Plein écran sur le 39e Cinemed

Montpellier accueille du 20 au 28 octobre la 39e édition de son festival de cinéma méditerranéen. Avant premières, courts métrages, documentaires, rétrospectives : tous les formats cinématographiques sont à l’affiche partout dans la ville.

Montpellier se prépare à devenir la capitale du cinéma méditerranéen à l’occasion de la 39e édition du Cinemed, dont la cérémonie d’ouverture aura lieu le vendredi 20 octobre. Une édition 2017 particulièrement attendue au vue de la qualité des invités et de la programmation proposée par les organisateurs cette année. Le festival, après avoir mis en lumière la Tunisie l’année précédente, s’intéresse au renouveau du cinéma algérien et notamment sa jeune garde de réalisateurs. Durant cette semaine de multiples réalisateurs, producteurs et acteurs seront présents pour présenter leurs œuvres au cours des différents événements organisés dans tous les cinémas de la ville.

Une compétition acharnée pour décrocher l’Antigone d’Or

Cette année le jury qui récompense le meilleur long-métrage, présidé par l’actrice Aure Atika (La vérité si je mens, Comme t’y es belle…), doit déterminer lequel des neuf films en compétition mérite de remporter l’Antigone d’Or du meilleur film. Une sélection parmi laquelle on retient notamment Les Bienheureux de Sofia Djama avec Sami Bouajila, mais également le premier long-métrage de Mariam Khatchvani : Dede. On notera aussi le troisième film de la palestino-américaine Annemarie Jacir qui présente Wajib. Un long métrage où l’on accompagne un fils et son père pratiquer la coutume palestinienne du « Wajib », de délivrer directement aux proches les invitations de mariage.

Il ne faut pas oublier non plus les films hors-compétition comme la très attendue avant-première de Tout nous sépare réalisé par Thierry Klifa dont le tournage s’est déroulé à Sète. On y retrouve l’immense Catherine Deneuve, Diane Kruger ou encore le rappeur Nekfeu, rien que ça ! Ce n’est pas la seule avant-première que l’on pourra retrouver lors du Cinemed, puisque l’on regardera également avec attention le nouveau film d’un habitué du festival, Robert Guédiguian, avec La villa. Autre long métrage très attendu celui de Karim Moussaoui En attendant les hirondelles, avec la présidente du jury, Aure Atika, dans une triple histoire au cœur de l’Algérie contemporaine.

On ne peut pas non plus rater un des événements majeurs du festival méditerranéen, la présence du duo de réalisateur Olivier Nakache et Eric Toledano. Une rétrospective de leur filmographie a lieu toute la semaine, avec notamment leur nouveau film Le Sens de la fête. Il sera également possible de rencontrer les réalisateurs à l’occasion de la « carte blanche » qui leur est attribuée, où ils présenteront un film d’Ettore Scola : Nous nous sommes tant aimés.

Tout nous sépare, un des films les plus attendus du Cinemed.

Des documentaires, court-métrages et rétrospectives pour tout les goûts

Au sein de cette 39e édition, les courts métrages sont d’une grande variété, que ce soit de pays, de durées mais également de formes (fictions, animations, dessins au trait…). La sélection officielle comporte vingt-et-un courts métrages en compétitions et douze en panorama. Parmi eux, le très attendu Retour à Genoa City réalisé par le français Benoît Grimalt. Quelques films d’animation seront également présentés, tels que Dead Horses, Cinq ans après la guerre ou encore Estilhaços, même si les fictions restent plus nombreuses.

Grande nouveauté cette année : la compétition est ouverte aux documentaires courts. Huit films documentaires sont en compétition, allant du film ethnographique à la fiction, en passant par des documentaires plus intimistes, familiaux ou encore expérimentaux. De vraies propositions de cinéma ont été sélectionnées, ce qui permet de découvrir quelques raretés. Notamment Radio Kobani, du hollandais Reber Dosky, qui offre une réflexion sur la géopolitique et l’actualité en Syrie.

Une rétrospective sera consacrée à Merzak Allouache, engagé pour l’Algérie depuis longtemps. Un hommage à Dominique Cabrera, d’origine algérienne, sera également organisé avec une présentation non chronologique de son parcours à travers ses films, dont Corniche Kennedy. Les films du regretté Manuel Pradal, découvert par le festival, seront également mis à l’honneur, dont Marie baie des anges. Une rétrospective des films de Fernando Trueba, qui a un statut à part dans le cinéma espagnol, sera aussi présentée (La Reine d’Espagne, Cousine je t’aime, La fille de tes rêves…).

Une édition qui va nous en mettre plein les yeux.

CINÉMA – Les sorties du Mercredi

Chaque semaine, la rédaction d’Haut Courant vous propose une sélection de films qui sortent le mercredi.

• L’ATELIER – Un film politique et social sur la jeunesse française.

En 2008, son film « Entre les murs » avait reçu la Palme d’or à Cannes. Il revient avec son huitième long métrage : un film social sur la jeunesse française. Le film a été nommé cinq fois au Festival de Cannes. Le casting regroupe, en partie, de jeunes acteurs amateurs que Laurent Cantet a recherché dans les rues de la ville.

Ils sont sept jeunes, âgés de 18 à 25 ans. Issus de la Ciotat, là où les chantiers navals ont fermé depuis 25 ans. Ils cherchent un avenir. Et, c’est dans le cadre d’un atelier qu’ils sont amenés à écrire, ensemble, un roman policier. Leur professeure, Olivia, une célèbre auteure de romans policiers va les aider, et les amener à confronter leurs points de vues. La romancière, interprétée par Marina Foïs, veut les faire réfléchir, notamment sur leur ville. Leur passé. Et c’est Antoine, qui ne s’intéresse pas à cela et attiré par l’extreme droite, qui va violemment s’opposer au groupe.

Ce sont deux mondes qui s’affrontent. D’un coté, une jeunesse perdue, prise de doutes et de découragement face à l’avenir qui lui est promis. De l’autre, le monde intellectuel, le monde des adultes, avec une vision différente.

Cinq fois nommé au Festival de Cannes, le nouveau film de Laurent Cantet nous dépeint une synthèse de la jeunesse française.

• DETROIT – La révolte de 1967 des noirs américains

1967. Des émeutes éclatent à Détroit, dans le Michigan, en réaction à la ségrégation raciale. Des coups de feux sont entendus près de la base de la Garde nationale. La police encercle un motel d’où semble provenir les détonations. Et, ils procèdent à une série d’interrogations, bafouant les procédures. Bilan : 3 hommes abattus et plusieurs blessés. Le nouveau film de Kathryn Bigelow retrace cet évènement, encore très controversé.

