Violences conjugales : « On ne peut pas encaisser l’idée qu’une femme est violente »

Vingt-cinq hommes sont décédés suite à des violences conjugales en 2016, en France. S’ils existent bel et bien, les hommes battus ont encore du mal à en parler et à faire reconnaître la réalité de ce qu’ils subissent.

« Nous avons entendu crier. Il était presque 23 h. Nous sommes descendues et sommes tombées nez à nez avec notre voisin, subissant les coups de poing de sa femme. Il était déjà griffé et rougi sur les bras, le torse, le dos, des traces de morsures étaient visibles sur ses bras, son crâne saignait et il avait d’anciennes cicatrices », témoigne Margault, étudiante en géopolitique et vivant en région parisienne. Son voisin est l’un des 80 000 hommes battus chaque année dont on parle peu.

« La violence n’a pas de sexe »

Pour Elodie Cingal, psychologue psychothérapeute, si on en parle peu, c’est parce qu’il y a des « clichés et des idées reçues ». Pourtant, elle affirme que « la violence n’a pas de sexe » et qu’il faut d’abord penser victime et auteur de violence. Pour Manon Dumand, assistante sociale, c’est surtout dû aux « représentations de l’homme fort qui ne peut pas être soumis à une femme, au mythe de l’homme viril » qui existent encore aujourd’hui.

Outre cela, la question des blessures se pose. Elodie Cingal explique : « Quand les hommes arrivent et qu’ils montrent leurs bras, leur dos ou leurs joues griffés, ça laisse les gens insensibles ». Pourtant, un coup reste un coup.

Ces jugements de valeurs ou cette ignorance s’ajoutent à la société que décrit Elodie Cingal, où on « emprisonne [les hommes] dans le patriarcat », surtout suite au récent mouvement #MeToo. Elle confie : « Tant qu’on sera sur la pensée que les hommes sont tous des salauds et des prédateurs, comment voulez-vous qu’un homme vienne dans une institution quelconque dire : je suis frappé. Un, on n’est pas formé à ça. Deux, ça peut pas être possible parce que si c’est lui qui est frappé, ça veut dire qu’elle est violente et on ne peut pas encaisser l’idée qu’une femme est violente. »

Un pas à franchir

Pour ces deux spécialistes, la première étape est la même : identifier les violences dont ces hommes sont victimes. Manon Dumand explique : « Avant d’en parler, il faut s’en rendre compte, se l’avouer, en parler à ses proches, aller voir une association : il y a du chemin ». Elodie Cingal confirme : « ils ne se disent pas qu’ils sont victimes de violence. Les seuls hommes qui parlent réellement de la violence qu’ils subissent c’est ceux qui ont vraiment des lèvres ouvertes, des cocards, etc. » Mais pour Manon Dumand, cette étape est rendue difficile par « l’emprise du conjoint, souvent très importante ». « Comme toute personne maltraitée, c’est un travail lent pour sortir de l’emprise » confirme la psychothérapeute. Et cela l’est d’autant plus pour celle-ci, que « les hommes sont très isolés ».

Plus qu’isolés, ils sont souvent seuls dans leur démarche. Pour Elodie Cingal, les mécanismes liés à un homme battu sont les mêmes que ceux d’une femme battue, mais ce qui change « c’est qu’ils n’ont le soutien de personne : aucune organisation, aucune loi pour eux, aucun organisme. » Pour Manon Dumand, c’est une difficulté de plus : celle de « se dire que l’on est concernés par ces mesures ».

Sans soutien et sans accompagnement, il devient plus difficile d’entreprendre les démarches. Pour Elodie Cingal il y a d’abord cette tentative de dissuasion de la part de certaines institutions, puisque « quand les hommes viennent déposer plainte, c’est très rare qu’on prenne leur plainte ». Mais également parce que, comme Manon Dumand l’explique : « quand on est victime de violence, on a honte ». Plus encore, « pour un homme c’est doublement la honte, parce qu’il n’a pas su maîtriser sa femme » affirme Elodie Cingal.

