Des étudiants logent au couvent

Au 8 rue Fabre, à quelques encablures de la place de la Comédie à Montpellier, étudiants et frères cohabitent au couvent des dominicains.

Le couvent est habité par des frères dominicains depuis 1954. Ceux-ci proposent à des étudiants – exclusivement des garçons – huit chambres. Le loyer mensuel s’élève à 268€ pour six d’entre elles et 290€ pour les autres. Trois studios (dont un est partagé) sont également proposés à la location. Situés dans le bâtiment Lacordaire, dans la partie Est du couvent, ces studios peuvent être loués sans distinction de sexe.

On entre dans le bâtiment par la porterie. Derrière les deux grands battants rouges de l’entrée, un escalier mène aux différentes parties du couvent. Au rez-de-chaussée, un réfectoire est réservé aux treize frères de la congrégation qui y partagent leur repas chaque jour. Les grandes fenêtres de la cuisine laissent filtrer la lumière de la cour arborée, située au centre du couvent. Au premier et deuxième étage, deux couloirs desservent les chambres. A droite, celle des frères, plus spacieuses, et à gauche, celles des étudiants. Étudiants et frères partagent les sanitaires. Ils se croisent, discutent parfois. Chaque mois, un repas est organisé entre les étudiants et les frères. On dresse une table, autour de laquelle ces colocataires atypiques se placent en quinconce. Frère Éric, responsable des étudiants locataires, explique que les relations sont cordiales. L’important est de respecter quelques règles de savoir vivre et le silence imposé à partir de 22h30. Il doit parfois faire des remontrances à certains locataires bruyants ou peu soucieux du ménage. Mais dans l’ensemble, la cohabitation se fait dans le respect. « La sélection se fait en amont, nos locataires sont en général sérieux. Il n’y a pas de contraintes confessionnelles, les jeunes sont invités à participer aux offices mais peu d’entre eux le font » ajoute frère Éric.
Libres d’aller et venir, les étudiants disposent de leur propre cuisine, unique espace où ils sont autorisés à convier leurs invités. Les chambres sont quant à elles interdites à toute personne extérieure. Florian Énaud, étudiant en classe préparatoire au lycée Joffre et locataire au couvent des dominicains, apprécie de pouvoir étudier au calme au couvent tout en disposant d’une liberté totale : « c’est un logement comme un autre » conclut-il.

Le cadre est agréable et les loyers attractifs pour ces jeunes qui subissent de plein fouet la crise du logement. Les spéculations immobilières ont tendu le marché au point de transformer la location en véritable parcours du combattant. Garanties de plus en plus contraignantes, loyers de plus en plus chers, ces logements alternatifs s’avèrent être une solution. Mais comme le souligne frère Eric, les étudiants prêt à adopter ce mode de logement sont encore rares.

Visions croisées sur le métier de député

Hémicycle déserté, parlementaires surpayés, cumul des mandats… L’assemblée nationale n’est pas au beau fixe dans le cœur des citoyens. Et pourtant, « les députés travaillent énormément » selon Jean-Louis Roumégas, député d’Europe écologie les verts (EELV). À Montpellier, Hautcourant a rencontré Jean-Louis Roumégas, député entrant EELV, et Jean-Pierre Grand, député UMP sortant. Ils nous exposent des visions différentes sur le métier.

Jean-Louis Roumégas, ancien porte-parole d’EELV, avoue n’avoir pas beaucoup fantasmé sur cette fonction. Au contraire « on imagine que c’est surtout l’exécutif qui décide ! » Cinq mois après son entrée en fonction, il affirme que « le travail parlementaire est réel et effectif ». Jean-Pierre Grand , lui, avait déjà fait ses armes à l’Assemblée[[Il a été conseiller parlementaire de ministre, mais aussi du président de l’assemblée]]. Il a donc accédé à la fonction sans grande illusion. En effet, il souligne les limites de l’indépendance parlementaire. Pour lui, les députés sont de plus en plus dépendants de leur parti avec l’exigence d’unité du vote. « C’est un viol de l’esprit de nos institutions ! », s’exclame-t-il. Il affirme que le député doit être libre dans son appréciation du vote, mais aussi honnête envers ses convictions. « C’est le plus grand respect que l’on doit à nos électeurs. » Ainsi, il reproche à la gauche d’avoir donné une consigne de vote pour le Traité Européen. Néanmoins, Jean-Louis Roumégas confie que « l’unité au sein des petits partis est essentielle pour peser sur la scène nationale ».

« L’Assemblée est une caisse de résonnance »

Le débat, voilà, le mot d’ordre de l’hémicycle. Contrairement à Jean-Pierre Grand, Jean-Louis Roumégas estime que le temps de parole est très important. Malgré la longueur des débats, parfois « poussée à l’excès ». Jean-Louis Roumégas insiste sur le fait que « c’est un lieu de représentation nationale et chacun doit pouvoir s’exprimer. » De plus, les sollicitations sont nombreuses. Lobbys, associations, citoyens, chacun tente d’attirer l’attention des députés. C’est en cela que, pour le député EELV, « l’assemblée est une caisse de résonnance ». Tous veulent avoir un impact sur la loi. « C’est un travail d’écho de la société », résume Jean-Louis Roumégas. Appartenant à un petit parti, il a donc beaucoup plus de travail. Ils ne sont que 17 députés à suivre tous les débats. C’est la grande différence avec les grands partis. D’ailleurs, il confie que c’est une fonction « très prenante ». Malgré tout, l’institution fonctionne bien, elle est « efficace ». Il rejoint sur ce point Jean-Pierre Grand.

Les citoyens connaissent peu cette institution. Les législatives, un mois après les présidentielles floutent la fonction de député. Ce vote vient bien souvent confirmer celui des présidentielles. Peu se mobilisent pour cette échéance, cette année encore, il y a eu 43,71% d’abstention au second tour. L’image du député reste cryptée.

