IdEx : Les étudiants écartés du dossier

Grands absents du feuilleton médiatique qui a conduit au dépôt de l’Initiative d’Excellence (IdEx), les représentants étudiants montpelliérains déplorent un manque de concertation et le désintéressement de la population étudiante.

Les étudiants montpelliérains auraient dû être consultés sur le projet d’idEx. En théorie seulement, puisqu’au désarroi des organisations étudiantes, cela n’a pas été le cas.

« Les étudiants élus au sein des conseils auraient dû être consultés. Mais j’ai eu connaissance du projet final quelques jours avant le vote en conseil d’administration. Certains ont même reçu le document de 80 pages le jour du vote. On a tout de même rédigé une contribution sur le volet de la vie étudiante dans la précipitation mi-décembre. Elle n’a finalement pas été intégrée au dossier », explique Antoine Mariotat, président de l’Association Fédérative des Étudiants Montpelliérains (AFEM) et étudiant à l’UM3.

Les représentants de l’Union Nationale Inter-universitaire/Mouvement des Étudiants (UNI/MET) et de l’AFEM ne sont néanmoins pas opposés au projet d’idEx qui a été déposé le 7 janvier 2011 par les présidents d’université. « On rejoignait le positionnement de la Région. Les initiatives d’excellence sont une véritable chance pour Montpellier qui ne doit pas devenir une université de seconde zone », argumente Grichka Tchappsky, vice-président étudiant du Crous de Montpellier.

« On n’est pas dans la magouille »

En revanche, tous dénoncent la représentativité peu démocratique des étudiants au sein du Pôle Régional d’Enseignement Supérieur (PRES). « Il n’y a au Conseil d’administration du PRES aucun élu à ce jour, uniquement des étudiants désignés arbitrairement par les universités », dénonce Gabriel Holard-Sauvy de l’Union Nationale des Étudiants de France. Une information confirmée par les élus de l’UNI et de l’AFEM. Les présidents d’université ont eux-mêmes choisi Nicolas Giraudeau, doctorant à l’UM1 et Philippe Gambette de l’UM2 pour siéger au PRES.

Des élections auraient tout de même eu lieu à l’UM2. Paul Emmanuel Vanderielle, représentant de l’UNI/MET, affirme avoir été élu au conseil du PRES, mais il n’a jamais été convoqué. Des affirmations que réfute Dominique Deville de Périère, présidente du PRES : « On n’est pas dans la magouille, les étudiants ont été élus. » Philippe Gambette déclare lui avoir été désigné par la présidence de l’UM2, suite à un vote en Conseil d’administration de l’université.

Antoine de l’AFEM décrit un système complexe en phase de transition : « Avant une modification de la loi LRU (loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités, NDLR) en novembre 2010, seuls les étudiants membres du PRES, c’est-à-dire les doctorants, pouvaient siéger au Conseil d’administration. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et on espère que ça changera des choses à Montpellier. »

« Quand ça arrivera, les étudiants actuels ne seront plus à la fac »

Les élus avouent toutefois être dépassés par la technicité de la partie scientifique de l’idEx. « Au départ, c’était très axé recherche et on n’avait pas forcément les compétences nécessaires pour s’investir là-dedans. On a tout de même suivi l’avancement du projet notamment sur le point de vue de la gouvernance et de la fusion qui nous concernaient plus », explique Victoire Leroy, élue au Conseil des Études et de la Vie Universitaire de l’UM1.

Au-delà de la compétence, l’obstacle majeur rencontré par ces jeunes élus est le désintéressement général des étudiants. Certains ont essayé d’informer leurs camarades. Paul-Emanuel Vanderielle a par exemple organisé en décembre un café-débat sur l’avancement de l’opération campus. « Quand je suis allé tracter pour cette soirée, de nombreuses réactions étaient négatives. Les étudiants actuels ne se sentent pas concernés car quand ça arrivera, ils ne seront plus à la fac », explique l’étudiant.

« Repenser l’université, voire la société »

Jean-Philippe Legois a travaillé sur les événements de mai 68 dans les université de Paris Sorbonne et Nanterre et également à Reims. L’objet de ses recherches, depuis une dizaine d’années, notamment dans le cadre du GERME est de comparer les différentes configurations locales. Il anime également un séminaire à l’IEP Paris sur le thème « Mouvements étudiants et Institutions » et dirige, depuis 3 ans, la Mission CAARME (vers la création, à Reims, d’un Centre d’animation, d’archives et de recherches sur les mouvements étudiants).

Qu’est-ce que Mai 68, une révolte, une révolution ?

