Second tour des régionales: Carole Delga renverse le Front national

Ce 13 décembre 2015 marque le deuxième tour des élections régionales. En France métropolitaine, Les Républicains arrivent en tête dans six régions sur treize. Le Parti socialiste dans cinq dont le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.

Le Front national n’emporte aucune région mais place tout de même 358 conseillers en France. « C’est une défaite victorieuse », fanfaronne Gilbert Colard, député frontiste du Gard. Malgré la défaite le Front national réalise son meilleur score national avec 400 000 électeurs de plus par rapport aux présidentielles de 2012.

Le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées divisé

Le taux de participation passe de 52% à 62% soit une évolution de 401 425 électeurs supplémentaires. En Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées le second tour a mobilisé. Carole Delga, tête de liste de l’union de gauche, a réussi son pari. Elle gagne aisément la présidence de la région avec 44,8% des voix. L’alliance du Parti socialiste avec le Nouveau monde de Gérard Onesta a porté ses fruits.

Louis Aliot, en tête du premier tour, réussi à séduire plus de 172 000 nouveaux électeurs. La défaite du Front national est donc à relativiser. Report de voix ou mobilisation frontiste d’entre-deux tours, le FN se consolide notamment dans le Gard et les Pyrénées-Orientales où il arrive en tête.

Le « ni retrait ni fusion » de Dominique Reynié, tête de liste de l’union de la droite, lui assure 25 sièges au conseil régional de Toulouse. Même l’Aveyron, fief natal du politologue, ne lui octroie que la deuxième place.

Si la fusion n’avait pas eu lieu, le Languedoc-Roussillon aurait probablement eu comme président de région Louis Aliot. Une nette division est visible avec le Midi-Pyrénées qui reste rose puisque le FN n’arrive à prendre la tête d’aucun de ses départements.

40 conseillers régionaux siégeront à Toulouse sous les couleurs du Front national. Leur part est considérable, puisqu’ils sont plus nombreux que les conseillers régionaux LR-UDI (25). Les 93 autres sièges seront occupés par les élus de l’union de la gauche. Le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées est la seule région de France où le FN a plus de conseillers que l’union de droite.


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Voici commune par commune le résultat du deuxième tour en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées (en noir les communes où le FN est en tête, en rose l’union de la gauche, en bleu l’union de la droite) :

Au plan national un rapport de force plus équilibré

À l’échelle nationale le parti de Nicolas Sarkozy est en tête dans sept régions : Normandie, Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Alsace-Champagne-Ardenne, Auvergne-Rhône-Alpes, Pays-de-la-Loire et Ile-de-France. En 2010, la droite n’avait que l’Alsace, aujourd’hui elle est majoritaire. Le retrait de deux listes socialistes au nord et au sud leur a permis de former un front républicain contre le FN.

L’union de la gauche menée par le Parti socialiste se contente de cinq régions : la Bretagne, l’Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin, le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, la Bourgogne-Franche-Comté et le Centre-Val-de-Loire. La perte de sept régions anciennement socialistes semble exprimer le mécontentement des électeurs envers la gauche gouvernementale.

Particularité corse, la région passe aux mains du nationaliste Gilles Simeoni tête de liste « Pè a Corsica ». Il rafle 45% des suffrages.



Tous les résultats par région sont disponibles sur cette carte interactive (cliquez sur la capitale de votre région pour découvrir les résultats) :

Joël Gombin : « Le FN est très haut parce que la majorité de l’électorat ne vote pas »

Joël Gombin est politologue et chercheur au CNRS de l’université de Picardie-Jules Verne. Il revient sur le rôle crucial de l’abstention dans le score du FN aux régionales.
Dimanche 13 décembre, les électeurs de Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées sont invités à départager Louis Aliot (Front national), Carole Delga (Parti socialiste) et Dominique Reynié (Les Républicains).



Vous avez créé une carte de la géographie électorale du vote Front national (FN). Vous avez dégagé trois catégories d’électeurs frontistes : les « inactifs », les « rétifs » et les « travailleurs ». Cette dernière catégorie se trouve dans le sud et dans la région de Montpellier. Qui sont ces « travailleurs » et en quoi se différencient-ils des autres ?


Il faut d’abord préciser que les noms qu’on a donné à ces types sont réducteurs, c’est un choix éditorial. La composition socio-professionnelle et la pénétration du FN sont les principales variables qui nous ont servi à bâtir la typologie. Ces trois catégories se basent sur des territoires et non sur des individus. Ce qui caractérise les territoires des « travailleurs », c’est leur base électorale. Elle est davantage composée d’actifs, de salariés du secteur privé comme les ouvriers, les employés ou les cadres supérieurs. Ces mondes du travail sont caractérisés par une économie fragile et déconnectée des grandes métropoles et de la mondialisation.


À part Montpellier et Toulouse qui sont dans la recherche et les secteurs de pointe, tout repose en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées sur une économie traditionnelle – agricole – et résidentielle – service à la personne, tourisme. Les revenus sont tributaires des prestations sociales et des flux de redistributions (ndlr, une part du salaire est directement reversée à la sécurité sociale, aux retraites…) . C’est une économie peu productive. Ceux qui votent FN dans cette région sont souvent des individus issus de la bourgeoisie rurale en déclin. Ils se sentent exclus de ces gros centres urbains qui profitent de la mondialisation.


