SOCIAL – Une journée placée sous le signe de la solidarité

La ville de Montpellier organise samedi, de 10 h à 18 h, la 9e Journée de la Solidarité. L’objectif : faire découvrir les aides proposées pour combattre la précarité et convier chacun à l’engagement solidaire.

Pour accompagner les personnes précaires, de nombreuses associations se mobilisent au quotidien sur l’ensemble du territoire. Voilà neuf années que la ville de Montpellier leur rend hommage le temps d’une journée : celle de la solidarité.

Collecte de vêtements, ateliers manuels, repas, concerts, stands d’informations… une myriade d’animations, chapeautées par différentes associations, se déroulera samedi, entre 10 h et 18 h, sur l’esplanade Charles-de-Gaulle.

Vous pouvez retrouver le détail du programme de la 9e édition de la Journée de la Solidarité sur le site de la ville : http://www.montpellier.fr/4052-la-journee-de-la-solidarite.htm
 
Samedi, de 10 h à 18 h, sur l’esplanade Charles-de-Gaulle.

En première ligne au Polygone

Un lundi ordinaire allée Jules Milhau: la débrouille vante ses marrons chauds, la loi patrouille au ralenti, la misère tend sa casquette vide.
Dans le centre commercial, les alarmes percent la clameur de la foule alors que se détachent quelques silhouettes en costume noir : des agents de sécurité.
Employés par une société sous contrat avec le centre, et également avec certaines boutiques, ils constituent l’équipe « malveillance ».
En effet, avec 27% des Montpelliérains sous le seuil de pauvreté, dans un contexte économique plombé, la sécurité privée ne connaît pas la crise.

Malgré la méfiance de la direction à l’égard des journalistes, dont nous avons fait l’expérience, plusieurs ont accepté de témoigner anonymement.
« On fait d’abord du pré-vol, c’est-à-dire de la dissuasion » nous explique Romain*, « On montre qu’on est là, on gère aussi les personnes sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants ».
Leurs pouvoirs sont limités, et ils n’ont pas l’autorisation de fouiller les suspects en cas de vol. « On va le laisser faire son petit bordel, chercher le flagrant délit », raconte-il, ensuite « La personne doit sortir elle-même les articles volés, sinon on appelle le 17 ».

Des conditions de travail difficiles

Ils n’ont pas non plus le droit de porter des armes ou de faire usage de la violence, malgré une police qui mettrait souvent « 15 minutes », ou refuserait de se déplacer, selon eux. Son accent méditerranéen éclate : « On est en première ligne. Un jour j’ai failli me prendre une théière depuis le 1er étage », une autre fois c’est « un couteau qui sort ».
Là, « j’ai sorti la gazeuse (Spray lacrymogène) », lâche-t-il, « c’est la seule fois », avant d’avouer avoir dû aussi utiliser une matraque, pour aider un collègue en difficulté. Le port d’armes interdites semble rassurer ces agents, tout comme l’assurance-vie à laquelle ils sont nombreux à souscrire. « Moi j’en ai pas », note Michel*, la trentaine, en passant la main sur son visage buriné, « mais j’ai prévu une rente pour mes enfants jusqu’à leur majorité ».

De plus, la situation se serait fortement dégradée depuis le début de la crise.
« Il y a eu une augmentation des vols, c’est clair ! », souligne-t-il, « J’ai même vu un agent piquer dans un portefeuille oublié par une cliente ». Romain*, quant à lui, pointe « une évolution impressionnante ». Il dénonce l’explosion de la violence : « Ils ne voient que l’uniforme, et plus la personne derrière l’agent ».
Cette perte du lien avec le public lui est pénible, car s’il fait ce métier, c’est d’abord pour « le contact humain, pour faire du social », et rappelle : « on n’est pas des cow-boys ». Il se désole : « Ils sont de plus en plus jeunes, tenez, une fois je suis allé à Zara, le voleur avait 14ans ! ». En effet, pour Serge, patron d’un petit café à l’étage inférieur, les agents sont « très calmes, très diplomates », ils « règlent toujours les choses au mieux ».
47h par semaine pour environ 1200 euros net, un travail « difficile et mal payé » pour Robert*, bouc noir impeccablement taillé, car en cas d’erreur « c’est pour notre gueule ». Le certificat de qualification professionnelle « Agent de Prévention et de Sécurité » (CQP-APS), obligatoire depuis le 1er janvier 2008, ne nécessite d’ailleurs que 70 à 115h de formation.

