On l’appelait l’équipe de Yougoslavie

Chaque époque voit son équipe maudite, incapable de saisir un trophée qui lui tend les bras. Malgré une domination totale sur leur temps, la Hongrie de Puskas et les bataves emmenés par Cruijff ne seront jamais Champions du Monde. On peut classifier la Yougoslavie des années 90 dans la même catégorie, mais contrairement à ses ainés, elle n’a jamais pu défendre ses chances sur le terrain.

L’école de football yougoslave : une culture du jeu vif et rapide, agrémentée d’un bagage technique hors-norme. Un style qui fait des joueurs des Balkans les « brésiliens de l’Europe ». Un football reconnu dans le monde entier mais qui n’a jamais vraiment pu éclater sur la scène internationale. En effet le meilleur parcours de la Yougoslavie en Coupe du Monde fut une quatrième place en 1962, elle fut également deux fois finaliste de l’Euro, en 1960 et en 1968.

Le palmarès yougoslave reste donc vierge de tout trophée malgré une pléiade de formidables joueurs formés au pays. Les supporters Français peuvent en témoigner, nombre d’entre eux ont marqué de leur empreinte le championnat hexagonal : Yvan Curkovic, Vahid Halilhodzic, Safet Susic, Josip Skoblar… Ces deux derniers sont même considérés comme les plus grands joueurs du Paris SG et de l’Olympique de Marseille. Pourtant, les joueurs yougoslaves doivent s’acquitter du service militaire et fêter leur 27ème anniversaire avant de pouvoir rejoindre un club étranger, un âge déjà avancé dans le monde du sport.

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A l’aube des années 90, le championnat national ne s’est jamais aussi bien porté. Contrairement à la plupart des autres nations d’Europe de l’Est, il existe une véritable concurrence entre les clubs yougoslaves. Les deux équipes de Belgrade, le Partizan et l’Etoile Rouge, se partagent les titres avec les deux clubs Croates, l’Hadjuk Split et le Dynamo Zagreb. Au sein d’une ligue dominée par les «quatre grands», les clubs Bosniens ne sont pas en reste puisque le FK Velež Mostar et le FC Sarajevo jouent parfaitement leurs rôles de trublions.

Considéré comme l’un des meilleurs au monde, le championnat est même diffusé dans la célèbre émission l’Equipe du dimanche lors de son lancement en 1990 sur Canal Plus. Une reconnaissance qui atteint son paroxysme en 1991, avec la victoire de l’Etoile Rouge de Belgrade en finale de la Coupe des clubs champions face à Marseille. Encore aujourd’hui, c’est la seule victoire d’une équipe slave dans la plus prestigieuse des compétitions de club.

29 mai 1991, Belgrade est sur le toit de l’Europe

L’avenir semble radieux, le football yougoslave est à son apogée. Éliminée en quart de finale de la Coupe du Monde 1990 par l’Argentine de Maradona dans un match très serré, une génération laisse la main. A l’image du grand Safet Susic qui prend sa retraite après le mondial italien. Mais la relève est là. Vainqueur de la Coupe du Monde junior en 1987, les Boban, Prosinecki et autres Mijatovic éblouissent le public de leurs talents.

Brillante pendant la phase de qualification, ne connaissant qu’une seule défaite, la sélection apparait comme l’une des favorites pour l’Euro 1992. Darko Pancev est le meilleur buteur d’Europe. Dragan Stojkovic, malgré des blessures récurrentes, est considéré comme l’un des joueurs les plus techniques au monde. Le génie de Dejan Savicevic explose littéralement aux yeux de tous. La Yougoslavie possède un effectif en or et plein d’avenir. Tout semble enfin réuni pour glaner un trophée international.

Un retour en fanfare

La suite est connue de tous. La Croatie et la Slovénie décident de faire sécession en Juin 1991. La guerre éclate, et gagne rapidement la Bosnie. C’est une équipe nationale en pleine préparation, déjà privée de ses joueurs croates, qui apprend sa disqualification de l’Euro 1992. Le Danemark, pourtant surclassé par la Yougoslavie en phase de poule, est repêché. Ironie du sort, les scandinaves s’imposeront dans la compétition.

C’est ainsi que disparait la dernière équipe de Yougoslavie ainsi que son championnat. Les joueurs s’exilent dans les meilleurs clubs européens. La plupart avec succès : Bocksic remporte la coupe des clubs champions avec Marseille en 1993, Savicevic et Boban s’imposent l’année suivante avec le Milan AC, Mijatovic et Suker permettent au Real Madrid de triompher à l’échelle européenne en 1998. Croates et Serbes ne jouent plus ensemble en équipe nationale, mais se retrouvent, avec succès, à l’étranger.