« J’ai honte, je suis désolé » sont des mots que Margault a entendu dans la bouche de son voisin ce soir-là. « La police a demandé à sa femme de quitter les lieux. Ils ont expliqué à notre voisin qu’il pouvait porter plainte, plusieurs fois. Pour “ne pas vouloir de problème”, il n’a pas souhaité porter plainte. » Comme les 76 000 hommes qui, chaque année, décident de ne pas porter pas plainte.

Informations utiles et conseils

39 19 — numéro d’écoute pour les victimes de violences conjugales. Du lundi au vendredi, de 9 h à 22 h. Le samedi et le dimanche de 9 h à 18 h. Ce n’est pas un numéro d’urgence !

En cas d’urgence, le numéro à composer en priorité reste le 17 (ou le 112). Ils se chargeront d’envoyer les secours si cela est nécessaire et demandé.

Elodie Cingal conseille : « Préparez votre dossier : faites des mains courantes, écrivez un maximum de SMS et de mail à des amis, parlez un maximum autour de vous de ce que vous subissez, ne vous isolez pas. […] Comme ça passe par internet, il y aura les dates qu’on pourra corroborer par d’autres preuves. »

 

 

 

Violence faite aux femmes: Devenez lanceur d’alerte.

Ce 25 novembre 2015, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, nous sommes tous concernés. Décrétée par l’Organisation des Nations Unies (ONU) en 1999 elle a pour but de sensibiliser l’opinion face à ce problème. En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon.

Lorsqu’une femme est victime de violence, au sein de son couple, dans son travail ou dans la rue, elle fait souvent face au silence. Au silence des autres, de ceux qui voient mais ne regardent pas. De ceux qui entendent mais n’écoutent pas. Pourtant, chacun peut devenir un lanceur d’alerte et aider ces femmes à faire le premier pas. Il suffit de: Voir. Ecouter. Comprendre. Ne pas juger. Pour sauver.

Chez les femmes en bonne santé, la première cause de mortalité n’est ni la cigarette, ni les accidents, c’est les coups. Selon une étude de la Banque Mondiale, le viol et la violence conjugale sont la première cause de mortalité dans le monde chez les femmes de 15 à 44 ans. La violence faite aux femmes tue plus que le cancer, les accidents de la route, la guerre et le paludisme réunis. Triste constat qui ne touche pas que les pays les plus pauvres. Il en est de même chez les Européennes. Un bilan douloureux où chacun a sa responsabilité. Le 25 novembre 2014, Ban Ki-Moon, secrétaire général de l’ONU déclarait : « Il nous incombe, à nous tous, de prévenir et de combattre la violence à l’égard des femmes et des filles, en commençant par remettre en question la culture et la discrimination qui la perpétue. »

Selon un bilan publié ce lundi par la Fédération Nationale Solidarité Femmes, le 3919, la ligne téléphonique destinée à aider les femmes victimes de violence, a traité plus de 50 000 appels en 2014, soit deux fois plus que l’année précédente. Une étude qui révèle l’importance des campagnes de communication sur les femmes victimes de violence mais aussi sur chaque citoyen, qui, à tout moment, peut devenir un lanceur d’alerte.

La seule chose à briser, c’est le silence

Aline Faucherre est psychologue clinicienne et juriste au Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF) de Montpellier. Le premier constat, c’est l’efficacité du 3919 (numéro gratuit et anonyme, qui n’apparaît pas sur les factures) : « ça a permis à beaucoup de femmes et de témoins de rompre le silence. » Mais le combat n’est pas encore gagné. Encore beaucoup de femmes sont dans un isolement total, en particulier les femmes issues de milieux dits privilégiés, traditionnels où le tabou est encore plus fort. « Les menaces de l’agresseur isolent la victime, ce qui fait qu’elle a du mal à aller vers les associations qui peuvent l’aider ». D’où l’importance du rôle du témoin. Qu’il soit un voisin, un ami, un membre de la famille, un collègue, un médecin, un gendarme. De témoin il peut devenir lanceur d’alerte, et sauver des vies. Mais comment ?



