RD Congo : le conflit sans fin du Nord-Kivu

Après un accord de paix signé en janvier 2008, la région du Nord-Kivu, à l’est du Congo et frontalière du Rwanda, est de nouveau à feu et à sang depuis la fin du mois d’août 2008.

Depuis son indépendance en 1960, le Congo-Kinshasa est passé de conflits en conflits, de massacres en massacres. Après deux guerres (1996-1997 et 1998-2002) et les fortes répercussions du génocide du Rwanda voisin [[1994: Au lendemain du génocide rwandais, plus d’un million de Hutus se réfugie dans l’est de la République Démocratique du Congo, ex-Zaïre, fuyant l’avancée du Front patriotique rwandais (à majorité Tutsi) qui prend le pouvoir à Kigali. L’opération Turquoise, menée par la France et censée sauver les Tutsis du génocide, a surtout permis à l’armée, au gouvernement intérimaire et aux génocidaires de fuir au Zaïre. Leur installation au Kivu fera peser une menace continuelle sur le nouveau régime rwandais]], les tensions réanimées par la rébellion de l’ex-général de l’armée congolaise Laurent Nkunda paraissent insolvables.

Trois acteurs s’opposent…

 Les rebelles Tutsis congolais du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) menés par le général déchu Laurent Nkunda. Il estime que la population Tutsie est menacée par la présence sur le territoire de Hutus Rwandais et accuse le gouvernement de protéger ses ennemis.

 L’armée régulière congolaise appelée Forces Armées de République Démocratique du Congo (FARDC). Le gouvernement accuse le Rwanda de soutenir la rébellion de Nkunda, craignant que les Hutus Rwandais ne tentent de reconquérir le pouvoir de Kigali. L’armée est soutenue par l’ONU à travers la mission de la paix MONUC (Mission de l’ONU en RD Congo) [[17000 casques bleus actuellement. 3000 soldats supplémentaires ont été demandés par Ban Ki-moon]]

 Les rebelles Hutus rwandais composent l’essentiel des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR). Dans leurs rangs se trouvent des génocidaires de 1994. Les FDLR réclament la possibilité de rentrer au Rwanda et l’intégration de certains d’entre eux dans l’administration.

… dans un combat à entrées multiples

Déplacements de milliers de personnes, violences sexuelles institutionnalisées, pillages, la situation humanitaire et sécuritaire est plus qu’instable. Des cessez-le-feu sont régulièrement décrétés, peu souvent respectés. Les causes du conflit sont multiples. Conflit ethnique bien sûr, il est aussi économique. La région possède de nombreuses richesses minières au centre des préoccupations de tous. Selon l’ONG « Global Witness », le CNDP de Nkunda se bat pour conserver sa mainmise sur la mine de coltan qui serait la principale source de financement de ce mouvement.

Les gentils contre les méchants ?

Il faut souligner l’attitude discutable qu’ont eu tous les acteurs des tensions. Si Rama Yade, secrétaire d’État auprès du Ministre des Affaires Étrangères, en déplacement en RDC le 30 novembre, a réaffirmé le soutien de la France au Président congolais Joseph Kabila, reste que le personnage est discutable. Le président Kabila est, en effet, accusé par l’association Human Right Watch d’avoir fait exécuter plus de 500 opposants en deux ans. Les casques bleus de la mission MONUC, loin d’une image héroïque, ont été accusés de trafics d’or et d’armes avec les rebelles. Pour finir, l’armée régulière s’est révélée être à l’origine de « pillages et d’exactions » contre la population civile dans le Nord Kivu…

Le rôle de l’Europe ?

Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU a lui-même demandé à l’Union Européenne de dépêcher sur place une force intérimaire en attendant l’arrivée de 3000 casques bleus supplémentaires. La Belgique, à travers son ministre des affaires Étrangères Karel De Gucht, s’est dite prête à envoyer des forces au Congo. Toutefois, ne s’estimant pas assez « forte », elle a rejeté la possibilité de conduire une opération sur place. Les autres pays européens sont pour le moins réservés sur cette éventualité. Javier Solana, haut représentant de l’Union Européenne pour la Politique Étrangère et de Sécurité Commune (PESC) a annoncé le 3 décembre que l’envoi d’une force européenne en RDC n’était pas à l’ordre du jour.

Nkunda veut des pourparlers…

L’ancien président nigérian et émissaire de l’ONU Olusegun Obasanjo a rencontré le président Kabila et Laurent Nkunda les 14 et 16 novembre. Depuis, les combats ont majoritairement cessé et les rebelles de Nkunda se sont retirés de certaines villes, arguant vouloir favoriser un climat de négociations. Des casques bleus ont confirmé que les rebelles s’étaient retirés d’Ishasha dont ils avaient pris le contrôle le 27 novembre.
L’actuelle position de médiateur d’Obasanjo pourrait aider à établir de véritables négociations. A suivre…

Silence, on viole !

L’Est de la République démocratique du Congo est le siège d’un conflit armé qui a fait de nombreuses victimes ces dernières années. Plusieurs organisations internationales tirent la sonnette d’alarme mais rien ne semble suffir. Chaque jour, des dizaines de milliers de femmes et de jeunes filles sont victimes de viols commis de manière systématique par les forces combattantes. Ces agressions sexuelles tendent à devenir de véritables armes de guerre.

Un drame humain

Le corps las et la tête baissée. Chaque jour, elles sont des centaines à se presser aux portes des centres de soins après des actes de maltraitance. Elles ont subi des viols à répétition, parfois sous les yeux de parents ou enfants, des enlèvements, des séquestrations. Elles se plaignent de maux de tête, de douleurs abdominales, certaines d’entre elles n’ont plus d’organes sexuels lorsqu’elles parviennent à atteindre les camps de réfugiés et les hôpitaux. Les hommes ne sont pas épargnés par les crimes sexuels. Des vieilles mains tremblantes aux yeux perdus des enfants, tout laisse penser que la guerre fait rage au Congo.

Une situation stagnante

En 2004, un rapport de l’organisation internationale Amnesty International [[www.amnesty.fr]] faisait déjà mention du drame qui était en train de se dérouler sur le territoire congolais. La situation était urgente et perdurait depuis plusieurs années.

« Dans de nombreux cas, des femmes et des jeunes filles ont aussi été utilisées comme esclaves sexuelles par les groupes armés. Des hommes et de jeunes garçons ont également été victimes de viols. Ces viols ont parfois été accompagnés ou suivis de blessures, d’actes de torture ou de meurtres. Souvent, ce sont des actes commis en public et devant des membres de la famille de la victime, notamment des enfants. Certaines femmes ont même été violées près des cadavres de membres de leur famille. »

Quatre ans plus tard, l’organisation mène toujours des actions pour être entendue. Dimanche 25 novembre 2008, des membres d’Amnesty International manifestaient sur la Place de la Monnaie de Bruxelles pour dénoncer la banalisation de ses actes.
Le 27 novembre 2008 à New York, des organisations non-gouvernementales (Oxfam, Refugees International, World Vision et Human Rights Watch) pressaient l’ONU [[www.monuc.org]] de faire le nécessaire pour mettre fin au conflit en garantissant la sécurité des civils.

Mais concrètement, sur le terrain, la situation ne cesse de se dégrader et les mesures ne sont pas prises. « La situation humanitaire est toujours aussi terrible » d’après Georgette Gagnon, directrice exécutive de la division Afrique de Human Rights Watch. Amnesty International s’indigne: « Dans un contexte d’effondrement de l’autorité de l’État dans l’est de la RDC, les lois nationales et le droit international ne sont plus respectés et toutes les factions armées ont perpétré et continuent de commettre en toute impunité des actes de violences sexuelles. »
Dans un pays où des millions de civils souffrent et meurent des traumatismes engendrés par des années de guerre, les structures de santé, loin de pouvoir accueillir tout le monde, s’effondrent par manque de moyens, surpopulation et pénurie de personnel.