A gauche, Savicevic et Boban champions avec Milan en 1994. A droite, Suker et Mijatovic champions avec Madrid en 1998.

La coupe du Monde 1998 voit la réintégration de toutes les nations de l’ex-Yougoslavie dans le football international. La Croatie et la Serbie-Monténégro (qui garde en réalité jusqu’en 2003 le nom de Yougoslavie) sont qualifiées. L’ossature de chaque équipe est composée de nombreux joueurs ayant joué quelques années plus tôt pour la même nation. Boban, Asanovic, Stanic, Jarni, Ladic, Suker, Bocksic, Prosinecki pour la Croatie, Mihajlovic, Jugovic, Jokanovic, Djukic, Savicevic, Mijatovic, Stojkovic pour la Serbie-Monténégro. Chacune dispose d’un effectif impressionnant, mais personne ne s’attendait à ce qu’elles aillent si loin dans la compétition.

Après avoir terminé première exæquo avec l’Allemagne en phase de poule, la Serbie-Monténégro se fait éliminer en huitième de finale dans les arrêts de jeux par la très belle équipe des Pays-Bas. La Croatie, elle, dépasse toutes les espérances. Emmenée par son capitaine Zvomonir Boban et son buteur Davor Suker, les Croates finissent troisièmes, après avoir perdu en demi-finale contre la France, futur vainqueur de la compétition. Pour l’anecdote, Lilian Thuram marque lors de ce match ses deux seuls buts en 142 sélections.

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La troisième place des Croates en 1998 est en quelque sorte un pied de nez au destin. L’effectif est vieillissant et ne réitérera jamais cette performance. D’ailleurs aucune autre équipe de l’ex Yougoslavie ne passera le 1er tour d’une Coupe du monde. L’exploit de la Croatie ne souligne qu’un peu plus l’immense gâchis d’une génération de joueurs exceptionnelle. A cause de la guerre, et des sanctions de la Fifa, ils n’ont pu participer à aucune compétition internationale de 1990 à 1996, alors qu’ils étaient au summum de leur carrière. Dejan Savicevic, surement le plus doué d’entre eux, résume ainsi la période: « on n’a pas eu de chance, pendant longtemps on n’a pas pu jouer en équipe nationale, et ça laissera pour toujours un genre de vide. Quand j’y repense, je me sens nostalgique…»

Finale Coupe Davis : rêve brisé pour la France

Si près, si loin… Au terme de trois jours intenses, la France s’est inclinée 3 points à 2 en finale de la Coupe Davis face à la Serbie. La victoire fantastique en double samedi de Michael Llodra et d’Arnaud Clément n’aura finalement pas suffi pour soulever le dixième « saladier » de l’histoire du tennis français.

En ouverture vendredi, le numéro 1 français Gaël Monfils avait pourtant montré la voie, avec une victoire nette et sans bavure face à Janko Tipsarevic. Malgré un deuxième set accroché, remporté au jeu décisif, « La Monf » déroule dans la troisième manche en mettant « une bulle » à son adversaire (6/0).

Avant l’entrée en lice du héros serbe Novak Djokovic, la France mène, logiquement, 1 à 0. Face au régional de l’étape, Gilles Simon, préféré à Michael Llodra, ne voit pas le jour. Une victoire de « Djoko » qui remet les deux formations à égalité. Un partout, balle au centre, avant le double de samedi. Selon les statistiques, l’équipe qui le remporte a 90% de chance de remporter le trophée… Et pourtant…

Le match de double est incroyable d’intensité et de suspense. Les serbes, plus en jambes, mènent le bal 2 sets à rien. On croit les carottes cuites pour les Bleus mais c’est sans compter sur la détermination sans faille du duo tricolore. Il renverse la situation pour l’emporter finalement 3 sets à 2. La France mène alors 2 points à 1, tous les espoirs sont permis !

Un dimanche noir pour les Bleus

Le dénouement incroyable du double laisse présager un dimanche glorieux. Il suffit de remporter un des deux matchs pour soulever le « saladier d’Argent ». Dans l’opposition des deux numéros 1, Novak Djokovic surclasse Gaël Monfils : un score sec de 6/2 – 6/2 – 6/4. Rien à dire, le numéro 3 mondial est un cran au-dessus.