• OUVRIR LA VOIX – Le documentaire qui donne la parole aux femmes noires

Amandine Gay donne la paroles aux femmes noires en France, qui sont systématiquement renvoyées à deux choses : leur couleur de peau et leur condition de femme. Ce film comporte une vingtaine de témoignages, retraçant le quotidien de ces femmes. Et les nombreux clichés auxquels elles font face, chaque jour.

• DES LOIS ET DES HOMMES – Un pêcheur irlandais face aux réglementations de l’Union Européenne

C’est l’histoire d’un pêcheur irlandais, John O’Brien, qui se voit contraint dans son mode de vie par les lois restrictives de l’Union Européenne. Va s’en suivre une véritable croisade contre les lobbies industriels, pour prouver qu’une Europe différente est envisageable. Une Europe qui laisserait les autochtones vivre de leurs ressources propres.

Loïc Jourdain a réalisé ici un documentaire qui expose les conséquences directes des règlementations de l’Europe sur le quotidien de simples citoyens.

• L’ÉCOLE BUISSONIÈRE – La nature à l’honneur

Le film de Nicolas Vanier est une adaptation de son roman. Il retrace l’histoire de Paul, un jeune orphelin, vivant dans le Paris des années 1930. Il est confié à Célestine et Borel (joués par Valérie Karsenti et François Cluzet), un couple qui vit à la campagne, en Sologne. Le jeune garçon va découvrir la nature, le monde sauvage, loin de tout ce qu’il connaissait et loin des murs austères de l’orphelinat.

• LA PASSION VAN GOGH – La peinture s’installe au cinéma

C’est le 1er long métrage d’animation fait entièrement de peintures à la main. Au sein de ce film d’animation, 120 peintures de Van Gogh sont présentes et, l’histoire se base sur plus de 800 lettres de l’artiste.

Viggo Mortensen est toujours aussi fantastique

L’acteur danois, principalement connu pour son rôle d’Aragorn dans le Seigneur des Anneaux, est à l’affiche du film Captain Fantastic. Une comédie dramatique réussie.

Viggo Mortensen porte à nouveau les cheveux longs et la barbe, non pas pour affronter Sauron accompagné d’elfes, mais pour partir en guerre contre l’Oncle Sam. Dans le film Captain Fantastic, il interprète Ben, un père de 6 enfants, qu’il élève à l’écart du reste du monde. Ils vivent en totale autarcie dans la forêt nord-américaine. Les enfants sont éduqués selon des principes quasi-militaires et tous vénèrent Noam Chomsky, philosophe et linguiste américain. Lorsqu’un drame touche leur famille, ils sont obligés de quitter leur refuge et d’affronter le monde. Le film raconte la rencontre entre deux visions opposées de la société, notamment sur l’éducation.

Une invitation au voyage

Viggo Mortensen est poignant en père torturé au costume rouge pétant, mais ce sont ses enfants qui lui volent la vedette, notamment Georges MacKay, l’aîné de la tribu que le public a découvert dans l’excellent film Pride.

Le film est une invitation au voyage, des paysages forestiers de la région de Seattle au désert du Nouveau Mexique. Les plans sont à couper le souffle. C’est une véritable bouffée d’air frais, le tout accompagné d’une bande son qui plonge un peu plus le spectateur dans cette ambiance quasi-mystique. Le choix du réalisateur s’est porté sur des chansons du groupe islandais Sigur Ros…et sur My Heart Will Go On, la bande originale de Titanic (si si). Viggo pousse même la chansonnette sur une reprise de Sweet Child O’Mine très réussie.

Matt Ross, le réalisateur, livre un film poétique qui glisse un poil trop dans le mélodrame. Si vous avez la larme facile, prévoyez un stock de mouchoirs. Le spectateur, pas tout à fait remis de ses émotions, ressort néanmoins avec le regret d’une fin un peu trop consensuelle.

Le film avait reçu un accueil tonitruant à Cannes en mai dernier, son réalisateur avait été récompensé par le Prix de la Mise en scène dans la catégorie Un certain regard. Idem à Deauville, où le film a remporté le Prix du Public et celui du Jury.

À l’aube de la soixantaine et 15 ans après la trilogie du Seigneur des Anneaux, Viggo Mortensen séduit toujours, et ce n’est pas Topito qui dira le contraire.

CULTURE – Conférence à l’Aquarium Mare Nostrum à l’occasion de la sortie du film l’Odyssée.

À l’occasion de la sortie en salle du biopic consacré au commandant Cousteau, l’Aquarium Mare Nostrum organise une conférence le jeudi 6 octobre à 20h.

La conférence met à l’honneur François Sarano, compagnon d’expédition du commandant Cousteau pendant 13 ans, doublure sous-marine de Lambert Wilson dans le film et conseiller technique de Jérôme Salle, le réalisateur de l’Odyssée.

Ce dernier animera la soirée sur le thème des grands animaux sauvages. Venu raconter les rencontres qu’il a vécues avec la faune sous-marine lors de ses expéditions, il consacrera une partie de la soirée pour la sensibilisation à la protection des animaux sauvages dans le cadre des actions de son association Longitude 181. Des extraits exclusifs du film l’Odyssée seront projetés aux participants en fin de soirée.

Aquarium Mare Nostrum, Centre commercial Odysseum, Allée Ulysse, 34000 Montpellier.
L’Odyssée, de Jérôme Salle avec Lambert Wilson, Audrey Tautou, Pierre Niney, sortie en salles le 12 octobre.

CINEMED – Danielle Arbid : « « Peur de Rien » vous fait prendre conscience de ce qu’est un étranger»

Présenté en avant-première lors du Cinemed, Peur de Rien raconte le parcours initiatique de Lina. À 18 ans elle quitte le Liban pour venir étudier à Paris, en quête de liberté. La réalisatrice, Danielle Arbid, recontrée lors d’une conférence de presse, évoque son œuvre qui sortira en février en France.

Ce film est un récit autobiographique. Pourquoi ce choix ?

Chaque film est un récit autobiographique. Mais c’est plus complexe que ça. C’est un récit semi-autobiographique, parce que je prends des éléments de ma vie, ensuite je les réécris. Je fantasme le souvenir.
Je me suis basée sur la première impression que j’ai eue de la France quand je suis arrivée, avant qu’elle ne s’efface avec les années. C’était important pour moi de me rappeler de ces moments, comme pour confirmer ma vie en France, de raconter cette première fois. C’est comme quand on raconte un premier amour. C’est le temps qui enjolive les choses et qui les efface.
Le film de Desplechin est autobiographique ndlr : [Trois souvenirs de ma jeunesse], Valérie Bruni-Tedeshi lorsqu’elle filme en Italie, ça l’est aussi ndlr : [Un château en Italie]. Moi je pars de quelque chose d’intime pour aller au plus intime chez le spectateur. C’est le chemin parcouru et quand c’est réussi cela renvoi aux souvenirs du spectateur.


