Edwy Plenel rend hommage à Stéphane Hessel

Stéphane Hessel, l’icône des « indignés », s’est éteint ce mercredi 27 février, à l’âge de 95 ans. Résistant de la première heure, diplomate, ambassadeur, militant politique et écrivain renommé, Stéphane Hessel laisse derrière lui « l’idée que nous sommes tous responsables de notre liberté ». Ces propos sont ceux d’Edwy Plenel, président et co-fondateur de Médiapart et aussi professeur associé du master 2 « métiers du journalisme » de Montpellier.

Edwy Plenel lui rend hommage et revient sur son empreinte, son héritage, sa longévité, leur amitié et l’exigence de lutter et d’espérer :

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Roger Gicquel, un grand nom du journalisme nous a quitté

Il fut pendant des années la voix du 20 heures de TF1. Journaliste humaniste, présentateur vedette du journal télévisé dans les années 1970, Roger Gicquel est décédé samedi 06 mars 2010 des suites d’un infarctus.

Un parcours hors des sentiers battus

L’icône du 20 heures de TF1 a eu un parcours atypique. D’abord steward au sein de la compagnie UTA avant d’embrasser une carrière de comédien, ce n’est qu’au début des années 1960 que Roger Gicquel est devenu journaliste. Localier au Parisien Libéré dès 1961, il a pratiqué le terrain et ainsi apprit à connaître les gens durant sept ans. « La vie des gens l’intéressait » ajoute Patrick Poivre D’Arvor au micro de RTL. Il a intégré en 1971 le service d’information de l’Unicef, où il a travaillé deux ans en tant que consultant. Encouragé par Roland Dhordain, Roger Gicquel s’est ensuite essayé à la radio en présentant la revue de presse de France-Inter (1968-1973), dont il est devenu grand reporter à partir de 1969. Dès 1973, Gicquel a occupé le poste de directeur de l’information de l’ORTF jusqu’à son éclatement en 1974.

Mais, sa renommée, Roger Gicquel la doit au journal télévisé de TF1 où il fut nommé présentateur en 1975. Il est devenu la première « star » de l’information et a créé un JT novateur, très personnalisé, à la demande de TF1, à l’époque en pleine concurrence avec Antenne 2. À la Revue-Médias en 2007, il résumait : « montrez le même homme chaque soir à la même heure pendant des années et il devient automatiquement une célébrité ! » Après six années, gêné par sa notoriété et las de devoir présenter chaque soir un nouveau malheur, le présentateur a décidé d’arrêter le JT.

Roger Gicquel a pourtant continué d’occuper plusieurs postes sur TF1, jusqu’à sa privatisation en 1986. De 1983 à 1986, il a notamment produit et animé l’émission Vagabondages, au cours de laquelle il recevait des personnalités du monde socioculturel. Ensuite, Roger Gicquel a animé durant cinq ans, sur France 3 Ouest, En flânant, un magazine intimiste qui donnait à voir une Bretagne souvent méconnue, tout en sensibilisant le spectateur à la question environnementale : pollution et problèmes d’urbanisme notamment. L’émission s’est arrêtée en 1997 et Gicquel a poursuivi la ballade bretonne en écrivant : Tous les chemins mènent en Bretagne (1998) et Croisières et escales en Bretagne (2007). Amoureux de sa région natale, Roger Gicquel s’est aussi engagé pour la défendre, en devenant membre de l’association Eau et Rivières de Bretagne, qui milite contre les algues vertes.

Un journalisme personnalisé

Si Roger Gicquel est également reconnu, c’est pour son ton et son style, très personnalisé, alors qu’il présente le journal télévisé de TF1. En effet, la chaîne lui a demandé de personnaliser le JT. Alors que naît la concurrence entre TF1 et Antenne 2, il faut identifier le journal. Ainsi, chaque soir, Roger Gicquel introduit son journal par un éditorial dans lequel il donnait son avis sur tout ou presque. Selon Patrick Poivre d’Arvor, « il mettait volontiers de l’émotion dans l’information. A la suite de ses sujets, il donnait son sentiment sur ce qu’il venait de voir. Ce style inspirait la confiance. Quand les gens le voyaient arriver, ils se disaient : au moins celui-là il sait de quoi il parle ». Gicquel estimait de son devoir d’afficher cette sensibilité et il l’expliquait ainsi : « un journaliste qui relate un événement effroyable, s’il n’a pas cette once d’émotion naturelle, n’est pas humain ». Et bien que cette personnalisation semble aujourd’hui dépassée, elle marque le passage à l’antenne de Roger Gicquel, regardé chaque soir par des millions de Français. Et selon lui : «aujourd’hui, l’information à la télévision est désincarnée, directe et sans état d’âme. Je ne suis pas d’accord. Prendre le temps d’expliquer les choses et donner aux autres le temps de les entendre et de les comprendre, c’est une qualité. Pas seulement professionnelle. C’est aussi une qualité de vie.»