La situation est au départ partout la même. Il s’agît d’une révolte qui éclate en solidarité avec des étudiants arrêtés. Puis le processus se radicalise. La radicalisation s’opère dans les formes du mouvement : une majorité des facs seront occupés. Elle s’opère aussi dans les revendications. De l’incident de départ, on se met à reconsidérer le projet universitaire. Finalement, c’est le projet de société tout entier que l’on repense.

Quel sens peut-on donner au fait que le mouvement social parte des étudiants ?

C’est difficile de répondre. En 68, ce sont les étudiants, mais en 1995, le mouvement est parti des cheminots. Il y a différentes modalités de départ des mouvements sociaux. En 68, on peut considérer qu’il y a un bon cocktail de circonstances en faveur des étudiants. Le milieu universitaire était considéré comme petit bourgeois, on ne s’en méfiait pas. Ce qu’il y a de notable, c’est que le mouvement étudiant devient une composante à part entière de la revendication syndicale.

Peut-on dire que c’est la première fois que le milieu étudiant devient un lieu de revendication ?

Oui et non. Les protestations étudiantes sont également importantes lors de la contestation contre la guerre d’Algérie. L’UNEF acquiert alors peu à peu un poids dans la négociation intersyndicale. Jusque là il s’agissait plutôt d’un regroupement associatif.

Les étudiants ont-ils été les principaux bénéficiaires des événements de 68 ?

Les autres fronts ne sont pas en reste : section syndicale d’entreprises, luttes féministes… Il y a eu des avancées importantes dans les universités. Notamment en ce qui concerne la représentation étudiante dans les conseils d’administrations des universités. Cependant, les acquis ne sont pas à la hauteur des revendications.

La révolte de mai 68 a t’elle laissé une sorte d’héritage aux mouvements étudiants ?

Oui et non. En 1986, un slogan disait « 68 c’est vieux, 86, c’est mieux ! ».Lors de mouvements plus récents, à l’occasion du CPE ou de la LRU, on ne constate pas de rejets de 1968, mais on ne trouve pas les mêmes formulations sociales et politiques dans les mouvements. Les formes de mobilisations, elles, s’inspirent largement de 68, notamment dans l’organisation nationale du mouvement sous forme de coordination. Dans chaque mouvement étudiant, derrière la revendication ponctuelle, on voit poindre l’idée de repenser l’université, voire la société.

Montpellier : Un mouvement précoce et bon enfant

Pierre Marie Ganozzi est professeur d’Histoire Géographie au Lycée Albert Schweitzer du Raincy (93). Il a étudié en 1997 dans le cadre de sa maîtrise d’histoire le mouvement étudiant de mai 68 à Montpellier.

Quand débute le mouvement étudiant à Montpellier ?

Dés le mois de février ! Le 14, la Fédération Universitaire, la Fédération des Résidences Universitaires de Montpellier (FRUM) et l’UNEF organisent un meeting à la cité universitaire du Triolet pour demander une réforme du règlement intérieur. Les revendications portent essentiellement sur des questions de mixité, afin que les mineurs[[ La majorité était alors à 21 ans]] de sexe opposés puissent se rencontrer, et que les couples majeurs non-mariés puissent avoir des aménagement. Il est aussi question de liberté de regroupement politique. Le meeting est un succès, il réunit 2000 personnes, soit plus de la moitié des résidents de la cité. Beaucoup de gens se reconnaissent alors dans l’UNEF et dans les fédérations universitaires. Le règlement sera réformé en faveur des étudiants début mars.

Comment se déroule la suite des événements ?

Dans la foulée des événements parisiens. Il existe à Montpellier aussi un comité Vietnam, dans lequel on retrouve des militants de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire (JCR) et des Etudiants Socialistes Unitaires (ESU). Des délégués de l’UNEF Montpellier sont présent le vendredi 03 mai à la Sorbonne. Le meeting qui devait avoir lieu dans le local de l’UNEF est déplacé car le local a été incendié la veille par le mouvement Occident. Le rassemblement se tiendra alors de façon sauvage, et sera évacué par les forces de police avec beaucoup de violence.
Les délégués Montpelliérains rentrent de Paris le dimanche soir et dés le lundi matin, ils tractent et circulent dans les amphis de la fac de lettres pour raconter ce qui s’est passé. La faculté se met alors en grève, ce sera l’une des premières de province. Le fait d’avoir des témoins direct des événements va accélérer le processus par rapport à d’autres villes qui n’ont que les échos de la presse.

Les facultés de Montpellier sont alors bloquées ?

Non. Il n’y aura pas de blocages à Montpellier en 1968. les enseignants et les étudiants font la grève sur le tas, donc il n’y a pas lieu de bloquer. Des assemblées générales se tiennent toute la journée.

Le mouvement étudiant montpelliérain a t’il beaucoup de lien avec le mouvement parisien ?