« Le New Jersey plus violemment touché que New-York » – Edward Biemer

À l’heure où tous les yeux sont rivés sur l’Amérique avec la réélection de Barack Obama, Sandy se ferait presque oubliée. Pourtant, les conséquences de l’ouragan surnommé Frankestorm sont encore dans tous les esprits. Un jeune étudiant Edwar Biemer, habitant de Great Meadows dans le New Jersey, témoigne.

Haut Courant : Vous avez subi de plein fouet l’ouragan Sandy. Comment vous êtes-vous préparé à cette catastrophe naturelle ?

Edward Biemer : Ma famille et moi nous sommes préparés en achetant 24 packs de bouteille d’eau, de la nourriture non périssable, des générateurs et des glacières. On a fait surtout des réserves d’eau potable pour la cuisine et l’hygiène. En fait, on s’est équipé en cas de panne d’électricité. On a fait les achats deux jours avant la ruée et ils ont très vite été en rupture de stock sur les produits de consommation courante.

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Credit photo: Edward Biemer

H.C. : Selon vous, l’ouragan a-t-il été suffisamment annoncé ?

E.B : Je pense que ça a été annoncé suffisamment à l’avance. Nous étions bien préparés. Mais pour les personnes modestes, c’était plus difficile de se préparer et d’évacuer.

H.C. : Avez-vous été gravement touché par l’ouragan ?

E.B. : Non, notre maison n’a subi aucun dommage, mais nous n’avions plus d’électricité pendant cinq jours. Notre quartier a été épargné par la tempête même si des arbres sont tombés sur quelques maisons. Nous faisons partie des chanceux pour qui l’électricité est revenue après seulement quelques jours. Mais certains endroits devraient être privés d’électricité pendant encore un mois.

H.C. : L’ouragan était-il impressionnant ?

E.B. : J’étais un peu nerveux pendant la tempête. La tempête ne me semblait pas plus forte que celle que nous avions vu passer dans le New jersey. Mais les dommages que nous avons vus prouvent que c’était l’une des plus dévastatrices qui n’ait jamais heurté notre Etat.

H.C. : Avez-vous pu vous rendre au travail malgré l’ouragan ?

E.B. : Mes parents n’ont pas pu aller travailler pendant trois jours. Ils n’ont rien perdu sur leur salaire ou leurs congés, les employeurs ont été très compréhensifs.

H.C. : Comment avez-vous trouvé l’intervention d’Obama sur le terrain ?

E.B. : Nous étions privés d’électricité pendant cinq jours et nous n’avons pas vraiment entendu Obama parler de la tempête.

H.C. : Pensez-vous que le New Jersey a été plus touché que la ville de New-York ?

E.B. : J’ai l’impression que le New Jersey (principalement les plages au nord de l’État) a été touché plus violemment que New-York. Les images des dégâts vous brisent le cœur. Des gens sont morts, ont perdu leur maison… tellement de personnes ont tout perdu. Cela prendra des années dans certains endroits pour revenir à la normale.

H.C. : Comment expliquer la pénurie d’essence ?

E.B. : Il y a plusieurs raisons. Les raffineries du New Jersey ont subi des dommages importants. Les stations n’ont plus d’électricité pour pomper l’essence, les camions ne peuvent plus faire leurs livraisons, car les routes sont fermées. Quand les stations sont ouvertes, les gens essayent de prendre un maximum de gasoil pour alimenter les générateurs. Récemment, j’ai attendu 45 minutes avant de faire mon plein. La police est présente pour éviter les bagarres et les vols de gasoil aux stations ou dans le réservoir des voisins !

H.C. : Pensez-vous que Sandy et l’intervention d’Obama ont eu une influence sur le vote aux élections présidentielles ?

E.B. : C’est difficile à dire. Je pense que la plupart des gens ont seulement réaffirmé leur choix initial au vu des événements.

H.C. : L’ouragan aura-t-il un impact sur l’économie du New Jersey ?

E.B. : Oui, cela aura un énorme impact car beaucoup de petites entreprises ne peuvent plus fonctionner. Le manque d’essence complique la vie des gens qui font de longues distances pour travailler. Autre problème : les supermarchés sont en rupture de stock sur des produits du quotidien comme le lait et le pain. Le New Jersey vit à l’heure actuelle des temps difficiles, surtout qu’une nouvelle tempête de neige attendue. Elle devrait toucher l’Etat mercredi ou jeudi. Le vent peut souffler jusqu’à 96km/h et on attend jusqu’à 15 centimètres de neige. Beaucoup de foyers qui viennent juste de récupérer l’électricité devraient la perdre à nouveau à cause de cette tempête de neige.

Le débat Fillon / Copé vu par les jeunes militants de Montpellier

« Chut l’émission commence !» Il est 20h45, une vingtaine de jeunes militants sont réunis à la locale UMP de Montpellier. Télévision allumée, repas servi, la soirée peut donc commencer. Romain Ferrara, président des jeunes populaires de l’Hérault, monte le son et David Pujadas devient audible. Au programme ce soir sur France 2, le débat des deux prétendants à la présidence de l’UMP : Jean-François Copé et François Fillon.

Une soirée pas si décisive que ça

Durant l’émission, les jeunes militants sont assez dissipés. Ils seront peu nombreux à rester attentifs pendant l’intégralité de la retransmission. Le président fera taire l’assemblée à plusieurs reprises. S’ils sont si peu concentrés, c’est que beaucoup ont déjà fait leur choix. Ce débat ne fait que le confirmer. D’ailleurs, pour Romain Ferrara, les trois mois de campagne n’ont pas vraiment eu d’incidence pour eux. Dès l’annonce des candidats, « chacun savait déjà pour qui il allait voter ! »

Le président des jeunes n’a pas voulu donner de consigne pour militer. La tendance semble pro-Fillon, même si Arnaud Julien, le président de la fédération UMP soutient Copé.

