RD Congo : le conflit sans fin du Nord-Kivu

Après un accord de paix signé en janvier 2008, la région du Nord-Kivu, à l’est du Congo et frontalière du Rwanda, est de nouveau à feu et à sang depuis la fin du mois d’août 2008.

Depuis son indépendance en 1960, le Congo-Kinshasa est passé de conflits en conflits, de massacres en massacres. Après deux guerres (1996-1997 et 1998-2002) et les fortes répercussions du génocide du Rwanda voisin [[1994: Au lendemain du génocide rwandais, plus d’un million de Hutus se réfugie dans l’est de la République Démocratique du Congo, ex-Zaïre, fuyant l’avancée du Front patriotique rwandais (à majorité Tutsi) qui prend le pouvoir à Kigali. L’opération Turquoise, menée par la France et censée sauver les Tutsis du génocide, a surtout permis à l’armée, au gouvernement intérimaire et aux génocidaires de fuir au Zaïre. Leur installation au Kivu fera peser une menace continuelle sur le nouveau régime rwandais]], les tensions réanimées par la rébellion de l’ex-général de l’armée congolaise Laurent Nkunda paraissent insolvables.

Trois acteurs s’opposent…

 Les rebelles Tutsis congolais du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) menés par le général déchu Laurent Nkunda. Il estime que la population Tutsie est menacée par la présence sur le territoire de Hutus Rwandais et accuse le gouvernement de protéger ses ennemis.

 L’armée régulière congolaise appelée Forces Armées de République Démocratique du Congo (FARDC). Le gouvernement accuse le Rwanda de soutenir la rébellion de Nkunda, craignant que les Hutus Rwandais ne tentent de reconquérir le pouvoir de Kigali. L’armée est soutenue par l’ONU à travers la mission de la paix MONUC (Mission de l’ONU en RD Congo) [[17000 casques bleus actuellement. 3000 soldats supplémentaires ont été demandés par Ban Ki-moon]]

 Les rebelles Hutus rwandais composent l’essentiel des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR). Dans leurs rangs se trouvent des génocidaires de 1994. Les FDLR réclament la possibilité de rentrer au Rwanda et l’intégration de certains d’entre eux dans l’administration.

… dans un combat à entrées multiples

Déplacements de milliers de personnes, violences sexuelles institutionnalisées, pillages, la situation humanitaire et sécuritaire est plus qu’instable. Des cessez-le-feu sont régulièrement décrétés, peu souvent respectés. Les causes du conflit sont multiples. Conflit ethnique bien sûr, il est aussi économique. La région possède de nombreuses richesses minières au centre des préoccupations de tous. Selon l’ONG « Global Witness », le CNDP de Nkunda se bat pour conserver sa mainmise sur la mine de coltan qui serait la principale source de financement de ce mouvement.

Les gentils contre les méchants ?

Il faut souligner l’attitude discutable qu’ont eu tous les acteurs des tensions. Si Rama Yade, secrétaire d’État auprès du Ministre des Affaires Étrangères, en déplacement en RDC le 30 novembre, a réaffirmé le soutien de la France au Président congolais Joseph Kabila, reste que le personnage est discutable. Le président Kabila est, en effet, accusé par l’association Human Right Watch d’avoir fait exécuter plus de 500 opposants en deux ans. Les casques bleus de la mission MONUC, loin d’une image héroïque, ont été accusés de trafics d’or et d’armes avec les rebelles. Pour finir, l’armée régulière s’est révélée être à l’origine de « pillages et d’exactions » contre la population civile dans le Nord Kivu…

Le rôle de l’Europe ?

Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU a lui-même demandé à l’Union Européenne de dépêcher sur place une force intérimaire en attendant l’arrivée de 3000 casques bleus supplémentaires. La Belgique, à travers son ministre des affaires Étrangères Karel De Gucht, s’est dite prête à envoyer des forces au Congo. Toutefois, ne s’estimant pas assez « forte », elle a rejeté la possibilité de conduire une opération sur place. Les autres pays européens sont pour le moins réservés sur cette éventualité. Javier Solana, haut représentant de l’Union Européenne pour la Politique Étrangère et de Sécurité Commune (PESC) a annoncé le 3 décembre que l’envoi d’une force européenne en RDC n’était pas à l’ordre du jour.