Je suis témoin d’une agression dans un espace public
Même si la situation reste rare, le risque de mort est bien réel. Il faut avertir les forces de police. « Comme tout citoyen, vous intervenez, sinon c’est non-assistance à personne en danger. »

Je suis témoin d’une agression dans le huit-clos conjugal
Si c’est une scène où n’il y a pas d’urgence, « le risque de s’interposer quand vous êtes un citoyen lambda, c’est que les deux se retournent contre vous. » Même si c’est délicat, « si vous entendez la scène, la première chose à faire, c’est appeler le 17. »

J’entends des bruits inquiétants mais j’ai des doutes
Tout d’abord, informez. Donner de l’information peut s’avérer plus efficace qu’il n’y paraît.« Il n’y a pas très longtemps, une étudiante est venue. Dans une cité universitaire elle entendait des bruits suspects. Mais elle ne savait pas qui. Elle est venue ici chercher des affiches avec le 3919 qu’elle a placardé dans tous les halls d’entrée. »

Une amie, une connaissance se confie à moi
Sans doute la situation la plus difficile. « Il ne faut absolument pas parler au conjoint, ça ne ferait qu’affaiblir la victime.» Ouvrir la porte, mais rester en retrait. Il faut avoir « une position d’ouverture mais très respectueuse. Souvent elle n’est prête ni à se séparer de cet homme, ni à demander de l’aide. Elle pense qu’elle maîtrise la situation, qu’elle est capable de s’en sortir toute seule. Il faut faire preuve de prudence. D’abord lui dire que vous avez été témoin, que ça s’appelle de la violence, que ce n’est pas une scène de ménage anodine. Surtout, évitez de porter un jugement sur le conjoint. Ne pas dire « c’est un salaud », etc. Lui dire que c’est défendu par la loi. Ce qui est important, pas dans l’urgence mais dans la rapidité, c’est de travailler avec elle à ce qui pourrait la protéger. Lui demander à elle quels seraient ses points de repli.
-74.jpg Est-ce qu’il pourrait y avoir un code entre elle et vous en cas d’agression. Un mot, un geste qui veut dire qu’il faut appeler la police. Ne surtout pas faire les choses à sa place, ne pas l’obliger à porter plainte et rester disponible.
» Aline Faucherre le sait, « c’est une posture frustrante et difficile». Le lanceur d’alerte doit être patient et rester aux aguets.

La psychologue raconte l’histoire d’une femme qui habitait dans un immeuble à Montpellier. Tous les indices d’un « danger de mort » étaient là. Elle l’a poussé à parler à sa voisine, et à mettre en place un code. Si elle tapait trois fois sur le mur, elle était en danger. Un soir, devant leur bébé, le mari étrangle sa femme. Grâce au code la voisine contacte les gendarmes et les pompiers, qui sauvent in extremis la femme qui ne respirait plus.« C’est clairement l’intervention de la voisine qui a sauvé cette jeune femme.»

Des professionnels formés à donner l’alerte ?

Médecins généralistes, gynécologues, policiers et gendarmes. Des corps de métiers qu’une femme violentée rencontre inévitablement. Mais des professionnels plus ou moins aptes à déceler la violence, alors qu’ils devraient être les premiers lanceurs d’alerte.