Après que les candidats se soient prêtés au jeu des questions-réponses, Marine, responsable adjointe des jeunes populaires, se confie : « Je soutiens Fillon mais il ne faut les voir comme des adversaires. Chacun a des qualités et des défauts, le vote se fait sur une question d’affinité et, pour moi Fillon est le mieux placé. » Laurent, quant à lui, étudiant en soin infirmier, s’est décidé après le débat. Pour lui : « ça sera Copé, mais je suis quand même déçu qu’aucun des candidats n’ait évoqué les questions de santé qui me préoccupent beaucoup ». Seuls, quelques irréductibles restent indécis. Ainsi, Sylvain souligne :« même si les deux candidats ont été très forts dans leur discours, je n’ai pas vraiment fait de choix. Jean-François Copé est plus à droite que Fillon, mais il ne le dit pas clairement. Or, il n’y a pas de honte ! C’est ça qui me déçoit parce que, personnellement, je voudrais qu’on insiste plus sur les mesures de sécurité et sur l’immigration. Je ne fais d’apologie, je cherche juste de l’efficacité ! »

Au final, le débat n’aura pas fait d’émule. Les militants confirmeront leur choix par les urnes le 16 novembre. Une chose est sûre pour les jeunes militants, l’opposition doit être forte. Marine, le confirme : « Quoi qu’il en soit on doit rester unis pour les échéances à venir ».

17 Octobre 2012: La République lucide

Place des martyrs de la résistance : Boudjemâa Laliam président de l’association des Algériens du Languedoc Rousillon est venu rendre hommage aux victimes du 17 Octobre 1961

Le 17 Octobre dernier la République est sortie de son mutisme pour reconnaître, par la voix de François Hollande, la « sanglante répression »extrait du communiqué d’Hollande le 17 Octobre 2012 qui provoqua la mort de plus d’une centaine d’Algériens à Paris en 1961. La fin d’un mensonge d’Etat qui aura duré 51 ans. Soulagement, déception, indignation et tentatives révisionnistes, les réactions à fleur de peau prouvent une fois encore la difficulté de la France à tourner la page de son histoire algérienne.

Ils sont peu nombreux ce soir-là sur la place des Martyrs de la Résistance à Montpellier. Une dizaine tout au plus. Une dizaine pour allumer la centaine de petites bougies qui portent chacune le nom d’une victime oubliée et les circonstances de sa mort. « Mort par balle le 17 Octobre 61 ». « Retiré de la scène le 21 octobre 61 ». « Battu à mort le 6 octobre 61 ». Des phrases lapidaires, crues, justes, qui accompagnent l’identité de ces hommes morts d’avoir voulu s’exprimer en République. Une centaine de voix que, 51 années plus tard, certains aimeraient toujours faire taire.

A Montpellier comme partout en France, de nombreuses associations ont appelé, une fois encore, au devoir de mémoire. A Montpellier comme partout en France l’appel résonne, se heurte au vide des consciences. Boudjemâa Laliam président de l’association des Algériens du Languedoc Roussillon est présent, un peu interdit « nous ne commémorons pas seulement les morts du 17 Octobre, nous rendons hommage à tous les algériens et kabyles qui travaillaient, vivaient en France. Cette immigration a permis la naissance d’une conscience politique, elle a permis l’Indépendance de l’Algérie. » Un jeune homme passe, il regarde les tracts, pose quelques questions mais fini par lancer « Ça sert à rien ce que vous faites ! ». Il est d’origine algérienne. La tentation est grande de penser qu’il n’a peut-être pas tort. Peut-être seulement. Tandis que les petites bougies flottent dans la fontaine de la Préfecture, un mouvement, une rumeur circule. « Hollande à fait une déclaration ! » . Le vide s’emplit, les cœurs aussi. Peut-être seulement…Retour sur les faits.

« Pogrom : le mot, jusqu’ici n’existait pas en français. » [[Sartre Les temps Modernes]]

Paris, Octobre 1961[[Source principale de ces données : l’ouvrage de l’historien spécialiste de la question algérienne B.Stora, 1998, La Gangrène et l’oubli, La Découverte, Paris]] , les « événements » d’Algérie, terme d’époque pour désigner « une guerre ne voulant pas dire son nom »[[J.Talbott, 1981, The war without a name, France in Algeria, Faber and Faber, London]] , font la une de tous les journaux. Alors qu’une vague terroriste fait trembler Alger, l’OAS (Organisation armée secrète pour l’Algérie française) multiplie les actions et les « ratonnades»[[terme dérivé de l’insulte « raton » qui désigne le passage à tabac des Algériens]] à Paris. Maurice Papon, alors préfet de police de Paris instaure un couvre-feu à destination de certaines catégories de citoyens français. Il exhorte les « travailleurs algériens (à) s’abstenir de circuler dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et, plus particulièrement de 20h à 4h du matin, (…) il est très vivement recommandé aux Français musulmans de circuler isolément, les petits groupes risquent de paraître suspects aux rondes et patrouilles de police. » En réponse au préfet, le FLN (Front de Libération National qui combat pour l’Indépendance de l’Algérie), organise une manifestation pacifique dans les rues de la capitale. Un témoin de l’époque affirme : « Il y avait quelques pancartes peut-être mais pas de banderoles ; pas de slogans non plus, mais une sorte de fort murmure, accompagné par des battements de mains. »[[Pierre Enckell, « quand les policiers jetaient des Algériens dans la Seine », L’Evénement du Jeudi, 16-22 mai 1991]] Selon les estimations de la police environ 30000 Algériens quittent les banlieues et les bidonvilles en direction des grands boulevards. Ils n’y parviendront jamais. Au cours de la nuit, les forces de police commandées par Papon donnent l’assaut. 11 538 Algériens sont arrêtés et placés dans des centres de tri à Vincennes et au Palais des sports. René Dazy, journaliste à Libération témoigne dans un entretien pour le documentaire Les Années algériennes : « Il y a un car où on jette vraiment, carrément des blessés attrapés par les pieds. Il y a des pieds qui pendent à la fenêtre, des jambes. Et à l’intérieur, un policier qui tape sur tous ceux qui essaient de se relever. » Des survivants parlent d’étranglement au lacet, de tabassages, de viols[[M.Levine, Ratonnades d’octobre, un meurtre collectif à Paris en 1961, Ramsay, Paris, 1985]] . La préfecture de police admettra deux morts, un chiffre promptement corrigé par le gouvernement qui reconnaîtra officiellement six morts et 136 blessés hospitalisés. Le 18 Octobre les journaux parisiens commentent. Pour Le Monde, il a été vu « plusieurs hommes en civil de type nord-africain qui s’enfuient armés de pistolets-mitrailleurs », Le Parisien libéré parle d’hommes qui « déferlent vers la capitale en multipliant les exactions et les cris hostiles ». Seul Libération titre sur les 41 autopsies réalisées dans la nuit. Les rapports parlent de « plaie au cuir chevelu, d’émasculation, de balles dans le ventre » . L’indignation tente de faire entendre sa voix. Les étudiants manifestent. Sartre dans Les Temps Modernes ira jusqu’à parler de pogrom : « Pogrom : le mot, jusqu’ici n’existait pas en français. Par la grâce du préfet Papon, sous la Vème République, cette lacune est comblée. » . Son journal sera saisi par le préfet. Dans les jours qui suivent, la Seine rend à Paris ses cadavres. Une commission d’enquête parlementaire est constituée. Elle n’aboutira, l’année suivante, qu’à une amnistie générale pour l’ensemble des faits relatifs à la guerre d’Algérie. Depuis, une autre guerre se poursuit, celle des chiffres, celle de la reconnaissance.

