Guantanamour au Chêne Noir : la der des ders

La toute dernière représentation de la pièce de Guantanamour, jeudi 10 décembre à Avignon, a rappelé le face à face haletant et poétique d’une situation insoutenable entre un détenu et un geôlier sur l’ancienne base militaire américaine. Après sept ans de tournée internationale, retour sur un théâtre politique et humaniste qui a su dépasser la réalité.

La pièce Guantanamour, réalisée par Gérard Gelas en 2002, s’est produite une dernière fois ce 10 décembre au Théâtre du Chêne Noir à Avignon. Lieu même, ou elle s’était révélée au grand public il y a déjà sept ans. Écrit trois mois seulement après l’ouverture du camp de Guantanamo, ce récit rappelle dans un huit clos saisissant « les tragédies humaines engendrées par les guerres » selon l’auteur.
Répondant aux événements du 11 septembre 2001, le site se révélait être un lieu secret et hors de droit, une zone interdite et isolée, dont aucune information ne sortait mise à part la connaissance des couloirs de la mort. Avec pour seule inspiration une photo parue sur le site internet Le Monde en janvier 2002, l’imaginaire de l’auteur s’est avéré rejoindre une triste réalité. Après s’être promis de jouer cette pièce jusqu’à la fermeture du camp, et face aux derniers engagements du président américain, Barack Obama, cette ultime représentation a rappelé un sujet toujours brulant d’actualité.

anais.jpgIls étaient nombreux à assister à cette dernière. Certains déjà venus, discutent de leurs premiers sentiments à l’époque et de la situation actuelle. D’autre, novices, s’étonnent de toute cette agitation. Tout le monde se presse et se dépêche lorsque les portes s’ouvrent.
Dans une espace grillagé se trouvent deux hommes. Rassoul, prisonnier soupçonné d’être un membre d’Al Quaïda, vêtu d’orange et attaché à une civière, et Billy Harst, son geôlier et soldat américain (GI). Deux hommes, que tout sépare, se rencontrent et se parlent. La parole, qui d’abord oppose par la haine et le mépris partagé entre ces deux individus, va leur permettre aussi de briser les cadres de la méfiance et de la peur.
Rassemblés par les circonstances et victimes tous deux d’un conflit qui les dépasse, la violence des mots et des gestes passera le pas à un dialogue bouleversant d’humanité. Interprété avec force par Damien Rémy et Guillaume Lanson, il les amène chacun à se reconnaître une commune révolte, celle de la vie et des valeurs universelles. L’apprivoisement de ces deux individus rappelle la nécessité de se parler malgré toutes les différences d’idéologies ou d’interdits. « Cette pièce est prémonitoire, en permanence avec l’actualité » a déclaré à la fin de la représentation un spectateur étonné d’apprendre qu’elle avait sept ans.

Ce sentiment d’humanisme se retrouve dans différents témoignages, comme celui de l’aumônier du camp de Guantanamo, James Yee, ou des gardiens.
D’après le journal américain Newsweek, Teddy Hold brooks, soldat et geôlier sur le site, s’était converti à l’Islam au contact eu détenu Ahmed Errachidi au sein même de l’ancienne base américaine. Après avoir quitté l’armée en 2005, il évoque la « curiosité » et la « compassion réciproque » qu’il a eu avec les prisonniers. Dénonçant les conditions de détention et d’enquête, il a révelé que des « actes avilissants et sadiques » avait été commis par les soldats sur des détenus. Cela, dans un sentiment de « vengeance » face aux évenements du 11 septembre 2001. Il a repris contact avec A.Errachidi, libéré en mai 2007, qui lui avait confié « avoir des difficultés à s’habituer à sa liberté reconquise, d’essayer de réapprendre à marcher normalement, les pieds libres de toute attache et de dormir dans l’obscurité, après avoir passé des années à dormir sous un faisceau de lumière ».

