Béziers : les canards déchaînés

Pour s’informer sur leur ville, les Biterrois ont le choix entre deux journaux : le controversé journal officiel de Robert Ménard ou le révolté contre-journal municipal. L’un institutionnel, l’autre participatif. Le premier recherche le buzz et délivre sa « vérité », le deuxième entre en « résistance » et s’autoproclame journal majoritaire. Les deux se déchaînent pour diviser ou rassembler.


«Un vrai journal». Voilà ce qu’affirme l’ancien dirigeant de Reporters sans frontières à propos de son JDB, le journal de Béziers. Ce journalisme, Robert Ménard veut en faire rentrer les standards dans le crâne du Biterrois lambda : mise en page aux caractères criards, litanie dénonciatrice, termes soulignés, surlignés, colorés en rouge. L’objectif est, selon le maire élu avec le soutien du Front National, «d’attirer le regard», en clair faire le buzz. Et ça marche, évidemment. Pourtant, son «vrai» journal plonge parfois dans la désinformation, voire le bidonnage.

Dernier exemple en date, la fameuse photo de migrants de l’Agence France Presse (AFP) concoctée à la sauce Ménard, c’est-à-dire retouchée pour diffuser des messages politiques. Résultat, l’AFP a attaqué la ville en justice. «Ils n’ont que ça à faire !», tempête Ménard. Pour l’édile, c’est «sûrement un effet d’annonce du gouvernement qui a dû leur dire qu’il ne fallait pas laisser passer». Au milieu coule le droit d’auteur et la déontologie… «Si on avait utilisé la photo avec le titre ‘Vive les immigrés’, à coup sûr, ils n’auraient pas hurlé.»

La vérité s’il ment, mieux vaut également être raccord avec l’opinion du maire au risque de subir la vindicte publique : le président de l’agglomération, les élus de l’opposition, les journalistes de Midi Libre ou la Ligue des Droits de l’Homme, tous y ont été confrontés. A Béziers c’est sûr, le journal institutionnel gage de neutralité des institutions publiques, n’est plus. Qu’importe, la com’ institutionnelle, le maire le cri haut et fort, il s’en «bat l’œil».


La neutralité selon Robert Ménard

Le JDB est écrit et réalisé par les collaborateurs de cabinet du maire (parmi eux, André-Yves Beck, ancien membre des groupuscules d’extrême droite radicale Troisième voie et Nouvelle résistance, ndlr) et par le service communication. A la surface de sujets polémiques émergent souvent des formules chocs et partisanes. Quid du devoir de réserve des fonctionnaires ? Pas de problème pour le maire, les agents «se régalent» car, rebelote, ils font «un vrai journal». Les rédacteurs suivent donc le nouveau slogan de la ville que l’on peut lire à chaque coin de rue : «Béziers libère la parole !» Agressivité, atteinte à la dignité de la personne, au fil des numéros c’est un florilège tapageur : la Ligue des Droits de l’Homme se prend, photo à l’appui, une «fessée judiciaire», on redéfinit le terme «manifestants» par «groupuscule d’extrémistes», un élu qui émet des remarques lors du débat sur le budget est un «nul», un journaliste de Midi Libre est qualifié de «chien de la rédaction»

Une image du Christ en couverture ? «Et alors ? C’était pour illustrer que la féria s’ouvre avec une messe», se défend le saint édile, certain que les Biterrois boivent ses paroles : «on n’a jamais eu un journal aussi demandé», prêche-t-il. Regard complice avec sa responsable de la communication, sourire aux lèvres, Robert Ménard renchérit : «Si on pouvait le sortir toutes les semaines, on le ferait. Quand Midi Libre aura disparu, on pourra prendre leur place.» Car Midi Libre, ennemi numéro un, est qualifié de «journal de combat contre la municipalité», de «journal d’opinion, menteur et militant». La mairie, elle, «ne fait que se défendre», persifle le maire.