Le film se déroule en 1993 et votre personnage principal découvre la politique à travers des skinheads, des royalistes mais aussi des militants d’extrême-gauche. Or les situations décrites semblent très actuelles… Qu’est ce qui a changé en 20 ans ?

Je voulais que mon film soit actuel par la musique, je ne voulais pas qu’elle soit datée. J’utilise du rap, du rock, de la musique électronique. C’est pareil pour les décors. Du coup le film parle beaucoup aux jeunes d’aujourd’hui et donne cette impression que rien n’a changé. Je suis contente d’avoir réussi à faire passer un message universel et ne pas cantonner mon propos aux jeunes qui arrivent en France.

Concernant la politique, je trouve que cela a changé. Il y a toujours la gauche et la droite bien entendue. Mais la gauche est moins de gauche aujourd’hui qu’en 1990. Et la droite est plus de droite. Mon personnage trouve plus un idéal en France, mais les gens descendent toujours dans la rue. C’est ce que je trouve fantastique en France, c’est cet élan populaire pour défendre quand il faut quelque chose d’important, tous ensemble. C’était une découverte magnifique. Au Moyen-Orient et au Liban, on a très peu vécu ça. C’était basé sur la communauté et les religions mais il n’y avait pas ce « tous ensemble ».


Dans votre film, Lina a surtout envie d’être libre, d’être libre loin de sa famille pour pouvoir vivre pleinement sa vie. Un message universel pour la jeunesse ?

Oui, je pense qu’ils se reconnaissent dans son envie de liberté, dans les rencontres qu’elle fait, dans les cours qu’elle prend, dans les profs qui enseignent. Ce que je voulais avant tout, ce n’était surtout pas faire un film sur une immigrée mais plutôt sur une jeune fille. Je ne voulais pas rendre son parcours exceptionnel mais que cela parle à tout le monde, que ce soit compassionnel.


Quelles sont vos références cinématographiques sur ce film ?

Mes références sur ce film précisément, c’était bien évidemment Fassbinder qui m’accompagne dans ma carrière de cinéaste, par sa liberté, son côté « rentre-dedans » qu’il a cultivé de film en film. Cette force là et cette humanité profonde. Je trouve qu’il était plus humain et compassionnel que subversif. Je me suis également beaucoup basée sur des photos et particulièrement sur Olivia Bee, photographe américaine qui photographie des jeunes autour d’elle. Manal Issa (qui joue Lina), n’a jamais joué avant, je lui ai montré des films de jeune fille comme Rosetta des frères Dardennes, les films de Truffaut aussi.

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D’ailleurs cette jeune actrice est lumineuse. Comment s’est passée la rencontre avec elle et comment avez-vous dirigé cette actrice non-professionnelle ?

Je trouve ça génial. J’aime beaucoup diriger des acteurs non professionnels et les mettre face à des acteurs professionnels, je trouve que ces derniers réajustent leur jeu. Ils jouent moins et sont obligés de vivre un truc vrai. Ils sont constamment confronté au fait que la personne en face d’eux ne joue pas.

Manal, je l’ai choisie parmi 700 filles. J’ai cherché large, des universités françaises jusqu’au Liban. C’était le fait d’être jeune et étranger qui m’intéressait. La rencontre avec Manal a été comme une évidence. Elle est tellement libre. Elle est ingénieure de formation, je l’ai trouvé par hasard lors d’un casting. Elle ne voulait pas du tout devenir actrice à la base. On l’a trouvé en faisant nos recherches avec Facebook. Les premiers résultats étaient vraiment impressionnants.

Elle est venue parce que son père lui a dit que mes films sont honteux, que mes films sont interdits au Liban et qu’il ne faut surtout qu’elle vienne faire le casting. Et elle m’a dit que si son père lui avait dit d’y aller, elle ne serait pas venue. Ça témoignait déjà de son caractère, de sa volonté de liberté.


Lorsque Lina revient au Liban pendant le film, on a l’impression que c’est une étrangère dans son propre pays tant elle s’est imprégnée de la culture française. Et l’on sent son envie de retourner en France irrépressible…

Oui tout à fait, c’est parce qu’elle est en conflit. Et quand elle retourne au Liban ce conflit lui saute à la figure. On le voit avec cet aller-retour de 10 minutes. On comprend déjà qui elle est, on comprend plein de choses concernant la place qu’elle cherche. Je pense que le fait de montrer le Liban type le film, lui fait gagner quelque chose, même si cela reste un film ouvert sur la France et la jeunesse.


Pourquoi avoir choisi comme première scène du film une tentative de viol par l’oncle de Lina ?

C’est métaphorique de quelqu’un qui sort de cette société, qui sort de son univers et qui court dans les rues pour rencontrer d’autres personnes. Et parce que c’était violent. Et cette fille, au lieu de raconter pourquoi elle vient d’un pays violent et d’une société violente, chose que j’ai raconté dans mes précédents films, cela pouvait se concentrer dans cette scène.


Ce film décrit un idéal mais aussi un combat, une lutte pour y arriver, peu importe les années n’est-ce pas ?

Absolument. Je l’ai peut-être pressentie inconsciemment parce que je me suis battue pendant 3 ans pour trouver le financement du film [ndlr : environ 1 300 000€ de budget]. On ne comprenait pas pourquoi un étranger peut regarder la France. On me disait implicitement : « Il est là qu’est-ce qu’il veut de plus ? » ou encore « elle ne peut pas être syrienne? ». Ensuite on m’a demandé « Pourquoi les années 90 ? ». C’est effectivement parce que je les ai vécues. C’est un tout ces années-là.

Le film et sa fin vous font prendre conscience de ce qu’est un étranger. Comment il vit et qu’est-ce qu’il cherche. Des vies entières passées en France, ce n’est pas rien. En général les étrangers veulent partager ce rêve fantastique d’une société idéale. Vous avez créé une société qui se rapproche plus de l’idéal et ils veulent apprendre et ils veulent la vivre. C’est ça l’idée. Mais la France vit ce dilemme de la liberté, des droits de l’homme et après au final très peu de gens rentrent dans le pays. Il y a eu 20 000 syriens qui sont rentrés, la moitié sont partis. Tout ce débat sur « est-ce qu’il y a trop d’immigrés? » devient ridicule, il y en a tous les jours. Au Liban il y a 7 millions d’habitants et il y a 1 million de Syriens. En France plus de 65 millions, il y en a 12 000.

Cet idéal de l’histoire culturelle française, qui est tellement riche, c’est ça qui est beau. Et il ne faut pas tomber dans le truc politique et populiste. Les étrangers viennent en France pour assurer un meilleur avenir pour leurs enfants, pour qu’ils soient libres, libres de leurs choix. C’est ça la liberté. Et c’est ce que fait Lina dans le film, elle fait des choix: qui elle veut entendre, qui elle veut aimer. Ce sont des choix humains.