Le Capitaine James Yee, connu sous le nom de Youssef Yee et converti à l’Islam en 1991, était lui l’aumônier musulman de l’armée américaine sur le camp. Soupçonné d’espionnage, il a été arrêté en septembre 2003 en Floride, en possession de documents secrets, dont il sera innocenté par la suite. L’aumônier qui lui a succédé, avait pour consigne de n’établir aucun contact avec les détenus et d’écouter seulement les soldats américains musulmans. Une grande suspicion est portée au sein de l’armée, sur les soldats et les interprètes de confession musulmane en services dans le camp de Guantanamo, et tend à s’observer davantage sur l’ensemble du corps militaire. Le proche événement de Fort Hood, qui a fait 12 morts le 5 novembre dernier au sein d’une base militaire américaine, réactualise le constat d’un dangereux malaise.

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La « D’hiver cité » : un rendez-vous chaleureux

L’association « Saudade » organise un festival haut en couleur du 12 au 13 décembre au parc du Peyrou.

Un rendez-vous à ne pas manquer à Montpellier aura lieu du samedi 12 au dimanche 13 décembre au jardin du Peyrou de 12H à 19H. L’association Saudade organise un festival avec six autres associations (Cabo-mundo, Stymyoga, Méridionale de yoga, Agence pour le Développement Durable, Artistique et Culture à l’hôpital, Zyconophages). saudade_640x480_.jpg Leur but est de faire connaître le projet de la Maison Artistique et Culturelle du Respect de la Différence. Virginie Périllat, une des nombreuses bénévoles qui organise et participe activement à ce festival indique que :«ce projet, soutenu par la mairie de Montpellier et la région, veut promouvoir un lieu où toutes les différences pourront se rencontrer (convalescents, handicapés, personnes dites « normales », artistes d’origines diverses et de tout genre dans des domaines très variés passant par la danse, la musique, le théâtre ou la photo…).» Pour eux, « La différence de l’un enrichie la culture de l’autre ». Ce festival « D’hivers cité » porte bien son nom et montre à la fois tout le challenge de ces artistes : apporter un univers chaleureux en plein hiver et réchauffer le cœur de toutes ces personnes différentes. Il sera à l’image de cette future maison, symbole de la rencontre de toutes les différences pour lutter contre la tristesse de vivre. Selon eux et selon la présidente de l’Association Saudade, Marthe-Héléne Choukroun : « Nous refusons de l’aborder comme un problème car nous croyons que la différence de chacun est la source d’une solution aux maux de tous ». Les fonds récoltés permettront de poser la première pierre de cette Maison. Au programme, un espace pour découvrir les divers arts culinaires, une multitude de spectacles (théâtre, danse, musique, cirque, photo…). Cette dernière veut montrer comme tous ceux présents que « le handicap n’est pas un obstacle à l’art et la culture» et vous invite tous à venir vous réchauffer avec eux.

La pièce de l’inhospitalité

Le Festival Open du Théâtre de la Vignette à Montpellier a offert une nouvelle représentation de Monsieur de Pourceaugnac, autour d’une réflexion sur l’altérité, les 22 et 23 octobre 2009.

La mise en scène de la pièce de Molière par Émilie Hériteau propose de repenser le monde autour de la figure de l’étranger. L’humour côtoie le tragique, la réflexion enveloppe la légèreté apparente des péripéties.
Cette pièce décrit l’irruption de Pourceaugnac, gentilhomme limousin qui désire épouser la fille d’Oronte, dans la société parisienne. Il se heurte à l’hostilité de ses hôtes. Sbrigani met en scène une comédie afin d’humilier et exclure Pourceaugnac. La scène se transforme progressivement en salle des pendus avec des grilles de cordes qui se tendent pour accompagner les diverses humiliations. Le provincial doit subir la consultation de médecins déjantés avant de devoir se travestir pour fuir la justice qui le condamne sans procès. Il subit diverses violences et tromperies avant d’être expulsé. Un tourbillon musical emporte la vie de l’étranger, arrêté et expulsé, dans une insouciance festive.