Au loin, Michel* interpelle calmement chaque client qui déclenche l’alarme et vérifie chaque ticket de caisse, imperméable aux provocations. Malgré tout, il admet faire ça aussi pour « L’adrénaline. Attraper un voleur. Par contre, on est assurés qu’à moins de 20 m du magasin en cas d’incident. »
A l’ombre des colonnes de marbre, la précarité doit ainsi faire barrage à la nécessité…
Jusqu’à quand ?

* : Prénoms fictifs.

L’entreprenariat, un pare feu contre la crise

Depuis Montpellier la crise sent à plein nez ! Les derniers chiffres du chômage qui culminent à 13.4% en témoignent. Triste record pour le département héraultais. La 7ème ville étudiante de France semble offrir peu de perspectives pour ceux qui constituent 30% de sa population. Focus sur l’entreprenariat, une option d’avenir pour les étudiants issus des formations commerciales.

Précarité : Une diversité associative en péril

Déjà confrontées à l’absence de moyens et au sous-équipement, les associations Montpelliéraines chargées de venir en aide aux sans-abri craignent dorénavant de voir leur nombre diminuer sous la contrainte.

« Issue », « Gestare », « Cada », « Regain », « Halde Solidarité », « Avitarelle »… A Montpellier, une vingtaine d’associations gèrent l’accueil, l’hébergement et l’accompagnement des personnes en situation de précarité. Chacune est porteuse d’une philosophie, d’une orientation et de projets différents. Toutes se complètent et confrontent leurs actions. Pourtant, malgré son importance, cette pluralité est aujourd’hui menacée par la situation économique et les restrictions budgétaires.

« La crise a le mérite de faire marcher notre ingéniosité. Face à la morosité ambiante, Mathieu Chibaudel, coordinateur au sein de l’association GESTARE (Gestion Animation Recherche) préfère voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide. On fait au mieux avec ce que l’on a. On essaie d’être dans une politique de rationalité des coûts et de trouver des filons. On a de gros partenariats avec la banque alimentaire mais aussi avec la ville ce qui nous permet de profiter de certains équipements sportifs. Le point positif, c’est que la situation économique compliquée amène les associations à la mutualisation et au développement de nouveaux projets. »

Des associations contraintes de se regrouper ?

En 2009, le collectif « La Boussole », réunissant sept associations[[Les associations concernées étaient « Issue », « Gestare », « Cada », « Regain », « Halde Solidarité », « Avitarelle » et « AERS »]], a été créé pour faciliter la réalisation de projets dans le domaine du sport, du loisir et de la culture. Cette rencontre a, entre autre, aboutit à la constitution d’une équipe de football. Par la suite, elle a donné la possibilité à deux montpelliérains de participer à la coupe du monde des sans-abri à Paris l’été dernier. Une franche réussite venue, qui plus est, de l’initiative des salariés et non des institutions.

A moyen terme, cette dynamique pourrait néanmoins s’inverser. « Derrière cette belle idée de mutualisation on sent se profiler celle du groupement contraint, craint Christian Lepers, directeur de l’organisation GESTARE. Dans le contexte actuel, l’Etat cherche à dégraisser. Il y a aujourd’hui moins de moyens pour contrôler les associations. Par conséquent, des structures pourraient subir un rassemblement imposé, pour limiter le nombre d’interlocuteurs.»

