« Depuis Mediapart », documentaire sur un média à part

Au Festival International du Film Politique, Naruna Kaplan de Macedo a présenté son nouveau film, « Depuis Médiapart » en compagnie du fondateur du média, Edwy Plenel. Sur fond d’affaires politiques comme le dossier Fillon, les financements libyens ou encore les Football leaks, le documentaire donne à voir les coulisses du journalisme d’investigation lors des campagnes électorales et de l’élection présidentielle de 2017.

« Elle a trouvé la narration, elle a soulevé le capot de la voiture. Vous avez pu voir les misérables ou glorieux que nous sommes ». Présent à Carcassonne en compagnie de la réalisatrice, Edwy Plenel, journaliste et patron de Médiapart, ne tarit pas d’éloges sur la jeune cinéaste qu’il a découvert sur le blog Mediapart.fr. Après la projection du film, au moment du débat avec le public, le boss du « pureplayer » indépendant et participatif ne cache pas sa fierté.

Le récit d’une recherche identitaire et politique

Installée au cœur de la rédaction de Médiapart, la réalisatrice Naruna Kaplan de Macedo a suivi le quotidien des journalistes au plus près de leurs activités pendant un an. Enquêtes, débats, bugs informatiques, événements d’actualités nationaux ou internationaux… une immersion au cœur d’une rédaction avant, pendant et après l’élection présidentielle de 2017. Un documentaire rythmé par l’énergie, l’ardeur et la passion de l’équipe du média. Et cela, de manière authentique. « Ils m’ont laissé filmer sans aucun filtre, j’ai même été obligé de leur rappeler que j’étais là à certains moments », commente la réalisatrice née à Paris d’une mère américaine et d’un père brésilien, qui a étudié le cinéma à la London International Film School. « C’était important de montrer le média de l’intérieur pour que l’on sache à quoi ressemble la France quand elle est vue depuis la rédaction de Mediapart », rajoute Naruna qui pensait « d’abord faire un portrait de la France à partir de Médiapart hors champs présidentiel ».

Naruna Kaplan de Macedo en compagnie d’Edwy Plenel au Festival International du Film Politique.

Ce documentaire est aussi le récit d’une recherche identitaire et politique. Celle de Naruna Kaplan de Macedo. Celle du pays « où elle vit, où elle vote ». Une étiquette qu’elle n’a pas honte de se donner. Mediapart c’est « son » média, celui de sa génération aussi. Un pureplayer qui dénonce. Qui cherche, et qui trouve souvent.

Contrairement à ce qu’affirme régulièrement le Président de la République, il reste des médias qui « cherchent » la vérité. Mediapart en fait partie. Et qui de mieux que son patron pour argumenter la ligne éditoriale de son équipe. « Pour le trouver, il faut le chercher ».

De « l’Héroïsation du journalisme » à l’émotion d’Edwy Plenel

Pour Edwy Plenel, ce film est ouvert à deux thématiques. Tout d’abord, « comment les médias représentent la réalité ». Une réalité souvent dissimulée derrière les fracas et parfois les mensonges de la politique. Vient ensuite la publication du « scoop ». « On encaisse mais au fond personne ne dit comment ça se passe. Et justement, rien ne se passe comme prévu. On fait des reportages poussés pour montrer la vérité, le scoop », étaye le directeur de Mediapart qui n’hésite pas à évoquer « l’héroïsation du journalisme ».

Malgré la difficulté de trouver un diffuseur pour « refus politique » et le fait que Mediapart soit « tout sauf consensuel » dans le paysage médiatique, Naruna Kaplan de Macedo est allé au bout de son projet. A en voir l’émotion sur le visage d’Edwy Plenel lorsqu’est évoqué « la beauté de son équipe » et les applaudissements de la salle pleine, la jeune réalisatrice qui n’est pas à son premier documentaire (elle réalise trois documentaires avec Leitmotiv Production et coproduits avec France Télévisions dont Ciné-Hôpital), semble avoir marqué le coup.

Un point de départ idéal pour une réflexion sur la politique française contemporaine et ses bouleversements mais aussi une forme d’éloge au journalisme et à l’investigation. Comme le dit Edwy Plenel, « C’est un combat, ce n’est pas acquis ». Un combat d’un média… « à part ».

Festival international du film politique : une première réussie !

Samedi soir, le Festival international du film politique a tourné la page de son premier volet. Avec succès.

Après cinq jours intenses de projections, d’échanges et de rencontres, la bande d’Henzo Lefèvre et Étienne Garcia peut souffler. C’est une première réussie !

Il y a un an et demi, ces deux-là ont imaginé un projet fou : créer un festival du film politique à Carcassonne. Un défi de taille quand on sait que les festivals de Porto-Vecchio et Rennes sont aujourd’hui des références. Avec un Costa Gavras, réalisateur mythique, parrain du festival, la présence durant la semaine de personnalités qui sont des pointures dans leur domaine, tels qu’Edwy Plenel, Jacques Audiard, Joey Starr, Pascal Clark, Richard Sammel, Yves Jeuland, Juliette Tressanini, Bernard Le Coq, … Quand on fait les comptes, le challenge est relevé haut la main.