Si le manque de neutralité supposée du quotidien régional taraude l’édile, celle du JDB ne semble lui poser aucun problème. «On fait un journal qui ne rentre pas dans les codes, je le concède, mais c’est un compliment !», argumente-t-il. Et il dézingue à tout-va : «Les professionnels de la com’, qu’ils aillent se faire braire !». Le canard de Ménard est pourtant bien rédigé par ces mêmes professionnels qui maîtrisent parfaitement leur communication politique.


Un contre journal municipal rédigé par et pour les citoyens

-12.jpgFace à ce qu’ils estiment être de la propagande politique et nauséabonde, des citoyens se sont regroupés au sein d’une association qui propose un contre journal municipal : «Nous avions envie de parler autrement de Béziers», explique Marie-Claude, rédactrice. Exclusivement diffusé sur internet, Envie à Béziers (du nom de l’association) a démarré quasi immédiatement après la parution du premier journal municipal de l’ère Ménard. «Nous avons eu une réaction épidermique et nous nous sommes vite rendu compte que nous jouions le jeu du maire», avoue John, également rédacteur, pour qui En vie à Béziers était au départ «un moteur de révolte».

Pour ne plus être un journal d’opposition pur et dur, les rédacteurs ont choisi de faire évoluer la ligne éditoriale. En vie à Béziers propose aujourd’hui des sujets de fond, des articles humoristiques ou des dessins satiriques tout en gardant les notions de décryptage et de rassemblement : «Nous sommes sur une ligne d’ouverture et antidiscriminatoire», précise Marie-Claude, excédée par les diatribes du JDB. Pour John, la rédaction est aussi «un processus de réunion, d’échange, de partage pour faire émerger un travail collaboratif.»

La trentaine de rédacteurs qui se compose de profs, d’ouvriers, de citoyens lambda «permet d’avoir des visions différentes sur le bien-vivre à Béziers», se félicite John. Pour Marie-Claude, le melting pot rédactionnel met en exergue «l’engagement citoyen» naît du besoin d’expression des Biterrois. La rédactrice précise qu’En vie à Béziers n’est pas un journal politique, «nous faisons bien le distinguo entre engagement politique et réflexion citoyenne». Selon John, le but est «d’informer tous les Biterrois de manière citoyenne et participative» et pour lui, «c’est la définition même de l’éducation populaire».


La dictature du vrai

Le JDB, «un vrai journal» ? Les deux rédacteurs restent dubitatifs. John soupire et lance : «On est dans la dictature du vrai prôné par le Front National, c’est leur crédo, créer une dichotomie pour se donner la légitimité du vrai.» Marie-Claude, elle, réagit sur les attaques ad hominem, «on ne peut pas laisser passer ça». John, lui, rebondit sur la notion de ressenti : «Attaquer systématiquement revient à ne jamais se lancer dans un débat de fond. Un ressenti, une opinion, lorsque c’est écrit à la façon du JDB, ça n’appelle pas à être contredit.» La critique, John n’est pas contre, mais selon lui, celle émise dans le JDB «est faite avec des opinions propres et non sur le fond».


Suivre une opinion propagandiste ou oser le décryptage : le choix des Biterrois.

Béziers : à la reconquête d’un cœur de ville battant

La municipalité biterroise multiplie les projets d’architecture et d’urbanisme pour revitaliser son cœur de ville endormie. La commune souhaite mettre en avant son patrimoine historique, tout en misant sur le développement de nouveaux commerces. La ville veut faire disparaitre les logements indignes et compte bien éradiquer la petite délinquance qui sévit dans ses rues.

« Centre-ville paupérisé, insécurité, prostitution, taux de chômage élevé… » sont les mots qui reviennent le plus souvent dans la bouche des biterrois pour décrire leur ville. Mais qu’arrive-t-il à Béziers ? On dit la ville en difficulté, pourtant la commune multiplie les projets d’urbanisation pour reconquérir le cœur de ses habitants. La ville serait-elle victime de sa mauvaise réputation ? En effet, Béziers s’illustre quotidiennement par une multitude de faits divers et de petite délinquance en tout genre : vols, agressions, incivilités, escroqueries et la ville a la réputation d’être une plaque tournante de la drogue. Conséquence : un grand nombre d’habitants a déserté le centre ville. Un déclin marqué par le ralentissement des activités économiques et le déplacement de la population du centre ville vers les communes périphériques.