Oui, en permanence. Les étudiants on prit possession du secrétariat, ce qui leur permet d’être en communication constante avec Paris. Luc Barret, le président de l’UNEF à Montpellier deviendra d’ailleurs plus tard en 1969 le président de l’UNEF au niveau national.

Quelles sont les spécificités du mouvement Montpelliérain ?

La principale est qu’il existe à Montpellier une relation étroite entre le mouvement étudiant et le mouvement salarié. On ne peut pas vraiment parler d’ouvriers, il s’agît surtout des cheminots. Les syndicats collaborent au sein de l’intersyndicale qui regroupe l’UNEF, la CGET, La CFDT, La FEN et FO. Ce n’est pas le cas partout, loin de là. A partir du 18 mai, et pendant une dizaine de jours, l’intersyndicale se réunira d’ailleurs à Paul Valery. Des comités sont mis en place pour aller chercher des vivres directement chez les paysans pour nourrir les grévistes, étudiants et salariés.

Quelle interprétation peut-on avoir de cette entente ?

Montpellier ne représente pas d’enjeux politiciens. L’attitude du PCF ici n’est pas du tout celle de sa direction parisienne. Les syndicats collaborent donc sans arrière pensées.

Y a t’il d’autre particularités ?

Oui, les événement se sont déroulés sans violences à Montpellier. On trouve des étudiants gaullistes en médecine et quelques membres d’Occident en droit, mais ils ne se sont pas trop montrés. Un jour, la rumeur d’une descente d’Occident à Paul Valery a couru. Le service d’ordre de la CGT est allé prêter main forte à l’UNEF. Finalement, Occident n’est pas venu. Le 31 mai lors de la manifestation de soutien à De Gaulle, l’extrême droite a manifesté dans un cortège distinct.
L’ambiance générale était bon enfant à Montpellier. A titre d’exemple, en médecine, malgré la fermeture de la fac, les étudiants se sont organisés pour aller nourrir les animaux cobayes afin que ceux-ci ne souffrent pas de la grève.

Comment le mouvement prend-il fin ?

Un peu comme partout. Fin mai, De Gaulle dissout l’assemblée nationale. On est au lendemain du protocole de Grenelle. L’Union des Etudiants Communistes (UEC) considère que c’est un succès, et se lance dans la préparation de la campagne. Les ESU sont plus méfiant mais quittent tout de même la grève pour entrer en campagne. Les ligues d’extrême gauche sont dissoutes. Le militantisme devient difficile dans la clandestinité. Pourtant, leurs effectifs ont largement augmenté. La JCR est passé de 15 à plus de 300 membres durant le mouvement.

Qu’est-il resté du mouvement Montpelliérain ?

Des idées en premier lieu ! L’assemblée constituante mis en place le 13 mai à Paul Valery comprenait 30 enseignants, 30 assistants, 30 étudiants et 10 administratifs. Leurs idées ont contribué à l’élaboration de la réforme Faure.
Ensuite, c’est à Montpellier que l’idée des universités populaires est allé le plus loin. L’idée était d’ouvrir les murs de la fac à tout le monde durant l’été. L’expérience a débuté à Paul Valery. Le 07 juillet, le doyen fait évacuer les lieux avec l’aide de la police. L’université d’été va alors se réfugier dans la salle des rencontres prêtée par les frères dominicains. Il faut tout de même nuancer. Si les conférences ont duré jusqu’à début août, peu de gens y ont prit part.

Vous avez étudié mai 68, aujourd’hui vous êtes enseignant dans le secondaire. Pensez-vous que mai 68 ai laissé un héritage aux mouvement étudiants ?

Non. L’héritage de mai 68 ne se situe pas dans cette sphère. Je n’ai pas vu les braises de 68 souffler sur les dernières grèves lycéennes ou étudiantes. C’était peut-être vrai en 1986, mais depuis 1995, d’autres référents se sont mis en place. Pour moi, les déclarations du président Sarkozy sont anachroniques. Ça n’a pas de sens de vouloir « en finir avec 1968 ». C’est un problème. Jusqu’à présent, l’événement n’était envisagé qu’à travers des témoignages ou du ressenti. Soit on mythifie, soit on diabolise mais on le traite rarement dans sa globalité et sa complexité. Le temps de l’Histoire est venu. D’ailleurs, cette année, il me semble que ce qui sort en librairie est plus intéressant.

Mai 68 : La démocratie déferle sur les bancs de l’université

A l’occasion du quarantième anniversaire de Mai 68, le journal Midi Libre réalise un dossier spécial dans la semaine du 4 au 11 mai. Le dossier se décline en thématiques. Voici la page qui traite du mouvement étudiant.

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