Malgré la dimension musicale de cette comédie ballet composée par Lully, et l’humour constant dans l’intrigue et les répliques, le spectateur hésite parfois à rire. La musique semble enivrer Pourceaugnac et le rire suscité se fait au dépens de l’étranger, à travers le traitement qui lui est infligé. La représentation est souvent tonique mais semble parfois traversée par un alanguissement mélancolique. Le contraste entre différents registres alimente un sentiment ambiguë pour le spectateur. Emporté par la musique et amusé par l’humour de la pièce, il n’en est pas moins incité à réfléchir. Tandis que Michel Sardou invite le spectateur à « aller danser pour oublier tout ça » après l’expulsion de l’étranger, la pièce est émaillée de réflexions philosophiques. L’ironie de Molière et l’euphorie musicale de Lully sont mises en perspective par la lecture de textes rédigés par trois philosophes contemporains.

René Schérer évoque l’hospitalité « à comprendre comme utopie, folie, peut-être mais aussi, mais surtout, comme nécessité et exigence de notre survie ». Le principe d’hospitalité apparaît alors comme un impératif indispensable à la culture et au lien social. Jacques Derrida évoque le problème lié à la langue. L’étranger est accueilli dans une langue qu’il ne maîtrise pas. Cependant, la notion d’hospitalité semble insuffisante pour penser l’altérité. En effet, l’hospitalité ne concerne pas directement l’étranger mais celui qui est censé l’accueillir.

Giorgio Agamben renverse la perspective. L’étranger n’est pas uniquement un sujet passif soumis aux lois de l’(in)hospitalité de l’État qui l’accueille. Il devient aussi un sujet politique. La figure du réfugié invite même à repenser le monde et la communauté humaine. Le théoricien de l’état d’exception et du contrôle généralisé perçoit dans le réfugié un sujet émancipateur « parce qu’il détruit la vieille trinité État-nation-territoire ». Giorgio Agamben propose même d’ « abandonner sans réserve les concepts fondamentaux par lesquels ont été pensés jusqu’à présent les sujets du politique (l’homme et le citoyens avec leurs droits, mais aussi peuple souverain, le travailleur,…) et à reconstruire notre philosophie » à partir de l’unique figure du réfugié.

Cette mise en scène de Monsieur de Pourceaugnac rappelle l’actualité accablante de la chasse à l’immigré. Des Afghans de Calais menacés d’expulsion aux centres de rétention, la xénophobie d’État répand terreur et tristesse. La mise en scène de cette comédie de Molière riposte à ce projet étatique en insufflant de l’humour et de la vie.

Entre Humour et sordide : Le théâtre autrichien met en scène l’affaire Fritzl

L’adaptation en Autriche de la pièce de théâtre « Pension Fritzl » qui sortira en Février 2009 fait déjà polémique. Reprenant la sordide histoire d’inceste qui a rendu célèbre Joseph Fritzl, celle-ci va plus loin et dresse une satire de la société autrichienne. Quand les larmes sont prétextes à faire rire, le terrain est miné.

Débat sans fin, le fameux « peut-on rire de tout? » N’a pas fini de surgir d’un diner familial ou de faire ponctuellement les gros titres de l’actualité.
Justement, la controverse du moment c’est l’adaptation d’un spectacle construit autour de la célèbre Affaire Fritzl. Ce père de famille incestueux qui a défrayé la chronique en Autriche.
Rappel des faits : Avril 2008, Joseph Fritzl, 73 ans, habitant de la tristement célèbre ville d’Amstetten en Basse-Autriche est suspecté d’avoir séquestré sa fille pendant 24 ans dans sa cave. Sept enfants sont issus de cette impensable union. Une histoire qui a fait le tour des médias. Les plans d’aménagement de la cave et le scénario mit en place pour garder le secret, rappellent l’horreur de l’affaire qui n’a pas encore été jugée.