Roger Gicquel reste notamment célèbre pour cette phrase : « la France a peur », prononcée pour ouvrir le journal le 18 février 1976, après l’enlèvement et le meurtre à Troyes du petit Philippe Bertrand, dont Patrick Henry a ensuite été reconnu coupable. Restée dans les mémoires, cette phrase de Gicquel décrivait la profonde émotion qu’avait suscitée ce fait divers. Cette formule, telle qu’on la connaît, a d’ailleurs été tronquée et détournée de son sens. En effet, quelques minutes plus tard, Roger Gicquel précisait que cette peur était un sentiment auquel il ne faut pas s’abandonner.

Hommage à l’homme et au journaliste

Depuis l’annonce de son décès, nombreux sont les hommages qui lui sont rendus. Le site LeParisien.fr recense tous les petits messages qui sont adressés aussi bien à l’homme qu’au journaliste. Nombreux sont les internautes à regretter « la voix » et le « style » de Roger Gicquel, « un homme qui aura marqué plusieurs générations de téléspectateurs ». Si Anakyn le décrit comme : « proche, humain, confident, honnête, modeste, l’ami de tous qui s’invitait chez nous à travers le petit écran. Un vrai journaliste, capable d’improviser, de réagir à chaud, de poser des vraies questions, quelqu’un d’authentique et de simple qui nous manquera beaucoup. On lui garde une petite place en nous parmi nos beaux souvenirs, là où il continuera d’exister», Lapinbleu regrette « son humanisme, sa sensibilité, son parlé vrai que nous avons perdu au fil des prompteurs sans âme, condamnés à l’opinion la plus répandue…». Comme le relève LeParisien.fr, l’hommage dépasse même les frontières. Ainsi pour Flobarth, « c’est une page d’histoire importante qui est tournée à la télévision. Ce grand monsieur a marqué toute une génération de Français et d’Anglais, puisque qu’une grande majorité d’Anglais s’étaient connectés sur le journal télévisé de 20h français pour écouter Roger Gicquel. A chaque journal télévisé, j’ai une pensée pour lui. »

Ses acolytes journalistes le saluent également. Pour Michel Drucker, «la France a peur, c’est lui. Il avait un ton, il ne séparait pas l’info du commentaire, prenait l’info à son compte». Ajoutant : « Roger Gicquel était un très bon journaliste. Il a été le journaliste star entre Léon Zitrone et Patrick Poivre d’Arvor».

Roger Gicquel a marqué toute une génération de journalistes. Les journalistes de demain que nous sommes ont tout à apprendre du parcours et de l’homme qu’il était.

Julie DERACHE

Alexander McQueen : un surdoué s’en est allé

Le couturier Alexander McQueen a été retrouvé mort à son domicile de Green Park (Londres), jeudi 11 février.

Il avait la grâce et cette poésie mélancolique dont étaient empreintes ses créations. Il était de ceux dont le talent frise parfois l’arrogance, dont l’inspiration transcende avec éclat genres et conventions. Il était l’un des créateurs de mode les plus brillants de sa génération.

Impérieusement provocateur, « l’enfant terrible de la mode », sévissait dès 16 ans, chez les tailleurs de Sevile Row, glissant dans les doublures des vestes du Prince Charles : « Je suis un con ».

Derrière l’apparence joviale, il y a pourtant une vision plus sombre, insondable. L’univers d’Alexander MC Queen était fantastique car infini, à l’extrême limite du réel, comme l’illustre Plato’s Atlantis, collection hypnotique présentée à la Fashion Week de Paris en Octobre dernier. Tout droit sorti d’arrières mondes magnétiques, les créations de Mc Queen donnaient tout son sens à la formule prophétique de Coco Chanel : « La mode c’est quelque chose au bord du suicide. »

Au fait d’un art fantasmagorique, le créateur londonien s’est donné la mort, une semaine après le décès de sa mère. Dans le Figaro, son ami David LaChapelle témoigne :

« Le suicide, ce n’est pas juste une petite pulsion irrationnelle, un mauvais jour. C’est quelque chose de profond qui vous hante, qui vous tenaille. Je le comprends. J’ai eu ce genre de doutes en tant que photographe et homme. J’ai pris mes distances à temps. Alexander venait de perdre sa mère, cela l’a dévasté. Je pense aussi qu’il a attendu que sa mère parte pour partir à son tour. Il ne lui aurait jamais fait subir un tel chagrin ».

Alexander Mc Queen s’en est donc allé, à une semaine du lancement de la Fashion Week londonienne : « Je n’y croyais pas quand j’ai entendu l’annonce de son décès. Avant hier, j’essayais des chaussures qu’il a créé. A quelques jours des défilés, il y a une atmosphère triste ici » explique Estelle, mannequin à Londres.

God save you, McQueen.

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