Daniel Cohn-Bendit : « Je suis un utopiste réaliste »

Europe Écologie avait rendez-vous avec ses militants, ce mercredi 17 février 2010. C’est après trois heures de meeting et un discours plein de ferveur que Daniel Cohn-Bendit répond aux questions d’Haut Courant… avec le sourire et en toute simplicité.

Comment faites-vous pour conserver cette ferveur après 30 années de politique ?

Mon secret : j’aime la politique. J’aime penser le changement, faire bouger les lignes. Je suis là pour jouer mon rôle d’utopiste lucide et réaliste. Ce que j’aime en politique, c’est de prendre des risques. Nous savons tous qu’il y a des dangers, mais l’essentiel est de gouverner autrement. La politique se fait ensemble, ou ne se fait pas. Ensemble, pensons radicalement et transformons quotidiennement.

En tant que député européen, pensez-vous que des ponts peuvent-être établis entre l’Europe et les régions ?

Oui. Je crois qu’il y a des tas de projets régionaux qui peuvent être financés par des fonds européens. A l’heure actuelle, ce n’est pas le cas et c’est dommage. Il faut que les élus régionaux se rapprochent des élus européens et trouvent un projet et des moyens ensemble : formuler un projet régional au niveau européen. Par exemple, dans certaines régions, 14% des projets ferroviaires sont financés par l’Europe. C’est trop peu. Pour que cela fonctionne, il faut qu’il y ait une coopération des régions et un projet collectif. Pour le moment, il n’y a pas de cohérence entre l’ensemble des régions. Nous devons casser cet égoïsme régional.

Quelle place donnez-vous au citoyen dans le projet de transformation prôné par Europe Écologie ?

Une transformation, c’est prendre le temps d’ouvrir des discussions pour que le jugement du citoyen s’intègre dans le projet d’avenir. Concrètement, c’est multiplier les débats publics. Il est nécessaire que le citoyen s’approprie le projet et s’autogère. Dans la société de demain, l’autogestion est quelque chose que l’on peut réaliser, sans attendre une révolution qui n’arrivera pas. C’est possible par un système de coopératives pour vivre mieux ensemble. Nous proposons un pacte de comportement, c’est-à-dire mettre en place les instruments de la transformation écologique, pour des territoires responsables au service des citoyens. Les citoyens en ont marre qu’on les prenne pour des cons.

Dans votre discours, vous avez fait référence à Georges Frêche, quel bilan tirez-vous de son mandat ?

Par exemple, un mauvais bilan économique avec des projets pharaoniques qui ne vont pas dans le sens de l’intérêt commun. Comme la construction d’une Grande Salle qui a coûté à la Région 54 millions d’euros. Avec cette somme, on aurait pu construire 150 salles culturelles dans toute la région.

Est-ce que l’ouverture d’Europe Écologie à d’autres partis comme Cap21 ou le MoDem, peut-être une limite à sa progression ?

Non, je ne crois pas. Il faut inventer quelque chose de nouveau en politique. Certains partis sont arrivés au bout du rouleau. Nous voulons une culture de partenariat, dans le respect d’un projet commun. Il faut reconnaître les autres, ne pas les considérer comme des adversaires. Si le PS ne comprend pas cela, il ne comprendra jamais pourquoi les électeurs en ont marre des divisions. Et, à la fin, c’est toujours la droite qui va gagner.

Quel écologiste êtes-vous au quotidien ?

Chez nous, nous utilisons l’énergie solaire. Du coup, notre maison consomme un tiers de moins que ce que l’on consommait avant. Pour me déplacer, je prend le moins possible la voiture. Je privilégie le vélo, le métro… C’est beaucoup plus développé en Allemagne où je vis. En France, les gens sont d’ailleurs surpris de me voir prendre le métro parisien. Il faut mettre sa pratique au niveau de son discours. Finalement, être écologiste, c’est avoir une citoyenneté ordinaire.

Retour au dossier spécial Régionales 2010 en Languedoc-Roussillon

Europe Ecologie au centre de toutes les attentions

Les principales figures d’Europe Écologie Languedoc Roussillon ont été conviées au siège d’Europe Écologie à Paris ce week-end.

D’après une source proche d’Hélène Mandroux, les principaux acteurs de la liste Europe Écologie du Languedoc Roussillon, ont été conviés à Paris hier, vendredi 5 février 2010 et ce pour le restant du week-end. Les tractations risquent d’être tendues autour de la table afin de trouver un point d’entente entre Jean Louis Roumégas, chef de file d’Europe Ecologie Languedoc-Roussillon, et Hélène Mandroux, la candidate officielle du PS. Avec derrière, le spectre d’une triangulaire qui pourrait faire gagner la droite.