En attendant, le 3raum-Anatomietheater de Vienne accueillera à partir du 23 février la pièce intitulée « Pension Fritzl ». Une comédie qui prend pour titre et pour trame de fond celle du fait divers. Pour décors, une cave que le programme présente comme « la pension de la famille Fritzl où s’ébattent les plus connus et appréciés des autrichiens. »
Exploitation nauséeuse de la cruauté humaine ou pamphlet sociétal qui préfère le rire aux larmes? L’équipe de production soutient que derrière l’histoire de l’antipathique personnage, la pièce est une satire de la société autrichienne actuelle. Une société de non-dits où l’on cache et se cache.
Un spectacle qui s’annonce en tout cas explosif d’autant que l’acteur, Hubsi Kramar est connu pour son côté provocateur. [[Le jeune homme avait beaucoup dérangé en se déguisant en Adolf Hitler lors du Bal de l’Opéra en 2000, une soirée de la haute société viennoise.]]
Les réactions ne se sont pas faites attendre. Hormis le problème du bon goût posé par cette pièce qui semble à première vue ne pas faire dans la finesse, la droite autrichienne a peur pour « l’image de son pays ». Selon un article du journal 20 minutes daté du 14 janvier, Gerald Ebinger, le porte-parole aux affaires culturelles du FPÖ (Freiheitliche Partei Österreich), principal parti de l’extrême droite autrichienne, menace de faire fermer le théâtre et parle d’un «scandale incroyable aux conséquences désastreuses ». Selon lui, « La pièce peu appétissante choque non seulement la population d’Amstetten, mais risque encore de discréditer le peuple autrichien et ternir son image à l’étranger.» Les quelques commentaires des internautes ne sont pas non plus très enthousiastes: »Vouloir distraire le peuple avec les malheurs et les insanités est une aberration pour ne pas dire un scandale. » « Je trouve ça absolument aberrant. C’est une honte. La connerie humaine n’a effectivement aucune limite. »

Alors « Oui,on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui« , répond Pierre Desproges. Le célèbre humoriste qui s’est penché sur la question et pour qui le rire, désacralisateur de la bêtise est salvateur. Une affirmation que semble, malgré elle, partager la victime.
«Ce qui est arrivé à Elizabeth est terrible. Ça la rend furieuse qu’on s’en serve pour distraire le public», dénonce un membre de la famille dans le journal le Matin Bleu.
La question du « pas n’importe comment » est laissée à l’appréciation des spectateurs de la pièce qui mesureront l’efficacité du spectacle selon leur baromètre du rictus.

Montpellier fête la culture en 2009

Montpellier n’est pas Paris. Si « Tout Paris » il y a, tout n’est pas à Montpellier. Mais dans la capitale du Languedoc, dans cette cité à la vie douce et au soleil généreux, une culture, modeste mais altruiste, tend à se développer. En 2009, concerts, exercices scéniques et festivals alimenteront les lieux culturels de la ville, du Kawa Théâtre à l’Esplanade du Corum en passant par le Rockstore, donnant corps et âme à une ville qui aime se nourrir de culture.

Concerts : Lenny Kravitz et Indochine en tête d’affiche

En tournée pour « It’s time for a love revolution« , Lenny Kravitz (photo) sera l’atout majeur du Zénith de Montpellier et se produira, lui et ses ray-ban, le 28 avril sur la scène de Grammont. LENNY_KRAVITZ.jpg Dans le domaine étranger, Montpellier nous réserve d’ailleurs quelques belles surprises : Ayo (18 janvier au Corum, soul-funk-reggae allemand) Fall Out Boy (14 mars au Zénith, pop-punk-rock américain) et Ska-p (27 mai au Zénith, ska-punk-rock festif espagnol). Côté français, hormis Indochine (16 novembre au Zénith) qui s’affiche un peu partout en France, citons sans ordre de talent Julien Clerc (28 janvier, Zénith), Gojira (6 février, Rockstore), Debout sur le zinc (11 février, Rockstore), Patrice (21 février, Rockstore), Erik Truffaz (26 février, J.A.M), La Ruda (26 mars, l’Antirouille), Benabar (27 mars, Zénith), La chanson du dimanche (2 avril, Rockstore) Fatal Picards (24 avril, Rockstore), Babylon Circus (1er mai, Rockstore), Tryo (2 mai, Zénith), Thomac Dutronc (16 mai, Zénith) et Superbus (3 décembre, Zénith).

