Les dérives de l’excès d’anonymat sur le web

La plupart des utilisateurs d’internet l’utilise de manière uniforme. Chercher des infos, trouver des infos, raconter sa vie, etc. Environ 25% du trafic en continu sur internet est représenté par exemple par la page de recherche Google. Mais le web est aussi le théâtre de ce que les utilisateurs ont de plus mauvais en eux lorsqu’ils pensent être anonymes.

4chan-logo.jpg Un des exemples les plus marquants de ce que peut donner le processus d’anonymisation est le site 4chan et ses sections /pol/ (politiquement incorrect) et /b/ (random). Ce site a été créé par un adolescent américain Christopher Poole le 1er octobre 2003. Il s’inspire du site japonais 2chan qui existe lui depuis 1999. Le principe est simple un forum épuré ou les posts se font la plupart du temps de manière anonyme et en continu, en fonction du thème que l’on veut aborder. Encore peu utilisé en France (environ 1,75% des utilisateurs), il est très populaire aux Etats-Unis (238e site le plus visité).

Récemment les deux forums cités plus haut ont fait leur apparition dans l’actualité en dépassant le cadre de 4chan.

Tout d’abord le forum /b/ (random) un des threads les plus visités du site et où le mauvais goût est de rigueur. C’est en grande partie pour cette section que le site 4chan a été surnommé aux Etats-Unis « la poubelle du web ». Il est composé majoritairement de posts racistes et de photos de femmes nues (parfois de très jeunes femmes !). Pronant une liberté d’expression maximale le forum n’est que très peu modéré. La section /b/ s’est faite remarquer récemment pour avoir été le point de départ de ce que l’on a appelé le « fappening ». C’est-à-dire la mise en ligne de photos de stars nues subtilisées par des hackers sur les portables de ces dernières. En effet, avant que le scandale éclate aux yeux de tous, ces photos s’échangeaient sur le forum contre des bitcoins (monnaie virtuelle).

Quant au forum /pol/ (politiquement incorrect) la ligne éditoriale semble y être le sexisme, le racisme, l’antisémitisme… L’endroit rêvé pour toute personne déviante prête à prêcher à qui veut l’entendre que nous vivons dans un monde rempli de complots (maçonnique, illuminatis, juifs,etc.). Tout un programme ! Un post parmi tant d’autres pourtant défraie la chronique depuis le mois d’août et a crée un débat au sein même du forum /pol/. Il s’agit d’Ebola-Chan une poupée infirmière manga, personnification du virus elle serait censée représenter le culte des blancs qui complotent pour exterminer les africains avec Ebola.

«Ebola-Chan une poupée infirmière manga, personnification du virus elle serait censée représenter le culte des blancs qui complotent pour exterminer les Africains avec Ebola»

Les utilisateurs ont poussé la « blague » assez loin. Un certain « Johnokonkwo » allant jusqu’à publier les rumeurs d’une secte rangée derrière ce symbole sur un forum nigérian « Nairaland ». Il avançait que les médecins occidentaux venus pour aider les malades étaient en réalité des agents doubles malintentionnés. Le nombre d’utilisateurs ayant réutilisé cette image pour créer son propre « mème [1] » a longtemps été croissant et toujours plus loin dans le morbide. Ce qui a amené certains utilisateurs du /pol/ à organiser une levée de bouclier. Finalement les modérateurs de 4chan ont supprimé tous les posts en rapport avec Ebola-chan, chose assez rare pour être notée.

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Ces deux affaires sont symptomatiques des abus que peuvent mener un excès d’anonymat sur le web. Les utilisateurs se permettent des comportements que la plupart ne pratiqueraient surement pas si leurs noms étaient visibles. Sur 4chan l’anonymat est vraiment un élément principal du succès du site. Il est par ailleurs aussi réputé pour être utilisé comme forum par le groupe Anonymous qui prône un anonymat total sur les internets. Cependant, lors d’un procès en 2008, les responsables du site ont été tenus de livrer des informations sur un de leurs utilisateurs. Ce qui prouve qu’ils gardent eux aussi des traces de qui fait quoi sur leur plateforme.

Entre anonymat complet et pillage de toutes les données personnelles le web doit encore trouver un juste milieu. Empêcher les dérives d’un côté comme de l’autre. Mais la tâche s’avère compliquée tant la loi de la jungle est prédominante dans le royaume du virtuel.