Comment peut-on expliquer le « succès » du FN dans le sud de la France ?


Ce succès dépend de la structure de l’électorat. Pour le PACA et le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, la droite s’est construite autour de la question de l’Algérie française, anti-gaulliste. Ses habitants sont pour beaucoup des pieds-noirs, dont leur économie dépendait de l’empire colonial. La gauche non communiste avait fait du clivage colonial le base de son soutien politique. Mais l’arrivée du FN en 1984 dans la région va tout faire basculer. Le FN est devenu le seul parti à proposer une offre pour cette question.


Il n’y a pas eu de modèle économique pour gérer ces territoires avec des très riches et très pauvres. Les très riches ont eu accès aux biens, et vivaient d’une rente foncière. Cela explique pourquoi l’immobilier a explosé dans cette région, en fragilisant les plus pauvres de la classe moyenne. Le FN représente le désarroi de ces classes moyennes, qui se sentent menacées par cette économie peu dynamique et qui menace la bourgeoisie en déclin économique.


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Quels intérêts sociaux peut représenter le FN en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ?


Le succès du Front national, c’est de proposer un ensemble d’intérêts, parfois totalement divergeants. Dans cette région, le FN a mis en place très tôt des enjeux identitaires et culturels. En balançant sur les immigrés, le FN s’est mis à valoriser un autre groupe social se trouvant en bas de la hiérarchie.

En étant mis en avant, cet électorat se mobilise autour de la rhétorique de la dignité. La droite et la gauche s’adressent à des classes sociales qui montent, diplômées, avec un fort capital culturel. Les catégories de population mises de côté sont récupérées par le FN et leur redonne ce sentiment de dignité.


Le candidat frontiste Louis Aliot a-t-il adapté son discours envers son électorat du Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ?


Ce n’est pas vraiment une adaptation. Concernant la question de l’immigration, aucun des cadres du parti ne peut se permettre de prendre des libertés par rapport à la ligne conduite du centre. Il reste une forte forme d’orthodoxie pour ça. Le discours de Louis Aliot est plus dû à sa trajectoire personnelle. Il a été marqué par la question algérienne, c’est un rapatrié. Il y a dans cette question une dimension politique et émotionnelle très forte pour lui.


Louis Aliot est le théoricien de la dédiabolisation depuis les années 90, bien avant Florian Philippot. Mais elle était tournée vers l’antisémitisme et non pas vers les immigrés maghrébins. Et cela est propre à son rapport au conflit algérien, comme s’il existait encore. Pendant la guerre, les arabes étaient désignés automatiquement comme musulmans et n’ont jamais eu accès à la citoyenneté française. Alors que des Algériens juifs l’ont eu. Ce n’est pas un calcul d’adaptation envers son électorat mais sa trajectoire propre qui veut ça. En plus, il est basé à Perpignan, où l’emprise culturelle catalane, gitane et maghrébine est très forte. Pour les municipales en 2014, il n’a pas hésité à s’appuyer sur la communauté gitane pour s’élever et contribuer à la division avec la communauté maghrébine.


Le candidat des Républicains Dominique Reynié a choisi de ne pas se retirer pour faire un front républicain contre le FN. Quelles peuvent être les conséquences pour Louis Aliot au second tour ?


Au premier tour, une partie de l’électorat de droite s’est probablement déjà tournée vers Louis Aliot. Ceux qui ont choisi Dominique Reynié sont moins porté sur le FN. Le report de voix de Reynié vers Aliot n’est donc pas valable pour moi. Quant aux abstentionnistes, ce qu’on sait aujourd’hui, c’est que l’électorat Front national se mobilise plus que ceux des autres partis pour voter FN. Quand la participation baisse, le vote FN est donc plus visible.

Le FN est très haut pour les régionales parce que la majorité de l’électorat ne vote pas. Mais la base électorale du FN progresse. La question aujourd’hui, c’est ce qui va se passer pour les présidentielles. C’est un scrutin qui mobilise beaucoup plus. En 2017, est-ce que le vote FN va être noyé parmi les autres qui se mobilisent ou pas ? La question abstentionniste est très difficile à sonder.

Régionales: la gauche et le Front National au coude-à-coude au second tour

Depuis mardi 8 décembre à 18h, les candidats ayant réuni plus de 10% des suffrages au premier tour ont déposé leur liste en préfecture. Dimanche 13 décembre, le second tour opposera la liste de gauche Delga/Onesta à celle du candidat des Républicains Dominique Reynié et celle du frontiste Louis Aliot. Chaque camp mise sur d’incertaines réserves de voix qui rendent le match serré entre la gauche et le Front National (FN).

TAK O TAK: Question pour un champion… de région.



« Le choix est difficile là… », Delga et ses concurrents ont du mal à répondre à nos questions… pourtant très simples ! Pris à leur propre piège, les candidats à la présidence de la grande région tiquent, butent, ricanent, bafouillent. Foot ou rugby ? Tielle sétoise ou canard ? France ou Europe ? L’emmerdeur ou Le Boulet? Le suspense est intenable….

Reynié , Delga , Aliot , Saurel , Onesta , passent le test du TAK O TAK.

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