Exercices scéniques : du rire, des larmes… sans Dieudonné

Encore une fois, les théâtres de Montpellier afficheront des programmes riches et variés : « De Gaulle en mai » (du 20 au 24 janvier au Théâtre des Treize Vents), « Le clan des divorcés » (le 30 janvier à la Salle bleue), « Vive Bouchon » ( jusqu’au 28 février au Kawa Théâtre), ou encore « Les hommes viennent de Mars et les femmes de viennent de Venus » ( le 19 mai au Corum). Côté humour, Montpellier attire les meilleurs one-man-show du moment : Nicolas Canteloup (25 mars, Zénith), Franck Dubosc (28 mars, Zénith), Valérie Lemercier (31 mars, Zénith, photo) et Gad Elmaleh (10 et 11 décembre, Zénith). lemercidr.jpg Du rire pour 2009 donc, et non du négationnisme refoulé. Montpellier vient en effet de nous gratifier de sa première (bonne) résolution de l’année : déprogrammer Dieudonné, trublion médiatique inintéressant, du Kawa. Une décision qui fait date, et qui inscrit la ville comme une âpre défenseur du devoir de mémoire.

Festivals : la culture sous toutes ses formes

Chaque année, Montpellier met en exergue ses festivals pour une diversité et une densité exceptionnelle : cinéma (Festival chrétien du cinéma en février, Festival ciné Montpellier en mars, Cinéma sous les étoiles en août, Festival cinéma méditerranéen en octobre), sport (Montpellier danse en juin-juillet, Battle of the year en avril, Festival international des sports extrêmes – FISE – en mai) ou encore musique (Festival de Radio France en juillet, Electromind en juillet, Les internationales de la guitare en septembre). A ceci s’ajoutent les manifestations culturelles suivantes : Printemps des poètes en mars, Comédie du Livre en mai et Quartiers Libres en septembre qui dynamisent et étayent la vitalité culturelle de la ville.

Programmation Rockstore
Programmation Kawa Théâtre
Programmation Théâtre des Treize Vents
Programmation Opéras Montpellier
Programmation Musée Fabre

Le théâtre à la rencontre de son public oublié : Action !

Le FITA (Festival International de Théâtre Action) Rhône- Alpes vit cette année, du 12 au 30 novembre, sa quatrième édition, à Grenoble, toujours, mais aussi dans toute la région, de Lyon à Montélimar en passant par La Mûre ou Vienne… Fonctionnant en biennale, l’aventure commencée en 2002 voit sa programmation évoluer au fil des rencontres avec les acteurs d’un « théâtre action » en développement : baladins professionnels venus d’ici et d’ailleurs, mais aussi protagonistes de la vie locale, sociale et culturelle. En milieu rural ou en pleine cité HLM, Laurent Poncelet, son directeur, et sa compagnie Ophélia Théâtre, cherchent avant tout à « créer du
lien ».