Une arme de guerre

Un reportage de Susanne Babila, « Le viol, une arme de guerre au Congo », diffusé sur Arte en 2007, a mis en image les atrocités vécues par les populations congolaises. Médecins, humanitaires et psychologues s’indignent du silence qui a trop longtemps accompagné les victimes. Il ne s’agit pas d’actes isolés mais d’une véritable missive guerrière, venant toucher la population congolaise dans son intimité, fragiliser les structures familiales, favoriser la transmission du VIH et traumatiser durablement des populations. Le 17 janvier dernier, une résolution du Parlement européen [[http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P6-TA-2008-0022&language=FR]] demandait à l’Union européenne et aux Nations unies « de reconnaître le viol, la grossesse forcée, l’esclavage sexuel et toute autre forme de violence sexuelle comme crimes contre l’humanité, crimes de guerre graves et comme une forme de torture, qu’ils soient ou non perpétrés de manière systématique ». Une condamnation attendue par les victimes.

Liens vers le film de Susanne Babila, « Le viol, une arme de guerre au Congo »:

Première partie

Deuxième partie

Troisième partie

Dépigmentation de la peau : au-delà du complexe, des raisons…complexes

Les crèmes pour éclaircir la peau connaissent un essor inquiétant en Afrique. Des produits utilisés en médecine pour traiter des cas graves d’allergies, de chocs hémorragiques… Mais ayant découvert qu’ils dépigmentent, les gens en font un usage abusif, dangereux pour leur santé : problèmes dermatologiques, maladies graves…On suspecte aujourd’hui des conséquences gynécologiques pour les femmes. Le Docteur Fatimata Ly, présidente de l’association internationale d’information sur la dépigmentation artificielle (AIIDA), a organisé une journée de sensibilisation le 17 mai dernier au Sénégal et fait le point sur Afrik.com. Une pratique qui malgré les dangers prend de l’ampleur et dont les causes demeurent complexes.

On suspecte fortement les corticoïdes, présentes dans les produits éclaircissants, d’entraîner des accouchements de bébés avec un plus petit poids de naissance, des risques de stérilité… Fatimata Ly reste néanmoins prudente. Selon elle, il faudrait réaliser d’autres études pour prouver les conséquences gynécologiques. En tout cas, les dangers pour la santé sont multiples (hypertension, diabète, problèmes osseux, cécité…). Selon une étude réalisée en 2004, par une équipe de dermatologues à Bobo-Dioulasso, au Burkina-Faso, sur 100 femmes, 50 utilisent des produits dépigmentants. « Le phénomène a pris tellement d’ampleur qu’il est devenu le troisième problème de santé publique dans ce pays, après le paludisme et les maladies respiratoires », affirme le Docteur Andonaba.

Quant à Mulumba wa Tshita, chimiste au Service de toxicologie à l’Institut national des recherches biologiques en RD Congo, ce dernier a affirmé le 29 mai à l’agence Panafricaine de presse (PANA) : « les utilisateurs des produits de dépigmentation, nombreux en RD Congo, s’exposent à plusieurs complications dermatologiques, dont le cancer de la peau et d’autres tumeurs. » Plus choc encore : « sur 250 personnes qui se dépigmentent, il a été enregistré 5 cas de décès. La dépigmentation tue », a lâché le Docteur Thierno Dieng, de l’Hôpital le Dantec à Dakar (Sénégal) le 17 mai, à l’occasion de la conférence nationale sur le sujet.

