La naissance de l’enfant de mai 68

Le 27 novembre, la société des lecteurs de Libération a organisé au cinéma Grand Action de Paris, une projection-débat en compagnie des journalistes et anciens membres de la rédaction. Deux films ont été diffusés lors de cette rencontre ouverte au grand public, dont celui de Patrick Benquet.

La merditude des choses surprend

Toujours à l’affiche au Diagonal de Montpellier, La Merditude des choses (2009, Felix Van Groeningen) a été adapté d’un récit autobiographique de Dimitri Verhulst intitulé « De Helaasheid der Dingen ». Ce film belge a eu l’Amphore d’Or au Festival Grolandais et figure dans la sélection de Cannes 2009.

« La vie se transmet comme un bâton de relais, elle s’accroche irrémédiablement dans la merditude des choses » Voici la réflexion de Gunther Strobbe à la trentaine, alors qu’il vient d’expérimenter la paternité à son tour.

Elevé dans une famille à problèmes, Günther jongle avec un père alcoolique, une grande mère qui essaie de tenir le coup, et une multitude d’oncles fournisseurs d’un environnement bien particulier. Les beuveries, les plans drague, les chansons politiquement incorrectes sont les éléments du quotidien d’une famille dont le salon se situe dans le bar, où les Strobbe sont connus comme les champions absolus de tous les jeux à boire.

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Gunther passe sa jeunesse entre la compréhension des problèmes, la patience et l’attachement au clan Strobbe et le désir de fuite d’eux, et de son petit village, nommé Trouduc-les-Oyes. L’arrivée d’une assistante sociale à la maison marquera un basculement dans leurs vies.

La Merditude des Choses alterne passé et présent. Dans la narration, le propre Gunther retrace ses expériences : sa jeunesse, et un début de la vie adulte marqué par les évènements passés, vers un dénouement étonnant.

La poésie de la gueule de bois, l’amour paternel d’un père hors de contrôle, la
brutalité et la tendresse se relaient dans un récit simple, où le directeur ne recherche pas les grands effets de style. Il nous ramène au noyau de la vie de Gunther et trace un portrait comique des personnages, sans pousser les traits et sans un gramme de condescendance.
Cette ambiance nous renvoie à la phrase de l’auteur indienne Arundhati Roy « Le vrai mérite c’est de trouver de la beauté là où on n’aurait jamais pensé à chercher. »

Le Concert, une revanche sur un air de Tchaïkovsky

Dans «Le Concert», Radu Mihaileanu, le réalisateur de «Train de vie», suit les aventures d’un ancien maestro déchu par l’URSS de Léonid Brejnev.

Micmacs à Tire-Larigot casse la baraque

On ne sait jamais à quelle sauce on va être mangé avec Jeunet. Ce trublion de la création cinématographique vient d’accoucher d’un film aussi originale que sympathique. Du 100% pur jus de chez Jeunet qui raviront les aficionados même si l’on entend déjà ses détracteurs reprocher au réalisateur de ne pas assez nous surprendre, lui qui jusqu’alors changeait d’univers à chaque nouvelle création.
Après Un Long Dimanche de Fiançailles, Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain ou encore Alien la Résurrection, le talentueux réalisateur rassemble désormais une pléiade d’acteurs pour conter une histoire des plus loufoques, au cœur d’un Paris qui oppose puissants esseulés et parias emprunts de bontés.

Dany Boon, André Dussolier, Omar Sy (du SAV), Dominique Pinon (l’acteur fétiche de Jeunet à la bille de clown) ou encore Yolande Moreau remplissent tous leurs rôles à la perfection dans ce qui pourrait être, sur le plan de la narration, un film des frères Cohen.

Jeunet retrace cette fois-ci une aventure humaine hors-norme où le destin d’un jeune homme, peu gâté par la vie, interprété par Dany Boon, va affronter d’affreux marchands d’armes et va devoir développer des trésors d’ingéniosité pour piéger ces puissants et machiavéliques personnages.

Le réalisateur insuffle un rythme incroyable à sa production lorsqu’il campe des personnages excentriques dans des décors complètement farfelus et glisse ces petits détails quotidiens, si humains, tout au long du film.

Les décors sont, comme à l’accoutumée, emprunt d’un onirisme frappant, les objets qui meublent l’histoire sont surprenant et les acteurs choisis pour leurs caractéristiques physiques produisent un tout d’une parfaite cohérence.

Ce film, vous l’aurez compris, est plus que convaincant. Le style de Jeunet ne se renouvelle pas vraiment mais confirme, s’il est besoin, qu’il est un grand réalisateur. Qu’il est homme à s’attaquer à de réels projets scénaristiques et pas seulement un as de la réalisation et de la photo.

Alors oui c’est du Jeunet, pas un de ceux qui dérangent par son ambiance inquiétante, proche d’un expressionnisme d’antan, comme La Cité Des Enfants Perdus ou Délicatessen, pas non plus de ceux qui tombent dans la romance à l’esthétique exacerbée comme Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain ou Un long dimanche de fiançailles, mais un entre-deux parfaitement maîtrisé qui prouve que le style de Jeunet est parvenu à la maturité et qu’il n’est pas dans une sorte de redite mal digérée due à un manque d’inspiration.

Petits objets prenant vie, décors fantasmagoriques, personnages singuliers aux caractères bien trempés, couleurs passées, rythme effréné et bizarreries en tout genre le tout emballé dans un comique burlesque résument en quelques mots cette œuvre.

Si vous appréciez les films parfaitement orchestrés, que vous n’avez pas peur des bon clichés qui réchauffent le cœur, et qu’une part de rêve et de morale bon enfant ne vous font pas peur, alors ruez-vous dans les salles et laissez-vous entraîner par le jeu cinématographique d’un Jean-Pierre Jeunet plus que jamais jubilatoire.