Matinale du jeudi 21 février

Tous les jeudis, les membres de l’équipe d’Haut Courant animent la matinale sur Radio Campus Montpellier.

Au programme du 21 février 2013 :

 Les titres de l’actualité internationale et nationale – Lucie Lecherbonnier

 Interview d’Arnaud Béal, doctorant en psychologie sociale à l’université Lyon 2 au sujet des chômeurs qui se sont immolés par le feu devant des agences Pôle Emploi – Jordane Burnot

 Journal d’informations locales – Mathilde Roux

 Chronique : Le programme scolaire – Simon Robert

 Interview de Jean-Louis Blenet, président de la confédération de la Calandrette, un ensemble d’écoles occitanes, au sujet de la sauvegarde de la langue occitane – Coralie Pierre

 Animation : Pauline Chabanis

Matinale du jeudi 21 février 2013 sur Radio Campus Montpellier by Hautcourant on Mixcloud

« Peu importe ce que tu fais dans la vie, fais le bien ! » Voilà la philosophie de Robin des Rues. Ce qu’il fait de ses journées ? La manche. Mais pas n’importe comment, « je ne hèle jamais les passants, je ne manipule pas. Je suis juste là. J’attends. Je ne cherche pas à faire du chiffre. Juste de quoi vivre. »

Robin des Rues a choisi de mendier sur le marché de Noël à Montpellier. Il s’installe là où il peut. « Ici, tout le monde me connait alors je peux rester » concède-t-il. D’ailleurs, Philippe, l’animateur des hivernales, le présente aux passants et lui tend le micro. « Rien que ça, ça me touche, cette attention, c’est beaucoup » confie-t-il.

« J’ai commencé la manche le 27 décembre 2009 »

Devant un chalet fermé, assis sur son tabouret, le quinquagénaire arbore sa pancarte : « Chalet 106, marre d’être pauvre j’en appelle au partage et à la solidarité pour vivre mieux. Merci, Robin des rues (moi aussi j’aime la culture) ». Il n’y a que 105 chalets officiellement sur l’Esplanade Charles de Gaulle, Robin en rit et s’invite à la fête. Pourquoi pas un stand où l’on tend simplement la main ?

Robin a vagabondé un peu partout dans le monde. États-Unis, Europe de l’est, Amérique latine ont fait partie de ses destinations avec pour leitmotiv « découvrir le monde, les gens, comprendre… » Et puis de retour en France, il a trouvé un poste à la mairie de Béziers : « 26 ans de service mais après il y a les aléas de la vie : ma femme est partie, j’ai accumulé les dettes alors j’ai tout plaqué, je suis parti… » Depuis trois ans, il s’est exilé à Montpellier ou plutôt dans les rues de la ville. Il raconte : « Quand tu te mets dans la rue, il y a une notion de territoire. Il faut faire attention. J’ai commencé la manche le 27 décembre 2009, je m’en rappellerai toujours ».

« Du politicien au toxicomane en passant par l’écrivain, je côtoie tout le monde »

Les traits tirés, le regard lucide parfois grave parfois rempli d’espoir, Robin raconte toujours avec cette envie de partager : « la rue, c’est une atteinte psychique, c’est brutal, c’est le regard des autres braqués sur vous et plein d’interrogations qui se bousculent : Qu’est ce qu’on fout là ? Qui je suis ? Quelle perspective j’ai ? ». Ces questions, il y réfléchit déjà depuis un moment. « Robin des Rues » ? C’est un personnage, « une façon de me protéger parce ce que se mettre dans la rue c’est être hyper exposé », mais en même temps cela intrigue et « amène à des relations psycho-sociales avec les passants et c’est ce que je viens chercher ici ».

En attendant, c’est aussi une façon pour lui de gagner « sa croûte ». La manche lui rapporte en moyenne 300 € par mois. En ces périodes de fête, Robin se mêle à la foule dans un endroit stratégique. « C’est la mécanique du porte-monnaie », explique-t-il, « sur le marché de Noël, beaucoup de gens sortent leur porte-monnaie et me glissent parfois une pièce ». Alors, oui, pour lui la manche est une façon de survivre après les coups durs que la vie lui a réservés. Un homme, une vie, une philosophie, une main tendue, Robin des Rues entame aujourd’hui son quatrième hiver dans les rues de Montpellier.

Il a acquis sa notoriété sur le parvis du Polygone, grâce à son personnage. Beaucoup le connaissent, le saluent. D’ailleurs Michaël Delafosse, adjoint au maire, l’a même aidé à trouver un logement social. Ainsi, « du politicien au toxicomane en passant par l’écrivain, je côtoie tout le monde » affirme-t-il. La manche, les rencontres, les intentions, il en a besoin, pour lui « c’est comme une thérapie, une alternative à la dépression ».