Le déficit de formation des professionnels de santé
Aline Faucherre, également formatrice auprès des professionnels de santé, milite pour que les médecins soient formés à repérer et à aider les femmes qui n’osent pas crier au secours. La psychologue déplore l’absence de questions relatives à la violence subie par la patiente lors du questionnaire habituel d’antécédents médicaux des médecins généralistes. Il suffirait de poser la question : « Avez-vous été victime de violence dans votre vie ? » « Une question très simple. », qui pourtant est rarement posée. «Les médecins traitent une sorte de dépression ou de souffrance diffuse sans poser la question de l’origine.»
Il y a 15 ans, une formation spécifique aux urgences existait en lien avec le CIDFF, pour que la victime soit prise en charge par une assistance sociale dès sa venue au service des urgences. Mais cette formation a été supprimée et confiée en interne. Malheureusement, Aline Faucherre constate que souvent, aux femmes qui se présentent aux urgences suite aux coups qu’elles ont reçu, « on ne leur pose pas la question ». Il existe des formations auprès des professionnels, mais qui restent largement insuffisantes. Les violences conjugales ne sont pas enseignées en formation initiale à la faculté de médecine. «C’est quand même très dommage de ne pas former les jeunes professionnels», déplore Aline Faucherre.

Une prise de conscience des forces de l’ordre
La juriste note une importante différence entre les gendarmes et les policiers. « Depuis 10 ans, il y a un énorme effort de formation du côté des gendarmes, avec dans chaque brigade deux référents des Violences Intra-Familiales (VIF). Deux gendarmes volontaires et particulièrement formés aux violences conjugales. Ils disposent d’une grille d’audition qui permet de donner au procureur des éléments importants pour prendre une décision.»
Mais la police, ne dispose que d’une formation en interne, jugée insuffisante par la psychologue, qui a encore des échos de plaintes mal enregistrées.

Il a lancé l’alerte

-5.png Vincent Lagalie, formateur dans un centre de formation pour adulte, est venu en aide à des femmes victimes de violence. C’est dans le cadre d’entretien avec des stagiaires qu’il a repéré les premiers signes qui l’ont alerté. « Souvent il ne s’agit que de quelques mots…. l’expression d’une difficulté familiale ou conjugale qui passe par un problème d’hygiène, de fatigue, d’un stress, d’un mal être. » Les mots finissent par se transformer en maux. Lorsque les langues se délient, Vincent explique à la personne ce qu’est le CIDFF, lui dit qu’il va les contacter et lui propose de la mettre en relation avec la structure, afin de faciliter sa démarche.
Comment réagit la personne ? « Par l’étonnement d’abord que l’on puisse lui proposer un accompagnement, puis un soulagement et des remerciements.» Vincent note l’importance d’agir vite, surtout lorsqu’il y a urgence et assure à la personne concernée la rapidité de la prise en charge. Il se fait alors le relais, souvent nécessaire entre la victime et les professionnels. Il déclenche la prise en charge simplement en écoutant et en informant.

En première ligne au Polygone

Un lundi ordinaire allée Jules Milhau: la débrouille vante ses marrons chauds, la loi patrouille au ralenti, la misère tend sa casquette vide.
Dans le centre commercial, les alarmes percent la clameur de la foule alors que se détachent quelques silhouettes en costume noir : des agents de sécurité.
Employés par une société sous contrat avec le centre, et également avec certaines boutiques, ils constituent l’équipe « malveillance ».
En effet, avec 27% des Montpelliérains sous le seuil de pauvreté, dans un contexte économique plombé, la sécurité privée ne connaît pas la crise.

Malgré la méfiance de la direction à l’égard des journalistes, dont nous avons fait l’expérience, plusieurs ont accepté de témoigner anonymement.
« On fait d’abord du pré-vol, c’est-à-dire de la dissuasion » nous explique Romain*, « On montre qu’on est là, on gère aussi les personnes sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants ».
Leurs pouvoirs sont limités, et ils n’ont pas l’autorisation de fouiller les suspects en cas de vol. « On va le laisser faire son petit bordel, chercher le flagrant délit », raconte-il, ensuite « La personne doit sortir elle-même les articles volés, sinon on appelle le 17 ».