[[*un élément d’une culture ou d’un ensemble de comportements qui se transmet d’un individu à l’autre par imitation ou par un quelconque autre moyen non-génétique (l’image présente dans l’article est un exemple de «mème»)]]

Sabine Torres (dijOnscOpe), indépendante et incorruptible

Fondatrice de dijOnscOpe, premier pure player d’information régionale à devenir payant, Sabine Torres fait figure de pionnière dans le domaine de la presse en ligne locale. Portrait d’une femme qui sait ce qu’elle veut.

Gilles Fontaine : « MyMajorCompany est un simple symptôme plutôt qu’une révolution »

Directeur général adjoint de l’IDATE, centre d’étude et de conseil pour les secteurs
des télécoms, d’internet et des médias, Gilles Fontaine revient sur le phénomène MyMajorCompany et l’évolution de l’industrie musicale. Rencontre.

Haut Courant : Les dernières années ont vu émerger de nouveaux acteurs de l’industrie musicale. Que pensez-vous de ces alternatives ?

Gilles Fontaine : MyMajorCompany (MMC) a su créer un marketing viral bien pensé et intelligent. Il reste cependant un phénomène limité, notamment en
termes de modèle économique. La capacité d’investir en dehors du noyau dur des passionnés semble limitée. Je doute de l’ampleur de la solution face au poids des maisons de disques.

Quelle place occupe ces phénomènes internet musicaux ?

Il faut resituer ces nouveaux sites dans un contexte de simplification et de raccourcissement de la chaîne musicale. L’autoproduction d’artistes est de plus en plus présente. Avec un Mac, tout le monde peut faire sa propre maquette. Les nouveaux acteurs du net offrent donc une réponse adaptée. Néanmoins le rôle essentiel de ces sites, et notamment de MMC, tient dans le marketing et la promotion. Ils arrivent à faire venir certains artistes mais il ne s’agit pas d’un modèle dominant. Plus qu’une révolution de l’industrie musicale, c’est un symptôme, en lien avec l’importance du marketing et la volonté de sortir des artistes plus rapidement.

Quels sont les acteurs qui se démarquent dans cette industrie musicale fragilisée ?

En termes d’exposition Youtube ou Dailymotion sont incontournables. Je suis aussi curieux de voir ce que va faire Facebook dans le domaine de la musique. Myspace reste un site communautaire professionnel destiné d’abord aux passionnés. Enfin, certaines maisons de disques ont également réussi un gros travail et résisteront, comme Universal. Elles restent le cœur de l’industrie même si leur rôle évolue.

Quel est l’avenir de l’industrie musicale dans cette ère numérique ?

Les usages seront surement démultipliés avec des distributeurs qui prendront une place de plus en plus importante comme Google ou Facebook. Les maisons de disque se recentreront sur un métier de diffusion des droits plus que sur la production elle-même, avec des recettes provenant en partie de l’événementiel, des concerts et du merchandising. La vente de disque sera minoritaire. L’industrie du futur sera probablement de plus petite taille qu’aujourd’hui mais aura retrouvé son équilibre et une rentabilité économique.

Comment Internet a révolutionné les pratiques d’écoute

Acheteur ou pirate, téléchargement ou streaming : où vous situez-vous ?
Depuis plusieurs années les ventes de CD sont en baisse constante en France, reléguant ce qui passait pour des objets high-tech dans les années 80 à des produits de plus en plus dépassés aujourd’hui. Désormais, la toile a investi le terrain et renouvelle les pratiques d’écoute grâce à des sites proposant des millions de titres. À quel profil d’utilisateur appartenez-vous ?

Quel modèle économique pour les sites d’écoute en ligne ?

Face à la pression financière des majors, les sites de musique en ligne ont tâtonné avant de trouver un modèle économique viable. Focus sur l’exemple Deezer.

« À la différence des radios musicales, les majors considèrent les sites de musique en ligne comme des concurrents directs. C’est pour cela que Deezer paye aux maisons de disques un taux de royalties nettement supérieur que les radios », explique Gilles Fontaine, directeur général adjoint de l’IDATE.

Le modèle publicitaire était l’équation de départ chez Deezer. Dans un premier temps, la publicité était présente sur les pages de navigation du site. Puis elle a été intégrée aux morceaux de musique. Comme d’autres sites similaires, ce modèle économique pourrait atteindre ses limites : l’équilibre d’exploitation reste fragile.

Nouvelle stratégie

Des offres d’abonnement premium [[Offre payante permettant d’accéder à tous les services]] sans publicité ont été lancées en 2009. « Mais, le seuil d’abonnés ne dépassait pas plus de 10 000 personnes. Ils ont donc eu l’idée de passer un accord capitalistique avec Orange, l’abonnement à Deezer étant intégré aux forfaits de l’opérateur. Depuis, ils sont passés à 500 000 abonnés» ajoute le consultant de l’IDATE.

