé comme prioritaire, a été nommé « La gestion globale et concertée des migrations ». Le conflit est ainsi latent entre l’Espagne d’un côté, et la France et l’Italie de l’autre. Toujours dans le cadre de l’immigration, « les 13 et 14 juillet 2008, les 44 pays du nord et du sud de la Méditerranée se retrouveront pour faire le point sur les futurs contours de l’Union pour la Méditerranée. » (touteleurope.fr) Ce projet, cher au président français, ne fait pas l’unanimité à Bruxelles, loin de là.

Autre sujet de discorde, historique celui-là, la politique agricole commune qui, une fois de plus, devrait mettre à jour certaines fractures au sein de l’Union. Nicolas Sarkozy souhaite engager « une véritable refondation en profondeur » de la PAC « sans attendre l’échéance de 2013. » « En marge des thèmes officiels, l’Europe craint les initiatives de Nicolas Sarkozy sur d’autres dossiers sur lesquels ces dernières sorties ont été diversement appréciées : les carburants et le développement durable, ou encore la politique monétaire », est-il ainsi écrit sur le blog politique de fluctuat.

La méthode Sarkozy va s’attaquer à l’Europe. Le non irlandais place d’emblée la France face à ses propres difficultés. Nicolas Sarkozy clamait haut et fort son initiative de relance du processus par le traité de Lisbonne. Quelles suites à l’épisode irlandais ? Les six prochains mois révèleront l’ampleur de l’impasse dans laquelle la construction européenne s’embourbe depuis maintenant trop longtemps.