« J’ai toujours voulu être acteur de ma vie, pas uniquement me mettre sur un balcon et regarder passer la vie, les gens. » Voilà chose faite. Depuis ses débuts, le cinéaste a réalisé plus d’une vingtaine de films. Tous, sur des problématiques sociales. Tous, pour « éveiller les consciences, changer le monde », explique le Belgo-Marocain de 53 ans, qui s’avoue « pessimiste mais engagé ». Pour le documentariste, réaliser était une évidence, autant que montrer l’immigration et la culture arabe sur grand écran.
« Le cinéma est mon arme politique »
Tout a commencé en 1991. Après des études en journalisme et en communication à l’Université catholique de Louvain-La-Neuve, Jawad Rhalib s’est tourné vers le cinéma. S’il ne peut citer le nombre de « grands réalisateurs » qu’il apprécie, un l’a pourtant marqué plus que les autres. Ken Loach. « C’est un véritable exemple. Un maître du réalisme social. À travers ses documentaires, vous captez le réel grâce à des sujets et des personnages ancrés dans la réalité. C’est la meilleure école », pointe le cinéaste qui ne peut s’empêcher de revenir « à ce terrain de jeu incroyable. »
Et le réalisateur aime parler des vérités qui dérangent. De « Regards sur l’Inde » sur la cohabitation des religions dans le pays à « Au temps où les arabes dansaient » dernièrement, Jawad Rhalib use du cinéma pour faire entendre sa voix. « Je ne manifeste jamais, je ne porte pas de pancartes dans la rue. Le grand écran est ma manière de résister. L’outil qui me sert pour dénoncer les injustices et accompagner des actions. » Bref, il l’assure. « Le cinéma est mon arme politique. »
« El Ejido, la loi du profit », en 2005, a eu un effet boule de neige. Le film résume l’exploitation des travailleurs immigrés dans les serres d’Alméria, où dans leurs cabanes de fortune, ces hommes de l’hombre n’ont ni eau, ni électricité. À l’issue de la projection, ces conditions déplorables racontées provoquent un vif débat entre les parlementaires espagnols. Les lois changent et le scénario reçoit plusieurs prix, dont celui du meilleur documentaire au Fespaco 2007. « À tous ceux qui pensent le contraire, les films font bouger les lignes », ajoute Jawad Rhalib, qui projette d’ores-et-déjà deux futurs projets. Tout aussi engagés.
Des gilets jaunes pour la culture et l’éducation
Son constat est sans appel. « Quand je regarde ce qu’il se passe, on n’a pas terminé de payer le prix du communautarisme. Ce fascisme islamique va nous tuer. Il faut l’endiguer. » Vans aux pieds, tatouage sur le bras, le Belgo-Marocain demande à ce que l’on applique simplement les lois déjà en vigeur contre les salafistes. « Avec mon allure, je ne peux pas aller partout au Maroc. Ici, on ne peut pas porter la burqa et le niqab [interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public]. Malheureusement, les politiques ont peur d’allumer le feu, mais en ne faisant rien, ils donnent à cette minorité tous les droits. »
La solution ? L’éducation. « Je suis content qu’on puisse apprendre l’arabe à l’école. Je suis content qu’on puisse découvrir l’Islam autrement que par les discours des extrémistes. » Et rebondissant sur l’actualité du moment, le réalisateur espère. « On parle d’environnement, d’impôt, mais on n’oublie cette menace [du communautarisme] qui est là et qui va vraiment nous bousiller si on la laisse progresser. Il faudrait des gilets jaunes pour la culture et l’éducation. C’est notre unique porte de sortie. »