Propos recueillis par Loubna Chlaikhy et Jonathan Rodriguez

Les Huit Salopards : La mélodie répétitive de Tarantino

Mélodie lancinante. Quentin Tarantino revient au cinéma avec son huitième film, un western de 2h50 où « huit salopards » se retrouvent coincés par le blizzard dans une auberge perdue au milieu des montagnes enneigées. Servi par un casting très tarantinesque (Tim Roth, Michael Madsen, Samuel L. Jackson, Kurt Russell), ce deuxième western – après Django Unchained – redessine les limites du système Tarantino.

Des plaines blanchies par la neige où l’on distingue au loin une diligence, la musique horrifique d’Ennio Morricone en fond et ce générique teinté de jaune, à l’ancienne avec le logo « Ultra 70mn panavision ». Pas de doute on est bien chez Tarantino. Son huitième film adopte donc un format de pellicule spécifique utilisé dans les années 50 – au coût plus conséquent – donnant la perspective d’une image plus soignée, la promesse d’une lumière plus chaleureuse et d’un grain plus prononcé.

Au-delà de ce choix esthétique judicieux et séduisant, le film traîne à mettre en place son propos initial : le huis-clos. On sent chez le cinéaste une volonté de prendre son temps pour créer une ambiance et apprivoiser ses personnages, mais cela fait clairement défaut au film. Pendant plus d’une heure et demie, les dialogues se succèdent, parfois drôles mais souvent sans inspiration, sans folie. La tendance des films de Tarantino au bavardage, purement jouissif à ses débuts (Reservoir Dogs et Pulp Fiction), tourne ici à vide et l’ennui guette, inlassablement.

Et c’est au bout de l’attente que le film se débride et que l’intrigue se dénoue. Enfin. On retrouve alors presque le Tarantino que l’on aime. Sa violence jouissive, ses joutes verbales, son sens de l’irrévérence sont de retour. L’amusement revient, le sourire aussi. C’est avec un plaisir coupable que l’on suit le dénouement entre ces fous furieux écrits à gros traits par le cinéaste.

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Les huit salopards reste plus cohérent que Django Unchained scénaristiquement. Ce dernier donnait l’impression d’une succession de bonnes idées plutôt que d’un tout cohérent. Ici, on retrouve un récit plus homogène – bien que plus creux et moins inspiré – où les différents chapitres se lient et se répondent pendant presque trois heures. Il y a tout de même quelque chose qui cloche dans cette nouvelle machinerie tarantinesque.

Depuis Reservoir Dogs et Pulp Fiction, Quentin Tarantino a perdu peu à peu cette capacité à mettre son talent et son énergie uniquement au service de ses personnages. Comme une peur palpable de ne jamais réussir à trouver l’aura, la folie et la liberté de ses deux premiers films. Ils étaient la promesse d’un cinéaste qui aurait pu devenir l’un des plus grands de tous les temps. Force est de constater que depuis Inglorious Basterds, Tarantino réchauffe ses thèmes et caricature son style et ses propres codes, au risque de donner l’impression de se regarder filmer. Son célèbre manque de modestie pourrait expliquer cette perte d’irrévérence spontanée caractéristique de ses débuts : « Je ne vais pas vous mentir, j’adore mes films et je prends énormément de plaisir à les revoir » a-t-il confié au journal Première. Pourtant ses derniers films ne sont pas mauvais, bien au contraire, mais Les huit Salopards – à l’instar de Django ou Inglorious, dénote tout de même de cette régression lente et progressive. Une promesse presque déchue.

La Bande Annonce du film :

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« Une histoire de fou » : le génocide Arménien raconté avec maladresse par Guédiguian

Le 15 octobre dernier, le réalisateur Robert Guédiguian est venu au Diagonal, cinéma montpelliérain, pour présenter son film en avant-première, Une Histoire de fou.

C’est dans le Berlin de 1921 que tout commence. Soghomon Thelirian assassine Talaat Pacha, désigné alors comme le principal responsable du génocide Arménien. Sa famille ayant été exterminée, il est acquitté lors de son procès où il témoigne du premier génocide du XXe siècle.

Cet événement historique sert de point de départ au cinéaste français d’origine arménienne, Robert Guédiguian. Un devoir de mémoire et un engagement personnel pour le cinéaste. Une volonté de marquer de son empreinte le récit d’une des pires pages de l’histoire. Malgré une intention louable, le film sonne faux.

Son scénario originel laissait présager un projet ambitieux, pédagogique et émotionnel. Ambitieux dans sa manière d’aborder les conséquences du génocide à l’échelle d’une famille marseillaise des années 70. Pédagogique par la nécessité de parler d’un événement historique peu enseigné et pas encore reconnu à l’échelle internationale. Et émotionnel par sa dimension humaine.

Il n’accouche malheureusement que d’une version scolaire, maladroite et ampoulée. Dans la plupart des films de Guédiguian, la mise en scène se distingue rarement par son inventivité. Mais ce qui n’est qu’un simple classicisme dans ses précédents films, pose ici un réel problème. L’absence de souffle romanesque et d’ampleur se font ressentir dans ses images. Il y a comme un manque, pendant plus de deux heures, qui empêche d’être emporté et concerné par l’histoire.

La direction catastrophique des acteurs rend la lecture du film plus difficile et empêche qu’on le prenne au sérieux. À l’exception d’Ariane Ascaride, qu’il a dirigé pendant plus de trente ans, aucun acteur n’est juste dans son interprétation. Grégoire Leprince-Ringuet en tête, est constamment dans la surenchère. Cette justesse de ton fait défaut à cette Histoire de fou, dans laquelle on ne croit réellement jamais et qui manque cruellement de folie.

CINEMA : tour d’horizon des films à voir cette semaine

L’automne est bien là, le mauvais temps aussi. Alors oui, l’envie de rester chez soi sur son canapé est terrible, mais heureusement il y a le cinéma. Sortez les bottes et le parapluie pour aller vers la salle de cinéma la plus proche. Petit tour d’horizon des films à voir ces derniers temps.

Asphalte de Samuel Benchetrit : Douceur et mélancolie.

Véritable surprise, Asphalte est la petite douceur bienvenue de cet automne dans le cinéma français. Dès l’ouverture le ton est donné. C’est drôle, décalé, mélancolique et impeccablement cadré. On y suit trois histoires insolites et six personnages hauts en couleur dans une tour de banlieue de Colmar : un looser attachant, une infirmière perdue, une actrice has-been joué par Isabelle Huppert, un ado délaissé (Jules Benchetrit – fils du réalisateur), un astronaute américain et une résidente de la tour, Madame Hamima. A l’exception du duo Huppert-Benchetrit, la mayonnaise prend bien.