Si le 2 février, Cécile Duflot était claire: «Les Verts ont quitté la majorité régionale tant sur les déclarations inadmissibles de Georges Frêche que sur la politique qu’il a menée. Nous ne voyons pas pourquoi nous devrions devenir une roue de secours du PS dans la région».

Trois jours plus tard, le discours a changé.
La solution proposée par Daniel Cohn Bendit, d’une présidence tournante semble être la plus adaptée et celle qui sera à priori privilégiée. Elle consisterait en effet en « un partenariat intelligent», dans lequel Jean-Louis Roumégas prendrait la présidence de la région pour une durée de deux ans, puis Hélène Mandroux lui succéderait pour les deux années suivantes, le temps de régler ses problèmes de succession à mairie de Montpellier.

Une possibilité qui ne semble pas réjouir Jean-Louis Roumégas qui a précisé
avoir «des contacts avec eux», mais que «rien n’était calé». «On est prêt à caler une réunion, il faut qu’ils nous appellent.»
Le message semble donc avoir été passé et le rendez-vous pris pour ce week-end des 6 et 7 février 2010.
Quant à François Lamy, membre de la direction du PS, il avance que «l’idée est sur la table», ajoutant, on est sur des rapports nouveaux avec les Verts, continuons de travailler. Le Languedoc-Roussillon peut être un laboratoire d’expériences nouvelles».

Et c’est le siège d’Europe Ecologie qui risque de se transformer ce week-end en véritable laboratoire de négociations. La créature mi-verte, mi-rouge qui pourrait en ressortir parviendra t-elle à mettre à terre celle qui sévit actuellement en Languedoc-Roussillon? Une expérimentation à suivre…

Retour au dossier spécial Régionales 2010 en Languedoc-Roussillon

L’engagement écolo vu par les militants d’Europe Ecologie

Il y a quelques jours, la réunion hebdomadaire d’Europe Écologie se tenait dans leur local Boulevard Ledru Rollin, à Montpellier.
L’occasion de discuter de leur engagement avec les militants de ce rassemblement entre encartés verts, et sympathisants de tous bords. L’occasion aussi de faire le point sur ce que veut dire être « écolo » pour ces militants aux profils très divers mais qui s’accordent sur une chose: l’avenir de notre planète passe par l’écologie.

La tendance écolo

«Je suis écolo», voilà une phrase qui revient souvent ces derniers temps au détour d’une conversation. Comme si la victoire retentissante d’Europe Écologie aux élections européennes de 2009, avait lancé la mode. Ou plutôt relancé la mode…
En effet, d’après une étude de Jacques Theys, haut fonctionnaire au ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, la tendance « écolo » fonctionne par vagues et par reflux.

Depuis 30 ans, plusieurs périodes de sensibilité à l’écologie se sont succédées. De de 72 à 77, puis de 88 à 92. Plus récemment de nombreux problèmes environnementaux ont suscité une vive émotion chez les citoyens français: la vache folle, la catastrophe de l’Erika, les OGM, les différentes inondations entre 1999 et 2001, sans oublier ces deniers jours le séisme à Haïti. Autant de facteurs qui expliquent la montée de l’écologie et font du « développement durable », des produits « bio » et « naturels » les nouveaux mots branchés d’une génération écolo.

Car l’écologie est bel et bien une histoire de génération.

C’est quoi être « écolo »?

Mais concrètement, au quotidien et dans leur vision politique, qu’est ce qu’être écolo? Qui pouvait mieux nous en parler que ces militants du groupe Europe Ecologie de Montpellier.

Yvette Siol et Mariane Bauduc, la cinquantaine rayonnante, ne manquent pas une seule des réunions du groupe Europe Ecologie. Très motivées pour les élections régionales, elles vont aller tracter, coller des affiches mais aussi sensibiliser leur entourage aux valeurs de l’écologie et de ce rassemblement dans lequel elle croit, de plus en plus.