Nkunda veut des pourparlers…

L’ancien président nigérian et émissaire de l’ONU Olusegun Obasanjo a rencontré le président Kabila et Laurent Nkunda les 14 et 16 novembre. Depuis, les combats ont majoritairement cessé et les rebelles de Nkunda se sont retirés de certaines villes, arguant vouloir favoriser un climat de négociations. Des casques bleus ont confirmé que les rebelles s’étaient retirés d’Ishasha dont ils avaient pris le contrôle le 27 novembre.
L’actuelle position de médiateur d’Obasanjo pourrait aider à établir de véritables négociations. A suivre…

Silence, on viole !

L’Est de la République démocratique du Congo est le siège d’un conflit armé qui a fait de nombreuses victimes ces dernières années. Plusieurs organisations internationales tirent la sonnette d’alarme mais rien ne semble suffir. Chaque jour, des dizaines de milliers de femmes et de jeunes filles sont victimes de viols commis de manière systématique par les forces combattantes. Ces agressions sexuelles tendent à devenir de véritables armes de guerre.

Un drame humain

Le corps las et la tête baissée. Chaque jour, elles sont des centaines à se presser aux portes des centres de soins après des actes de maltraitance. Elles ont subi des viols à répétition, parfois sous les yeux de parents ou enfants, des enlèvements, des séquestrations. Elles se plaignent de maux de tête, de douleurs abdominales, certaines d’entre elles n’ont plus d’organes sexuels lorsqu’elles parviennent à atteindre les camps de réfugiés et les hôpitaux. Les hommes ne sont pas épargnés par les crimes sexuels. Des vieilles mains tremblantes aux yeux perdus des enfants, tout laisse penser que la guerre fait rage au Congo.

Une situation stagnante

En 2004, un rapport de l’organisation internationale Amnesty International [[www.amnesty.fr]] faisait déjà mention du drame qui était en train de se dérouler sur le territoire congolais. La situation était urgente et perdurait depuis plusieurs années.

« Dans de nombreux cas, des femmes et des jeunes filles ont aussi été utilisées comme esclaves sexuelles par les groupes armés. Des hommes et de jeunes garçons ont également été victimes de viols. Ces viols ont parfois été accompagnés ou suivis de blessures, d’actes de torture ou de meurtres. Souvent, ce sont des actes commis en public et devant des membres de la famille de la victime, notamment des enfants. Certaines femmes ont même été violées près des cadavres de membres de leur famille. »

Quatre ans plus tard, l’organisation mène toujours des actions pour être entendue. Dimanche 25 novembre 2008, des membres d’Amnesty International manifestaient sur la Place de la Monnaie de Bruxelles pour dénoncer la banalisation de ses actes.
Le 27 novembre 2008 à New York, des organisations non-gouvernementales (Oxfam, Refugees International, World Vision et Human Rights Watch) pressaient l’ONU [[www.monuc.org]] de faire le nécessaire pour mettre fin au conflit en garantissant la sécurité des civils.

Mais concrètement, sur le terrain, la situation ne cesse de se dégrader et les mesures ne sont pas prises. « La situation humanitaire est toujours aussi terrible » d’après Georgette Gagnon, directrice exécutive de la division Afrique de Human Rights Watch. Amnesty International s’indigne: « Dans un contexte d’effondrement de l’autorité de l’État dans l’est de la RDC, les lois nationales et le droit international ne sont plus respectés et toutes les factions armées ont perpétré et continuent de commettre en toute impunité des actes de violences sexuelles. »
Dans un pays où des millions de civils souffrent et meurent des traumatismes engendrés par des années de guerre, les structures de santé, loin de pouvoir accueillir tout le monde, s’effondrent par manque de moyens, surpopulation et pénurie de personnel.

Une arme de guerre

Un reportage de Susanne Babila, « Le viol, une arme de guerre au Congo », diffusé sur Arte en 2007, a mis en image les atrocités vécues par les populations congolaises. Médecins, humanitaires et psychologues s’indignent du silence qui a trop longtemps accompagné les victimes. Il ne s’agit pas d’actes isolés mais d’une véritable missive guerrière, venant toucher la population congolaise dans son intimité, fragiliser les structures familiales, favoriser la transmission du VIH et traumatiser durablement des populations. Le 17 janvier dernier, une résolution du Parlement européen [[http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P6-TA-2008-0022&language=FR]] demandait à l’Union européenne et aux Nations unies « de reconnaître le viol, la grossesse forcée, l’esclavage sexuel et toute autre forme de violence sexuelle comme crimes contre l’humanité, crimes de guerre graves et comme une forme de torture, qu’ils soient ou non perpétrés de manière systématique ». Une condamnation attendue par les victimes.

