Carte Izly : le système de paiement indigeste des Crous

C’est officiel. Même s’ils ne payent pas avec la contestée carte Izly, les étudiants continueront tout de même de bénéficier de tarifs réduits dans les cafétérias et restaurants universitaires, contrairement au souhait du Cnous. Un revirement complet. Reste qu’à la cafétéria de Droit et Science politique de l’Université de Montpellier, les étudiants se sont fait flouer. Explications.

Coup de théâtre. Pour bénéficier de tarifs réduits, les étudiants ne sont désormais plus obligés de régler leurs consommations aux cafétérias et restaurants universitaires avec Izly, le système de paiement sans contact que le Cnous (Centre national des œuvres universitaires et scolaires) voulait pourtant leur imposer.

C’est son président, Emmanuel Giannesini, qui en a fait l’annonce, samedi 21 octobre, dans un communiqué posté sur les réseaux sociaux : « Les étudiants paient toujours le tarif étudiant, quel que soit le mode de paiement (Izly, CB ou liquide). Izly leur permet simplement de ne pas présenter leur carte d’étudiant, pour un passage plus rapide et plus fluide en caisse ».

Géolocalisation et modes de paiement : quel lien ?

Le post en cinq points du président du Cnous est survenu au lendemain d’une enquête du Monde (rubrique Pixels) faisant ainsi valoir son droit de réponse.

Si les quatre premiers points répondent bien aux accusations portées par le journal, le cinquième, cité ci-dessus, tombe comme un cheveu sur la soupe.

Le Monde soupçonne en effet l’application Izly de géolocaliser les étudiants et d’utiliser leurs données à des fins commerciales. Mais à aucun moment il n’interroge son utilisation obligatoire dans les restaurants et cafétérias universitaires pour profiter des tarifs étudiants.

Ce « rappel » d’Emmanuel Giannesini sur l’usage et la finalité d’Izly n’a donc aucun lien avec le coeur de l’article et revêt des allures d’aveu de défaite.

L’établissement public tente en réalité de mettre fin à une polémique plus large autour d’Izly.

Une directive nationale appliquée graduellement depuis 2015

Voilà deux ans que le Cnous tentait d’imposer progressivement Izly dans l’ensemble du réseau des Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires), souhaitant en faire l’unique moyen pour les étudiants de prétendre à des prix réduits au Resto U – 3€25 le menu à la place de 7€10 – et de l’exonération des 10% de la TVA sur les produits des cafétérias. Il s’agissait donc de les inciter à régler systématiquement via Izly. La finalité invoquée : tendre vers le « zéro cash ».

Son usage inconditionnel est clairement expliqué dans une circulaire du Crous que la rédaction de Haut Courant s’est procurée le 19 octobre dernier : « Le tarif invité de 7,10 € correspond au coût réel d’un repas en resto u et est donc uniquement réservé au public NON ETUDIANT (…) ou aux étudiants qui font le choix délibéré de ne pas utiliser leur carte Izly. (…) les étudiants peuvent toujours s’ils le souhaitent manger un repas (…) pour 3.25 € à condition qu’ils utilisent leur carte. Ils peuvent également continuer à utiliser les espèces dans toutes les cafétérias (en s’acquittant de la tva de + 10 %). ».

Or, les Crous ont été soumis à des pressions, notamment syndicales. Durant plusieurs mois, des formations étudiantes ont mené des campagnes nationales pour exiger que l’usage d’Izly soit facultatif et non la condition pour éviter des hausses tarifaires.

Le syndicat Solidaire étudiant-e-s 34 allait jusqu’à parler de « pratiques illégales » et était même prêt à porter l’affaire en justice.

Dysfonctionnement à Montpellier

À Montpellier, ce n’était qu’à partir du 6 novembre que cette directive nationale devait s’appliquer. Problème : la cafétéria de Droit et Science politique pratiquait déjà des majorations pour les paiements en espèces depuis le mois de septembre. Selon ses agents, l’ordre de ne pas respecter cette échéance émanerait tout droit de la direction générale du Crous de Montpellier.

La rédaction de Haut Courant, qui souhaitait bien entendu, confronter ces dires à la parole officielle, s’est heurtée à un manque total de collaboration de la part de ses responsables, pour des motivations surprenantes.