Une œuvre singulière et originale qui séduit par sa poésie permanente et son humour absurde, si rare dans le cinéma français. Samuel Benchetrit évite heureusement la chronique sociale alourdissante pour décrire une banlieue fantasque mais réaliste. Teintée d’une certaine mélancolie, Asphalte aborde le thème de la chute et de la solitude et comment on y remédie avec l’aide d’une main secourable.
Le duo constitué du génial Michael Pitt – interprète de Jimmy Darmody dans la série HBO Boardwalk Empire – et de Tassadit Mandi fonctionne à merveille ! Elle donne une identité, une empreinte à l’œuvre. Telle une trace de pneu sur l’asphalte.

Sicario de Denis Villeneuve : Ampleur et fascination.

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Après avoir vu Sicario, une chose est sûre : dans le septième art, ‘il faudra compter sur Denis Villeneuve. Le québécois s’affirme comme l’un des nouveaux cinéastes en vogue à Hollywood. Véritable créateur d’images et d’ambiances, il confirme les espoirs placés en lui. Son nouveau film – sélectionné en compétition officielle à Cannes – s’ajoute à une filmographie riche et talentueuse : Polytechnique, Incendies, Prisoners, Enemy, quatre œuvres majeures. Traitant de la question des cartels mexicains (idée pourtant pas neuve à Hollywood) Sicario se recentre sur le destin de Kate (Emily Blunt), jeune recrue du FBI à l’intégrité intacte, enrôlée dans une opération clandestine menée par des agents énigmatiques et qui mettra à mal ses convictions.

Doté d’une mise en scène taillée au couteau et d’une atmosphère angoissante, ce pur thriller est la marque d’un des maitres du genre aujourd’hui. Haletant, percutant et diablement intelligent, il marquera l’année par trois scènes d’action d’une maîtrise absolue : une séquence d’ouverture d’une puissance rare, une scène de voitures bloquées à la frontière absolument suffocante et une séquence d’intervention armée, filmée en caméra thermique parmi l’une des meilleures jamais vues. Le cinéaste québécois allie donc minutie et puissance au travers d’un scénario habilement mené et qui tiendra en haleine jusqu’à la fin. Fascinant.

Chronic de Michel Franco : Humanisme et désespoir

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Prix du meilleur scénario au festival de Cannes cette année, Chronic est l’une des belles surprises de la décevante quinzaine. Michel Franco nous dépeint pendant 1h30 le quotidien d’un infirmier qui s’occupe de malades en fin de vie. Mais sa manière de dresser ce portrait est des plus surprenantes. Le cinéaste mexicain nous présente tout d’abord un personnage énigmatique, intriguant, menaçant pour ensuite basculer, avec subtilité, vers de l’empathie pure envers celui-ci. Et c’est dans cette subtilité du regard et de l’écriture que Michel Franco touche juste. De manière sous-jacente et implicite, nos préjugés, nos craintes basculent jusqu’à se prendre d’une véritable sympathie pour cet homme meurtri. Une deuxième partie où l’on prend une pleine mesure d’un homme dévoué, concerné et détruit.

Le casting, avec Tim Roth en tête, est excellent. Il livre une prestation remarquable, tout en retenue et en sobriété. L’acteur américain anime pleinement cette détresse, ce mal-être palpable.

Chronic est un film dur, percutant. On y parle de maladie, de solitude, de souffrance mais aussi d’humanisme. Et malgré la distance de sa mise en scène, totalement épurée d’effet stylistique ou esthétique, c’est un produit brut mais terriblement émouvant. Une chronique du désespoir.

L’homme irrationnel de Woody Allen : Cynisme Allénien

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On a connu Woody Allen plus en forme. Mais The irrational man (le titre sonne mieux en anglais quand même) reste un cru de qualité. Suivant les errances existentielles d’Abe Lucas, professeur de philosophie – interprété par Joaquin Phoenix – l’œuvre de Woody Allen amuse par son cynisme permanent. Astucieuse aussi, la comédie annuelle du cinéaste New-Yorkais peine à dépasser ce stade. Une écriture scénaristique qui ne se renouvelle pas, une sorte de patchwork de thèmes déjà utilisés. Un savoir-faire qui ne surprend plus mais qui divertit toujours grâce à son ironie savoureuse et ses dialogues désopilants. Un sentiment mitigé donc, qui ravira certainement les adeptes du réalisateur américain.

Mon Roi de Maïwenn : Passion destructrice

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Quatrième long-métrage de Maïwenn, Mon Roi est reparti avec le prix d’interprétation féminine pour Emmanuelle Bercot lors du dernier Festival de Cannes. Une nouvelle œuvre plus personnelle pour la réalisatrice de Polisse, qui dresse le portrait de Tony et Georgio. Un couple, ses variations et leur passion forte et destructrice est l’enjeu de ce film. Mais ce dernier est à l’image de la relation, dépeinte pendant près de deux heures : jouissif, envoûtant et enivrant lorsque tout va bien et étouffant et insupportable lorsque la relation se délite. Inégal donc.

Cependant la cinéaste confirme une nouvelle fois sa formidable direction d’acteurs. Ses films sont de véritables terrains de jeu. Dans Polisse on était subjugué par le dynamisme des interactions. Dans ce film, on est conquis par la complicité et le naturel qui se dégage de chaque scène. La finesse d’écriture est la force de Maïwenn qui sait sublimer ses acteurs. Mais c’est peut être là que le bât blesse paradoxalement. La narration pâtit trop souvent de ce jeu entre les acteurs et c’est ce qui donne ce ton inégal et inabouti à un film qui garde pourtant de grandes qualités. Comme une relation inachevée.

Légèreté, poésie, cartel, philosophie, passion, drame… Le choix est large mais le talent est bien là… Vous savez ce qu’il vous reste à faire.

CINEMA – Les films les plus attendus de 2015

En cette période de vœux, les adeptes des salles obscures contemplent, non sans une certaine appréhension, le nouvel horizon cinématographique qui s’ouvre à eux avec, en suspens, la question cinéphilique par excellence : le cru 2015 sera-t-il aussi riche et varié que ceux des précédentes années ? S’il est inepte de juger de la qualité d’un millésime avant sa dégustation, force est de constater que certaines productions de la cuvée 2015 se détachent du lot et tardent déjà à être appréciées. Avant-goût d’une nouvelle année cinématographique riche en saveurs au travers d’une sélection partielle, et totalement partiale, de 12 films.