Une ville en pleine mutation

Aujourd’hui, la ville entend bien reconquérir son centre de ville. L’objectif : redynamiser et repeupler le centre, le rendre plus attractif en implantant de nouveaux commerces, réhabiliter les espaces publics, rénover les bâtiments vétustes, adopter des normes énergétiques plus performantes et éradiquer l’habitat insalubre. A cet effet, la municipalité compte investir 18,5 millions d’euros avant 2014.

En 2010, la commune a pris un nouveau visage en inaugurant un immense centre commercial à ciel ouvert, « le Polygone – Rive Gauche », à proximité de la gare. La zone est devenue commerciale mais également administrative et propose de nombreux logements. Le projet a cependant été très mal accueilli par les commerçants du centre qui accusent le maire, Raymond Couderc, d’avoir déplacé le centre ville. « Le Polygone offre une multitude d’activités : magasins de prêt à porter, cafés, restaurants, bowling, espace détente, un supermarché…Si bien que les biterrois et les touristes ont déserté le centre ville. C’est dramatique pour les commerçants du centre » confie Thierry, responsable d’un restaurant sur les allées Paul Riquet. Mais le centre commercial semble déjà être en perte de vitesse et certaines enseignes de luxe ferment leurs portes par manque de rentabilité. « Béziers ne laisse pas la place au luxe ! Nombreux sont les biterrois aux moyens modestes » affirme Sarah, responsable d’un magasin du centre Polygone. La municipalité souhaite tout de même étendre la zone qui comprend d’importants aménagements de voiries sous les regards impuissants et désespérés des commerçants du centre.

Préserver le patrimoine historique pour redynamiser le centre

Riche de son histoire, la ville de Béziers attire les férus d’architecture. Son patrimoine est associé à une esthétique particulière que les touristes viennent admirer par milliers chaque année, sillonnant les rues du plan de la cathédrale Saint-Nazaire jusqu’au site des neuf écluses, embarqués à bord d’un petit train touristique. Cependant, les atouts de charme de cette architecture biterroise se transforment en problème pour les riverains du cœur de la cité. Les ensembles immobiliers sont vétustes et leur étroitesse répond mal aux exigences de la modernité. La municipalité à l’intention de faire renaître son vieux centre en multipliant les projets de rénovation.

C’est en 1995, date à laquelle Raymond Couderc signe son premier mandat en tant que maire de Béziers, que la priorité de la ville est devenue de concilier la sauvegarde patrimoniale, tout en menant des actions de rénovation de l’habitat et d’aménagement des espaces urbains. La ville est alors repensée en profondeur pour que naissent de cette politique les projets de développement liés à la modernité et au tourisme. Si bien que « le vivre ensemble » est une question qui se réactualise en permanence pour les habitants qui assistent aux transformations, bon gré ou mal gré, au fil des ans. La ville de Béziers serait-elle sur le point de se réveiller ?

Ambiance morose à La Poste

Partout en France des manifestations contre le changement du statut de La Poste et l’ouverture de son capital à hauteur de 30% avaient lieu ce samedi après-midi. Depuis quelques mois, cette mesure faisant craindre une privatisation à terme est envisagée afin de trouver des financements supplémentaires à l’entreprise devant, dès 2011, faire face à la concurrence, selon la direction. A Montpellier, c’est au Peyrou que le comité intersyndical avait mobilisé ces troupes (et les usagers) quelque peu moroses.