Tout va donc se jouer lors de l’ultime match, avec Michael Llodra côté français, cette fois-ci choisi en lieu et place de Gilles Simon. En face, le capitaine serbe préfère Victor Troicki à Tipsarevic, peu à la fête vendredi. Un choix payant car le 30ème mondial domine outrageusement Michael Llodra qui n’arrive pas à développer son jeu d’attaquant.

La Serbie, au terme d’un dimanche parfait, remporte la première Coupe Davis de son histoire. Pour la France, il s’agit de la deuxième défaite en finale après celle de 2002 face à la Russie.. déjà sur le score de 3 à 2.

LES RÉSULTATS DE LA FINALE : 3 à 2 pour la Serbie

    • Tipsarevic – MONFILS 1/6 – 6/7 – 0/6
    • Djokovic – SIMON 6/3 – 6/1 – 7/5
    • Zimonjic/Troicki – LLODRA/CLÉMENT 6/3 – 7/6 – 4/6 – 5/7 – 4/6
    • Djokovic – MONFILS 6/2 – 6/2 – 6/4
    • Troicki – LLODRA 6/2 – 6/2 – 6/3

Finale Coupe Davis : la France défie la Serbie

8 ans d’attente… Depuis sa finale perdue face à la Russie en 2002, la France n’avait plus disputé de finale de Coupe Davis. Du 3 au 5 décembre, les Bleus ont l’occasion de remporter pour la dixième fois le trophée. La finale en Serbie, sur les terres du héros local Novak Djokovic, numéro 3 mondial, s’annonce disputée. Présentation d’une rencontre sous haute tension.

«Rien ne nous fait peur, nous savons à quel point Djokovic et les autres joueurs serbes sont bons. Nous savons également que lorsqu’on joue loin de son pays, l’ambiance est parfois difficile, mais nous sommes prêts.» Les mots du capitaine Guy Forget ont le mérite d’être clairs et de planter le décor. La finale face à la Serbie se présente comme difficile, âpre. Ce combat pour le sacre se tiendra dans une Arena belgradoise chauffée à blanc, avec près de 14000 supporters locaux.

Afin de compléter le palmarès de l’équipe de France, vierge depuis le titre glané de haute lutte en Australie en 2001, Guy Forget a aligné une formation compacte et compétitive, malgré l’absence du numéro 2 français et numéro 13 mondial, Jo-Wilfried Tsonga, blessé.

Simon choisi pour épauler Monfils

Si le choix de Gaël Monfils est logique au vu de sa bonne forme en cette fin de saison (titre à Montpellier, finale à Paris-Bercy), Forget a choisi Gilles Simon pour l’épauler, au détriment de Michael Llodra qui, rappelons-le, avait battu Djokovic il y a trois semaines à Bercy. Guy Forget s’en explique : «je pense que le point du double sera crucial. J’ai envie d’envoyer un Mika Llodra frais et dispos sur le double de samedi. J’ai envie de me laisser aussi la possibilité d’un deuxième choix sur le simple de dimanche

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Un choix qui parait judicieux, car en face, les Serbes ont aussi de beaux atouts à mettre en avant pour la première finale de Coupe Davis de leur histoire. Si Djokovic est incontestable, le choix du deuxième joueur a aussi été l’objet d’incertitudes jusqu’au dernier moment. Entre Victor Troicki, 30ème mondial et Janko Tipsarevic, 49ème, le capitaine serbe a préféré le second. En effet, Tipsarevic dispose d’une plus grande expérience de ce genre de rencontre et a été décisif en demi-finale en remportant deux points face à la République Tchèque.

La rencontre s’annonce serrée, très serrée, et comme souvent, le double peut faire la différence. Le serbe Nenad Zimonjic, qui vient de remporter en double le Masters à Londres est loin d’être un débutant et sera le danger numéro 1. Autre élément à prendre en compte, le public.

Un environnement hostile pour les Bleus

Les serbes sont réputés sanguins et la finale devrait être explosive. Les 1600 supporters français qui auront fait le déplacement devront donner de la voix pour se faire entendre. Autre facteur au désavantage des Français : le chiffre 0, comme le nombre de défaites en Coupe Davis de la Serbie dans son jardin. Il faut également se pencher sur le parcours des Français. Pour se hisser jusqu’en finale, la France n’a disputé que des rencontres dans l’Hexagone. Quid donc de sa capacité à s’exporter… Enfin, autre élément majeur dans cette finale, la surface. Selon les dires des joueurs français, elle est «ni trop lente, ni trop rapide» et convient donc parfaitement au jeu de Novak Djokovic, superstar locale.

Autrement dit, la barre sera haute pour les Tricolores, mais l’espoir est permis. Le dixième « saladier » est proche pour la bande à Forget !