Des conditions de travail difficiles

Ils n’ont pas non plus le droit de porter des armes ou de faire usage de la violence, malgré une police qui mettrait souvent « 15 minutes », ou refuserait de se déplacer, selon eux. Son accent méditerranéen éclate : « On est en première ligne. Un jour j’ai failli me prendre une théière depuis le 1er étage », une autre fois c’est « un couteau qui sort ».
Là, « j’ai sorti la gazeuse (Spray lacrymogène) », lâche-t-il, « c’est la seule fois », avant d’avouer avoir dû aussi utiliser une matraque, pour aider un collègue en difficulté. Le port d’armes interdites semble rassurer ces agents, tout comme l’assurance-vie à laquelle ils sont nombreux à souscrire. « Moi j’en ai pas », note Michel*, la trentaine, en passant la main sur son visage buriné, « mais j’ai prévu une rente pour mes enfants jusqu’à leur majorité ».

De plus, la situation se serait fortement dégradée depuis le début de la crise.
« Il y a eu une augmentation des vols, c’est clair ! », souligne-t-il, « J’ai même vu un agent piquer dans un portefeuille oublié par une cliente ». Romain*, quant à lui, pointe « une évolution impressionnante ». Il dénonce l’explosion de la violence : « Ils ne voient que l’uniforme, et plus la personne derrière l’agent ».
Cette perte du lien avec le public lui est pénible, car s’il fait ce métier, c’est d’abord pour « le contact humain, pour faire du social », et rappelle : « on n’est pas des cow-boys ». Il se désole : « Ils sont de plus en plus jeunes, tenez, une fois je suis allé à Zara, le voleur avait 14ans ! ». En effet, pour Serge, patron d’un petit café à l’étage inférieur, les agents sont « très calmes, très diplomates », ils « règlent toujours les choses au mieux ».
47h par semaine pour environ 1200 euros net, un travail « difficile et mal payé » pour Robert*, bouc noir impeccablement taillé, car en cas d’erreur « c’est pour notre gueule ». Le certificat de qualification professionnelle « Agent de Prévention et de Sécurité » (CQP-APS), obligatoire depuis le 1er janvier 2008, ne nécessite d’ailleurs que 70 à 115h de formation.

Au loin, Michel* interpelle calmement chaque client qui déclenche l’alarme et vérifie chaque ticket de caisse, imperméable aux provocations. Malgré tout, il admet faire ça aussi pour « L’adrénaline. Attraper un voleur. Par contre, on est assurés qu’à moins de 20 m du magasin en cas d’incident. »
A l’ombre des colonnes de marbre, la précarité doit ainsi faire barrage à la nécessité…
Jusqu’à quand ?

* : Prénoms fictifs.

Silence, ça frappe !

L’actualité met les femmes à l’honneur ces derniers temps. Mais pas forcément de la meilleure façon : à travers leurs souffrances et dans leur silence meurtri. La lutte contre les violences faites aux femmes est la grande cause nationale de l’année. La Journée Internationale pour les droits des femmes fête ses 100 ans. 2010 verra aussi le MLF (Mouvement de Libération des Femmes] souffler ses 40 bougies… Un bien bel anniversaire pour une cause qui a encore de beaux jours devant elle. En effet, le bilan est plutôt noir, et les médias le rappellent tous les jours. Pour briser le silence, Hautcourant met en lumière ce phénomène de société encore très tabou.

«Ne restons pas muets face aux violences conjugales ». Tel est le titre du petit film de 2 minutes 30 réalisé par Olivier Dahan, en 2008, à la demande d’Amnesty International. Joués par Clotilde Courau et Didier Bourdon, les personnages évoluent sur une petite musique d’époque, dans un effrayant silence. En détournant les codes du cinéma muet, cette scénette illustre et amplifie le silence qui entoure souvent les violences domestiques et souligne l’importance d’oser dire « stop ». La conclusion est : « en France, 1 femme décède tous les 3 jours suite aux violences conjugales ».