« Un cycle de deux mois connaissant son pic le plus visible le 17 Octobre. »

Au lendemain du 17 Octobre, aux six morts annoncés par le gouvernement, le FLN oppose 200 morts et 400 disparus. Les archives sont placées au secret rendant difficile le travail d’enquête des historiens. L’un d’entre eux, Jean-Luc Einaudi, s’y essayera néanmoins en 1991. Sur la base des archives du FLN et de témoignages français et algériens il fait état de 325 victimes algériennes, de violences policières sur la période septembre-octobre 1961. En 1997, lors du procès de Papon le gouvernement, Jospin décide l’ouverture temporaire des archives. Il mandate la commission Mandelkern. Celle-ci dresse une liste de sept noms, mais fait état de 25 morts algériens arrivés à l’institut médico-légal. En 1998, Elizabeth Guigou alors Garde des Sceaux, missionne le juge à la cour de cassation Jean Geronimi pour mener l’enquête. Il parviendra à prouver la mort de 48 Algériens dans la nuit du 17 au 18 Octobre tout en affirmant : « [Ce chiffre est] très vraisemblablement inférieur à la réalité, dans la mesure où l’on n’a pas la certitude que tous les corps immergés, particulièrement nombreux à cette époque, ont été retrouvés ». En mai 1998, Jean-Paul Brunet, historien et professeur à l’Ecole Normale Supérieure, est autorisé à son tour à accéder aux archives de la préfecture de police. Son travail aboutit à une estimation allant de 30 à 50 morts. La communauté des historiens s’insurge de la bonne foi accordée aux rapports des policiers de l’époque. Il faudra attendre 2006 pour que Jim House et Neil MacMaster, deux historiens britanniques apportent de véritables conclusions. Grâce à une autorisation d’accès illimité aux archives, les deux historiens confirment tout d’abord un « processus systématique et presque général de falsification » des rapports de police, rendant caduques les conclusions de Brunet. Caduque en fait la possibilité de chiffrer les morts pour cette seule nuit. House et MacMaster préfèrent considérer la crise de 1961 « comme un cycle de deux mois connaissant son pic le plus visible dans la nuit du 17 octobre. (…) En septembre et octobre, bien plus de 120 Algériens furent assassinés par la police en région parisienne » . Nous y voilà. Des doutes et des zones d’ombres perdurent. Elles ne pourront être levées tant que les archives ne seront pas totalement ouvertes. D’autres études suivront, d’autres chiffres, mais la guerre contre le révisionnisme semble belle et bien gagnée. Reste la bataille de la reconnaissance.

  « La République reconnaît avec lucidité ces faits »

En Octobre 2011, le site d’information Médiapart lance l’«Appel pour la reconnaissance officielle de la tragédie du 17 octobre 1961» : «Le temps est venu d’une reconnaissance officielle de cette tragédie dont la mémoire est aussi bien française qu’algérienne. Les victimes oubliées du 17 octobre 1961 travaillaient, habitaient et vivaient en France. Nous leur devons cette justice élémentaire, celle du souvenir». Cet appel demande également l’ouverture des archives qui, en vertu de la loi, de 1979 pourrait restées secrètes jusqu’en 2020. Parmi les signataire : le résistant Raymond Aubrac, Stéphane Hessel[[Stephane Hessel, Indignez-vous, 2010, Indigène Edition]] , le sociologue Edgar Morin, le philosophe Régis Debray, Michel Rocard ancien premier ministre, le directeur des Temps modernes Claude Lanzmann, les socialistes Martine Aubry et…François Hollande. Cette même année, il est investi comme candidat de la gauche pour les prochaines présidentielles. Il effectue alors le 17 Octobre, un déplacement au pont de Clichy en mémoire des Algériens massacrés. A cette occasion, il déclarait : « Il faut reconnaître ce qui s’est passé le 17 octobre 1961. Il s’est passé, une tragédie. (…) il faut toujours avoir le sens de ce qu’a été notre histoire, avec ses devoirs et parfois ses ombres».
Une parole a été dite et, en ce mercredi 17 Octobre 2012, l’attente est forte, lourde, angoissée. A Montpellier, place des Martyrs, personne ne semble trop y croire. « On est là pour le devoir de mémoire, même si tout le monde s’en fout. » lance une militante. Comment gérer l’affront d’un nouveau silence ? « Hollande a fait une déclaration ! ». En ce mercredi 17 Octobre 2012, le président Hollande a brisé le silence français. « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes. » Le communiqué est bref. La responsabilité des services de police implicite. Les avis des différents acteurs du débat divergent. L’Algérie affiche une certaine satisfaction. Kassa Aïssi, porte-parole du FLN affirmait au lendemain de la déclaration présidentielle : « Une nation grandit lorsqu’elle reconnait ses erreurs et ses fautes. Nous pensons que cette déclaration s’inscrit dans le sens d’une reconnaissance historique d’un fait avéré. » Le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal a salué de son côté, « les bonnes intentions » manifestées par la France à la veille de la visite officielle du président Hollande en Algérie (prévue pour décembre). Les associations parmi lesquelles le collectif « 17 octobre 1961 » se disent globalement satisfaites de « cette première étape » mais soulignent tout de même la nécessité de poursuivre ce combat. « Notre appel allait au-delà, et souhaitait notamment l’ouverture des archives » , a tenu à préciser Edwy Plenel, directeur de la publication de Mediapart. Pour Jean Luc Einaudi, « Cette déclaration était indispensable car pendant toutes ces années, la République a vécu sur un mensonge d’Etat ». Arezki Dahmani président de la Maison de l’union méditerranéenne considère quant à lui que « la déclaration de François Hollande est extrêmement décevante. Après cinquante et un ans et à la veille de son voyage en Algérie, on attendait quelque chose de fort ». Un avis qui rejoint les réactions exprimées par les Algériens sur les réseaux sociaux. Beaucoup auraient aimé la reconnaissance totale des crimes liés à la colonisation.