Les partenaires, sollicités ou volontaires, sont chaque année plus nombreux à rejoindre la dynamique. Partenaires culturels d’abord, « sans lesquels rien n’aurait été possible » : il s’agit des directeurs des théâtres et salles des milieux ruraux, comme le Coléo à Pontcharra ou l’espace Paul Jargot à Crolles, « des gens de ma génération pour la plupart, qui donnent le même sens que moi à leur travail ».
La collaboration avec les tissus associatifs ou sociaux n’en est pas moins essentielle : ONG s’associant aux spectacles, notamment à l’occasion de la Semaine de la Solidarité Internationale, mais aussi, et surtout, centres sociaux et foyers, CHRS, MJC… Le temps du festival, ils deviennent le lieu d’une trentaine de rencontres, en amont d’un spectacle, de la compagnie avec la population locale, souvent autour d’un repas convivial. Une façon chaleureuse et intime d’accueillir les troupes en provenance d’Haïti, du Sénégal, du Togo, du Mali, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, mais aussi de Roumanie, Italie, Belgique… Pour les membres de ces associations de quartier, d’aide aux sans-papiers ou d’assistance aux femmes en difficulté, une subtile invitation à pénétrer les salles de spectacles qu’ils n’ont pas l’habitude de fréquenter. A l’Espace 600 notamment, au coeur de la « cité » grenobloise, dont certains habitants ne soupçonnaient même pas l’existence…

« Créer du lien »

L’Oiseau bleu, un nid pour mères en difficulté établi à Gières, est l’un de ces partenaires fidèles, depuis sa rencontre avec Laurent Poncelet en 2002, alors que Mano l’éducatrice y animait un Atelier Théâtre. Si l’activité s’est depuis interrompue, la passion est restée. Il y a quelques jours, ces femmes ont accueilli la troupe de danseuses haïtiennes, « Atelier Toto B », pour un repas métissé : tajine, gratin dauphinois et tiramisu, « à l’image de l’Oiseau bleu !», revendiquent Férouze et Ada, suivi d’une après-midi de partage. Une trentaine de femmes réunies dans une étonnante alchimie : « on a parlé de leur façon de vivre, de leur voyage, après elles sont venues avec nous chercher les enfants à l’école et à la crèche ». « Je ne connaissais pas Haïti : elles nous ont dit l’histoire de leur peuple, de l’esclavage ». Et puis, comme toutes les femmes, à l’heure du café, elles ont parlé des hommes, du sexe et de la contraception. « Elles portent un regard très dur sur les autres haïtiennes, qui font des enfants pour garder leur homme et ne se posent pas de questions ». A l’exact opposé, ces onze femmes prennent leur destin en main en même temps qu’elles s’approprient les instruments de musique traditionnellement réservés aux hommes. « Les femmes ont pris le pouvoir!». « Une véritable leçon de vie » pour Mano et ses protégées, ravies. Une petite démonstration clôturera la journée, achevant de convaincre les habitantes de l’Oiseau bleu de réserver la place pour le spectacle qu’on leur offrait, « on se débrouillera pour faire garder les enfants».
« C’est le sens que je donne au théâtre action. Mais ma conception est un peu particulière : ici, c’est trop dur de travailler sur la matière qu’est le vécu de celles qu’on accueille… Même si on y revient de toute façon quand on monte une pièce comme Une petite entaille de Duringer. Le FITA va nous donner matière à discussion pendant plusieurs semaines, comme un prétexte à une ouverture au monde ». Le rendez-vous est pris les 29 et 30 pour le forum « Théâtre et lien social » : on y retrouvera Danièle et Mano, les éduc’ se faisant pour un jour animatrices d’ateliers.

L’essence même du FITA Rhône Alpes s’y verra synthétisée : comme chez son « grand frère » belge, le théâtre action sera au cœur des débats, en tant qu’interrogation du monde, au croisement de regards différents, à la rencontre du public. « Jamais cependant au détriment de la forme » : pour Laurent Poncelet, le critère de programmation est avant tout artistique, l’origine des spectacles étant diverse : remarqués au Festival d’Avignon ou ailleurs, par le réseau belge notamment, mais aussi pièces co-produites ou accompagnées par les partenaires, sans oublier celles des groupes parrainés par Laurent Poncelet lui-même. Les « Mange cafards » et les « Pas très grands » présentent respectivement cette année Rêve partie et Dans cinq minutes il va pleuvoir en clôture d’un Festival riche de ses couleurs et de ses engagements.