Plusieurs centaines de personnes étaient présentes mais moins que prévues, resteront dans la camionnette CGT nombre de drapeaux, l’arrivée du bus retardataire des Biterrois n’y changeant rien. A 15h20, les différents bataillons syndicaux et politiques jusque-là dispersés devant l’Arc de Triomphe se rejoignent et entament la marche. Tout y est : djembés, tracts, postiers en uniforme réglementaire, sifflets, haut-parleurs scandant des morceaux bien choisis : « les postiers allez allez allez, non non non à la poste privatisée » et pourtant ça ne prend pas et on n’insiste pas tellement pour que ça prenne. La masse aérée avance d’un pas apathique, les regards sont peu concentrés, certains discourent même des élections du PS de la veille, le volume sonore du cortège anormalement bas dans différents points du cortège le permettant.
L’itinéraire s’achève devant le Théâtre place de la Comédie. Là tous s’arrêtent net et écoutent religieusement le discours du comité rappelant les fondamentaux de la mobilisation : « défense du service public », « La Poste, outil de solidarité et d’égalité sur le territoire », « la privatisation, elle ne se négocie pas, elle ne s’amende pas, elle se combat», « nous les ferons plier » entre lesquels s’intercalent des applaudissements francs et enthousiastes. Car si vous voulez les voir s’animer nos postiers, il existe des mots magiques : « usagers », « service public », « rentabilité » qui tournent en boucle bien avant « baisse des effectifs » et « précarisation ». « L’ouverture du capital de 30% même au profit de la Caisse des dépôts, c’est du pipo! A terme La Poste sera privatisée, dès lors s’engagera une dynamique de rentabilité dont l’effet concret sera par exemple l’augmentation du prix du timbre » commente Francis Viguié, conseiller municipal LCR à Montpellier. Un facteur CGTiste renchérissant « Les activités non-rentables disparaissant comme certaines tournées ou agences, comment feront les personnes âgées qui habitent les campagnes pour aller retirer de l’argent ? Le service public, c’est tout public, personne ne doit être mis de côté ». « Le facteur, c’est un lien social, aussi bien en campagne qu’en ZUS (zone urbaine sensible) où je travaille à Montpellier. D’ailleurs, les usagers nous soutiennent à 95% mais ils ne se sont pas déplacés » regrette Brigitte. L’absence des usagers mais aussi des élus aura certainement porté un coup au moral des troupes, mais peut-être pas assez pour démobiliser lors de la prochaine étape en décembre lors de la remise du rapport Ailleret sur l’avenir de l’entreprise encore publique.

Super Slut : la super ascension de deux jeunes Biterrois

Clément Bourdon et Romain Lolio, « deux petits Biterrois qui n’ont jamais rien fait d’exceptionnel », sont en train de réaliser un gros coup. Ils mixent depuis deux ans sous le surnom Bumble & Romz et viennent d’envoyer leur dernier morceau à un grand label allemand. Le titre sort début octobre, leur duo s’appellera alors Super Slut.

Le rêve d’une vie. C’est ce que deux jeunes Biterrois sont en train de vivre. Pourtant, à leur début, Clément Bourdon et Romain Lolio, qu’on surnomme Bumble & Romz depuis l’adolescence, se sont affublés d’un drôle de pseudonyme sur myspace, « latuile ». Aujourd’hui, tout change, ils viennent de signer un contrat avec un des plus gros label mondial de musique.

Bumble & Romz se connaissent depuis cinq ans, les boites de nuits montpelliéraines sont leur terrain de jeu favori. Il y a deux ans, ils se sont mis à mixer, à jouer de l’électro. Pour Romain, aucune ambiguïté n’est possible : « Pour les vieux, la techno, c’est du bruit. Mais en fait, c’est vraiment de la musique. »

Leur premier morceau s’intitule Synopsis, il est sorti cet hiver chez Angell Records, un label français. « Nous avons tout vendu et gagné en notoriété, explique Clément. Pour notre prochain morceau, nous avons voulu le teinter d’une touche d’Espagne, qu’il sonne espagnol, avec un sample flamenco. »

Deux soirs de boulot à la maison et le titre est prêt à être diffusé. Clément joue parfois à L’usine à gaz, en warm-up, pour chauffer la soirée. Le DJ résident, Mathieu, a bien aimé le morceau, il l’a joué. Et comme « les gens ont adoré », Bumble & Romz l’ont envoyé, par internet, à Great Stuff, un label allemand, un des leaders du marché.