« Vive l’Algérie Française ! » : quand une partie de la droite joue les révisionnistes

La contestation est la base de l’esprit démocratique. Une partie de la droite a usé de ce droit pour exprimer son refus de la « repentance ». Ainsi en est-il de François Fillon qui déclarait sur Europe 1 : « J’en ai assez que, tous les 15 jours, la France se découvre une nouvelle responsabilité, mette en avant sa culpabilité permanente ». Si l’emploi de la formule « se découvre » paraît assez maladroit pour qualifier une demande de reconnaissance vieille de plus de 50 ans, le refus de la repentance est un point de vue que semble partager une partie de la population française notamment dans l’électorat de droite. Christian Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale exprime dans un communiqué une opinion déjà plus paradoxale: « S’il n’est pas question de nier les événements du 17 octobre 1961 et d’oublier les victimes, il est intolérable de mettre en cause la police républicaine et avec elle la République toute entière ». Comment ne pas nier les « événements », (on remarquera le choix assez peu opportun de ce terme pour évoquer cette partie de notre histoire, voire le début de l’article) du 17 Octobre 1961 et ne pas mettre en cause la police républicaine, alors que différentes commissions officielles et des études historiques ont fourni les preuves de crimes perpétrés par la police. Passons rapidement sur les classiques du genre avec Marine Le Pen qui répondant à France 24 affirmait, avec toute la culture historique qui caractérise sa famille politique : « Il a mal choisi son événement puisque des rapports très sérieux démontrent que ce massacre est juste un bobard ». Que dire enfin de Christian Estrosi, député‑maire de Nice, qui le 20 octobre, à la fin d’un discours devant des anciens combattants et des harkis de sa ville lançait : « Vive l’Algérie française ! » . Ajoutant le 23 Octobre sur LCI : « Je n’ai pas à faire de devoir de repentance à l’égard de l’œuvre civilisatrice de la France avant 1962 » . Rappelons que l’alinéa 4 de la loi du 23 février 2005 enjoignant aux enseignants de faire état du « rôle positif » de la colonisation fut abrogé par le Président Chirac après un débat national houleux. Qu’en est-il alors des politiques ?
Une succession de provocations qui pourraient ne pas avoir d’autres fondements que la volonté de saper le travail de rapprochement avec l’Algérie entrepris par le gouvernement actuel. Un rapprochement qui connaîtra, dans un avenir proche, deux temps forts. Le premier aura lieu vendredi 25 Octobre puisque le Senat examinera une proposition de loi socialiste relative à la « reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc ». Rappelons que la date du 19 mars célèbre le cessez-le-feu avec l’Algérie au lendemain de la signature des accords d’Evian. Le second en décembre, puisque François Hollande se rendra en Algérie. Il s’agira alors de renforcer la coopération entre les deux pays. Coopération restée en jachère depuis l’échec du traité d’amitié franco-algérien. Ce traité voulu en 2003 par Jacques Chirac et le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, n’avait pu aboutir en raison d’une trop grande discordance sur la question de la repentance française. Une succession de provocations qui pourraient ne pas avoir d’autres buts que de maintenir ouvertes les plaies d’une histoire intense et sensible. Celle de l’Algérie et de la France.
Que la caravane passe, les chiens aboieront toujours. En attendant, « Hollande a fait une déclaration ! »

007 : le costume de tous les fantasmes

Son nom est Bond. James Bond. Il a plusieurs femmes, plusieurs voitures et… plusieurs visages. Daniel Craig est le sixième à lui prêter le sien. Tandis que le dernier opus n’est pas encore sorti, de nombreux noms circulent déjà sur l’homme qui pourrait prendre sa place. Cet exercice de pronostic n’est pas chose surprenante : il a lieu à chaque fois qu’un nouvel opus est annoncé en salle.

À l’occasion de la sortie de Skyfall, les noms d’Idris Elba (le Stringer Bell de la série The Wire), de Tom Hardy (Inception, Lawless), de Michael Fassbender (Inglorious Bastard, Shame), ou encore de Sam Worthington (Avatar, Last Night) viennent s’ajouter à une liste déjà bien remplie de prétendants. Depuis 1961, une trentaine d’acteurs a été pressentie pour le rôle. Certains d’entre eux avaient, en effet, été contactés par EON Productions, à qui appartient la franchise. En revanche, tous n’ont pas passé de casting, ni même émis l’idée de s’y présenter.