Foxcatcher de Bennett Miller avec Channing Tatum, Steve Carell et Mark Ruffalo (21 janvier)

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A Cannes comme ailleurs, il y a des évidences qui s’imposent. Cette année, l’évidence voulait que Foxcatcher, le nouveau film de Bennett Miller (Truman Capote, Le stratège), reçoive le prix de la mise en scène. Parce que c’était justifié. Parce que c’était mérité. Brillante leçon de cinéma, Foxcatcher est inspiré de l’histoire vraie et mystérieuse du milliardaire américain John Eleuthère Du Pont – modestement nommé « aigle doré » par ses proches – qui, dans les années 80, décide de monter une équipe de lutte libre dans sa propriété de Pennsylvannie : la team Foxcatcher dont fait partie Mark Schultz, sacré champion olympique en 1984. D’abord, philanthrope auto-investi d’une mission, le milliardaire excentrique, également ornithologue et philatéliste passionné, sombre peu à peu dans une folie indicible qui va le conduire à assassiner Dave Schultz, frère de Mark, également ancien champion olympique et entraîneur de la team Foxcatcher.

Réalité de Quentin Dupieux avec Alain Chabat et Jonathan Lambert (18 février)

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Après l’ère du « faux » (Wrong et Wrong Cops), Quentin Dupieux semble avoir trouvé un nouveau champ d’investigation cinématographique. Non pas le « non-sens » bien sûr puisque tous ces films n’ont toujours fait que le sonder. Non pas la « réalité » – comme pourrait l’évoquer le titre – car Dupieux, de film en film, s’en est toujours détaché. Mais le cri. Et plus précisèment le gémissement.

Dans la bande-annonce, rien de très clair. Un chasseur, un sanglier, un homme habillé en femme, une petite fille (Réalité). Et puis, un cameraman, Jason, qui tente de convaincre un riche producteur de le laisser réaliser son premier film d’horreur. Un film dans lequel les postes de télévision deviennent subitement méchant et « font cramer les gens de l’intérieur ». Le contrat est presque signé mais le producteur exige que Jason trouve au préalable le meilleur gémissement de l’histoire du cinéma. Il a 48 heures… « Un film différent, beaucoup plus fou, bien meilleur que les autres et qui les annule » confie Quentin Dupieux ravi que le film ait été présenté en compétition dans la catégorie ‘orizzonti’ lors de la 71è édition du Festival International du Film de Venise (Mostra de Venise 2014).

A noter qu’un mémorable « Kubrick, mes couilles ! » conclut de façon totalement injustifiée la bande-annonce.

Inherent Vice de Paul Thomas Anderson avec Joaquin Phoenix, Josh Brolin, Benicio del Toro, Katherine Waterston, Reese Witherspoon et Owen Wilson (4mars)

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« Si par une nuit calme sur la plage, ton ex-nana débarque de nulle part avec une histoire sur son mec, un nabab de l’immobilier, sa femme, son amant, et un complot pour envoyer le nanab chez les fous, faut peut-être passer son chemin. » Malgré ces conseils avisés qui ouvrent la bande-annonce de Inherent vice, le nouveau film de «l’auteur/réalisateur » Paul Thomas Anderson, le détective privé Larry ‘Doc‘ Sportello – Joaquin Phoenix portant de somptueuses rouflaquettes – enquêtera sur la mystérieuse disparition du milliardaire Mickey Wolfman, « un juif qui se prend pour un nazi ». Seconde collaboration du réalisateur de There will be blood et de Joaquin Phoenix après The Master, Inherent Vice est adapté du roman homonyme de Thomas Lynchon.

Hacker de Michael Mann avec Chris Hemsworth, Viola Davis, William Mapother (18 mars)

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La bande-annonce du nouveau film de Michael Mann s’ouvre par une citation qui ne va pas sans résonner, telle une prophétie auto-réalisatrice, avec l’actualité : « Notre prochain Pearl Harbor pourrait fort bien être causé par une cyber-attaque… ». A l’heure où la société Sony Pictures a été victime d’une des plus violentes attaques informatiques qu’aient connus les Etats-Unis, force de constater que l’auteur de cette phrase, Leon Panetta, ex-directeur de la CIA, est dans le vrai. Sauf que, ironie du sort, là où Hollywood n’oserait jamais – ou à de rares exceptions près – mettre en scène ses propres failles, la réalité, elle, s’en charge. Pour le pire.

Hacker relate la traque d’un puissant réseau international de cyber-terroristes à l’origine de l’explosion d’un réacteur nucléaire. Un ancien hacker, programmeur de génie condamné à 15 ans de prison, va être chargé de mener l’enquête et de démasquer l’identité des criminels. La tâche s’annonce d’autant plus difficile que les terroristes semblent agir sans véritable motif…

Hill Of Freedom de Hong Sang-soo avec Ryo Kase et Sori Moon (13 mai 2015)

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Coutumier et annuel retour de l’anthropologiste cinématographique Hong Sang-soo. Dans Hill of Freedom, le scénariste et réalisateur sud-coréen raconte l’histoire d’un japonais qui, ayant la mort dans l’âme, se rend à Séoul pour retrouver la femme qu’il a toujours ardemment désirée. Mais la réalisation de cette quête s’avère au final plus compliquée que prévu. D’innombrables rencontres inattendues vont venir entraver l’objectif que l’homme s’était promis d’atteindre.

Hill of Freedom faisait partie de la sélection officielle du 39è Festival International du Film de Toronto (TIFF) et a concouru dans la catégorie ‘orrizonti’ lors de la 71e édition du festival International du film de Venise (Mostra de Venise 2014).

Tomorrowland de Brad Bird avec Britt Robertson et George Clooney (20 mai)

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Production Disney, Tomorrowland, originellement nommé 1952, est un film de science-fiction qui raconte les destins croisés d’une adolescente passionnée de sciences, Casey Newton (ça ne s’invente pas !) et d’un ancien inventeur de génie frappé de désillusion, Franck Walker. La bande-annonce nous présente la jeune adolescente à la sortie d’un centre de détention. Sur un écran de télévision, on découvre les banales images médiatiques de violences humaines sur lesquelles se pose le regard éteint de la jeune fille. Un policier fait l’inventaire des objets à restituer : argent, casquette, paquet de chewing-gum et une épinglette dont la jeune fille assure n’être pas la propriétaire. A son contact, elle est immédiatement transportée dans un autre espace-temps. Les murs ternes et fades du commissariat laissent place à un champ de blé radieusement illuminé où se dessine, dans un proche horizon, les contours d’une ville futuriste. Mais quel est ce lieu, Tomorrowland, « où rien n’est impossible » et où « on peut véritablement changer le monde » ? Réponse dans quelques mois…

While we’re young de Noah Baumbach avec Ben Stiller, Naomi Watts et Adam Driver (24 juin)

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Après le très beau Frances Ha sorti en 2013, Noah Baumbach revient avec une nouvelle comédie : While we’re young dans laquelle Ben Stiller et Naomi Watts, un couple de cinéastes, vont voir leur quotidien profondément chamboulé après l’arrivée, et l’intrusion, d’un autre couple unissant Adam Driver et Amanda Seyfried. Rencontre qui va être à l’origine d’une sorte de crise existentielle, d’un renouveau, d’une renaissance. « Life never gets old »…

Seconde collaboration de Noah Baumbach et de Ben Stiller après Greenberg en 2010, While we’re young a été projeté en avant-première lors du 39è Festival International du Film de Toronto (TIFF) en septembre 2014.