« Notre rêve ? Ibiza, face à la mer. Mais pour y arriver, il faut s’arracher pendant cinq ans »

Après quelques échanges de mails, le verdict tombe, Bulerias, leur morceau flamenco-techno, sortira chez Great Stuff. Ces « deux petits Biterrois qui n’ont jamais rien fait d’exceptionnel » sont en train de réaliser un gros coup, ils ont même « du mal à réaliser ». Seul problème, le label allemand n’est pas fan du nom de scène Bumble & Romz. Place maintenant à Super Slut, dont on se gardera bien de donner la traduction… « De toute façon, dans l’électro, il y a souvent des noms bizarres. » Utile mise en garde. Mais, si ça convient aux parents…

Maintenant, le plus dur démarre, se faire connaître. Et là, bonne nouvelle, le buzz (d’autres diraient la mayonnaise) commence à prendre, surtout du côté de la capitale régionale. « Si les DJ’s montpelliérains n’aiment pas, alors on est grillé dans la région », avoue Romain. « Pas mal de ceux qu’on a adulés, comme Greg Delon du Bar Live, jouent le morceau. Pour nous, c’est excellant ! »

En 2008, l’objectif était de sortir un morceau, pari réussi. 2009 ? « En sortir un autre. » En revanche, devenir résident d’un club ne les branche pas vraiment. « C’est pas le but, ce qu’on veut : c’est tourner. » D’ailleurs, ils ont déjà joué à Montpellier, Toulouse, Lyon ou Carcassonne. Mais le rêve reste l’Espagne et surtout Ibiza « face à la mer. Mais pour y arriver, il faut s’arracher pendant au moins cinq ans », prédit Clément.

Surtout, il ne faut pas croire que la techno est leur seul univers. Ils aiment et écoutent toutes sortes de musiques. Romain a même débuté sa carrière dans un petit groupe de rock. Pour Bumble & Romz : « Si tu es enfermé dans un truc, tu ne t’en sors pas, tu ne t’ouvres pas et tu n’as pas d’objectif. » Ils apprécient particulièrement Gorillaz, Jamiroquai, et soulignent que des groupes de pop rock tels Radiohead ou Muse ont récemment ajouté une brillante touche électro à leurs compositions.

Pour Romain et Clément, leur nouvelle carrière de Super Slut marque un tournant dans leur vie. Un super challenge synonyme, souhaitons-leur, de super saut vers les sommets.

Le maire de Béziers sur les Roms : « Leur comportement pose problème »

Le maire est le plus proche élu des citoyens et mesure parfaitement les problèmes de sa commune. Raymond Couderc, qui entame son troisième mandat en tant que premier magistrat de Béziers, connaît bien évidement mieux que quiconque la situation des Roms et les difficultés que ces derniers provoquent ou sont supposés provoquer dans le Biterrois.

Où vivent les Roms de Béziers ?
Il y en a une partie qui habite à Cantagale, une autre à Revaut-le-Bas, c’est-à-dire sur la route de Maraussan. Ils se sont installés sur des terrains agricoles dans des zones inondables. L’installation ne s’est pas passée particulièrement bien et ils continuent de poser beaucoup de problèmes.

Subissez-vous des pressions d’élus ?
Pas des élus. Dans l’ensemble, il y a un certain consensus. En revanche, des gens en dehors de la mairie manipulent l’opinion en reprenant des idées d’extrême droite.

