Nicolas Hourcade : « On ne sécurise pas une manifestation comme on sécurise un stade de foot »

Les mesures d’interdiction de stade peuvent-elles servir de modèle à des mesures de maintien de l’ordre lors des manifestations, comme l’a évoqué le premier ministre Édouard Philippe, lors d’une interview sur TF1 ? Pas pour Nicolas Hourcade, sociologue spécialiste des supporters de football.

Pour justifier un projet de loi anticasseurs, le premier ministre Edouard Philippe a vanté l’efficacité des mesures d’interdiction de stade. Comment fonctionnent-elles ? Leur bilan est-il effectivement positif ?

Lors de son interview sur TF1, Édouard Philippe faisait référence à l’interdiction administrative de stade (IAS). Il s’agit d’une mesure préventive prise par les préfets sur la base d’un simple rapport de police. Elle contraint le supporter sanctionné à pointer au commissariat les soirs des matchs de son club pour une durée de 2 ans maximum (3 ans en cas de récidive). S’il est vrai qu’il s’agit d’une mesure extrêmement dissuasive et efficace par sa rapidité d’exécution, le discours d’Édouard Philippe passe sous silence un certain nombre de problèmes. Notamment celui des libertés publiques.
Comme il s’agit d’une décision préfectorale et non d’une sanction pénale, le supporter n’a pas de procès et, s’il peut présenter des arguments pour contester cette mesure, il ne peut pas se défendre de manière aussi efficace que lors d’une procédure pénale. Il est automatiquement privé de sa passion et doit organiser tout son agenda pour se plier aux contraintes de l’IAS. Les recours au tribunal administratif sont très longs et quand celui-ci annule la décision préfectorale, le supporter a bien souvent purgé toute ou une bonne partie de son interdiction de stade.

« Ces mesures ne peuvent pas régler seules la question de la violence »


Et puis, contrairement à ce que le Premier Ministre laisse croire, les interdictions de stade n’ont jamais, dans aucun pays, réglé seules la question de la violence autour des stades. En Angleterre, ces mesures ont été combinées à une hausse importante des tarifs qui exclut largement de fait les classes populaires des stades. En Allemagne, on a préféré privilégier le dialogue avec les supporters et mettre en place des mesures de prévention sociale en complément des actions répressives. 

L’Association Nationale des Supporters (ANS) est farouchement opposée aux IAS. Elle estime qu’elles ont été détournées de leur but initial de lutte contre la violence et le racisme dans et autour des stades. Qu’en est-il réellement ?

Elle n’a pas tort. La majorité des interdictions qui sont aujourd’hui prononcées ne le sont pas pour des actes de violence ou de racisme. On retrouve de nombreuses IAS pour sanctionner l’utilisation de fumigènes, la détention de produits stupéfiants ou des actes de contestation des politiques des clubs.

Ces mesures sont-elles applicables aux manifestations ?

Cela me semble très compliqué. On ne sécurise pas une manifestation comme on sécurise une enceinte sportive. Les interdictions de stade concernent aujourd’hui 300 supporters qui doivent pointer au commissariat. La date, le lieu et la durée d’une manifestation sportive sont connus à l’avance. Dans le cas d’une manifestation, le maintien de l’ordre est plus complexe. Faire pointer toutes les personnes interdites de manifester demanderait une organisation beaucoup plus importante dans les commissariats. On ne connaît jamais précisément le parcours et la durée d’une manifestation, ce qui rend le secteur plus difficile à boucler. D’autant qu’avec le mouvement des gilets jaunes, les manifestations ne sont pas toujours déclarées.

« Ces mesures risquent d’ajouter de la tension dans les rassemblements »

Et puis, de telles mesures auraient probablement pour effet d’ajouter une tension supplémentaire dans les rassemblements. Cela irait à l’encontre de l’objectif de désescalade des violences.

Aujourd’hui, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les atteintes aux libertés publiques que le projet de loi anticasseurs pourrait engendrer, sans pour autant remettre en question les mesures appliquées aux supporters. Comment l’expliquez vous ?

Les supporters ont une mauvaise image dans la société. La méconnaissance générale du monde des tribunes et la déconsidération des hooligans font que les gens ne voient pas qui sont les supporters sanctionnés et la nature des actes reprochés. Et puis, même si l’Association Nationale des Supporters joue bien son rôle de relais médiatique, elle n’a pas le même poids que peuvent avoir les syndicats ou les partis politiques. Du coup, quand les supporters dénoncent certaines dérives, leur écho est moins important que quand il s’agit de manifestants.

Mousson à la Mosson

Inondée à deux reprises ces derniers jours, la capitale héraultaise, encore gorgée d’eau, connaît d’importants dégâts matériels. De Philippe Saurel (Maire DVG) à Loulou et Laurent Nicollin, les Montpelliérains médusés prennent conscience de l’ampleur des réparations à effectuer. A l’ouest de la ville, le quartier de la Paillade n’a pas échappé aux intempéries diluviennes. Comme en 2003, le stade de la Mosson se trouve dévasté. Enceinte inondée, pelouse arrachée, vestiaires souillés : le constat fait mal pour le MHSC.