Rajagopal se bat pour les droits des indiens pauvres

Rajagopal, leader des paysans sans terres indiens, était en visite à Montpellier pour expliquer son engagement et les conséquences de la mondialisation sur les plus démunis.

« On perd de plus en plus le contrôle de ce que l’on mange. » C’est par ces mots que Rajagopal P.V a entamé, mardi, sa conférence portant sur ses combats sociaux et les enjeux liés à l’accès à l’eau et à la terre, au centre d’études agronomiques SupAgro de Montpellier.

Il ne donne jamais son nom en entier. Juste deux lettres, P et V, pour ne pas que l’on connaisse sa caste. Depuis trente-cinq ans, en Inde, Rajagopal se bat pour défendre les droits des paysans et des plus pauvres. Il estime que les multinationales contrôlent l’alimentation par la mondialisation. « Nous avons trouvé des traces de pesticides dans le Coca Cola et le Pepsi, en Inde. Du coup, nous faisons pression sur le gouvernement pour qu’il interdise ces boissons. » Il raconte comment, au Chattisgarh, une grosse compagnie a acheté des terrains pour y construire une aciérie. Deux rivières ont été détournées pour fabriquer le métal. N’ayant plus d’eau pour irriguer, les paysans ont dû vendre leurs terres pour survivre. Les exemples comme celui-ci se multiplient. « Partout, en Inde et ailleurs, les gens luttent pour leur droit à l’eau », clame-t-il.

Pour tenter de faire pression sur les multinationales, Rajagopal propose plusieurs solutions. Tout d’abord, le boycott de leurs produits et la promotion des articles locaux. Ensuite, il faut aider les paysans à résister aux grosses compagnies. Enfin, un lobbying auprès du gouvernement permettra de changer les mentalités.

Le leader indien estime que lorsqu’on parle d’alimentation, on devrait parler du modèle de développement. Il en existe d’autres. Il cite le Mahatma Gandhi : « Pensez à la personne la plus pauvre rencontrée dans votre vie. Si l’action lui donne plus de pouvoir, c’est un bon programme. » D’après lui, le gouvernement peut appliquer cette idée, en y associant le peuple. En Inde, 70% des personnes travaillent la terre et 40% n’en possèdent pas. Rajagopal reprend : « en détruisant l’agriculture, on ne peut pas faire en sorte que ces gens aillent travailler ailleurs. Ils ne vont faire que remplir les bidonvilles ».

Pourquoi venir en Europe ? Rajagopal explique : « Le but est de renforcer les liens entre les pays. Nous avons besoin de la solidarité internationale pour continuer à avancer. » Avec son association Ekta Parishad, Rajagopal organise des Padyatra, marches de protestation non violentes (voir interview). Elle forme également des jeunes pour qu’ils comprennent qu’ils peuvent changer la situation, sans violence. « Quand ils retournent dans leurs villages, ils voient qu’il y a d’autres personnes qui vivent comme eux. Ils forment des groupes et font des actions contre le gouvernement. Il est très important que les jeunes agissent ». « Ne pas agir, c’est soutenir la violence », conclut-il.

Interview
RAJAGOPAL P.V Leader syndical des paysans indiens sans terre

« Le but est de créer du lien »

Quelles actions menez-vous en Inde ?
Je mène des actions de défense des droits économiques et sociaux depuis trente ans. J’ai créé, en 1990, le mouvement Ekta Parishad avec lequel je milite pour les droits des fermiers indiens sans terre, et plus largement pour les plus pauvres. La mondialisation les écarte des richesses. Nous voulons que le gouvernement les écoute et leur donne plus de droits. D’ailleurs, nous formons des jeunes qui deviennent des leaders. Ainsi, ils peuvent se défendre et s’organiser eux-mêmes.

Votre marche a rassemblé, en Inde, 25 000 personnes. Est-ce un succès ?
Oui, tout à fait. Nous avons organisé, fin octobre, une Padyatra (marche de protestation non-violente) qui a rassemblé 25 000 paysans sans terres à New-Delhi. Baptisée Janadesh (« le Verdict du peuple » en hindi), elle a permis d’avoir une représentation médiatique importante et internationale, ce qui a gêné le gouvernement. Et nous avons obtenu une réforme de la politique agraire.

Pourquoi venir en France ?
Les voyages permettent de créer des liens entre les pays du nord et du sud. Avec les padyatra, nous voulons amener plus de personnes à nous rejoindre et nous souhaitons obtenir des soutiens internationaux. Nous en avons besoin pour combattre le gouvernement et la mondialisation. Nous continuerons la mobilisation pour que la politique de mon pays change. Solidarité et justice sont au coeur du combat.