Midnight Special de Jeff Nichols avec Michael Shannon, Kirsten Dunst et Joel Edgerton, Adam Driver (25 novembre)

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Thriller de science-fiction surnaturel dans lequel un père de famille, Roy (Michael Shannon), est prêt à tout pour protéger son fils unique, Alton 8 ans (Jaeden Lieberher), doté de pouvoirs spéciaux. Après avoir rejoint un groupe d’individus (Joel Edgerton, Kirsten Dunst), Roy s’embarque dans une course-poursuite visant à amener Alton en lieu sûr. Sur leurs traces, une secte d’extrémistes religieux et une unité spéciale du gouvernement dont le dirigeant est joué par Adam Driver. L’issue de cette course-poursuite pourrait changer le monde…

Aucun visuel ni aucune bande-annonce pour ce premier scénario original de Jeff Nichols. Le réalisateur de Mud : sur les rives du Mississippi, Take Shelter et Shotgun Stories a néanmoins confié s’être rapproché de l’esthétique de certains films de John Carpenter (Starman) et avoir privilégié les scènes nocturnes. Plus que 10 mois d’attente pour ce film très attendu.

Star Wars Episode VII : The Force awakens de J.J. Abrams avec John Boyega
Daisy Ridley, Oscar Isaac, Lupita Nyong’o, Adam Driver, Andy Serkis, Mark Hamill, Carrie Fisher et Harrison Ford (18 décembre)

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Ce sera très certainement l’événement hollywoodien de l’année 2015. On imagine déjà une horde de spectateurs fanatiques faisant la queue depuis plusieurs jours – voire plusieurs semaines – devant les salles des theaters américains pour s’assurer d’avoir une place à la première projection du premier épisode de la troisième trilogie de la saga Star Wars. Suivant les goûts de chacun, certains préféreront porter une bure Jedi, sabre laser à la main quand d’autres, habités par le côté obscur de la ‘farce’ préféreront revêtir la tenue immaculée des Stormtroopers ou autres équipements darthvadoriens.

Mais que sait-on au juste de ce nouveau Star Wars ? Premièrement, les événements narrés se déroulent 30 ans après la ceux de la première trilogie (celle réalisée entre 77 et 83). La raison d’une telle ellipse : Le retour du Jedi ayant été réalisé il y a environ une trentaine d’années et The Force awakens retrouvant les héros oubliés de l’épisode 6 (Carrie Fisher, Mark Hamill et Harrison Ford), il fallait justifier visuellement de leurs délabrements physiques. A tout problème, une réponse scénaristique simple. Deuxièmement, c’est la Walt Disney Company qui produit le film après avoir racheté Lucasfilm pour la modique somme de 4 milliards de dollars ! Pour amortir son investissement, la major américaine risque donc malheureusement de faire fleurir les productions estampillées « Star Wars »… Troisièmement, c’est J.J Abrams qui réalise ce premier opus. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle puisqu’Abrams fait partie de cette nouvelle génération de cinéastes hollywoodiens talentueux. Il n’y a qu’à voir et revoir le très spielbergien Super 8 pour s’en convaincre. Quant à l’histoire, pas un mot ne fuite. Le secret est et restera très bien gardé jusqu’à la sortie en salles du film. Même la première bande-annonce diffusée le 28 novembre dernier n’a pas dérogé à cette règle du silence. Elle ne nous apprend en effet rien que nous ne sachions déjà. Il existe une Force. Et cette Force possède un Côté Obscur. Pour le reste, elle pose plus de problèmes qu’elle n’apporte de réponses et fait se déchaîner la blogosphère.

Knight of Cups de Terrence Malick avec Christian Bale, Natalie Portman et Cate Blanchett (date de sortie non définie)

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Knight of cups, littéralement le Cavalier de coupes, semble aussi mystérieux que son réalisateur texan. Partout, le même synopsis, sobre et laconique : « un homme, des tentations, la célébrité et l’excès ». Cet homme, c’est Christian Bale. Il est acteur, entouré d’innombrables jolies femmes, et semble aimer faire la fête… La bande-annonce n’en dit pas plus. Elle donne simplement à voir et à entendre, dans un style d’ailleurs très malickien : caméra steadycamée, objectifs grand angle, plans filmés à contre-jour, voix résonnant depuis l’intérieur des personnages, etc… Mais rien d’étonnant puisque le cinéma de Malick tend, depuis The Tree of life, à expérimenter une nouvelle forme d’expressivité cinématographique proche de la non-narration : des gestes, des sensations, des bribes d’existence savamment mêlés en un agencement d’images visuelles et sonores. Une ode audiovisuelle au service d’une Idée. Knight of Cups a d’ailleurs été réalisé sans scénario, sans script et a donc laisser place à une totale improvisation. Le film a été sélectionné pour concourir en compétition officielle lors du prochain Festival International du Film de Berlin (Berlinale 2015) qui se tiendra du 5 au 15 février 2015.

Le titre du film fait référence à l’art divinatoire de la cartomancie (jeu de tarot), le Cavalier de coupes étant l’équivalent du Cavalier de cœur dans un jeu de cartes classique.

Sea of trees de Gus Van Sant avec Naomi Watts, Matthew McConaughey et Ken Watanabe (date de sortie non définie)

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Au Japon, dans la « Forêt des suicides », lieu où ceux qui souffrent trop viennent mettre fin à leurs jours, un américain suicidaire va faire la rencontre d’un japonais. Les deux hommes vont alors se lancer dans une quête initiatique…

Dans une interview accordée à Entertainment Weekly, Matthew McConaughey a dit qu’il s’agissait d’un « survival d’enfer » qu’il renommerait volontiers « il faut passer par la destruction pour trouver le salut ». Et de surenchérir : « En quittant les salles de cinéma, tout le monde voudra partir marcher comme mon personnage. Et les spectateurs s’interrogeront longtemps sur le sens de ce film. Qu’est-ce qui était vrai, qu’est-ce qui relevait du rêve et que doit-on comprendre de toutes ces réflexions philosophiques ? »

The Lobster de Yorgos Lanthimos avec Colin Farell, Rachal Weisz, Ben Whishaw et Léa Seydoux (date de sortie non définie)

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Il est l’un des chefs de file du « nouveau cinéma grec ». Auteur de l’exceptionnel et improbable Canine (Récompensé à Cannes en 2009) et d’Alps, Yorgos Lanthimos revient avec The Lobster, une production américaine dans laquelle des célibataires sont arrêtés et enfermés dans un hôtel glauque pour y trouver, en moins de 45 jours, un partenaire. Faute de quoi ils seront transformés en animaux et envoyés dans une forêt…
Aussi surprenant que les scénarii de ces deux précédents films, The Lobster, littéralement « le homard », risque de surprendre… le film est actuellement en postproduction.

