Les « booktubeurs », nouveaux prescripteurs littéraires des ados et des plus grands

À l’ère du numérique et des discours pessimistes sur l’avenir du livre, de nouveaux prescripteurs voient le jour, bien décidés à faire mentir les prédictions. Appelés « booktubeurs », des férus de littérature se mettent en scène sur internet pour parler de leurs lectures et conseiller des milliers d’internautes passionnés. Parmi eux, les adolescents ne sont pas en reste. Beaucoup ne l’aurait sûrement pas parié et pourtant : la génération 2.0 lit encore et sait tirer profit de la technologie pour soutenir et perpétuer la culture du livre papier. Haut Courant vous explique le phénomène « booktube ».

Le souffle des Mots, Bulledop, FairyNerverland… sont autant de chaînes internet qui appartiennent à la vague « booktube ». Leurs propriétaires, de jeunes adeptes de romans jeunesse, se filment et partagent leurs dernières lectures sur le web. Devant des bibliothèques pleines à craquer, ces prescripteurs d’un nouveau genre témoignent de leur passion pour la littérature, mais également pour l’objet en tant que tel. De quoi rassurer les fervents défenseurs du livre papier.

Définition de booktubeur

L’emploi du terme « booktube » est la contraction du mot book (« livre » en anglais) et de youtube (site internet participatif d’hébergement de vidéos).

Un booktubeur désigne une personne se mettant en scène, via la plateforme youtube, pour parler de littérature. Importé des pays anglophones et hispanophones, le phénomène booktube est arrivé en France en 2012 et séduit de plus en plus les internautes ; y compris, les adolescents.

Devenir booktubeur 

Sur la toile, n’importe qui peut créer son propre contenu, poster des vidéos et devenir booktubeur. À condition, bien sûr, d’aimer la littérature et de savoir en parler avec suffisamment d’intérêt.

Ensuite, le succès de chacun dépend de plusieurs critères tels que la qualité des vidéos, tant sur le contenu que sur l’aspect technique ; la régularité de production ; la longévité de la chaîne (gagner de la visibilité sur youtube ne se fait pas en quelques semaines) et également, d’un certain facteur chance.

Booktube, la littérature jeunesse et les adolescents

Bien que toute sorte de littérature soit la bienvenue sur youtube, on note une forte représentation de la littérature young-adult, avec en ligne de mire, le genre de l’imaginaire.

Les bibliophiles qui se mettent en scène sur youtube parlent avec enthousiasme des livres qu’ils ont lu. Après un bref résumé de l’intrigue, ils détaillent ce qu’ils ont, ou n’ont pas aimé dans les différents ouvrages. Les booktubeurs conseillent leurs internautes comme ils conseilleraient leurs amis proches. Ils emploient un langage « jeune » et n’hésitent pas à livrer leurs émotions personnelles, sans fard, ni artifice. Si les vidéos sont regardées par un large public, elles sont très appréciées des adolescents, cœur de cible de la littérature jeunesse. Par le biais de youtube, les jeunes lecteurs ont désormais accès à des sources d’informations inédites, ludiques et attractives qui savent piquer leur intérêt.


Présentation des 10 livres coup de cœur de la booktubeuse Audrey, résidant à Montpellier, sur la chaîne Le souffle des Mots.

Ce mode de communication libre et sans filtre plaît aux internautes et participe à créer un nouveau rapport à la lecture. Grâce à youtube, les pré-adultes trouvent des prescripteurs qui leur ressemblent et qui évoquent une littérature en raccord avec leurs désirs et leurs centres d’intérêts. Fini les lectures rébarbatives imposées pour le bac de français et place aux livres « plaisirs » ! Les adolescents redeviennent maîtres de leurs lectures et peuvent échanger au sein de ce qui devient de véritables petites communautés de lecteurs, grâce notamment à l’espace commentaires.

« Toujours un plaisir de te retrouver en vidéo ! Je suis tentée de lire le roman que tu nous présentes. Il faut dire que tu nous vends tellement bien les livres ! » Commentaire d’une internaute, sur la chaîne de Margaud liseuse.

« Merci beaucoup pour cette vidéo coup de cœur Audrey. Même si ça fait encore autant de livres qui s’ajoutent à mes envies de lecture. Il faut que j’arrête de me faire soudoyer ! 😉 » Commentaire d’une internaute sur la chaîne Le souffle des Mots.

Un vocabulaire propre à la communauté booktube a vu le jour. Aussi, si un booktubeur parle d’une « PAL », sachez qu’il s’agit d’une « Pile à lire », un « Book haul » est une présentation de toutes les acquisitions livresques sur une période définie, un « Update » est consacré aux trois dernières lectures, ou encore un « Swap » désigne un échange de colis entre deux booktubeurs, avec ouverture et découverte du contenu devant la caméra.


Un book haul proposé sur la chaîne FairyNeverland.

En plus de proposer des vidéos de présentations et de critiques littéraires, les jeunes booktubeurs regorgent d’imagination pour faire participer leur communauté d’internautes. Ils initient par exemple des défis, tels que des « Read-A-Thon », qui consistent à lire le plus de livres en une période donnée ou bien le « Week-end à mille », qui invite à lire 1000 pages en un week-end.