Pour le premier film, Richard Todd (Le Jour le plus long) était le premier choix de Ian Fleming, l’auteur des livres, mais il n’a pas pu se libérer pour le tournage, Sean Connery a pris sa place. En 1967, le nom de Michel Caine était sur toutes les lèvres. Refusant d’être catalogué dans un rôle d’agent secret, il n’a pas donné raison aux rumeurs. Colin Firth (Le Discours d’un Roi) était l’un des favoris du public à la succession de Pierce Brosnan en 2004. Il a cependant avoué, la même année, au magazine américain Entertainment Weekly : « Personne ne m’a approché mais l’idée de me révulserait pas. » Après lui, d’autres ont été évoqués : Clive Owen (Closer), Christian « Batman » Bale, Benedict « Sherlock » Cumberbatch. Encore des noms, toujours des noms, rien que des noms. Des murmures, des rumeurs, venant de toutes parts : des communautés de fans, aux acteurs eux-mêmes, des magazines spécialisés aux sites d’information, de l’industrie du cinéma au marché aux puces du coin. Chaque homme, pourvu qu’il soit acteur, originaire du Commonwealth et bien taillé est susceptible d’être mis sur le devant de la scène.

En attendant, ni EON Productions ni Daniel Craig, qui donne ses traits à l’agent britannique pour la troisième fois, n’ont parlé de la fin de leur collaboration. Au contraire, l’acteur clame son envie de ré-enfiler le costume impeccable du double zéro et a même confirmé sa présence dans deux épisodes supplémentaires.

007 contre le reste du Monde

Le compte à rebours est lancé. Skyfall, le nouveau James Bond, sortira en salles le 26 octobre prochain. On retrouve Sam Mendes à la réalisation et toujours Daniel Craig pour incarner l’agent 007. Les fans profiteront de l’événement pour fêter les 50 ans de l’espion britannique. L’occasion de revenir, sur cette saga mythique débutée en 1962 avec l’adaptation à l’écran du roman de Ian Flemming, James Bond contre Docteur No.

Arrêtons-nous aujourd’hui sur le rôle des méchants dans James Bond. Loin d’être anecdotiques, ces derniers font clairement partie du succès de chacun des films. Mais l’intérêt du méchant dépasse bien souvent le simple cadre cinématographique. L’ennemi de l’agent secret est, en quelque sorte, le reflet de l’évolution des peurs et préjugés de la société britannique. Si l’on fait état du statut des méchants dans James Bond, le constat est saisissant : chacun d’entre eux ou presque est lié au contexte géopolitique ou économique du Royaume-Uni.

La menace du « SPECTRE »[[Service pour l’espionnage, le contre-espionnage, le terrorisme, la rétorsion et l’extorsion]]

Certes le premier film, James Bond contre Dr No, relève particulièrement de l’anticommunisme. Un scientifique sino-allemand (Julius No), retranché sur une île, a pour projet de détruire le monde en détournant des missiles. Cela n’est pas sans rappeler la crise des missiles de Cuba de 1962, année de la sortie du film. Cependant, suite à l’apaisement entre les deux blocs dans les années 1960 et 1970, 007 se retrouve confronté aux membres du « SPECTRE ». Cette organisation internationale terroriste vise à détruire les deux superpuissances pour dominer le monde, rien que cela. Ainsi retrouve-t-on l’incontournable Ernst Stavro Blofeld, Polonais d’origine et ennemi juré de James Bond. Le « SPECTRE » est une organisation qui n’est pas liée à un État en particulier. Ses membres sont majoritairement issus du Tiers-Monde. Rappelons que nous sommes en pleine période de décolonisation, et que, dans ce contexte, la société britannique voit son empire se déliter. De fait, le Royaume imagine sa souveraineté menacée. Quoi de plus réconfortant que de fomenter le mythe d’un espion qui corrige à sa manière les atteintes à la souveraineté britannique tout en restant fidèle à sa Majesté… C’est ainsi que l’on retrouve Bond en 1964, dans Goldfinger face à des « Chigroes », un mélange grotesque entre « chinois » et « nègres ». Le « SPECTRE » est en quelque sorte le reflet d’une peur d’un ennemi invisible capable à lui seul de renverser l’ordre établi et l’équilibre fragile installé entre l’URSS et les États-Unis. Une peur clairement teintée de racisme.

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Chocs pétroliers et apaisement

Les années 1970 voient l’économie occidentale mise à mal par les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979. Coïncidence ? Les grands méchants des trois James Bond qui sortiront à cette période sont de riches industriels : Karl Stromberg dans L’Espion qui m’aimait (1977) où 007 fait équipe avec une espionne russe, Hugo Drax dans Moonraker (1979) et Aris Kristatos dans Rien que pour vos yeux (1981). Une des répliques de ce dernier est d’ailleurs assez révélatrice. Bond, après avoir lancé un outil ultramoderne d’une falaise annonce à un gradé russe : « Vous ne l’avez pas, je ne l’ai pas non plus. C’est la détente camarade ! ». Les peurs en Grande-Bretagne sont dorénavant tournées vers l’économique et le cruel militaire à l’accent russe ne semble plus être l’ennemi par excellence, du moins jusqu’à la fin des années 1970.

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Le retour du péril rouge

Ronald Reagan est élu président des États-Unis en 1980. Il fait installer un bouclier anti-missile aux États-Unis. La guerre froide est relancée avec un regain des tensions entre les deux blocs. Cette dernière est palpable à l’écran avec les trois nouveaux James Bond : Octopussy (1983), Dangereusement vôtre (1985) et Tuer n’est pas jouer (1987) où à chaque fois, l’ennemi principal est un Russe. Mais en 1989, le mur de Berlin chute et trois ans après l’Union Soviétique n’est plus. James Bond vient de perdre son meilleur ennemi…

Le danger vient de l’intérieur

Cet événement entraîne l’établissement d’un nouvel ordre mondial. L’identité de l’agent secret est mise à mal, car James Bond ne serait pas ce qu’il est sans ses ennemis. La machine s’enraye et peine à retrouver ce qui a fait son succès. Ce n’est qu’en 1995 que sort le nouvel opus, Goldeneye, où le méchant est cette fois un ancien agent britannique devenu terroriste. Voilà le nouveau Némésis de 007, le terroriste originaire de l’Occident devenu traitre en épousant une cause machiavélique. Le terroriste effraie à l’écran comme dans la réalité. Parallèlement, la figure du riche businessman, propriétaire d’une multinationale se développe (Elliot Carver dans Demain ne meurt jamais sorti en 1997.). James Bond retrouve l’image d’un agent luttant pour la sécurité du Royaume et contre l’injustice. Quantum of Solace (2008) se charge quant à lui d’utiliser un terrain neutre, la Bolivie, pour faire référence à la menace du terrorisme islamiste. Un entrepreneur, Dominic Greene (Mathieu Amalric), s’accapare des ressources naturelles (eau et pétrole) tout en entretenant des relations avec des politiciens américains. Tout cela n’est pas sans rappeler les relations entre Ben Laden et Bush d’autant que Greene (green : « vert » en anglais) évoque la couleur de l’Islam.