Autres spots, même réalité. Les Films du Poisson ont lancé, en 2006, une campagne de dix courts-métrages à visée préventive et pédagogique, d’une durée maximale de trois minutes. Ce, pour la journée internationale de lutte contre les violences. Le thème : en France, une femme sur dix est victime de violences conjugales. Zabou Breitman y a réalisé un court-métrage. Choc.

La violence à l’encontre des femmes : définitions et chiffres

Définitions

Les violences faites aux femmes, physiques et morales, sont diverses. Les Nations Unies les définissent ainsi : « tous les actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée ».

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), elle peut revêtir différentes formes : « sévices sexuels, corporels ou psychologiques infligés par un partenaire intime ; sévices corporels ou sexuels infligés par des membres de la famille ou autres ; harcèlement sexuel et sévices sexuels exercés par des personnes incarnant l’autorité (enseignants, représentants des forces de l’ordre ou employeurs) ; trafic pour travail forcé ou prostitution forcée ; et pratiques traditionnelles telles que mariages forcés ou mariages d’enfants, violence liée à la dote ; crimes d’honneur commis contre les femmes pour laver l’honneur de la famille. En situations de conflits, le viol systématique est une autre forme de violence exercée à l’égard des femmes ». Ainsi, « la violence à l’encontre des femmes n’est autre qu’une violation des droits de la personne humaine ». La plus commune serait celle exercée par un partenaire intime.

Chiffres

Une étude menée par l’OMS, dans dix pays, portant sur la santé des femmes et la violence domestique, montre notamment que :

 15 à 71% des personnes interrogées ont dit avoir subi des violences corporelles ou sexuelles de la part d’un mari ou d’un partenaire,

 De nombreuses femmes ont indiqué que leur première expérience sexuelle leur avait été imposée,

 Chaque année dans le monde, quelques 5000 femmes sont assassinées par des membres de leur famille au nom de l’honneur,

 À l’échelon mondial, jusqu’à une femme sur cinq, et un homme sur dix, déclarent avoir subi des violences sexuelles pendant leur enfance.

En 2007, l’INSEE a fait une enquête sur les violences faites aux femmes. Il en ressort quelques données : « sans compter les agressions subies dans leur cadre familial actuel, 6 % des femmes ayant entre 18 et 59 ans ont été l’objet d’injures sexistes en 2005 ou 2006, 2,5 % ont été agressées physiquement et 1,5 % a déclaré avoir subi un viol ou une tentative de viol. Dans ce dernier cas, un sur cinq est perpétré par l’ex-conjoint et la moitié des victimes connaissaient leur agresseur. Les violences sexuelles sont moins fréquentes au sein du ménage, mais c’est l’inverse pour les violences physiques ». Les violences intra conjugales sont très mal rapportées : « un cinquième des victimes de violences physiques et le tiers des victimes de violences sexuelles n’ont pas porté plainte, ni enregistré de main courante, ni parlé à qui que ce soit (ami, médecin ou association). Et, quand la victime se confie, c’est rarement à la police ; celle-ci ne reçoit que 12 % des victimes (plainte et main courante) pour les violences physiques, 8 % pour les violences sexuelles soit, globalement, à peine une sur dix ».

Un article du Monde, datant du 25 février, nous informe que «675 000 femmes ont été victimes de violences lors des deux dernières années», et que «pour l’année 2007, les violences conjugales se chiffrent à plus de 47 500 faits constatés par les services de police et de gendarmerie, selon l’Observatoire national de la délinquance». Ainsi, en moyenne, une femme meurt tous les deux jours et demi des violences exercées par son partenaire.