Préserver une pluralité des regards

S’il pourrait paraître avantageux du point de vue des finances publiques, ce système de concentration le serait beaucoup moins au niveau humain. « Ce qu’il faut comprendre c’est qu’il n’y a pas qu’une seule bonne formule en matière de prise en charge des sans domiciles fixes. Une association n’a pas plus raison qu’une autre, ajoute C. Lepers. L’enjeu est donc, de préserver une diversité de structures d’hébergements pour élargir le champ des possibilités. Il faut qu’on puisse à la fois, s’appuyer sur les expériences des uns et des autres, et orienter les résidents en fonction de leur situation. Il ne faut pas qu’il y ait un parcours obligatoire. »

Absence de solutions au sortir des centres d’hébergements pour les personnes les plus en difficulté, manque de place dans les logements sociaux et les maisons-relais, carences au niveau des équipements… Aujourd’hui les dispositifs de prise en charge des sans-abri à Montpellier sont insuffisants. Un peu moins de 400 places en CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale) sont disponibles dans la ville Héraultaise contre environ 1000 à Nancy ou à Rennes par exemple. Autant dire qu’une réduction du nombre d’associations ne contribuera pas à arranger la situation.

Noël : une maigre prime pour les précaires

En cette fin de mois de novembre, les fêtes de fin d’année sont déjà présentes dans tous les esprits et sur tous les panneaux publicitaires. Dans ce contexte, la prime de Noël destinée aux précaires a été reconduite. « Un geste de solidarité à minima » pour le Mouvement National des Chômeurs et Précaires (MNCP).

La période de Noël arrive à grands pas. Vendredi 19 novembre, la ville de Montpellier a inauguré ses illuminations. Le sapin métallique trône désormais sur la place de la Comédie, les commerçants préparent activement leurs vitrines, et les habitants achètent les premiers cadeaux.
On en oublierait presque que toute une partie de la population n’a pas accès à ces plaisirs hivernaux. Ce sont les chômeurs et les précaires. Pour palier à cette situation, la prime de Noël, créée en 1998 par le gouvernement Jospin, a été reconduite cette année.

Une situation critique dans l’Hérault

Distribuée aux bénéficiaires de certains minimas sociaux, cette aide « va concerner 1,7 million de bénéficiaires, pour un coût de 377 millions d’euros pour l’Etat », a précisé Roselyne Bachelot, ministre des solidarités. Elle concerne les titulaires du RSA (Revenu de solidarité active), de l’ASS (Allocation de solidarité spécifique pour les chômeurs en fin de droit) et de l’AER (Allocation équivalent retraite).
Son montant sera de 152,45 euros pour une personne isolée et de 228,67 pour un foyer de deux personnes. Cette prime sera majorée de 30 % pour chaque personne en plus dans le foyer. La ministre a évoqué un « geste de solidarité très fort ».

Alors que, selon les chiffres de l’Insee, la région Languedoc-Roussillon comptabilise le deuxième taux de chômage le plus élevé en France (12,8 % au second trimestre 2010 contre 9,3 % au niveau national), et que le département de l’Hérault n’est pas en reste (13,2 %), cette prime de Noël semble plus que jamais nécessaire pour les précaires, qui bien souvent sont des chômeurs sans droit.
En 2009, dans l’Hérault, l’INSEE recense 43 897 titulaires du RSA (socle et activité), tandis qu’ils sont environ 9000 à bénéficier de l’ASS.

« Un geste de solidarité à minima »

Toutefois, Jacqueline Balzan, coordinatrice du groupe CREER (Comité pour une répartition équitable de l’emploi et des revenus) à Montpellier et vice-présidente du MNCP, reste sceptique. Si elle estime que « ça va dépanner certaines personnes » et qu’il « ne faut pas la remettre en question vu la nécessité actuelle », elle « souhaite l’augmentation de tous les minimas sociaux ».
Et d’ajouter que « cette prime ne concerne pas toutes les personnes en précarité ». En effet, qu’en est-il de certains travailleurs pauvres ou des couples dont l’un des deux conjoints travaille au SMIC ? Pour elle, cette prime contribue à « aggraver les inégalités de traitement des uns et des autres ».