Le programme de la finale :

    • Vendredi 3/12, à partir de 14h, les deux premiers matchs de simple

Janko Tipsarevic – GAEL MONFILS

Novak Djokovic – GILLES SIMON

    • Samedi 4/12, à partir de 14h, le match de double

Nenad Zimonjic / Viktor Troicki – MICHAEL LLODRA / ARNAUD CLÉMENT

    • Dimanche 5/12, à partir de 13h, les deux derniers matchs de simple

Novak Djokovic – GAEL MONFILS

Janko Tipsarevic – GILLES SIMON

Serbie: Une page qui se tourne ?

Un pas vers l’Europe il y a deux semaines et un bras tendu vers la Croatie hier, la Serbie paraît désireuse de changement. Ce pays, anciennement rattaché à la Yougoslavie, a été ravagé par la guerre. Partagé entre un lourd passé et un avenir encourageant, il semble aujourd’hui vouloir se débarrasser de ses vieux démons.

L’Ambulance ou le néo-réalisme serbe

Les réalisateurs des Balkans sont décidément à l’honneur pour cette 31ème édition du Cinémed. Retenu à Cuba (où il enseigne actuellement), Goran Radovanovic a accepté de nous en dire plus sur ce premier film.

Dix années ont passé depuis les onze semaines de frappes aériennes de l’OTAN sur la Serbie. A Belgrade, les traces des bombardements n’ont jamais totalement disparu.
C’est au coeur de cette capitale que L’Ambulance, premier long métrage de Goran Radovanovic a été tourné. A travers le quotidien d’un service ambulancier, ce film historique contemporain évoque le drame relatif aux profonds bouleversements subis par la société serbe depuis la chute du régime. Interview du réalisateur.

Haut Courant : Vous êtes déjà connu pour vos documentaires comme Chicken Elections. The Ambulance est votre premier long métrage. Depuis quand l’aviez vous en tête?

Goran radovanovic : Honnêtement, je ne sais pas. En fait, je sentais qu’il fallait que je rassemble et que je transforme les images de mes documentaires en un film de fiction rassemblant les mémoires collectives. J’ai donc commencé à écrire un script reflétant le « Zeit Geist » (ndlr : en Allemand : l’esprit du temps. Comprendre climat intellectuel) du drame politique et social serbe.

Pourquoi avoir suivi ce phénomène depuis un service ambulancier?

Sans doute parce que c’est de là qu’on peut voir le mieux la sensibilité et la fragilité de notre société.

Les personnages de votre film sont tristes, très affectés par les évènements de 1999, surtout les plus jeunes. Comment avez-vous réussi à orienter dans cette direction des enfants qui n’ont aucun souvenir de cette période?

Et bien peut-être parce que je suis un peu triste moi-même. Peut-être que c’est mon passé slave… C’est toujours difficile de diriger des enfants. Celui qui le fait doit très bien savoir comment les orienter. Pour cela, il faut avoir de la pratique, l’expérience de la vie. Je pense que je l’ai depuis que j’ai deux garçons.

Avez-vous réalisé un film politique?

Je voulais l’intituler « Un film historique et contemporain », comme il est dit dans le sous titre. Car l’histoire contemporaine est toujours politique! En ce sens, oui. Mais objectivement, j’étais plus focalisé sur l’esprit du temps que sur la politique.

Le film traite d’une période charnière pour la Serbie. Comment l’avez-vous vécue à l’époque?

Ce que j’ai pu ressentir en tant qu’être humain n’a pas d’importance. Mais en tant qu’artiste, j’étais vraiment heureux de pouvoir suivre l’un des plus importants évènements historiques, comme le fut la chute du régime par exemple. Bien sûr, je n’oublierai jamais la première bombe en Europe depuis la Seconde Guerre Mondiale : pendant 78 jours, l’OTAN a bombardé mon pays et ma ville.

Comment la nouvelle génération serbe considère t-elle ce passé?

Ce que je vois, à mon échelle, ce sont de jeunes gens frustrés, comme leurs parents : ils ne voient pas de futur pour eux. Lorsqu’on ne peut même pas imaginer de futur, comment considérer le passé ?

L’Ambulance (Hitna pomoc)

Serbie – 2009 – 1 h 24 mn –

Réalisation : Goran Radovanovic –

Scénario : Goran Radovanovic –

 Interprétation : Vesna Trivalic, Natasa Ninkovic, Nenad Jezdic, Tanasije Uzunovic, Sonja Kolacaric, Jelena Stupljanin –