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La violence à l’égard des femmes : sous le feu des projecteurs

Le vendredi 26 février 2010, l’Assemblée Nationale a voté une loi accentuant la protection des personnes victimes de violences conjugales, et notamment celle à l’encontre des femmes. Partant d’un constat : « loin du fait divers qui appellerait une réponse simpliste et sécuritaire, les violences faites aux femmes sont un problème social et sociétal, auquel il convient d’apporter une réponse globale, coordonnée et accompagnée des moyens humains et financiers » de Danielle Bousquet, députée socialiste, cette loi prévoit notamment la création d’un délit de violences psychologiques. Le texte est soutenu par de nombreuses associations, dont la Fédération nationale solidarité femmes, qui regroupe soixante-cinq associations accueillant des femmes victimes de violences dans le couple et leurs enfants.

Ce vote intervient au moment même où un fait divers, le meurtre de la mère du petit Ibrahima par son ancien compagnon, souligne l’importance d’une telle loi. En effet, Tanja Pozgaj a été poignardée par son ex-compagnon, mardi 16 février, sous les yeux de son enfant. Alors qu’elle avait alerté sans cesse, la police, la justice, le maire de sa commune depuis plusieurs mois, être harcelée par cet homme connu pour des violences répétées contre des femmes. La tragédie aurait-elle été évitée, si les autorités l’avaient mieux protégée ?

Pour sortir du silence, les femmes à l’action

La lutte contre les violences faites aux femmes est la Grande Cause nationale de 2010. Ainsi, les associations féministes et autres organisations de défense des droits des femmes ont toute la lumière pour agir. Voici quelques évènements à venir.

Les États Généraux de la femme

40 ans après, Elle a décidé de lancer une nouvelle édition des États Généraux de la femme, sous la présidence d’honneur de Simone Veil. Le concept est le même qu’en 1970 : donner la parole aux Françaises à travers des rencontres et des débats organisés à travers le pays, et sur le site Elle.fr. L’objectif étant de dresser un état des lieux de la vie des Françaises. L’ensemble des résultats sera révélé en mai prochain à Paris.

La Journée de la Femme : « un siècle de féminisme »

Le 8 mars est depuis 100 ans la Journée internationale pour les droits des femmes. Le 8 mars 1910, à Copenhague, une confédération internationale de femmes socialistes de tous les pays a créé cette journée en vue de servir à la propagande du vote des femmes. Mais ce n’est qu’en 1977 qu’elle sera officialisée par les Nations Unies qui invitent tous les pays à célébrer une journée pour les droits des femmes. Souvent, elle est l’occasion de rappeler que les droits des femmes et l’égalité entre les genres sont loin d’être une réalité. D’ailleurs, cette année le thème est : « Droits égaux, Opportunités égales : Progrès pour tous ».

kake_expo_femmes.jpg Cette journée donnera lieu à de nombreuses manifestations en France, et à travers le monde. Par exemple, le Bureau d’Information pour la France du Parlement européen présentera, du 8 au 19 mars prochains, l’exposition « Violence contre les femmes : le Parlement européen s’engage ».

Autre exemple : la chaîne Téva diffusera une programmation spéciale « Journée de la femme le 8 mars 2010 ». Seront notamment diffusés les films : Fashion Maman avec Kate Hudson, Working Girl avec Melanie Griffith, Et Dieu créa la femme avec Brigitte Bardot ou Lady Chatterley avec Marina Hands.

Julie DERACHE

Conseil de lecture : Le Livre noir de la condition des femmes de Christine Ockrent et Sandrine Treiner

A consulter également : Qu’est-ce que la violence envers une femme ?

Contacts utiles

 Violence conjugale : 01.40.33.80.60 / www.sosfemmes.com

 Violence au travail : 01.45.84.24.24

 Allo enfance maltraitée : 119 / www.allo119.gouv.fr

 Sos femmes battues : 01.40.02.02.33

 Viol : 0800 05 95 95 / www.cfcv.asso.fr

La mauvaise éducation

Bagarres générales, contrôles anti-dopages positifs, critiques de l’arbitrage. Rien ne va plus. Ou rien ne semble plus aller en Pro D2 et dans le rugby français en général.