Toute la semaine, spectateurs et jurés ont eu l’occasion de visionner plusieurs films de différentes catégories, de la fiction au documentaire en passant par des classiques, projetés au cinéma CGR « Le Colisée » et à la salle du Dôme. Cette dernière accueillait tous les soirs les spectateurs à venir échanger avec les artistes après les séances autour d’un buffet offert par l’organisation et la région.

La Permission les a mis tous d’accord

Samedi, à l’occasion de la cérémonie de clôture animée par un Stéphane Guillon des grands soirs, sept prix ont été décernés. Un cérémonie dans laquelle les personnalités politiques locales ont pris la parole à l’instar de Carole Delga, présidente de région, ou encore Gérard Larrat, maire de Carcassonne.

Puis vient le temps des remises de prix. Où un film a marqué le jury : La permission. Cette fiction de Soheil Beiraghi rafle les Prix des étudiants, d’interprétation (Baran Kosari) et surtout le Grand Prix du Festival. Le Prix de la jeunesse est décerné à Olivier Cossu pour son film Un homme est mort ; Almudena Carracedo et Robert Bahar remportent le Prix de la critique avec Le silence des autres ; Les Invisibles de Louis-Julien Petit décroche le Prix de la réalisation. Enfin, Mention spéciale à Génésis de Arpad Bogdan.

La cérémonie s’est conclue en beauté avec un des plus grands réalisateurs français qu’est Jacques Audiard, qui s’est vu remettre le Prix d’Honneur de la réalisation.

La première édition du Festival international du film politique a placé la barre très haut. On attend la seconde avec impatience…

PALMARÈS :

Grand Prix du Festival : La permission, de Soheil Beiraghy

Prix d’interprétation : Baran Kosari dans La permission, de Soheil Beiraghy

Prix de la critique : Le silence des autres, d’Almudena Carracedo et Robert Bahar

Prix de la réalisation : Les invisibles, de Louis-Julien Petit

Prix des étudiants : La permission, de Soheil Beiraghy

Prix de la jeunesse : Un homme est mort, d’Olivier Cossu

Prix d’Honneur de la réalisation : Jacques Audiard

 

La page Facebook de l’événement : https://www.facebook.com/FIFPoccitanie/?epa=SEARCH_BOX

Tout ce qu’il me reste de la révolution, une comédie militante

Dans son premier long-métrage réalisé qui sortira le 6 février 2019, Judith Davis joue le rôle d’Angèle, une urbaniste et révolutionnaire affirmée. Son objectif, remettre le militantisme au goût du jour à une époque où il disparaît peu à peu.

Ne jamais cesser de remettre le système en question. C’est l’idée principale mise en avant dans cette comédie dramatique. Angèle, fraîchement remerciée par ses anciens patrons et désireuse de s’approprier l’héritage révolutionnaire transmis par ses parents, crée un collectif  d’expression collective et anti-système à Paris. Elle admire son père, un ancien maoïste qui “n’a jamais cédé ni à la tentation du confort ni au renoncement”. Il est d’ailleurs le seul de la famille à soutenir sa fille dans ses ambitions militantes.  Alors que son aînée a opté pour un mode de vie plus confortable avec son mari et ses enfants, Diane, son ex-femme, s’est désengagée des mouvements contestataires de gauche, déçue par le gouvernement de Jospin, trop libéral à son goût. Un choix très mal perçu par Angèle qui, depuis, a coupé le contact avec cette dernière. Son engagement pour le groupe de réflexion qu’elle a formé va également lui permettre de trouver l’amour auprès de Saïd, directeur d’école qui partage sa conception libre de la vie.

Dévouée à l’idée de lancer une révolution qui lui paraît fondamentale, elle ne manque pas de créativité pour tenter de rallier des nouveaux adhérents issus de divers milieux professionnels à sa cause. Ne parvenant à s’entendre sur peu de choses, les échanges entre les membres du groupes ont vite pris une dimension hilarante ce qui ne les empêche pas de nouer des liens entre eux.

Angèle, illustration de la philosophie de Judith Davis

A côté de cela, un projet  lui tient à coeur, la création d’une rue reliant Paris à Montreuil pour que la banlieue ne soit plus séparée du centre de la capitale. Le système capitaliste auquel Angèle s’oppose radicalement est représenté à travers certains personnage dont celui de Stéphane, son beau-frère. Lors d’une scène de dispute avec Léonore, meilleure amie d’Angèle, il n’hésite pas à monter le ton pour défendre l’idée qu’une entreprise aspirant à la croissance doit impérativement se séparer de ses éléments les moins productifs sans se préoccuper de leur mal être.