crédit photo : www.congoforum.be

Filières parallèles

Au-delà de ces maladies, la peau déguste : acné, brûlures, mycoses, eczéma… Les femmes souffrent de cicatrisations difficiles. Et voient leur peau décliner en plusieurs teintes au gré des agressions solaires. Devenue trop fragile, elle se couvre de taches noires, et rend difficile une intervention chirurgicale au cas où la personne a un problème. Et dans certains cas, les allergies entraînent le pire. La pathologie dermatologique est la deuxième cause de mortalité après le paludisme au Sénégal. Les femmes pratiquant la dépigmentation utilisent des produits contenant de l’hydroquinone (substance qui colorie la peau) à forte concentration. La dose à usage médical ne doit pas dépassée 2 %. Certains produits vont jusqu’à 22 %. Un arrêt à temps peut éviter certaines conséquences lointaines et minimiser les séquelles déjà installées sur la peau, sans les supprimer totalement. Interdite dans l’Union européenne depuis février 2001 (elle provoquerait le cancer), on trouverait pourtant à Paris, dans certains marchés, des produits contenant de l’hydroquinone.

Au Sénégal, la dépigmentation est interdite chez les élèves des cours élémentaire, primaire et secondaire. Mais rien n’est fait contre la vente des produits à base d’hydroquinone. Les spécialistes sénégalais de la peau ont appelé en 2000 déjà, le gouvernement à interdire l’importation des produits éclaircissants (en provenance de Grande Bretagne, des Etats Unis, du Nigeria, du Pakistan…). Une mesure de ce type a été prise en 1995 en Gambie et en 1992 en Afrique du Sud. Les résultats restent mitigés car des filières parallèles d’approvisionnement se développent. « En RD Congo, le ministère de la Santé publique a déjà interdit la vente et l’usage de produits à base d’hydroquinone sur les marchés, voire même la publicité de ces produits à la télévision. Mais les fabricants et les médias font la sourde oreille », déplore le chimiste Mulumba wa Tshita.

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Eau de javel

La dépigmentation de la peau daterait de la seconde guerre mondiale selon Togosite.com. Les militaires noirs américains, basés en Asie du Sud, ont découvert que les femmes asiatiques utilisaient des produits pour obtenir un teint laiteux et plus clair. Ils auraient « rapporté ces crèmes dans leurs bagages pour leurs sœurs, mères ou épouses en quête de nouveautés cosmétiques ». Les noires américaines auraient vite emboîté le pas aux Asiatiques, notamment pour éliminer des problèmes de résidus d’acné, de cicatrices, de taches ou pour unifier leur teint. Pas de débats sur la dépigmentation en Amérique, car l’usage de ces crèmes ne sert apparemment pas en général, à camoufler un problème d’identité. Sauf l’exemple de Michael Jackson, mais ce cas relève d’une « pathologie personnelle ».

Sur le continent africain, paradoxalement dans les pays où le concept de négritude est le plus exacerbé, la dépigmentation est devenue plus problématique. Surtout en Afrique francophone, au Sénégal et au Congo (où beaucoup d’hommes s’éclaircissent la peau également). Le phénomène de dépigmentation est apparu en Afrique à la fin des années 60. L’éclaircissement de la peau par différents procédés est désormais pratiqué dans plusieurs régions (Togo, Mali, Afrique du Sud). C’est par les hôtesses de l’air puis des femmes d’affaires qui ont séjourné aux Etats-Unis, que les éclaircissants ont d’abord été introduits en Afrique, auprès d’une classe sociale privilégiée.

Initialement citadine, la dépigmentation s’est répandue dans les campagnes. Ce qui soulève un autre problème. Les produits cosmétiques à base d’hydroquinone, sont les moins chers donc beaucoup plus utilisés par celles qui n’ont pas de grands moyens. Et selon le Dr Andonaba, leur utilisation requiert une préparation préalable de la peau pour accélérer l’éclaircissement et obtenir un teint uniforme. Pour cela, les plus démunies élaborent des mixtures pour le moins « décapantes ». Les femmes utilisent de l’eau de javel pour se frotter la peau dans le but d’éliminer la mélanine [[Cellules qui produisent du pigment noir et protègent la peau contre les rayons solaires et les cancers de la peau]] qui se trouve en surface, avant d’appliquer le produit qui se chargera de la destruction de la mélanine en profondeur.

