C’est l’effervescence devant le drôle de bus. Bravant le froid, les bénévoles installent le matériel de l’après-midi entre le bâtiment C et D de l’Université Paul Valéry à Montpellier. Ils sont une dizaine à s’affairer entre les cartons de fruits et les boîtes de conserve. Deux d’entre eux déplacent une table, puis quelques bancs. Nicolas, un autre bénévole trie les aliments dans les placards de la camionnette. Il faut placer les produits récupérés sur les étagères. Pommes, citrons, oranges, betteraves, tomates sont étiquetés et répartis dans des cagettes bien en évidence sur une table. Le Solidaribus n’est pas un bus comme les autres, depuis un an et demi, il s’improvise épicerie solidaire pour proposer aux étudiants en difficultés financières des paniers alimentaires à prix réduits. Thibaut, bénévole depuis quatre ans au secours populaire, a suivi le projet dès son commencement : « la plupart des étudiants que l’on approvisionne viennent de Paul Valéry, mais il y en a aussi quelques-uns d’autres universités. Nos paniers sont constitués de dons faits par l’Europe ou les grandes surfaces au secours populaire. »
Avec les grosses lettres bleues qui peignent son nom, et le slogan « tout ce qui est humain est nôtre », le Solidaribus se repère de loin. Les bénévoles sont prêts à accueillir les premiers arrivants. Un groupe de jeunes se regroupe à l’arrière de la camionnette pour récupérer un panier. Ils attendent patiemment leur tour. « C’est la première fois que vous venez. Il faut aller voir Angèle avant ». Angèle et Kader, qui sont en service civique, gèrent l’organisation de l’épicerie solidaire et encadrent les bénévoles. La jeune femme fait passer des entretiens aux personnes souhaitant bénéficier des produits du Solidaribus. Pour y avoir accès, il faut pouvoir justifier que l’on dispose de moins de 7 euros pour manger par jour. Angèle examine les revenus et les aides sociales perçues. Une fois le questionnaire rempli, l’étudiant reçoit le fameux sésame, une carte valable un an pour un panier toutes les deux semaines. Le garçon s’empresse de rejoindre la file.
Les bénévoles emmitouflés ont le sourire
« Vous avez le droit à 16 produits, annonce une bénévole, ceux qui viennent de l’Europe sont gratuits. Pour les autres on demande une participation de quelques dizaines de centimes pour gérer les frais de logistique». Sur les étagères en bois construites à l’intérieur de la camionnette, on peut distinguer des conserves de tous types. Haricots verts, petits pois, carottes, sachets de pates, riz, semoule se mêlent aux bouteilles d’huile, pots de lentilles et sardines en boîte. Une jeune fille monte à l’arrière de la camionnette pour désigner à Nicolas ce qu’elle souhaite emporter. Le sac chargé d’une bouteille de lait, de céréales, et de quelques fruits, elle repart en cours. Ainsi défile tout l’après-midi les étudiants. En plus des paniers de nourriture, l’antenne du secours populaire propose des livres et vêtements à prix libre.
Le vent est glacial, mais les bénévoles emmitouflés ont le sourire. Tous les mercredis de 14h à 17 h, ils sont là. Au bout d’une heure et demie de permanence, ils n’y a déjà plus de café, quelques pains au chocolat trônent encore sur une table. « Aujourd’hui, c’est la rentrée à Paul Valéry pour la plupart des licences, c’est une grosse journée, commente Angèle. Souvent on a un rush à 14h et puis à chaque fin de cours, toutes les heures et quart. Ça se tasse un peu entre 14h30-16h ». La file a effectivement bien diminué, il n’y a désormais plus qu’une personne à l’arrière de la camionnette.
« N’importe qui peut venir filer un coup de main »
Victorine est bénévole depuis septembre. Elle avait entendu parler du projet par une amie qui y participait l’an dernier. « J ‘ai toujours voulu faire du volontariat. J’ai la chance de bien m’en sortir, mais ce n’est pas le cas de tous les étudiants. C’est difficile de se consacrer pleinement à ses études quand on doit se préoccuper de soucis financiers ». La plupart des bénévoles comme Nicolas et Victorine sont des étudiants, mais on trouve aussi des personnes au chômage, ou des salariés qui choisissent d’offrir un peu de leur temps.« N’importe qui peut venir filer un coup de main, rappelle Kader. On a un noyau de quelques gens réguliers qui connaissent le fonctionnement. Il y en a d’autres qui viennent plus occasionnellement. Certains étudiants passent parfois quelques minutes et repartent en cours. Chacun s’investit à sa manière. L’essentiel c’est qu’il y aient des bras quand on monte et démonte les stands. »
Un peu plus loin dans l’allée de l’Université, au rythme de la musique, deux bénévoles brandissent le drapeau du secours populaire, une boîte de don à la main « C’est pour le Solidaribus, pour aider les étudiants en difficulté à acheter à manger » répètent-elles. « On fait de la sensibilisation sur le campus. Les dons recueillis vont servir à financer un nouveau camion. On en voudrait un avec un réfrigérateur pour proposer des aliments froids. » L’Union Européenne a en effet envoyé des steaks surgelés et du poisson pané mais pour le moment, sans frigo impossible de les offrir. « On espère avoir notre remorque réfrigérée à la fin de l’année».