Le 11 avril, la commission de discipline de la Ligue a frappé fort : neuf joueurs, impliqués dans les pugilats des rencontres Agen-Mont-de-Marsan et Pau-Toulon fin mars, ont été sanctionnés de 20 à 60 jours de suspension. La Ligue a également rendu son verdict concernant les clubs : 10 000 € d’amende pour chacun des fautifs.
Fait ponctuel, problèmes d’arbitrages ou généralisation d’une certaine violence dans le rugby ?

Le rugby est-il devenu plus violent ?

« Ce sont les bagarres les plus incroyables, les plus grosses que je n’ai jamais vues » confiait récemment, le talonneur All Black de Toulon Anton Oliver dans les colonnes de L’Equipe. A l’écouter, la Pro D2 serait presque une boucherie, un championnat où l’on pratiquerait « une façon très négative de jouer au rugby ».
Pour autant, le XV ne deviendrait pas plus violent qu’il ne l’était. Jean-Christophe Gastou, arbitre international qui a officié lors du dernier derby basque de Top 14, explique que « dans toutes les saisons il y a un ou deux week-ends chauds. Mais il n’y a pas de quoi s’affoler. La pression de la fin de saison qui approche fait inévitablement monter l’adrénaline ». Car le Top 14 est lui aussi touché par ces « incidents ». Lors de la rencontre Stade Français-Montpellier du 5 janvier, une « distribution de marrons chauds » a entraîné la suspension des talonneurs des deux clubs.
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Pour Didier Nourault , directeur sportif du MHRC, le rugby d’il y a vingt était encore plus acharné. « C’était l’âge de pierre ». Jean-Christophe Gastou ne le contredit pas. « C’est un sport beaucoup plus propre qu’avant et le professionnalisme y est pour beaucoup. »
Même si le manager montpelliérain approuve l’exemplarité des sanctions prises par la commission de discipline, il regrette que certains gestes tout aussi graves n’aient pas été punis plus tôt. L’image du rugby est en jeu.

« J’ai peur que le rugby ne se footballise »

« C’est un sport de combat. Or lorsqu’il y a combat, il faut qu’il y ait des règles strictes. Il ne s’agit pas d’aseptiser ni le combat, ni le rugby. Une mêlée relevée, ce n’est pas dans les règles. Qui a dit qu’au rugby on pouvait mettre un coup de poing ? On doit gagner ce combat sur des plaquages, des percussions ou sur des évitements. C’est un sport loyal » s’emporte le technicien de Montpellier, qui s’interroge : « Quel rugby veut-on mettre en place pour pour les cinq ou dix années à venir ? Avec quels hommes ? Avec quel public ? »

Une loyauté que remet cruellement en cause Anton Oliver.bagarre1_vsagen_maxppp.jpg
« En Nouvelle-Zélande, le jeu déloyal est strictement sanctionné. (…) Mais ici ce n’est pas pareil » affirme le futur retraité qui pointe également les défaillances de l’arbitrage en Pro D2, radicalement moins performant qu’en Top 14, selon lui. « Le niveau des arbitres en Pro D2 est très faible ».

Face à ces attaques, pas les premières, Didier Nourault défend le corp arbitral : « Il nous faut de jeunes arbitres. Une relève. Si on ne met pas ces jeunes en pro D2 pour qu’ils apprennent, on ne peut pas les mettre non plus directement en top 14. Si on agit comme cela, dans deux ans, on n’aura plus d’arbitres ! On tolère que de jeunes joueurs puissent faire des erreurs sur le terrain. C’est pareil pour les arbitres. »
Refusant de s’exprimer sur les sanctions prises par la Ligue, M. Gastou conclut, un brin embêté : « J’ai peur que le rugby ne se footballise ».
Tout est dit !