« Etre plus clair comme les métis oui, comme les blancs, non. »

Naomi Campbell, le modèle...

Les causes de cette pratique n’ont pas pu être définies exactement. Pourtant, Ferdinand Ezembe, psychologue à Paris spécialisé dans la psychologie des communautés africaines, l’affirme : « cette attitude des noires par rapport à la couleur de leur peau, procède d’un profond traumatisme post-colonial. Le blanc reste inconsciemment un modèle supérieur. Pas étonnant dans ces conditions qu’un teint clair s’inscrive effectivement comme un puissant critère de valeur dans la majeure partie des sociétés africaines ». Le site Grioo.com [[Créé en 2002, Grioo.com est un site qui traite à la fois de l’actualité de la communauté afro mais aussi de son Histoire. Il propose des brèves, des articles et des forums de discussion sur le continent et les communautés d’origine africaine dans le monde]] va très loin. « Toute personne de race noire qui se dépigmente la peau est un grand complexé, qui a complètement honte d’être né noir. Il serait vraiment temps que les africains et particulièrement nos sœurs africaines se reprennent et soient fières de leur peau afin de mieux revendiquer leur identité culturelle. Si cela n’est pas, nous nous acheminons vers une auto-extermination de la race noire. Tous nos actes et pensées sont singés, mimés sur l’Occident et l’Amérique. Pour tout dire, la dépigmentation de la peau soit-elle à outrance ou pas est une véritable aliénation culturelle ».

Grioo.com cite pourtant le Dr Fatimata Ly, toujours nuancée, qui souligne de son côté que si la principale motivation des femmes est d’ordre purement esthétique avec 89 % des cas, 11 % des femmes ont recours à cette pratique dans un but thérapeutique. Et 41 % des femmes sont souvent guidées par « un suivi de la mode ainsi que par l’imitation des relations ». Pour la présidente d’AIIDA, « les arguments souvent brandis comme l’acculturation ne sauraient être considérés comme des explications plausibles ». Les femmes interrogées déclarent s’adonner à la pratique de l’éclaircissement et non au blanchissement. L’image du blanc comme modèle à suivre, est souvent réfutée par les adeptes de ces produits blanchissants, souligne Togosite.com dans un article mettant en garde contre la dépigmentation. Mais qui date déjà de 2006. « Etre plus clair comme les métis oui, comme les blancs, non. Quand tu es claire de peau, les hommes t’apprécient », témoigne Nabou. Angèle réfute l’accusation d’aliénation : « Je le fais un peu car ma peau n’est pas nette, tout simplement ».

Alors souci d’esthétisme, suivisme, méconnaissance ? Dans tous les cas, la dépigmentation volontaire ne concerne pas seulement la femme africaine même si elle est très répandue chez elle. Les asiatiques, les indiennes, les magrhébines, les afro-américaines et certaines antillaises la pratiquent également. Et nous, européens qui voulons à tout prix nous bronzer, nous transformant en lézards de plage, nous exposant dangereusement aux rayons et aux coups de soleil. Pour certains, crèmes auto-bronzantes ou monoï toutes ! Voir séances d’UV. Le monde à l’envers.

ONU: Derrière la mission salvatrice se cachent des trafics d’armes

La mission officielle de l’Organisation des Nations Unies est le maintien de la paix dans les zones dîtes de conflits. Pourtant, derrière cette fonction salvatrice, l’ONU serait impliquée dans divers trafics d’armes et d’or en République Démocratique du Congo. L’affaire a été révélée dans une émission de la BBC le lundi 28 avril. Suite à une enquête de dix-huit mois, la chaîne britannique affirme que des casques bleus indiens et pakistanais auraient participé à divers trafics mêlant l’ONU à des milices rebelles de l’est du pays.