« Le marché de la musique en ligne ne pourra pas supporter un trop grand nombre d’opérateurs. » La mise en concurrence des plateformes reste forte. D’ailleurs, aucun ne communique de chiffres sur la fréquentation, le nombre d’abonnés et les recettes publicitaires. L’exemple du site Jiwa, fermé l’an dernier, pour ouvrir au début 2011, montre que certains de ces sites peuvent se trouver en difficulté.

Dans le portefolio : les différents modèles économiques adoptés par les sites d’écoute de musique.

Hadopi, touchée coulée ?

En janvier 2011, une étude a jeté le doute sur l’efficacité d’Hadopi, pourtant mise en place pour encadrer un nouveau mode de consommation sur internet. Le téléchargement illégal est-il un délit de culture, comme l’affirme la Haute Autorité, ou un nouveau mode de diffusion, selon les dires du Parti Pirate ? Des gendarmes aux flibustiers, retour sur une bataille dans les confins du net.

Il faut sauver le pirate Paflapuce !

«Monsieur Climent est venu me voir pour faire valoir ses droits, en dernier recours au niveau européen », relate Me Nicolas Gallon, son avocat montpelliérain. Ce juriste de 31 ans va désormais pouvoir jouer dans la cour des grands. L’adversaire ne sera plus la Sacem ou la SDRM, des organismes de gestion collective des droits, mais l’État français. Pour cela, son argumentation est bien préparée. « Dans ce cas, il existe plusieurs violations de la convention de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. La première concerne le fait que la loi pénale n’est pas rétroactive, elle joue pour l’avenir. »

Entre 2003 et 2005, James Climent a téléchargé illégalement pas moins de 13 788 fichiers, en majorité musicaux, qu’il a ensuite partagés. Repéré le 12 juillet 2005 par un agent assermenté de la Culture, les gendarmes sont venus confisquer son ordinateur et son disque dur. « Or, mon client ne pouvait pas avoir connaissance de son illégalité puisqu’il n’existait pas à l’époque de texte précis qui condamnait son action », explique l’avocat. Il faut en effet attendre mai 2006 pour la décision du tribunal de grande instance de Paris et une loi en août qui entérine ce jugement.

L’autre argument fort de Me Gallon concerne la double peine : « Nul ne peut être puni deux fois pour le même fait. » La première partie civile au procès de James Climent a été la Sacem. Le 7 août 2007, elle obtient gain de cause auprès du tribunal correctionnel de Nîmes. « Ce n’est qu’après que la SDRM entre en scène », poursuit l’avocat. Non satisfaits de la condamnation, les deux organismes font appel. En mai 2008 puis en juin 2009, le juge décide de les dédommager à hauteur de 10 000 €. Et l’arrêt de la Cour de cassation du 8 juin 2010 ne donne toujours pas raison à James Climent.

Ce que Me Gallon conteste : « La Sacem et la SDRM n’ont jamais démontré que les fichiers musicaux téléchargés relevaient de leur répertoire : elles ne sont pas forcément titulaires des droits. C’est ce que je dirai devant la Cour Européenne. »

« 20 000€ pour un RMIste, c’est énorme ! »

Selon l’avocat ainsi que d’autres soutiens, les sommes demandées sont disproportionnées. « 20 000 € pour un RMIste, c’est énorme ! », s’exclame Paul Da Silva, président du Parti Pirate français. Et le juriste de rajouter : « Un internaute sur deux télécharge de manière illégale. Faut-il tous les condamner ? » James Climent a voulu faire de son procès un moment de débat. Tant dans son cas que dans celui des prochaines victimes d’Hadopi, les autorités sont en décalage avec un phénomène social. « Répondre par la répression à une nouvelle pratique ne semble pas adapté », considère Me Gallon.

Dans ce combat à la fois juridique et médiatique, mieux vaut faire preuve de patience. La Cour Européenne ne rendra son jugement que dans deux ou trois ans. « Même si on gagne, il n’y aura pas d’incidence sur Hadopi vu que la loi a été validée par le Conseil Constitutionnel. » En attendant, serait-il prêt à défendre une victime de la Haute Autorité ? « Bien sûr, répond l’avocat. Et on pourrait même obtenir un acquittement. »

James Climent : « Je télécharge de plus belle »

James Climent, 38 ans, est un Gardois comme les autres. Photographe et technicien informatique, il passe le plus clair de son temps à s’occuper de ses chats. Sous le coup d’une action en justice, il est considéré comme la victime pré-Hadopi. Aujourd’hui, il donne sa version des faits.