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C’est Javier Bardem qui jouera le rôle du prochain méchant dans Skyfall. Peu d’informations sont disponibles pour l’heure sur le personnage qu’il portera à l’écran. Néanmoins, il est fort à parier qu’une nouvelle fois, James Bond fera face à un homme incarnant ce qui est perçu comme étant le « Mal » par nos sociétés. Un manichéisme qui a permis 50 ans de succès aux romans de Ian Flemming et à ses adaptations cinématographiques.

007 contre le reste du Monde

Le compte à rebours est lancé. Skyfall, le nouveau James Bond, sortira en salles le 26 octobre prochain. On retrouve Sam Mendes à la réalisation et toujours Daniel Craig pour incarner l’agent 007. Les fans profiteront de l’événement pour fêter les 50 ans de l’espion britannique. L’occasion de revenir, sur cette saga mythique débutée en 1962 avec l’adaptation à l’écran du roman de Ian Flemming, James Bond contre Docteur No.

Arrêtons-nous aujourd’hui sur le rôle des méchants dans James Bond. Loin d’être anecdotiques, ces derniers font clairement partie du succès de chacun des films. Mais l’intérêt du méchant dépasse bien souvent le simple cadre cinématographique. L’ennemi de l’agent secret est, en quelque sorte, le reflet de l’évolution des peurs et préjugés de la société britannique. Si l’on fait état du statut des méchants dans James Bond, le constat est saisissant : chacun d’entre eux ou presque est lié au contexte géopolitique ou économique du Royaume-Uni.

La menace du « SPECTRE »[[Service pour l’espionnage, le contre-espionnage, le terrorisme, la rétorsion et l’extorsion]]

Certes le premier film, James Bond contre Dr No, relève particulièrement de l’anticommunisme. Un scientifique sino-allemand (Julius No), retranché sur une île, a pour projet de détruire le monde en détournant des missiles. Cela n’est pas sans rappeler la crise des missiles de Cuba de 1962, année de la sortie du film. Cependant, suite à l’apaisement entre les deux blocs dans les années 1960 et 1970, 007 se retrouve confronté aux membres du « SPECTRE ». Cette organisation internationale terroriste vise à détruire les deux superpuissances pour dominer le monde, rien que cela. Ainsi retrouve-t-on l’incontournable Ernst Stavro Blofeld, Polonais d’origine et ennemi juré de James Bond. Le « SPECTRE » est une organisation qui n’est pas liée à un État en particulier. Ses membres sont majoritairement issus du Tiers-Monde. Rappelons que nous sommes en pleine période de décolonisation, et que, dans ce contexte, la société britannique voit son empire se déliter. De fait, le Royaume imagine sa souveraineté menacée. Quoi de plus réconfortant que de fomenter le mythe d’un espion qui corrige à sa manière les atteintes à la souveraineté britannique tout en restant fidèle à sa Majesté… C’est ainsi que l’on retrouve Bond en 1964, dans Goldfinger face à des « Chigroes », un mélange grotesque entre « chinois » et « nègres ». Le « SPECTRE » est en quelque sorte le reflet d’une peur d’un ennemi invisible capable à lui seul de renverser l’ordre établi et l’équilibre fragile installé entre l’URSS et les États-Unis. Une peur clairement teintée de racisme.

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Chocs pétroliers et apaisement

Les années 1970 voient l’économie occidentale mise à mal par les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979. Coïncidence ? Les grands méchants des trois James Bond qui sortiront à cette période sont de riches industriels : Karl Stromberg dans L’Espion qui m’aimait (1977) où 007 fait équipe avec une espionne russe, Hugo Drax dans Moonraker (1979) et Aris Kristatos dans Rien que pour vos yeux (1981). Une des répliques de ce dernier est d’ailleurs assez révélatrice. Bond, après avoir lancé un outil ultramoderne d’une falaise annonce à un gradé russe : « Vous ne l’avez pas, je ne l’ai pas non plus. C’est la détente camarade ! ». Les peurs en Grande-Bretagne sont dorénavant tournées vers l’économique et le cruel militaire à l’accent russe ne semble plus être l’ennemi par excellence, du moins jusqu’à la fin des années 1970.

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Le retour du péril rouge

Ronald Reagan est élu président des États-Unis en 1980. Il fait installer un bouclier anti-missile aux États-Unis. La guerre froide est relancée avec un regain des tensions entre les deux blocs. Cette dernière est palpable à l’écran avec les trois nouveaux James Bond : Octopussy (1983), Dangereusement vôtre (1985) et Tuer n’est pas jouer (1987) où à chaque fois, l’ennemi principal est un Russe. Mais en 1989, le mur de Berlin chute et trois ans après l’Union Soviétique n’est plus. James Bond vient de perdre son meilleur ennemi…

Le danger vient de l’intérieur

Cet événement entraîne l’établissement d’un nouvel ordre mondial. L’identité de l’agent secret est mise à mal, car James Bond ne serait pas ce qu’il est sans ses ennemis. La machine s’enraye et peine à retrouver ce qui a fait son succès. Ce n’est qu’en 1995 que sort le nouvel opus, Goldeneye, où le méchant est cette fois un ancien agent britannique devenu terroriste. Voilà le nouveau Némésis de 007, le terroriste originaire de l’Occident devenu traitre en épousant une cause machiavélique. Le terroriste effraie à l’écran comme dans la réalité. Parallèlement, la figure du riche businessman, propriétaire d’une multinationale se développe (Elliot Carver dans Demain ne meurt jamais sorti en 1997.). James Bond retrouve l’image d’un agent luttant pour la sécurité du Royaume et contre l’injustice. Quantum of Solace (2008) se charge quant à lui d’utiliser un terrain neutre, la Bolivie, pour faire référence à la menace du terrorisme islamiste. Un entrepreneur, Dominic Greene (Mathieu Amalric), s’accapare des ressources naturelles (eau et pétrole) tout en entretenant des relations avec des politiciens américains. Tout cela n’est pas sans rappeler les relations entre Ben Laden et Bush d’autant que Greene (green : « vert » en anglais) évoque la couleur de l’Islam.