En 2007, la MONUC (Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo) avait déjà révélé des informations selon lesquelles des troupes de l’ONU, basée dans le nord-est du Congo auraient participé à des trafics d’armes et d’or en 2005 et 2006. L’organisation avait ensuite demandé à l’instance internationale d’engager une enquête interne. Enquête menée par le Bureau des services de contrôle interne (BSCI) des Nations Unies, mais rapidement classée, faute de « preuves concordantes ».

La longue investigation de la BBC a permis de rassembler suffisamment de preuves et a permis de révéler que :
«Des soldats de la paix pakistanais, dans la ville de Mongbwalu (Est), ont été impliquées dans un trafic d’or illégal avec la milice FNI (Front nationaliste intégrationniste), leur livrant des armes pour qu’elle garde le périmètre des mines. Des soldats de la paix indiens opérant autour de la ville de Goma ont négocié directement avec les milices responsables du génocide rwandais, aujourd’hui présentes dans l’est de la RDC. Les Indiens ont échangé de l’or, acheté de la drogue aux milices, et, avec un hélicoptère de l’ONU, se sont rendus dans le parc national des Virunga, où ils ont échangé des munitions contre de l’ivoire.»
Véhicule blindé pakistanais de la MONUC (Mission des Nations Unis en RD Congo)

L’ONU souhaite enterrer l’affaire

Le Pakistan et l’Inde sont deux des plus gros contributeurs de troupes aux opérations de maintien de la paix de l’ONU. Il serait donc malvenus pour les Nations Unies d’écorner l’images de ces soldats de la paix. La BBC affirme que ses contacts internes à l’organisation internationale se sont vus refuser des informations pour « raisons politiques ». Suite à l’émission, l’ONU a démenti avoir couvert, pour raisons politiques, des trafics d’or et d’armes impliquant des Casques bleus indiens et pakistanais déployés en 2005 en RDC.

Le 2 mai dernier, la Human Rights Watch (HRW) vient se mêler à la fête. A travers une lettre au secrétaire général Ban Ki-moon, diffusée à la presse, l’organisation affirme que « des documents de l’ONU font apparaître que les allégations visant les soldats pakistanais et indiens ont été ignorées, minimisées ou remisées au placard par le Bureau des services de contrôle interne de l’ONU ».

Interrogé pour l’enquête de la BBC, le représentant du secrétaire général de l’ONU, Alan Doss, qui, outre la langue de Shakespeare, semble exceller dans la langue de bois a déclaré :
« Les chefs miliciens sont des chefs miliciens. Ils ont toujours leurs propres intérêts. Tout ce que je peux dire, c’est que notre enquête n’a pas confirmé ces faits ». L’affaire est loin d’être close.
Le drapeau des Nations Unies

Entre guerres et conflits d’intérêts, les diamants rapportent gros

Derrière l’image de pureté et d’amour que renvoie le diamant, s’est longtemps caché le sang et l’horreur. 16 pays africains produisent 60% des diamants dans le monde, ce qui fait de ce continent le premier producteur mondial de pierres précieuses. Il faut distinguer les diamants du sang ou diamants « sales » issus d’un trafic illicite, du commerce légitime faisant l’objet d’un contrôle et qui participe à la prospérité et au développement de certains pays d’Afrique.

