Chez les «bio» aussi, on a le goût de la nuance. À côté du vin bio, produit conformément à une réglementation européenne, d’autres types de vins issus de l’agriculture biologique séduisent le palais des aficionados : les vins naturels et les vins biodynamiques. Moins présents dans les rayons des supermarchés, ces concurrents cherchent à faire valoir leurs différences. En biodynamie, par exemple, nombre de viticulteurs poussent le processus de culture et de vinification à coup de techniques qui peuvent surprendre le novice. Côté naturel, on parle de respect du terroir et d’absence de sulfites ajoutés.
C’est à partir des écrits de Rudolf Steiner, philosophe croate du début du siècle dernier, que la biodynamie prend sa source. Il y décrivait tout un lot de règles et autres préparations à base de bouse de vache, silice de corne, diverses fleurs et plantes aromatiques. Mixez le tout avec le suivi du calendrier lunaire et les positions zodiacales et vous obtiendrez un vin biodynamique.
Dans le monde du vin, la culture de la terre et la vinification sont deux choses totalement différentes. Dans le vin bio, c’est dans la cave que le bât blesse selon François Aubry, propriétaire du domaine de La Fontude, «le cahier des charges du bio a été allégé à cause de pressions industrielles». Dans les faits, une quarantaine d’additifs et intrants sont encore autorisés, et l’utilisation de sulfites est limitée à 25 % de moins que le conventionnel. «Le bio reste laxiste au niveau chimique», accuse Jacky Dumouchel, caviste montpelliérain.
La biodynamie : l’ésotérisme au service du vin
Pour venir se rajouter aux labels bio dont les vignes doivent être certifiées au préalable, la biodynamie est encadrée par un cahier des charges, ainsi que des organismes de suivi (Demeter et Biodyvin). Un vin sérieux, mais entaché de critiques et moqueries : «Entre un vin bio et un autre issu de la biodynamie, je ne ressens pas de différences au niveau du goût», commente Frédéric Guy-Moyat, caviste toulousain. D’autres voient ces pratiques comme de la «pseudo science».
Hormis son penchant ésotérique farfelu, le principe est de favoriser la biodiversité dans les cultures. Encensée au début des années 2000 par de célèbres œnologues tels que Robert Parker ou Jancis Robinson, cette pratique viticole connaît une popularité grimpante. Selon François Aubry, «beaucoup se tournent vers la biodynamie pour une question de confiance. Il s’agit très souvent d’anciens consommateurs de bio qui cherchent plus de cohérence». D’une considération supérieure au bio selon les connaisseurs, la qualité organoleptique de la biodynamie fait toujours débat.
Le vin naturel ou l’amour du terroir
Si le vin naturel est obtenu à partir de vignes travaillées en agriculture biologique, il ne jouit pas d’un label. Seule une certification d’engagement est proposée par des associations (notamment « AVN » ou « vins SAINS »). La terre doit être vierge de toute chimie, la vigne ne reçoit aucun traitement ni désherbage, et la vinification se veut sans aucun intrant ni sulfites ajoutés. Selon Jacky Dumouchel, «moins on utilise de sulfites, plus on revient au vrai métier de vigneron. C’est avant tout un choix philosophique visant à retrouver l’expression naturelle du terroir». L’authenticité est au rendez-vous avec le vin naturel.
En bouche, la différence est plus nette : «Lorsque je bois du vin naturel, j’ai l’impression de boire du jus de raisin», ajoute Frédéric Guy-Moyat. À en croire Jacky Dumouchel, le concept fonctionne bien auprès des consommateurs : «ceux qui passent le cap sont conquis et ne reviennent que rarement vers du conventionnel». Le public visé par le naturel n’est pas le même pour François Aubry : «ce vin est davantage consommé par un public assez jeune et ouvert, qui n’a pas eu plusieurs décennies pour éduquer son palais avec du vin conventionnel ou bio».
Quant à l’obtention d’un label pour le vin naturel, la question n’est pas à l’ordre du jour pour les vignerons : «il s’agit avant tout de personnes créatives qui veulent travailler comme elles le souhaitent», affirme Jacky Dumouchel. Issu d’une fabrication «loufoque» ou plus conventionnelle, ce qui compte à la fin, c’est que le vin soit bon.