« Joker »

Durant nos tentatives pour comprendre ce dysfonctionnement, la responsable du service communication et le conseiller restauration que nous avons, malgré tout, réussi à contacter, ont éludé la question.

Si le second s’est contenté d’un simple « Joker » en guise de réponse, la première a, quant à elle, employé d’autres méthodes : soit en ignorant nos appels, soit en nous raccrochant au nez, soit en nous dénigrant – ne pas avoir de temps à consacrer à « un site d’information tel que le nôtre » -, soit par des tentatives de pression auprès des responsables de l’Université de Montpellier.

Ne pas avoir l’envie de répondre à des interrogations légitimes de la part de journalistes et d’étudiants n’entre-il pas en contradiction avec les principes et devoirs du Crous, dont les activités et décisions concernent directement 70 000 étudiants à Montpellier ? Les étudiants qui ont payé la TVA entre septembre et octobre seront-ils en droit de réclamer un remboursement ? Entre les mots et les actes, l’organisme peine manifestement à trouver une cohérence.

Les boursiers prennent leur mal en patience

Alors que l’on se rapproche de la fin du mois de novembre, le Crous de Montpellier n’a toujours pas versé les crédits des étudiants boursiers. Une situation inquiétante pour le syndicat étudiant Unef, mais l’organisme se veut rassurant. Qui croire ?

Les fêtes de fin d’année et sa traditionnelle boulimie de consommation approchent à grands pas. Un évènement dont bon nombre d’étudiants sont aujourd’hui exclus. Le versement de la bourse du mois de novembre n’a toujours pas eu lieu à Montpellier. C’est le cas de Sarah, étudiante en deuxième année de Master en science politique. « Je suis boursière échelon 5, mais je n’ai toujours pas reçu mon virement. Ça devient urgent, il faut que je paye mon loyer et mes factures d’électricité. »

L’angoisse domine, en cette période de crise et de rigueur annoncée. Les caisses du Crous, l’organisme responsable du versement des bourses scolaires, seraient vides. Si bien que certains évoquent même le non versement pour le mois de novembre et de décembre. Des allégations infondées selon Laurine Chauchard, directrice du service communication du Crous de Montpellier, qui veut ainsi tordre le coup aux rumeurs. « Il n’y a aucun problème de financement. Le retard est dû aux paiements rétroactifs des étudiants qui ont rempli leur dossier après le délai prévu. Tous les versements auront lieu dans le mois, mais de manière échelonnée. Certains ont déjà eu lieu. Il n’y pas de souci non plus à se faire pour la bourse de décembre, les budgets sont garantis. »

20% des 18-25 ans vivent en dessous du seuil de pauvreté

Toutefois ce n’est pas le même son de cloche pour Diane Imbert, vice-présidente étudiante du Crous de Montpellier. « La réalité c’est qu’il n’y avait plus d’argent. Le Crous dépend en grande partie pour son financement du ministère de l’éducation. Chaque mois, il reçoit une enveloppe de l’Etat. Mais la fin d’année est difficile. Le paiement a eu lieu très tard et en plusieurs fois. Cela est dû à la mise en place du dixième mois, une annonce politique mal budgétée. Les paiements ont commencé mais certains ne recevront leur bourse que le 6 décembre. Pour le mois prochain, aucune idée, on est dans l’incertitude».

Un nouveau coup dur pour les étudiants, déjà très touchés par la hausse du prix de l’immobilier et du chômage. Rappelons que les jeunes sont la catégorie de la population la plus touchée par la précarité, selon l’Insee, 20% des 18-25 ans vivent en dessous du seuil de pauvreté. Sur Montpellier, près de 30 000 étudiants bénéficient de la bourse, un nombre en constante augmentation. Le versement de cette aide est souvent le seul ou le principal revenu pour nombre d’entre eux, une contribution indispensable qui joue le rôle de dernier rempart contre la misère. On ne peut qu’imaginer la catastrophe sociale s’il advenait qu’elle ne puisse plus être distribuée.

IdEx : Les étudiants écartés du dossier

Grands absents du feuilleton médiatique qui a conduit au dépôt de l’Initiative d’Excellence (IdEx), les représentants étudiants montpelliérains déplorent un manque de concertation et le désintéressement de la population étudiante.