Le communiqué du MNCP évoque quant à lui « un geste de solidarité à minima » . Car le seuil de pauvreté monétaire étant fixé, selon l’INSEE, à 949 euros par mois pour une personne seule, cette prime ne permettra pas aux bénéficiaires de le dépasser à Noël. En effet, le montant du RSA pour une personne seule est de 460,09 par mois.

Rappelons que 13 % de la population, soit près de huit millions de personnes, vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté monétaire. Ainsi, le MNCP « demande le relèvement de tous les minimas à hauteur de 80% du SMIC brut. Ce qui représente 1000 euros par mois ».

De plus en plus de pauvres glanent pour se nourrir

Un nombre croissant d’individus ont recours au glanage pour se nourrir. Faire les fins de marché ou récupérer des produits dans les poubelles de grandes surfaces deviennent des comportements de plus en plus répandus en France. Un rapport rendu public le 9 janvier 2009 se penche sur le profil de ces glaneurs. Conséquence de l’appauvrissement de la société, le glanage donne une image de soi douloureuse mais moins négative qu’il n’y paraît.

Autrefois cantonné aux campagnes, le glanage s’étend désormais aux villes. Les glaneurs récupèrent leur nourriture non plus parmi les restes de récoltes dans les champs, mais à la fin des marchés, dans les poubelles ou dans les containers des grandes surfaces. Dans le rapport remis le 9 janvier 2009 au Haut Commissariat aux Solidarités Actives contre la Pauvreté, des chercheurs du Centre d’Etude et de Recherche sur la Philanthropie (CerPhi) se sont penchés sur ce phénomène qui prend de l’ampleur.

Le glanage, une activité contraignante

Réalisée en octobre 2008, cette étude révèle le profil des glaneurs. Sur la quarantaine de personnes rencontrées à Paris, Dijon et Amiens, la majorité a entre 26 et 50 ans. Près du tiers ne perçoit aucun revenu fixe. Les travailleurs pauvres ou bénéficiaires des minima sociaux constituent le reste de l’échantillon.

La plupart des individus possède un logement, condition essentielle pour la pratique du glanage. Rarement consommés sur place, les produits récupérés sont souvent triés, lavés puis cuisinés au domicile. Autre contrainte : avoir du temps. Connaître les lieux et les horaires, se déplacer puis préparer les aliments, autant d’activités coûteuses en temps et énergie. En témoigne cette femme de 44 ans, à Paris : « Maintenant que je suis un peu plus âgée et que je suis fatiguée, j’essaye d’y aller quand il fait beau parce que ça reste pénible quand même, que je ne revienne pas en me disant, qu’est ce qu’il faut pas faire pour avoir trois légumes ». Difficile aussi pour les mères célibataires qui occupent un emploi, de dégager un créneau dans la journée.

Un stigmate de la pauvreté

Chômage, petite retraite, bourse d’étude insuffisante, coût de la vie de plus en plus onéreux, les problèmes d’argent sont pour quasiment tous à l’origine de la pratique du glanage. « Avant mon mari travaillait, maintenant il est au chômage, c’est pour cela que je ramasse à la fin du marché », raconte cette parisienne de 48 ans. Au-delà des discours « antigaspillage » et « décroissance » que tiennent certains jeunes, beaucoup avouent avoir commencé à glaner pour des raisons budgétaires.

Vivre avec peu et sous le poids du regard des autres. Cette pratique est vécue comme stigmatisante si ce n’est humiliante, pour les personnes âgées et nombre des 26-50 ans. Surtout quand il s’agit de faire les poubelles. Ils préfèrent l’effectuer anonymement, loin du domicile et en toute hâte. Néanmoins, les SDF et certains jeunes assument voire revendiquent le glanage comme un moyen d’optimiser les restes dans un contexte où la débrouille reste la règle.