L’an dernier, vous avez refusé d’inscrire à l’école des enfants roms dont les parents habitent à Béziers.
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Je ne peux pas reconnaître qu’ils habitent là, c’est pas possible. Si je le reconnais, j’admets qu’ils sont en zone inondable. Imaginez qu’il y ait de fortes pluies et que ces gens soient emportés par la crue. On dira que le maire n’a rien fait pour les faire partir. J’ai donc refusé de les scolariser tant qu’ils étaient en zone rouge. J’ai été attaqué au tribunal administratif et, comme les textes indiquent clairement que l’on doit scolariser tous les enfants de la commune, j’ai cédé. Mais au cas où il y aurait un accident grave, je pourrais toujours me dire que j’ai fais le maximum pour l’empêcher.

Certains Roms veulent se sédentariser, pourquoi n’ont-ils pas accès aux HLM ?
On n’en a déjà pas pour les gens qui en demandent depuis longtemps ! Aujourd’hui, un quart des demandes de logements sociaux sont satisfaites après quatre à cinq ans d’attente, alors je ne vois pas pourquoi je privilégierais les Roms qui arrivent au dernier moment. Il faut un ordre, une justice, respecter une priorité.

« Ce n’est pas en venant à Béziers que leur problème sera réglé. »

Le problème se pose également avec la banque alimentaire.
C’est dans le même esprit que ce que je viens de dire. Si on leur donne tous les services, tous les avantages, pourquoi vont-ils aller s’embêter à trouver autre chose qu’en zone inondable ? Je ne veux pas faciliter, encourager les installations dans ces conditions. Les gens qui sont en règle, c’est normal qu’ils aient droit à quoi tout le monde a droit…

Comment les Biterrois perçoivent-ils les Roms ?
Très mal. En ville, leur comportement pose problème, ils pratiquent la mendicité avec insistance, ils ne restent pas en arrière mais vous accrochent le bras. Les personnes âgées sont très inquiètes, elles ont peur. Par contre, pour les enfants finalement scolarisés dans les écoles, je n’ai jamais eu d’écho particulier.

Les Roms sont souvent sans-papiers et ont l’impression d’être chassés, même de leur pays d’origine, en particulier après les guerres en Yougoslavie.
Ce n’est pas vrai, ils ne sont pas chassés, ils viennent de Roumanie. Leurs conditions de vie sont probablement plus difficiles là-bas qu’ici. Que les Roms de Roumanie soient mal vus chez eux, qu’ils aient les mêmes difficultés que les Maghrébins ici, c’est probable. Mais ce n’est pas en venant à Béziers que leur problème sera réglé. La ville est suffisamment en difficulté avec une population déjà très paupérisée, pas la peine d’en rajouter !

Les communes de 5 000 habitants doivent installer une aire d’accueil. Pourquoi n’y en-t-il pas à Béziers ?
La procédure est engagée depuis dix ans mais nous nous battons contre les associations de riverains qui ont fait annuler le premier permis de construire. On est allé jusqu’en cour administrative d’appel. Les recommandations qui nous ont été faites ont conclu qu’il fallait un terrain plus grand, donc il y aurait nécessité d’exproprier. J’espère que l’aire se fera si je suis réélu[[L’entretien a été réalisé avant la ré-élection de Raymond Couderc. Le 9 mars, il a obtenu 52 % des suffrages au premier tour de la municipale.]].

Le moyen de les intégrer est de construire ce fameux campement.
Justement, nous demandons le permis de construire et des demandes de subventions. Le Biterrois est une aire de grand passage. J’ai proposé que le camp soit sur notre ville à condition que l’État nous aide pour remettre en ordre le secteur de Cantagale.

Où sera le campement ?
À Cantagale, il y aura une dizaine d’hectares près de la RN 113. Les services de l’État, après avoir été enthousiastes, sont aujourd’hui très réticents, ils n’ont plus un rond. Il faut installer l’eau, l’assainissement et tout. Cela coûtera beaucoup d’argent, plusieurs millions d’euros.

La difficile intégration des Roms de Béziers

Jean-Philippe Turpin, militant à la Cimade de Béziers (Comité inter mouvements auprès des évacués) fait partie d’un collectif de soutien aux quatre-vingts Roms installés à Revaut-le-Bas, sur la route de Maraussan, à l’est de Béziers. La plupart viennent des pays de l’ex-Yougoslavie et d’Italie. L’ABCR (Association biterroise contre le racisme) est également membre du collectif. Par ailleurs, Jean-Philippe Turpin dirige le Cada (Centre d’accueil des demandeurs d’asiles).