Au quotidien, et ce depuis quelques années, Yvette explique «Je prends les transports en commun. J’évite les supermarchés pour privilégier les producteurs locaux. J’essaye d’acheter avec le moins d’emballage possible, et évidemment, je trie mes déchets.» Le déclic pour elle? «Un jour j’étais dans le bus, et je me suis rendu compte que Montpellier se transformait en un vaste bloc de béton, des nouveaux édifices sortaient du sol à une allure inquiétante. Odysseum par exemple je n’y mets jamais les pieds…Je me suis sentie révoltée par le peu d’importance que l’on accorde aux questions environnementales. Oui, c’était un ras le bol de la politique frêchiste d’expansion.» Et Mariane d’ajouter: «il faudrait re-localiser le commerce, lui redonner ce coté humain. Un projet de centre commercial du genre Odysseum est prévu à Pézenas. Il faut parler de l’emploi, du social, et Europe Écologie en parle dans son programme.»

Car c’est bel et bien le programme qui rassemble tous les membres d’Europe Ecologie, qui est «une alliance entre les verts, et les non-verts, c’est à dire les non encartés. Un rassemblement pas toujours facile à coordonner…» explique Jean-Yves Blaes, le secrétaire d’Europe Écologie Montpellier.

Pourtant, c’est «ce rassemblement hétéroclite de gens d’horizons différents qui veulent suivre un projet constructif en mettant de côté leurs personnalités respectives» qui a séduit Eric, cet ingénieur en environnement. Pour lui Europe Écologie incarne une idée arrivée à maturité, qui permet de mettre de la cohésion parmi les militants. Lui aussi au jour le jour applique des principes simples pour être en adéquation avec son engagement: «Je roule à vélo, si je dois utiliser un véhicule je favorise le co-voiturage ou les transports en commun…»

Abdel Benbakir, formateur en informatique a quant à lui a un lourd passé de militant. Il démarre son engagement dans un mouvement anti-rasciste dans les années 80, puis il continue à s’investir dans différentes associations lyonnaises qui luttent pour le droit au logement , sans jamais vouloir s’engager en politique. En 1995, il assiste à un meeting de Dominique Voynet et Daniel Cohn-Bendit, qui le convainc de s’engager chez les verts, «c’est la première fois que je trouvais des valeurs de solidarité et d’altérité en politique». Europe Ecologie, c’est un peu la continuité, «pour moi, c’est une constellation de forces rassemblées.»

Une vraie force de rassemblement de la gauche, mais une alchimie en péril

A la question de savoir si Europe Ecologie a réussi à s’ouvrir à un public plus large qui trouvait le programme des verts trop restreint à l’écologie pure, la réponse varie d’un militant à l’autre. Pour Abdel Benbakir, «le programme des verts a toujours intégré des dimensions sociales et économiques de qualité, mais qui n’ont pas été rendues visibles.» En revanche pour d’autres comme Jean-Yves Blaes, «j’ai décidé de m’engager avec Europe Ecologie justement parce qu’au contraire des Verts, je trouvais leur programme plus ouvert, plus réaliste, à une échelle européenne. Bref la seule vraie force de recomposition de la gauche.» Et il suffit de voir les figures médiatiques emblèmes d’Europe Écologie, De José Bové en passant pas Eva Joly, sans oublier le très médiatique « Dany le Rouge » ou encore le ralliement récent d’Augustin Legrand, fervent défenseur du droit au logement, et même Stéphane Gatignon du PC, l’ouverture est bien le maître mot. Abdel Benbakir, militant des verts parle «d’un mouvement généraliste et transversal». Sur la liste du Languedoc Roussillon, se mélangent aussi plusieurs tendances et des profils très différents.

Pourtant les récents évènements, et l’apparition d’une liste officiellement investie par Martine Aubry, mardi 2 février, et menée par Hélène Mandroux, maire de Montpellier, change la donne. Ce rassemblement qui se présente comme ouvert parviendra t-il a accepter de recevoir des ordres du grand frère PS qui réalise un peu tard la nécessité d’une gauche morale, alors que les écologistes mènent la bataille anti-Frêche depuis plusieurs mois… Pour l’instant le moral justement n’est pas au beau fixe concernant une alliance Europe Écologie et PS « résistant ». Jean-Vincent Placé, numéro deux des Verts, envoyé pour mener une mission de conciliation avec le PS, en direct de Montpellier les 30 et 31 janvier, a martelé: «Il ne faut pas que les socialistes essaient de faire croire que c’est une opération de salut public et que c’est nous qui serions les diviseurs alors que ça fait six mois qu’on attend qu’ils éclaircissent leur position».

Retour au dossier spécial Régionales 2010 en Languedoc-Roussillon