La bande sonore du film caractérise également la dimension engagée de celui-ci. On retiendra par exemple, l’hymne de l’Armée rouge bolchevique qui rythme une scène de romance entre Angèle et Said. Même si elle insiste sur le fait que ce film n’est pas lié à une histoire personnelle, Judith Davis n’est pas complètement détachée de son personnage. “On ne peut pas rentrer chez soi le soir et se vanter d’avoir vendu des ordinateurs à des gens qui n’ont même pas de connexion Internet”, dénonce la réalisatrice. Ce long-métrage a mobilisé peu de moyens de financiers et a  mis du temps à se concrétiser. “J’ai commencé à y réfléchir en 2012 mais pendant longtemps personne n’en voulait”, avoue t-elle. Issue du théâtre, l’actrice confie également que ce tournage l’a obligé de revoir sa manière d’interpréter son rôle, elle qui a l’habitude “d’écrire en jouant”. Elle comptait sur tous les acteurs pour mener à bien son rôle.

En reprenant la trame de cette comédie, impossible de ne pas penser au  mouvement populaire des gilets jaunes qui secoue actuellement l’hexagone. “Pour moi ce mouvement a un véritable sens politique qui montre toute la colère du peuple”, explique Judith Davis. Ils pourraient même s’en inspirer. 

 

 

Jawad Rhalib, artiste conscient et libre

Réalisateur engagé, attiré par le réalisme social, Jawad Rhalib a ouvert mardi dernier le Festival international du film politique à Carcassonne avec son nouveau documentaire, « Au temps où les arabes dansaient ». À travers ses productions, il n’a qu’une obsession : transformer les mentalités.

« J’ai toujours voulu être acteur de ma vie, pas uniquement me mettre sur un balcon et regarder passer la vie, les gens. » Voilà chose faite. Depuis ses débuts, le cinéaste a réalisé plus d’une vingtaine de films. Tous, sur des problématiques sociales. Tous, pour « éveiller les consciences, changer le monde », explique le Belgo-Marocain de 53 ans, qui s’avoue « pessimiste mais engagé ». Pour le documentariste, réaliser était une évidence, autant que montrer l’immigration et la culture arabe sur grand écran.

« Le cinéma est mon arme politique »

Tout a commencé en 1991. Après des études en journalisme et en communication à l’Université catholique de Louvain-La-Neuve, Jawad Rhalib s’est tourné vers le cinéma. S’il ne peut citer le nombre de « grands réalisateurs » qu’il apprécie, un l’a pourtant marqué plus que les autres. Ken Loach. « C’est un véritable exemple. Un maître du réalisme social. À travers ses documentaires, vous captez le réel grâce à des sujets et des personnages ancrés dans la réalité. C’est la meilleure école », pointe le cinéaste qui ne peut s’empêcher de revenir « à ce terrain de jeu incroyable. »

Et le réalisateur aime parler des vérités qui dérangent. De « Regards sur l’Inde » sur la cohabitation des religions dans le pays à « Au temps où les arabes dansaient » dernièrement, Jawad Rhalib use du cinéma pour faire entendre sa voix. « Je ne manifeste jamais, je ne porte pas de pancartes dans la rue. Le grand écran est ma manière de résister. L’outil qui me sert pour dénoncer les injustices et accompagner des actions. » Bref, il l’assure. « Le cinéma est mon arme politique. »

« El Ejido, la loi du profit », en 2005, a eu un effet boule de neige. Le film résume l’exploitation des travailleurs immigrés dans les serres d’Alméria, où dans leurs cabanes de fortune, ces hommes de l’hombre n’ont ni eau, ni électricité. À l’issue de la projection, ces conditions déplorables racontées provoquent un vif débat entre les parlementaires espagnols. Les lois changent et le scénario reçoit plusieurs prix, dont celui du meilleur documentaire au Fespaco 2007. « À tous ceux qui pensent le contraire, les films font bouger les lignes », ajoute Jawad Rhalib, qui projette d’ores-et-déjà deux futurs projets. Tout aussi engagés.

Des gilets jaunes pour la culture et l’éducation

Son constat est sans appel. « Quand je regarde ce qu’il se passe, on n’a pas terminé de payer le prix du communautarisme. Ce fascisme islamique va nous tuer. Il faut l’endiguer. » Vans aux pieds, tatouage sur le bras, le Belgo-Marocain demande à ce que l’on applique simplement les lois déjà en vigeur contre les salafistes. « Avec mon allure, je ne peux pas aller partout au Maroc. Ici, on ne peut pas porter la burqa et le niqab [interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public]. Malheureusement, les politiques ont peur d’allumer le feu, mais en ne faisant rien, ils donnent à cette minorité tous les droits. »

La solution ? L’éducation. « Je suis content qu’on puisse apprendre l’arabe à l’école. Je suis content qu’on puisse découvrir l’Islam autrement que par les discours des extrémistes. » Et rebondissant sur l’actualité du moment, le réalisateur espère. « On parle d’environnement, d’impôt, mais on n’oublie cette menace [du communautarisme] qui est là et qui va vraiment nous bousiller si on la laisse progresser. Il faudrait des gilets jaunes pour la culture et l’éducation. C’est notre unique porte de sortie. »