Toujours dans l’idée de diversifier leur proposition et la rendre plus attractive, les propriétaires de chaîne littéraire n’hésitent pas à se rencontrer afin de tourner des « Booktalk », soit des débats entre deux booktubeurs autour d’un livre en particulier ou encore à lancer des « Tags », des questionnaires en rapport avec la littérature, créés par un booktubeur. À la fin de sa vidéo, ce dernier désigne d’autres booktubeurs pour reprendre ce questionnaire, et ainsi que de suite jusqu’à ce que le Tag devienne viral.

Outre la richesse des vidéos proposées, les booktubeurs tirent en partie leur succès du phénomène de communauté. En effet, le sentiment d’appartenir à un groupe et de posséder des modèles-référents sont des étapes clefs du développement et du bien-être chez les adolescents. À l’image de booktube, d’autres communautés ont vu le jour sur internet, telles que les chaînes de « beauté » qui rassemblent 2 744 986 d’abonnés pour EnjoyPhoenix ou encore 766 979 abonnés pour la chaîne Elsamakeup. Et, comme il est autant important d’appartenir à un groupe que de s’intéresser à une multitude de choses, il n’est pas rare que les youtubeurs débordent de leur sujet de prédilection en proposant des vidéos annexes. C’est par exemple le cas avec EnjoyPhoenix, estampillée youtubeuse beauté, qui a posté une vidéo de ses lectures favorites, qui totalise 290 113 vues à ce jour.


EnjoyPhoenix, youtubeuse beauté, dresse la liste de ses livres favoris.

Une vitrine pour les professionnels

Internet est devenu une excellente vitrine puisque certains booktubeurs totalisent jusqu’à 50 000 abonnés. Cela, des maisons d’édition l’ont bien compris et ont choisi de monter des partenariats avec les prescripteurs les plus influents.

Tous les mois, les vidéastes sélectionnés reçoivent gratuitement une pile de livres (qu’ils ont pour la plupart choisis parmi les nouveautés des éditeurs) et pour lesquels ils sont invités à faire une critique sur leur chaîne, le plus souvent dans un délai d’un mois après réception. Pour autant, les booktubeurs affirment vouloir garder leur indépendance et rester maîtres de leurs opinions malgré les partenariats.


Sur sa chaîne, Audrey explique ce que sont les maisons partenaires.

Gilles Fontaine : « MyMajorCompany est un simple symptôme plutôt qu’une révolution »

Directeur général adjoint de l’IDATE, centre d’étude et de conseil pour les secteurs
des télécoms, d’internet et des médias, Gilles Fontaine revient sur le phénomène MyMajorCompany et l’évolution de l’industrie musicale. Rencontre.

Haut Courant : Les dernières années ont vu émerger de nouveaux acteurs de l’industrie musicale. Que pensez-vous de ces alternatives ?

Gilles Fontaine : MyMajorCompany (MMC) a su créer un marketing viral bien pensé et intelligent. Il reste cependant un phénomène limité, notamment en
termes de modèle économique. La capacité d’investir en dehors du noyau dur des passionnés semble limitée. Je doute de l’ampleur de la solution face au poids des maisons de disques.

Quelle place occupe ces phénomènes internet musicaux ?

Il faut resituer ces nouveaux sites dans un contexte de simplification et de raccourcissement de la chaîne musicale. L’autoproduction d’artistes est de plus en plus présente. Avec un Mac, tout le monde peut faire sa propre maquette. Les nouveaux acteurs du net offrent donc une réponse adaptée. Néanmoins le rôle essentiel de ces sites, et notamment de MMC, tient dans le marketing et la promotion. Ils arrivent à faire venir certains artistes mais il ne s’agit pas d’un modèle dominant. Plus qu’une révolution de l’industrie musicale, c’est un symptôme, en lien avec l’importance du marketing et la volonté de sortir des artistes plus rapidement.

Quels sont les acteurs qui se démarquent dans cette industrie musicale fragilisée ?

En termes d’exposition Youtube ou Dailymotion sont incontournables. Je suis aussi curieux de voir ce que va faire Facebook dans le domaine de la musique. Myspace reste un site communautaire professionnel destiné d’abord aux passionnés. Enfin, certaines maisons de disques ont également réussi un gros travail et résisteront, comme Universal. Elles restent le cœur de l’industrie même si leur rôle évolue.

Quel est l’avenir de l’industrie musicale dans cette ère numérique ?

Les usages seront surement démultipliés avec des distributeurs qui prendront une place de plus en plus importante comme Google ou Facebook. Les maisons de disque se recentreront sur un métier de diffusion des droits plus que sur la production elle-même, avec des recettes provenant en partie de l’événementiel, des concerts et du merchandising. La vente de disque sera minoritaire. L’industrie du futur sera probablement de plus petite taille qu’aujourd’hui mais aura retrouvé son équilibre et une rentabilité économique.