La guerre financée par les diamants

Trois pays africains en particulier ont été le théâtre de ce commerce sans fois ni loi durant la décennie 90, l’Angola, la Sierra Leone et la République démocratique du Congo. Le trafic de diamant aurait débuté en Angola avec l’União Nacional para a Independência Total de Angola (UNITA), groupe rebel désireux de prendre le tête du pays. Le trafic leur permettait d’acheter des armes et de continuer par la même les conflits. Entre 1992 et 1998, le commerce illégal de ces pierres précieuses aurait permis à l’UNITA de gagner plusieurs milliards de Dollars. Cet exemple a été suivi par d’autres milices armées en Afrique. Ainsi, le Revolutionary United Front (RUF) a sévi de manière similaire durant la guerre civile en Sierra Leone entre 1991 à 2002. Les diamants du fait de leur petite taille, sont facilement transportables et représentent des sommes considérables. Dès lors qu’ils ont été introduits dans le marché, leur origine est difficile à détecter et, une fois polis, ne peuvent plus être identifiés. Dans ces conflits, des populations entières ont été mutilées, massacrées, les femmes violées, de nombreux enfants enrôlés dans les groupes armés, etc.
Un  soldat de l'UNITA recruté à l'âde de 11 ans

2003, le Processus de Kimberley dit stop

En 1999, la communauté internationale décide d’agir. Ceci abouti à la signature le 1er janvier 2003 du Processus de Kimberley (PK) qui regroupe des gouvernements, des ONG, des industriels et compte aujourd’hui 89 membres. Son rôle est de contrôler le marché des diamants. L’importation et l’exportation de diamants font l’objet de contrôles de la part des gouvernements. Les acteurs commerciaux, quant à eux, doivent définir une « chaîne de garanties » pour faire en sorte que tous les diamants mis sur le marché aient bien une origine légitime. L’objectif est de « nettoyer » le commerce licite des diamants « sales ». Les résultats semblent probants puisque à l’occasion de l’assemblée générale du Processus de Kimberley en décembre dernier à Bruxelles, les rapports présentés faisaient état d’une baisse de 20% à 2% du trafic illégal de diamants dans le monde.

Anvers, plus grand marché mondial de vente et d’achat de diamants

Même si les conflits armés en Angola et en Sierra Leone se sont calmés, la lutte contre le trafic de diamant est loin d’être terminée. D’autant plus que de « vieux démons » viennent de ressurgir récemment. Fin janvier, quatre sociétés belges de vente et d’achat de diamants, basées à Anvers, sont accusées de trafic illicite de diamants en provenance d’Angola. Elles devront répondre de ces accusations d’ici septembre 2008. L’opération d’achat des diamants aurait eu lieu en 2002, avant la signature de l’accord de cessez-le-feu entre le gouvernement angolais et l’UNITA. La justice belge parle d’une valeur totale de 60 millions de dollars. Il faut savoir que c’est à Anvers qu’est situé le plus grand marché mondial de vente et d’achat de diamants pour un chiffre d’affaires de 40 milliards d’euros par an.

Conflits d’intérêts

En 2000, suite au rapport de l’ONG « Global Witness », l’Union Européenne reconnait les trafics illégaux et leurs liens avec les conflits. Depuis 20007, c’est elle qui préside le PK. Aujourd’hui, même si le trafic de diamant ne participe plus, du moins directement aux financements de conflits armés, l’organisation doit se préoccuper du problème dans Un film qui dérangeson ensemble. Des cas d’entorse aux règles de contrôle ont été constatés l’an dernier au Brésil et au Venezuela. Il s’agit d’un problème mondial. Il faut également faire face aux conflits d’intérêts qui oppposent les industries du diamant aux ONG. Les premiers veulent éviter le tapage médiatique qui pourrait déprécier l’image de la pierre précieuse auprès des consommateurs. Les seconds ne veulent pas, sous prétexte qu’il n’y a plus d’armes, que la lutte ne se fasse désormais qu’au niveau bureaucratique. Sorti en janvier 2007, le film d’Edward Zwick « Blood Diamond », a fait beaucoup de bruit en dénonçant ce dilemme économico-politique. Depuis la sortie du film, les ventes de diamants ne semblent pas avoir bougé. Mais le vrai problème serait plutôt de savoir si les mentalités, elles, ont évolué.