Les étudiants montpelliérains auraient dû être consultés sur le projet d’idEx. En théorie seulement, puisqu’au désarroi des organisations étudiantes, cela n’a pas été le cas.

« Les étudiants élus au sein des conseils auraient dû être consultés. Mais j’ai eu connaissance du projet final quelques jours avant le vote en conseil d’administration. Certains ont même reçu le document de 80 pages le jour du vote. On a tout de même rédigé une contribution sur le volet de la vie étudiante dans la précipitation mi-décembre. Elle n’a finalement pas été intégrée au dossier », explique Antoine Mariotat, président de l’Association Fédérative des Étudiants Montpelliérains (AFEM) et étudiant à l’UM3.

Les représentants de l’Union Nationale Inter-universitaire/Mouvement des Étudiants (UNI/MET) et de l’AFEM ne sont néanmoins pas opposés au projet d’idEx qui a été déposé le 7 janvier 2011 par les présidents d’université. « On rejoignait le positionnement de la Région. Les initiatives d’excellence sont une véritable chance pour Montpellier qui ne doit pas devenir une université de seconde zone », argumente Grichka Tchappsky, vice-président étudiant du Crous de Montpellier.

« On n’est pas dans la magouille »

En revanche, tous dénoncent la représentativité peu démocratique des étudiants au sein du Pôle Régional d’Enseignement Supérieur (PRES). « Il n’y a au Conseil d’administration du PRES aucun élu à ce jour, uniquement des étudiants désignés arbitrairement par les universités », dénonce Gabriel Holard-Sauvy de l’Union Nationale des Étudiants de France. Une information confirmée par les élus de l’UNI et de l’AFEM. Les présidents d’université ont eux-mêmes choisi Nicolas Giraudeau, doctorant à l’UM1 et Philippe Gambette de l’UM2 pour siéger au PRES.

Des élections auraient tout de même eu lieu à l’UM2. Paul Emmanuel Vanderielle, représentant de l’UNI/MET, affirme avoir été élu au conseil du PRES, mais il n’a jamais été convoqué. Des affirmations que réfute Dominique Deville de Périère, présidente du PRES : « On n’est pas dans la magouille, les étudiants ont été élus. » Philippe Gambette déclare lui avoir été désigné par la présidence de l’UM2, suite à un vote en Conseil d’administration de l’université.

Antoine de l’AFEM décrit un système complexe en phase de transition : « Avant une modification de la loi LRU (loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités, NDLR) en novembre 2010, seuls les étudiants membres du PRES, c’est-à-dire les doctorants, pouvaient siéger au Conseil d’administration. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et on espère que ça changera des choses à Montpellier. »

« Quand ça arrivera, les étudiants actuels ne seront plus à la fac »

Les élus avouent toutefois être dépassés par la technicité de la partie scientifique de l’idEx. « Au départ, c’était très axé recherche et on n’avait pas forcément les compétences nécessaires pour s’investir là-dedans. On a tout de même suivi l’avancement du projet notamment sur le point de vue de la gouvernance et de la fusion qui nous concernaient plus », explique Victoire Leroy, élue au Conseil des Études et de la Vie Universitaire de l’UM1.

Au-delà de la compétence, l’obstacle majeur rencontré par ces jeunes élus est le désintéressement général des étudiants. Certains ont essayé d’informer leurs camarades. Paul-Emanuel Vanderielle a par exemple organisé en décembre un café-débat sur l’avancement de l’opération campus. « Quand je suis allé tracter pour cette soirée, de nombreuses réactions étaient négatives. Les étudiants actuels ne se sentent pas concernés car quand ça arrivera, ils ne seront plus à la fac », explique l’étudiant.

Le Pass’culture de Montpellier : sept ans de démocratisation culturelle

Mis en place en 2004, le Pass’culture continue encore de se développer. Proposant aux étudiants montpelliérains une offre culturelle à des coûts privilégiés, il a su satisfaire les jeunes acteurs de la vie culturelle. Retour sur un projet qui marche.

La précarité étudiante : une réalité tabou

Avec un budget moyen de 582 € par mois (dont 190 € pour la nourriture et 131 € pour le logement) la plupart des étudiants ont du mal à boucler les fins de mois. A Montpellier, près de 5 % des inscrits (soit 3 000 sur 60 000) n’auraient même pas les ressources nécessaires pour vivre décemment. Entre gène, pudeur et optimisme, portraits croisés de ces jeunes qui tentent de trouver des solutions pour s’en sortir.