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C’est Javier Bardem qui jouera le rôle du prochain méchant dans Skyfall. Peu d’informations sont disponibles pour l’heure sur le personnage qu’il portera à l’écran. Néanmoins, il est fort à parier qu’une nouvelle fois, James Bond fera face à un homme incarnant ce qui est perçu comme étant le « Mal » par nos sociétés. Un manichéisme qui a permis 50 ans de succès aux romans de Ian Flemming et à ses adaptations cinématographiques.

Abattu pour la deuxième fois, « El Lazca » est toujours en cavale

Les autorités mexicaines ont annoncé la semaine dernière la mort d’Heriberto Lazcano Lazcano , dit « El Lazca », chef du cartel Los Zetas, un des cartels les plus dangereux du Mexique.

« El Lazca » ou « El Verdugo » (le bourreau) aurait été tué après avoir reçu six balles dans le corps durant une opération menée par la Marine (Armada de México) le 7 octobre à Progreso, Coahuila. L’intervention a été saluée par le président Felipe Calderón – encore en fonction jusqu’à décembre prochain – et les Etats-Unis. Ils avaient respectivement promis des récompenses de 2,3 millions de dollars et 5 millions de dollars pour toute information menant à la capture de l’homme. La nouvelle aurait donc dû ravir chaque partie. Seul problème, le corps du bourreau a disparu. Selon le quotidien Reforma, il aurait été enlevé à la morgue par un commando armé.
Et si l’on se fi aux propos de l’expert américain George Grayson (professeur en politique comparée à l’université William and Mary en Virginie et co-auteur d’un livre sur Los Zetas), l’enlèvement pourrait être attribué au cartel lui-même. En effet, les Zetas, composés d’anciens militaires déserteurs, procèdent avec le même mode opératoire : ils ne laissent pas de cadavres derrière eux et récupèrent leurs morts. Pour l’heure, rien n’a encore été revendiqué.

Les incohérences créent le doute.

Ajoutons à cela les troublantes discordances entre les données rendues publiques par l’armée et le profil de Lazcano établi par la DEA (Drug Enforcement Administration). La taille et l’année de naissance des deux descriptions ne correspondent pas. La fiche de la DEA indique que le criminel est né en 1974 et mesure 1,76m alors que le l’homme abattu par l’armée le 7 octobre est approximativement né en 1975 et ne dépasse pas les 1,60 m, rapporte l’hebdomadaire Milenio. Le doute s’est donc très vire installé puisqu’il est impossible de procéder à des vérifications sans la présence du corps. Certains, comme le signale le quotidien Proceso, vont jusqu’à avancer que les éléments ayant servi à l’identification du corps ont pu être tirés des archives que possédait déjà le Ministère de la Défense Nationale, Lazcano étant militaire.

L’homme abattu est-il bien le « capo » des Zetas ? L’armée aurait-elle crié victoire trop tôt ? Ce ne serait pas la première fois. En effet, en septembre 2007, les autorités avaient déjà déclaré avoir tué « le Bourreau ». Quelques heures plus tard, cependant, une annonce publique avait été faite pour corriger l’erreur : le dangereux narcotrafiquant courait toujours.

Fox relance le débat sur la légalisation de la drogue.

Ce cafouillage et ces incertitudes donnent l’occasion à l’ancien président Vicente Fox (du même parti politique que Calderón, le Parti d’Action Nationale) de relancer le débat sur la légalisation de la drogue, une manière efficace selon lui de lutter contre le trafic et de simplifier les problèmes d’insécurité du pays. Milenio relayait lundi 15 octobre sa désapprobation concernant la gestion de l’arrestation de Lazcano par le gouvernement fédéral. Fox remet en cause le bien fondé de l’action gouvernementale. Selon lui, les dirigeants souhaitent attirer l’attention sur l’arrestation de grandes figures des cartels et s’en vanter, bien trop vite apparemment. Pour lui, une partie du problème résulterait de la présence de l’armée dans les rues. C’est pourtant bien lui en 2005 qui avait lancé la première intervention militaire de taille contre les cartels. Elle s’était muée par la suite en véritable « guerra contra el narcotráfico y el crimen organizado » avec Calderón dès décembre 2006.

Un bilan desastreux

Crédit photo: AFP.

Depuis le début de ce conflit armé, le nombre de morts n’a cessé d’augmenter. 27 199 homicides ont été commis en 2011 et environ 107 000 sur la totalité du mandat de Calderón, estime l’Institut national de statistiques et géographie mexicain dans un rapport d’août dernier. Le cartel des Zetas, notamment, a agrandi son territoire. Au début, cantonné au sud-est du pays, il contrôle aujourd’hui toute la région du Golf, de la côte Est du pays jusqu’à l’intérieur même du Texas. Comme le soulignait le quotidien Proceso, ce genre d’arrestation n’a fait qu’entrainer la fragmentation des groupes et augmenter le nombre de crimes et enlèvements, ce qui souvent, est suivi par une grande vague de violence.

Dans un pays où 88% des citoyens pensent que le gouvernement est l’entité la plus corrompue (sondage réalisé par le quotidien Réforma), celui d’Enrique Peña Nieto va devoir affronter des enjeux de taille.

Egypte : Les Frères jettent la première pierre.

Vendredi dernier des affrontements entre pro et anti-Morsi ont éclaté dans le centre-ville du Caire. Alors que l’heure du bilan des « 100 premiers jours » sonne pour le nouveau président égyptien, les inquiétudes se font de plus en plus vives parmi les forces politiques laïques du pays.