Comment Internet a révolutionné les pratiques d’écoute

Acheteur ou pirate, téléchargement ou streaming : où vous situez-vous ?
Depuis plusieurs années les ventes de CD sont en baisse constante en France, reléguant ce qui passait pour des objets high-tech dans les années 80 à des produits de plus en plus dépassés aujourd’hui. Désormais, la toile a investi le terrain et renouvelle les pratiques d’écoute grâce à des sites proposant des millions de titres. À quel profil d’utilisateur appartenez-vous ?

Avec Youtube et Universal, tout va à Vevo

Annoncée ce matin, la nouvelle plateforme vidéo de Youtube s’adresse directement au portefeuille des labels et des publicitaires. Quid de l’internaute?

Vers un Youtube 2.0? La question se pose après l’officialisation ce matin de Vevo, le service de vidéo-clips en ligne issu de l’association de Youtube, propriété de Google, et du major Universal Music Group (UMG), label de U2 et du regretté Bashung. Fonctionnel d’ici la fin de l’année, le site Vevo.com existe depuis quelques heures maintenant. Une page d’accueil au style épuré qui ne propose pour l’instant qu’un twitter en stand-by, et une newsletter qu’on espère un peu plus éveillée.

En réalité, Youtube partage déjà une partie de ses revenus avec UMG, les vidéos et les droits de l’un étant vendues plusieurs dizaines de millions de dollars à l’autre. Avec Vevo, les deux associés passent à la vitesse supérieure. Mais Vevo, c’est quoi, au juste? Pour l’instant, une idée. Celle d’associer le contenu officiel d’UGM, clips musicaux et vidéos diverses, à la technologie Youtube. « Universal et Google se partageront ainsi les revenus de Vevo et de Youtube », racontait hier un représentant de Google à Wired.com. Selon le même, les négociations avec d’autres labels sont en cours pour alimenter ce qui devrait être une sorte de Youtube Premium. Le but, attirer plus d’internautes, séduire davantage de publicitaires.

Sûr de son coup, Doug Morris, PDG du groupe Universal Music, déclarait ce matin : « Vevo offrira la plus importante collection de clips musicaux et de services premium à la plus grande audience mondiale de vidéo en ligne. (…) Dès son lancement, Vevo comptera plus d’utilisateurs que n’importe quel autre site de vidéos musicales aux Etats-Unis et dans le monde ». Selon le magazine Billboard, reste à Morris à convaincre les autres labels. Les diffuseurs, eux, sont déja acquis à la cause Vevo. MTV, Yahoo et Aol pensent s’associer à la plateforme, notamment pour ne plus s’embarrasser des relations, difficiles, avec les labels. En contact direct avec les producteurs, Vevo pourrait bien devenir la seule plateforme légale sur le marché. Google compte évidemment sur cette situation privilégiée pour demander aux publicitaires d’ouvrir un peu plus le porte monnaie.

Car jusque là, il faut bien le reconnaître, l’achat de la plateforme de partage vidéo en 2006 par Google pour la bagatelle d’1,65 milliards de dollars, ne peut pas être qualifié de « payant ». L’actualité antipiratage contre lui, Youtube traverse une crise sans précédent. Les sociétés d’artistes exigent plus d’argent, les majors réclament moins de piratage. Début mars, Youtube UK prive les britanniques de vidéo-clips. Moins d’un mois plus tard, son homologue allemand suit l’exemple. Pas vraiment aidé par le débat sur le téléchargement et le droit d’auteur, Youtube essaye tant bien que mal de relever la tête. Avec l’annonce de Vevo, le mois d’avril se présente sous de meilleurs auspices : un partenariat entre Youtube et Disney se dessinait il y a quelques jours, et au même moment, les négociations avec Sony semblaient en bonne voie. La publicité, encore elle, occupait bien sûr le coeur des débats. L’objectif, contrer des concurrents de plus en plus en envahissants, Hulu.com en ligne de mire. Lancé seulement en novembre 2007, le service vidéo de NBC et de la Fox talonne déja Youtube en terme de recettes publicitaires.

Autant de bonnes nouvelles qui tombent à pic après le buzz produit par un analyste du Crédit Suisse, selon lequel Youtube courrait à sa perte. 710 millions de dollars de dépenses en 2009, pour beaucoup dues à des frais de bande passante colossaux, contre 220 petits millions de recettes publicitaires, nul besoin de dégainer sa calculette virtuelle pour saisir la gravité de la situation.

Plusieurs questions restent cependant sans réponse. Plateforme de vidéos-clips pour label, Vevo accueillera-t-il le contenu amateur? Seulement s’il concerne les artistes de l’UMG. Ce timide pas en direction des internautes n’ira pas sans contrepartie. Les utilisateurs pourront bien mettre en ligne les vidéos de leur choix, ou presque, mais ils se heurteront à une procédure systématique. Chaque visionnage se verra précéder d’un écran publicitaire de plus de 10 secondes. En plus de l’impossibilité de poster leur propre contenu ou des vidéos n’ayant pas trait aux Labels, les consommateurs risquent fort de déserter Vevo une fois l’effet de surprise passé. Reste à déterminer s’ils auront le choix, vu que ce Youtube 2.0 aspire ni plus ni moins au monopole du vidéo-clip en ligne.