Une des interventions remarquables de la Cimade remonte au 17 mai 2006, jour d’une descente de police musclée où tous les hommes ont été embarqués privant ainsi leur famille (au sens large) de l’unique source de revenu. Le collectif a aidé les familles à organiser leur défense, à trouver des avocats et, au quotidien, à régler les problèmes administratifs et répondre à la survie élémentaire. Jean-Philippe Turpin témoigne : « La mairie de Béziers a, par exemple, la particularité de gérer elle-même la banque alimentaire mais prive les Roms de ses services. Nous sommes obligés de recueillir la nourriture par des associations pour la redistribuer. » Il a des mots très durs envers le pouvoir municipal. Le refus de Raymond Couderc, premier magistrat de la ville, de scolariser des enfants roms à la rentrée de septembre 2006 a conduit les familles au tribunal[ [Voir la réponse de Raymond Courderc, maire de Béziers ]]. « Les Roms n’en revenaient pas d’être de l’autre côté de la barre. » En plus, ils ont gagné !

Ignorants les règles de droit français, ils reçoivent des conseils juridiques et pratiques sur le mode de vie en France. Un d’entre eux, la trentaine et apatride, précise que ses origines sont indiennes. Il est né en Italie, ses enfants en France. « Le Rom veut travailler, mais sans papiers, c’est difficile. On vit des aides, souvent, je travaille au noir, pour les travaux de la maison, du jardin, ou dans les voitures d’occasion. » Il reconnaît que certains membres de sa communauté « volent pour pouvoir acheter du pain aux enfants. » Cela explique, sans doute, les tensions avec certains Gadjé (non-Roms). « Il y en a des bons, des mauvais, des racistes, comme partout. » Mais ils ne doivent pas oublier, conclut celui qui se présente comme gitan par commodité de langage, que les Roms « sont des humains, comme les autres. »

« Je dois rentrer chez moi ? Mais je vais partir où ? »

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Le collectif organise une réunion spécialement pour les Roms un mardi sur deux. L’occasion d’exprimer les doléances et pour les associations de tenter de faire avancer les choses. A l’ordre du jour, la question de la collecte de vêtements, l’avancée de la souscription ou encore la possibilité d’avoir un jardin devant sa caravane pour cultiver de quoi se nourrir. Le vendeur de voitures d’occasion au noir est présent. Il assure la traduction pour la communauté. Entre eux, ils parlent romani, la langue des Roms, mais aussi italien pour se rappeler où ils sont nés. Le ton monte lorsque Nadia Chaumont, chargée de la scolarité et membre de l’ABCR, explique qu’un enfant a été violemment frappé par de jeunes Roms à l’école. L’information n’est pas claire mais, vite, une femme rom se plaint du mauvais traitement que font subir les Gadjé à sa fille collégienne. Elle refuse d’envoyer sa fille au collège car elle a déjà commencé à fumer. La mère craint qu’elle ne passe bientôt au cannabis. Jean-Philippe Turpin rappelle l’importance de la scolarité des enfants, seul véritable moyen de prouver l’intégration des parents.

Là dessus, une mauvaise nouvelle. La préfecture serait sur le point de proposer aux Roms de rentrer chez eux par le biais de l’aide au retour volontaire. Cela concerne les habitants de Mercourant, sur la route de Bédarieux, de l’autre côté de la ville. La proposition vaut aussi pour ceux de la route de Maraussan et de Cantagale. Après échange, le traducteur gitan précise qu’aucun des siens n’accepterait cette offre. Apatride, il souligne, tout sourire : « Je dois rentrer chez moi ? Mais je vais partir où ? » Comme si chez lui, c’était au bord de la route de Maraussan. Et nulle part ailleurs.