« Les politiques de l’immigration se suivent et se ressemblent ». Depuis plus de 70 ans, la Cimade tente d’aider, d’accompagner et de défendre migrants et demandeurs d’asile. Délégué régional de cette association en Languedoc Roussillon, Jean Paul Nunez nous livre ses inquiétudes…
Depuis le début de la présidence Sarkozy, les polémiques concernant l’immigration se sont bousculées. Comment appréhendez vous cette évolution ?
Il n’y a pas eu de bouleversement de la politique de l’immigration. C’est un processus qui a commencé depuis longtemps. Ce qui est vrai c’est que ce processus s’accélère aujourd’hui au niveau français. Mais cela s’inscrit dans un cadre plus large, européen. Il faut tout de même souligner que nous sommes face à un durcissement sans précédent de ces politiques. Il y a une volonté de taper fort sur les étrangers.
Nous avons récemment appris l’existence d’un projet de charter Londres/Paris/Kaboul. Quelle est votre position à ce sujet ?[[Ces propos ont été recueillis le 14/11/08. Ce projet a été annulé par le gouvernement le 17/11/08]]
La Cimade l’a tout de suite dénoncé. Renvoyer des individus dans les bras des Talibans, c’est inconcevable. Ce charter, c’est l’expression de la politique du chiffre. Il est intéressant de noter que la France et le Royaume-Uni s’associent dans leur politique d’immigration.
Ce charter n’est pas le seul de cet acabit. Un charter vers le Libéria existe déjà. Ce sont des zones où les conditions de vie sont ignobles. Mais, et il ne faut pas se le cacher, la France l’avait déjà fait vers la Tchétchénie. Bientôt, on expulsera vers le Congo. En France, il n’y a aucun problème avec ça. On fait n’importe quoi. Le chiffre au-dessus du respect pour l’être humain.
Est-ce dans la même optique que la fermeture du Centre de Rétention Administratif de Mayotte a été demandée par la Cimade ?
Effectivement. Le CRA de Mayotte est une zone de non droit. Il y a déjà une différence entre la situation en métropole et outre mer, mais à Mayotte, c’est encore pire. La Guyane est la collectivité où il y a le plus de reconduites, 30 000 par an. C’est un droit expéditif. Pourtant, la situation de Mayotte est encore plus contestable. Cela se passe en dehors de toutes considérations humaines.
« Il y a une volonté de taper fort sur les étrangers »
Le décret annoncé par Brice Hortefeux en août dernier a été lourdement contesté. Pourquoi ?
Le décret met en place un système où ce ne sont plus des associations mais des personnes morales qui seront en charge des centres de rétention. Cela pourrait tout aussi bien être Mac Do. Pour nous, comme pour d’autres associations, c’est une situation qui va à l’encontre du droit des sans-papiers.
L’appel d’offre que contenait ce décret vient d’être annulé par le tribunal administratif de Paris. En quoi est-ce une bonne nouvelle ?
Cet appel d’offre prévoyait que les centres de rétention soient répartis en huit lots. Cela revient à éclater une mission
nationale. On fait des lots, on disperse une logique. Un migrant arrêté à Calais et envoyé à Nîmes aurait posé des problèmes. Nous sommes présents sur tout le territoire et cela nous permet d’être plus efficace, cohérent dans notre action. Remettre ce système en cause c’est porter atteinte à la défense des droits des personnes migrantes.
Le gouvernement a laissé entendre que si vous vous opposiez au décret, c’était uniquement pour conserver votre « monopole »…
C’est faux. Nous voulons juste protéger le droit des personnes. Nous sommes prêts à travailler avec d’autres associations et cela nous arrive régulièrement. Mais notre souci principal, c’est de pouvoir aider, au mieux les étrangers. Et pour ça, nous avons besoin de cohérence. L’appel d’offre a été annulé car il ne donnait pas de droits effectifs aux personnes. La décision du tribunal nous donne raison.
Un nouvel appel d’offres sortira la semaine prochaine. On l’attend, on verra bien.