Liens vers le film de Susanne Babila, « Le viol, une arme de guerre au Congo »:

Première partie

Deuxième partie

Troisième partie

ONU: Derrière la mission salvatrice se cachent des trafics d’armes

La mission officielle de l’Organisation des Nations Unies est le maintien de la paix dans les zones dîtes de conflits. Pourtant, derrière cette fonction salvatrice, l’ONU serait impliquée dans divers trafics d’armes et d’or en République Démocratique du Congo. L’affaire a été révélée dans une émission de la BBC le lundi 28 avril. Suite à une enquête de dix-huit mois, la chaîne britannique affirme que des casques bleus indiens et pakistanais auraient participé à divers trafics mêlant l’ONU à des milices rebelles de l’est du pays.

En 2007, la MONUC (Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo) avait déjà révélé des informations selon lesquelles des troupes de l’ONU, basée dans le nord-est du Congo auraient participé à des trafics d’armes et d’or en 2005 et 2006. L’organisation avait ensuite demandé à l’instance internationale d’engager une enquête interne. Enquête menée par le Bureau des services de contrôle interne (BSCI) des Nations Unies, mais rapidement classée, faute de « preuves concordantes ».

La longue investigation de la BBC a permis de rassembler suffisamment de preuves et a permis de révéler que :
«Des soldats de la paix pakistanais, dans la ville de Mongbwalu (Est), ont été impliquées dans un trafic d’or illégal avec la milice FNI (Front nationaliste intégrationniste), leur livrant des armes pour qu’elle garde le périmètre des mines. Des soldats de la paix indiens opérant autour de la ville de Goma ont négocié directement avec les milices responsables du génocide rwandais, aujourd’hui présentes dans l’est de la RDC. Les Indiens ont échangé de l’or, acheté de la drogue aux milices, et, avec un hélicoptère de l’ONU, se sont rendus dans le parc national des Virunga, où ils ont échangé des munitions contre de l’ivoire.»
Véhicule blindé pakistanais de la MONUC (Mission des Nations Unis en RD Congo)

L’ONU souhaite enterrer l’affaire

Le Pakistan et l’Inde sont deux des plus gros contributeurs de troupes aux opérations de maintien de la paix de l’ONU. Il serait donc malvenus pour les Nations Unies d’écorner l’images de ces soldats de la paix. La BBC affirme que ses contacts internes à l’organisation internationale se sont vus refuser des informations pour « raisons politiques ». Suite à l’émission, l’ONU a démenti avoir couvert, pour raisons politiques, des trafics d’or et d’armes impliquant des Casques bleus indiens et pakistanais déployés en 2005 en RDC.

Le 2 mai dernier, la Human Rights Watch (HRW) vient se mêler à la fête. A travers une lettre au secrétaire général Ban Ki-moon, diffusée à la presse, l’organisation affirme que « des documents de l’ONU font apparaître que les allégations visant les soldats pakistanais et indiens ont été ignorées, minimisées ou remisées au placard par le Bureau des services de contrôle interne de l’ONU ».

Interrogé pour l’enquête de la BBC, le représentant du secrétaire général de l’ONU, Alan Doss, qui, outre la langue de Shakespeare, semble exceller dans la langue de bois a déclaré :
« Les chefs miliciens sont des chefs miliciens. Ils ont toujours leurs propres intérêts. Tout ce que je peux dire, c’est que notre enquête n’a pas confirmé ces faits ». L’affaire est loin d’être close.
Le drapeau des Nations Unies

Entre guerres et conflits d’intérêts, les diamants rapportent gros

Derrière l’image de pureté et d’amour que renvoie le diamant, s’est longtemps caché le sang et l’horreur. 16 pays africains produisent 60% des diamants dans le monde, ce qui fait de ce continent le premier producteur mondial de pierres précieuses. Il faut distinguer les diamants du sang ou diamants « sales » issus d’un trafic illicite, du commerce légitime faisant l’objet d’un contrôle et qui participe à la prospérité et au développement de certains pays d’Afrique.