Rester autonome, garder une image de soi moins négative

Même si le glanage renvoie une image dépréciée à ceux qui la pratiquent, elle apparaît comme positive comparée à celle de l’aide alimentaire gratuite, source d’approvisionnement qu’ils désertent souvent.

Contrairement à cette dernière, le glanage permet de recouvrer une certaine autonomie, facteur d’estime de soi. A 21 ans, cet homme habitant Amiens déclare ainsi préférer les poubelles, « parce que je vais chercher moi-même à manger, je fais ce que je veux comme j’ai envie, j’ai personne qui dose ce que je dois prendre, j’ai personne derrière pour dire prends ci, prends ça, je choisis ». Faire appel à l’aide alimentaire renvoie au contraire à « un schéma de dépendance infantile », selon les chercheurs. Le bénéficiaire se voit distribuer une nourriture imposée en quantité et variété, par des individus extérieurs vus comme « tout puissants ».

En outre, la qualité des produits distribués est souvent décriée :
« C’est pour le minimum vital. C’est le bas de gamme, ça permet d’avoir quelque chose dans l’estomac, mais tu aimes bien avoir aussi autre chose, tu aimes bien la variété, c’est pas parce que tu es dehors, au contraire », déclare cette femme de 33 ans à Paris. La nourriture glanée décrite comme composée de fruits et légumes, plats variés est souvent positivée. Elle devient même une source de plaisir. Par ailleurs, les repas proposés ne prennent pas en compte les habitudes et préférences alimentaires de chacun, ce qui revient symboliquement à nier une partie de leur individualité.

Les glaneurs échappent ainsi à l’image désastreuse que leur renvoient les bénéficiaires de l’aide alimentaire. Pour preuve, ce jeune homme d’Amiens tenant à se démarquer de ces derniers : « J’y suis déjà allé, mais pour moi, c’est des gens qui ne savent pas se démerder, qui sont assistés, qui veulent que tout leur tombe tout cru dans la main ».

Même si glanage et aide alimentaire peuvent se combiner sous l’effet de l’appauvrissement de la société, une nouvelle façon de penser cette dernière devient nécessaire. En effet, les sources d’approvisionnement des glaneurs se raréfiant (afflux de nouveaux pauvres et médiatisation), le recours à l’aide alimentaire gratuite en sera probablement accru.

De plus en plus de pauvres glanent pour se nourrir

Un nombre croissant d’individus ont recours au glanage pour se nourrir. Faire les fins de marché ou récupérer des produits dans les poubelles de grandes surfaces deviennent des comportements de plus en plus répandus en France. Un rapport rendu public le 9 janvier 2009 se penche sur le profil de ces glaneurs. Conséquence de l’appauvrissement de la société, le glanage donne une image de soi douloureuse mais moins négative qu’il n’y paraît.

Autrefois cantonné aux campagnes, le glanage s’étend désormais aux villes. Les glaneurs récupèrent leur nourriture non plus parmi les restes de récoltes dans les champs, mais à la fin des marchés, dans les poubelles ou dans les containers des grandes surfaces. Dans le rapport remis le 9 janvier 2009 au Haut Commissariat aux Solidarités Actives contre la Pauvreté, des chercheurs du Centre d’Etude et de Recherche sur la Philanthropie (CerPhi) se sont penchés sur ce phénomène qui prend de l’ampleur.

Le glanage, une activité contraignante

Réalisée en octobre 2008, cette étude révèle le profil des glaneurs. Sur la quarantaine de personnes rencontrées à Paris, Dijon et Amiens, la majorité a entre 26 et 50 ans. Près du tiers ne perçoit aucun revenu fixe. Les travailleurs pauvres ou bénéficiaires des minima sociaux constituent le reste de l’échantillon.