« Je vais vous faire mal »

Mardi 14 Octobre 2014 a eu lieu, au Gaumont Multiplexe de Montpellier, l’avant-première de « La prochaine fois je viserai le cœur », le nouveau film de Cédric Anger. Inspiré de l’affaire du « tueur de l’Oise », ce fait divers qui a défrayé la chronique française entre mai 1978 et avril 1979, le film relate l’histoire d’Alain Lamare. Gendarme exemplaire de 22 ans officiant à Chantilly, Alain Lamare est chargé d’enquêter sur une série de crimes qui prend pour cible des jeunes femmes. Crimes dont il est lui-même l’auteur. Le film nous plonge pendant près de deux heures dans la psyché de ce maniaque énigmatique qui tue sans aucun motif.

Comment vous est venue l’idée de réaliser une adaptation cinématographique de l’affaire du « tueur de l’Oise » ?

Cédric Anger : Au départ, il y a la découverte du livre de Yvan Stefanovitch, Un assassin au-dessus de tout soupçon (Edition Balland, ndlr). Yvan, qui travaillait pour l’AFP, suivait l’affaire du tueur de l’Oise. Il était souvent présent aux côtés de Lamare pendant l’enquête. Il explique que Lamare était le plus motivé dans la recherche du tueur, donc paradoxalement de lui-même. C’est l’aspect schizophrénique de ce personnage qui m’a poussé à en faire une adaptation cinématographique.

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Et comment adapte-t-on un fait divers au cinéma ? Tout ce qui est dans le film s’est-il réellement produit ?

C.A. : Je me suis beaucoup inspiré du livre de Yvan Stefanovitch. J’ai écouté des témoignages, lu des procès-verbaux et des lettres de menace que Lamare envoyait à la gendarmerie. Dans l’ensemble, je suis resté fidèle aux événements. Les agressions, la fausse course-poursuite, la tente que Lamare avait plantée dans sa propre chambre et dans laquelle il dormait, tout cela correspond à la réalité. Même les séquences les plus invraisemblables sont authentiques : l’interrogatoire de la fille qu’il a renversé et à qui il demande une description du criminel, ou encore lorsque que, pour échapper à la brigade cynophile, il reste sous l’eau pendant plusieurs heures en respirant grâce à un roseau. Pour ce qui est de la relation qu’il entretient avec Sophie (Ana Girardot) et des zones d’ombre qui entourent encore ses agissements, nous avons été contraints de recourir à l’écriture. D’un point de vue de la réalisation, c’est différent. Il me fallait échapper au côté fait divers pour ne pas risquer de faire un faux documentaire. C’est du cinéma, donc de la fiction et de la mise en scène. Voilà pourquoi j’ai fait le choix de donner un aspect fantastique à certaines séquences du film.

Guillaume Canet, comment en êtes-vous venu à interpréter le rôle ce tueur psychotique ? Comment vous l’êtes-vous approprié ?

Guillaume Canet : Je connaissais vaguement l’histoire du gendarme Lamare. Quand Cédric m’a parlé de son projet, j’ai lu le livre d’Yvan Stefanovitch qui m’a beaucoup intéressé. La lecture du scénario a fini de me convaincre. Ce qui me plaisait énormément, c’était de jouer le rôle de ce personnage qui souffre pour tuer. C’est très net lors de la séquence avec l’autostoppeuse. Il lui dit « je vais vous faire mal ». On sent qu’il ne prend aucun plaisir à la tuer, bien au contraire même, mais on a également le sentiment qu’il n’a pas le choix, qu’il ne peut pas ne pas le faire. Une sorte de mal-être profond et inexpliqué qui le pousse à faire ça. J’étais terrifié par ses actes et en même temps j’avais de l’empathie pour lui. En ce qui concerne l’interprétation elle-même du rôle, je m’en suis tenu à ce qu’a écrit Cédric, à l’ambiguïté de ce personnage malade. C’était fascinant à jouer. Très certainement un des meilleurs rôles que j’ai eu ces dernières années.

Le film joue sur les deux facettes de la personnalité de Franck [1], gendarme et tueur. Comment jouer ce dédoublement ?

G.C : Franck est une sorte de pompier pyromane. Il enquête sur ses propres crimes. Il est d’ailleurs celui qui au sein de sa brigade est le plus dévoué à sa mission. Il fallait donc jouer deux personnages, l’un gendarme, l’autre civil. Ce sont les costumes qui m’ont beaucoup aidé à interpréter ces deux facettes de sa personnalité. Par exemple, dans une scène du film cadrée en plan américain, il n’était pas nécessaire que je porte les chaussures officielles d’un officier de gendarmerie. J’avais des chaussures beaucoup plus confortables mais elles m’ont énormément gêné pour incarner le personnage. Cela ne collait pas avec la nécessaire droiture et rigidité de l’ordre militaire. J’étais déstabilisé.

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Le film est parsemé de plans montrant des lombrics vivants, comment doit-on les comprendre ? Est-ce votre façon de retranscrire visuellement la psychologie du personnage ?

C.A. : C’est une idée que j’ai eue pendant l’écriture du film. Une idée visuelle qui ne demande pas forcément à être justifiée verbalement. Etant donné que j’ai choisi de raconter cette histoire du seul point de vue de Franck, il fallait pouvoir rendre visible l’indicible. Les vers de terre ont été pour moi une évidence. Quant à leurs significations, je laisse le spectateur libre de leur donner le sens qu’il souhaite, qu’elles soient psychologiques ou non.

Guillaume Canet, vous êtes également réalisateur. Avez-vous conseillé Cédric Anger pour mettre en scène La prochaine fois je viserai le cœur ?

G.C. : Cédric est un excellent cinéaste. Il a déjà réalisé deux long-métrages (Le Tueur, 2008 ; L’Avocat, 2011) et a donc toute l’expérience nécessaire pour mettre en scène un film. Il sait où il va. Et puis, j’ai pour habitude de toujours rester à la place qui est la mienne. Donc non, je n’ai pas conseillé Cédric pour mettre en scène ce film.

Propos recueillis le 14 Octobre 2014 à Castelnau-le-Lez (34) par Yoann Hervey.

[1] Cédric Anger, soucieux de ne pas faire du film une sorte de documentaire sur le tueur de l’Oise, a jugé préférable de modifier le prénom d’Alain Lamare par Franck.