Une moto sur le terrain

Mardi 6 octobre, une semaine après avoir essuyé des chutes d’eau records, la ville de Montpellier se réveille ruisselante une nouvelle fois. Or, les 300 litres par mètre carré tombés sept jours plus tôt imprégnaient encore la cité languedocienne. N’ayant pas eu le temps d’évacuer l’eau qui s’y trouvait déjà en abondance, les sols ne peuvent plus en absorber une goutte. La ville est une éponge. Le stade de la Mosson ne fait pas mieux.

«L’eau est montée jusqu’à trois mètres de hauteur à l’intérieur du stade», indique Laurent Nicollin, engloutissant vestiaires, salle de presse, bancs de touche et même les gradins les plus bas. Les portes anti-inondations ne pouvaient rien face à la taille de la vague qui a assailli l’enceinte. La base de la tribune Corbières porte les stigmates de cette puissance. Fissurée sur plusieurs mètres, elle devra être consolidée avant d’accueillir à nouveau des spectateurs. Le théâtre du bon début de saison de l’actuel septième de Ligue 1 offre ainsi un spectacle désolant. La pelouse quant à elle n’est que vase et glaise. Parsemée de détritus charriés par les eaux, on y a même retrouvé… une moto !

Parer au plus pressé

« Les dégâts sont énormes », a rappelé Nicollin fils. Les travaux seront longs et la trêve internationale (6-16 octobre) bien trop courte. Joueurs et supporters ne retrouveront pas leur antre de sitôt. « Pas avant décembre » se murmure-t-il un peu partout. Pas de date précise non plus… Il faut donc s’adapter, et vite. En ce sens, le MHSC, qui a reçu de nombreux témoignages de soutien de ses pairs, a réussi à se mettre d’accord avec l’Olympique Lyonnais et la Ligue de Football Professionnel (LFP) pour inverser le calendrier et jouer le match du 19 octobre à Gerland. Oui, la Ligue peut se montrer compréhensive parfois… Le procédé sera probablement répété pour les seizièmes de finale de Coupe de la Ligue le 28 octobre face à Ajaccio. Mais après ?

Rien qu’en championnat, il restera cinq rencontres à domicile jusqu’à la trêve hivernale. Le calendrier ne sera pas toujours favorable à ces « inversements », et les adversaires pas si arrangeants. Lueur d’espoir cependant, l’appel à la solidarité du club héraultais a trouvé écho. Pas chez les Nîmois, les supporters ayant immédiatement fait blocus via Facebook, mais à Montpellier même. Le Montpellier Hérault Rugby a en effet proposé d’accueillir les footeux à l’Altrad Stadium – anciennement Yves-du-Manoir – pour la durée des travaux. Des émissaires de la Fédération Française de Football (FFF) et de la LFP doivent ainsi visiter le stade lundi 13 octobre selon le Midi-Libre et valider ou non le recours du MHSC.

« On ne peut pas revivre cette situation »

Et oui, Laurent Nicollin s’en souvient. Il y a dix ans, suite un « épisode cévenol » similaire, le stade avait déjà été dévasté. Le problème est récurrent. Inauguré en 1972, ce stade, comme l’ensemble de la ville et de ses habitants, ne supporte pas la pluie. N’ayant que très peu de prises sur les phénomènes météorologiques, le club va plutôt devoir agir sur l’infrastructure. On voit mal Loulou se muer en marabout dansant contre la pluie chaque automne.

Si la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle peut aider financièrement, les dirigeants pailladins vont surtout devoir se tourner vers les partenaires institutionnels qui ont fait la force du sport montpelliérain. La Ville, l’Agglomération et la Région en tête. D’autant plus qu’avant même le début des travaux, le clan Nicollin évoque l’hypothèse d’un nouveau stade. Une idée déjà lancée cet été. Interrogé à ce sujet, Philippe Saurel – maire (DVG) et président de l’Agglomération – ne s’oppose pas au projet d’une nouvelle construction. Il reconnaît cependant que les fonds seront difficiles à trouver. Mais surtout, tout le monde s’accorde à dire que partir de la Paillade, « là où on a commencé il y a 40 ans » dixit Loulou, couperait le club de son âme, de son histoire. Une affaire propre à déchaîner les passions dont on devrait certainement reparler d’ici peu.

Pour l’heure, il faut reconstruire au plus vite afin de limiter les pertes financières que risque d’occasionner l’indisponibilité de l’antre meurtrie du MSHC. Côté sportif, les Montpelliérains ont pour eux leur bon début de saison. Mais ce genre de « perturbation » peut être fatale. L’horizon reste terne. Outre la menace d’une nouvelle alerte météo, flotte désormais le fantôme de 2003 : une relégation en fin de parcours.

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