La plupart des individus possède un logement, condition essentielle pour la pratique du glanage. Rarement consommés sur place, les produits récupérés sont souvent triés, lavés puis cuisinés au domicile. Autre contrainte : avoir du temps. Connaître les lieux et les horaires, se déplacer puis préparer les aliments, autant d’activités coûteuses en temps et énergie. En témoigne cette femme de 44 ans, à Paris : « Maintenant que je suis un peu plus âgée et que je suis fatiguée, j’essaye d’y aller quand il fait beau parce que ça reste pénible quand même, que je ne revienne pas en me disant, qu’est ce qu’il faut pas faire pour avoir trois légumes ». Difficile aussi pour les mères célibataires qui occupent un emploi, de dégager un créneau dans la journée.

Un stigmate de la pauvreté

Chômage, petite retraite, bourse d’étude insuffisante, coût de la vie de plus en plus onéreux, les problèmes d’argent sont pour quasiment tous à l’origine de la pratique du glanage. « Avant mon mari travaillait, maintenant il est au chômage, c’est pour cela que je ramasse à la fin du marché », raconte cette parisienne de 48 ans. Au-delà des discours « antigaspillage » et « décroissance » que tiennent certains jeunes, beaucoup avouent avoir commencé à glaner pour des raisons budgétaires.

Vivre avec peu et sous le poids du regard des autres. Cette pratique est vécue comme stigmatisante si ce n’est humiliante, pour les personnes âgées et nombre des 26-50 ans. Surtout quand il s’agit de faire les poubelles. Ils préfèrent l’effectuer anonymement, loin du domicile et en toute hâte. Néanmoins, les SDF et certains jeunes assument voire revendiquent le glanage comme un moyen d’optimiser les restes dans un contexte où la débrouille reste la règle.

Rester autonome, garder une image de soi moins négative

Même si le glanage renvoie une image dépréciée à ceux qui la pratiquent, elle apparaît comme positive comparée à celle de l’aide alimentaire gratuite, source d’approvisionnement qu’ils désertent souvent.

Contrairement à cette dernière, le glanage permet de recouvrer une certaine autonomie, facteur d’estime de soi. A 21 ans, cet homme habitant Amiens déclare ainsi préférer les poubelles, « parce que je vais chercher moi-même à manger, je fais ce que je veux comme j’ai envie, j’ai personne qui dose ce que je dois prendre, j’ai personne derrière pour dire prends ci, prends ça, je choisis ». Faire appel à l’aide alimentaire renvoie au contraire à « un schéma de dépendance infantile », selon les chercheurs. Le bénéficiaire se voit distribuer une nourriture imposée en quantité et variété, par des individus extérieurs vus comme « tout puissants ».

En outre, la qualité des produits distribués est souvent décriée :
« C’est pour le minimum vital. C’est le bas de gamme, ça permet d’avoir quelque chose dans l’estomac, mais tu aimes bien avoir aussi autre chose, tu aimes bien la variété, c’est pas parce que tu es dehors, au contraire », déclare cette femme de 33 ans à Paris. La nourriture glanée décrite comme composée de fruits et légumes, plats variés est souvent positivée. Elle devient même une source de plaisir. Par ailleurs, les repas proposés ne prennent pas en compte les habitudes et préférences alimentaires de chacun, ce qui revient symboliquement à nier une partie de leur individualité.

Les glaneurs échappent ainsi à l’image désastreuse que leur renvoient les bénéficiaires de l’aide alimentaire. Pour preuve, ce jeune homme d’Amiens tenant à se démarquer de ces derniers : « J’y suis déjà allé, mais pour moi, c’est des gens qui ne savent pas se démerder, qui sont assistés, qui veulent que tout leur tombe tout cru dans la main ».

Même si glanage et aide alimentaire peuvent se combiner sous l’effet de l’appauvrissement de la société, une nouvelle façon de penser cette dernière devient nécessaire. En effet, les sources d’approvisionnement des glaneurs se raréfiant (afflux de nouveaux pauvres et médiatisation), le recours à l’aide alimentaire gratuite en sera probablement accru.