La guerre financée par les diamants

Trois pays africains en particulier ont été le théâtre de ce commerce sans fois ni loi durant la décennie 90, l’Angola, la Sierra Leone et la République démocratique du Congo. Le trafic de diamant aurait débuté en Angola avec l’União Nacional para a Independência Total de Angola (UNITA), groupe rebel désireux de prendre le tête du pays. Le trafic leur permettait d’acheter des armes et de continuer par la même les conflits. Entre 1992 et 1998, le commerce illégal de ces pierres précieuses aurait permis à l’UNITA de gagner plusieurs milliards de Dollars. Cet exemple a été suivi par d’autres milices armées en Afrique. Ainsi, le Revolutionary United Front (RUF) a sévi de manière similaire durant la guerre civile en Sierra Leone entre 1991 à 2002. Les diamants du fait de leur petite taille, sont facilement transportables et représentent des sommes considérables. Dès lors qu’ils ont été introduits dans le marché, leur origine est difficile à détecter et, une fois polis, ne peuvent plus être identifiés. Dans ces conflits, des populations entières ont été mutilées, massacrées, les femmes violées, de nombreux enfants enrôlés dans les groupes armés, etc.
Un  soldat de l'UNITA recruté à l'âde de 11 ans

2003, le Processus de Kimberley dit stop

En 1999, la communauté internationale décide d’agir. Ceci abouti à la signature le 1er janvier 2003 du Processus de Kimberley (PK) qui regroupe des gouvernements, des ONG, des industriels et compte aujourd’hui 89 membres. Son rôle est de contrôler le marché des diamants. L’importation et l’exportation de diamants font l’objet de contrôles de la part des gouvernements. Les acteurs commerciaux, quant à eux, doivent définir une « chaîne de garanties » pour faire en sorte que tous les diamants mis sur le marché aient bien une origine légitime. L’objectif est de « nettoyer » le commerce licite des diamants « sales ». Les résultats semblent probants puisque à l’occasion de l’assemblée générale du Processus de Kimberley en décembre dernier à Bruxelles, les rapports présentés faisaient état d’une baisse de 20% à 2% du trafic illégal de diamants dans le monde.

Anvers, plus grand marché mondial de vente et d’achat de diamants

Même si les conflits armés en Angola et en Sierra Leone se sont calmés, la lutte contre le trafic de diamant est loin d’être terminée. D’autant plus que de « vieux démons » viennent de ressurgir récemment. Fin janvier, quatre sociétés belges de vente et d’achat de diamants, basées à Anvers, sont accusées de trafic illicite de diamants en provenance d’Angola. Elles devront répondre de ces accusations d’ici septembre 2008. L’opération d’achat des diamants aurait eu lieu en 2002, avant la signature de l’accord de cessez-le-feu entre le gouvernement angolais et l’UNITA. La justice belge parle d’une valeur totale de 60 millions de dollars. Il faut savoir que c’est à Anvers qu’est situé le plus grand marché mondial de vente et d’achat de diamants pour un chiffre d’affaires de 40 milliards d’euros par an.

Conflits d’intérêts

En 2000, suite au rapport de l’ONG « Global Witness », l’Union Européenne reconnait les trafics illégaux et leurs liens avec les conflits. Depuis 20007, c’est elle qui préside le PK. Aujourd’hui, même si le trafic de diamant ne participe plus, du moins directement aux financements de conflits armés, l’organisation doit se préoccuper du problème dans Un film qui dérangeson ensemble. Des cas d’entorse aux règles de contrôle ont été constatés l’an dernier au Brésil et au Venezuela. Il s’agit d’un problème mondial. Il faut également faire face aux conflits d’intérêts qui oppposent les industries du diamant aux ONG. Les premiers veulent éviter le tapage médiatique qui pourrait déprécier l’image de la pierre précieuse auprès des consommateurs. Les seconds ne veulent pas, sous prétexte qu’il n’y a plus d’armes, que la lutte ne se fasse désormais qu’au niveau bureaucratique. Sorti en janvier 2007, le film d’Edward Zwick « Blood Diamond », a fait beaucoup de bruit en dénonçant ce dilemme économico-politique. Depuis la sortie du film, les ventes de diamants ne semblent pas avoir bougé. Mais le vrai problème serait plutôt de savoir si les mentalités, elles, ont évolué.