Manger : « la » préoccupation de tous les jours

Premier poste de dépenses des étudiants, l’alimentation reste « la » préoccupation quotidienne. Une réalité difficile à gérer pour les plus précaires. Néanmoins, entre système D, solidarité et associations de soutien, chacun trouve, à sa manière, un moyen de s’en sortir.

pano-2.jpgLa solution de Teddy, en reprise d’études : le déstockage alimentaire. Il se rend pour la première fois dans un magasin de ce genre à Vendargues. «Ce ne sont pas les produits que j’achète habituellement, mais c’est pratique pour acheter en gros», explique-t-il. Avec ses 500 € mensuels, à partager entre logement et nourriture, «aucun extra évidemment, pas de loisirs ni de sorties». Il compte à l’euro près.

Pour M’baye, un sénégalais de 22 ans en première année d’économie, «le budget pour manger est de 30 € par mois. De quoi acheter un grand sac de riz de 10 kg, mais jamais dans les grandes enseignes. Bien trop chères.» En revanche, il peut appeler ses amis, qui lui viennent en aide en cas de besoin. L’un d’eux, Mustafa, Sénégalais comme M’baye, raconte qu’à son arrivée en France il y a cinq ans, «c’était semoule ramenée du Sénégal avec un peu d’eau chaude». Ce fut son seul repas pendant plusieurs mois. Maintenant, il apporte son soutien à ceux qui arrivent en France comme lui, démunis.

Reste le cas de Brahim et Anouar, étudiants de Master. Tous deux ont été dirigés vers le Secours populaire par les services du Crous. «J’avais prévu un budget pour cette année, mais il est déjà épuisé», explique Brahim. Arrivé d’Algérie au début de l’année, il s’est contenté de vivre avec 15 € par mois pendant près de six mois. «Si je viens au Secours populaire, c’est que je n’ai plus d’autres solutions», avoue-t-il pudiquement. C’est sa première visite.

Anouar, de son côté, aborde sa situation avec philosophie. «De toute façon, c’est la crise». Installé en France depuis deux ans, il a travaillé pour financer ses études mais cette année, «il n’y a plus de boulot». Avec 300 € de budget mensuel, l’aide alimentaire du Secours populaire lui permet d’envisager son quotidien avec plus de sérénité.

Le logement, autre soucis du quotidien

La ville de Montpellier totalise 7 000 logements sur le parc locatif universitaire, pour 60 000 étudiants issus des trois campus. Le loyer moyen d’un studio dans le privé se situe entre 360 €, et 400 €. Des prix onéreux pour la plupart des étudiants qui connaissent parfois des difficultés à se loger.

r1156768294.jpgA 22 ans, M’baye, Sénégalais en première année d’économie, en sait quelque chose. «Je vis avec un ami qui possède une chambre en résidence universitaire. Un petit 18m2 pour deux, c’est mieux que rien.»
Pour un étranger, accéder à un logement universitaire, «c’est la galère». Pas d’accession en « cité U » avant le Master et de nombreux papiers à fournir pour justifier de la solvabilité de l’étudiant : titre de séjour en règle, justificatifs des comptes avec au minimum 472 € de revenus par mois…

Les étudiants étrangers ne sont pas les seuls à pâtir d’une situation financière précaire. Pour Teddy, étudiant français de 27 ans en reprise d’études – il passe un diplôme d’accès aux études universitaires, le quotidien n’est pas simple non plus. «Je suis en fin de droit pour les indemnités chômage.» Il vit en couple, ce qui le sauve. Son propriétaire ne connaît pas sa situation. «Il ne m’aurait pas loué le logement. En plus, je n’ai pas de garants. Mes parents connaissent des difficultés pires que les miennes».

Rencontré également au détour de la fac, Max, un squatteur. «Depuis quelque temps, nous logeons à plusieurs dans un squat. Pour ne pas nous faire expulser le 15 mars, à la fin de la trêve hivernale, nous avons pris un abonnement EDF.» Max s’oppose pourtant à montrer «sa piaule». «Nous préférons rester discrets. On court toujours le risque de voir débarquer les flics.»