François Hollande : « Je m’échauffe pour être prêt à reprendre la compétition »

Un an jour pour jour après son renoncement à briguer un second mandat, François Hollande revient sur les enjeux de son quinquennat et insinue un éventuel retour en politique.

Depuis plusieurs mois, François Hollande sillonne la France et entend maintenir le lien avec ses concitoyens.
À l’occasion d’un « Grand oral » avec les élèves de l’IEP (Institut d’études politiques) de Bordeaux, l’ancien chef de l’État est intervenu, auprès de la jeunesse, ce vendredi 1er décembre sur « La mondialisation vue de l’Élysée ». Les étudiants l’ont interpellé sur l’écologie, la défense, l’économie et la culture dans le cadre de son mandat.

Un accueil chaleureux

Au Théâtre national de Bordeaux (TNBA), François Hollande fait salle comble. L’ancien dirigeant est accueilli sous les applaudissements, un an après avoir décidé de ne pas se représenter à la présidence du pays. La conférence est ponctuée d’éclats de rire, en raison des caricatures des dessinateurs Large et Urbs, réalisées et projetées en simultané derrière lui. Mais également suite aux plaisanteries de l’ancien chef de l’État.

Et c’est dans cette atmosphère détendue et bon enfant que l’ancien premier secrétaire du parti socialiste aborde les sujets plus sérieux qui ont rythmé son mandat.

Le Mali et la COP21, ses deux grandes réussites

Mais très rapidement, ses réponses aux questions des étudiants revêtent des allures de plaidoyer pour son quinquennat.

Lorsque les étudiants évoquent l’affaiblissement du pays dû à son mandat, il garantit qu’il a eu « des choix à faire  ». Et insiste sur la victoire du Mali et de la COP21, « signes de l’influence de la France » selon lui.

En matière d’écologie, il soutient que la conférence pour le climat a été une « prise de conscience planétaire » au niveau des États mais aussi des régions, des entreprises, des particuliers… « L’écologie a gagné la partie  » certifie-t-il.

Des caricatures des dessinateurs Large et Urbs étaient projetées pendant la conférence.

« Daesh a perdu »

Concernant les questions sur le terrorisme et les attentats, l’ancien chef de l’État l’affirme : « Daesh a perdu ». Il accuse Bachar El-Assad d’avoir « massacré son peuple  ».

En n’occupant plus qu’une partie réduite en Irak et en Syrie, l’organisation État Islamique (EI) aurait perdu de son influence, en raison notamment de l’action de la France pour « éradiquer le terrorisme  » se félicite-t-il. Mais il précise que ce n’est « pas terminé avec cette crise », et que « nous devons convaincre l’Iran et la Russie que l’avenir de la Syrie ne peut s’effectuer par le maintien de Bachar El-Assad ».

François Hollande réaffirme l’enjeu de la cybersécurité et de la solidité de la démocratie, de sa cohésion, pour faire face à cette « guerre qui va durer longtemps ».

« Je souhaite à Emmanuel Macron de réussir là où nous n’avons pas échoué »

Les étudiants poursuivent sur la politique de défense de la France. L’ancien dirigeant ne cesse de louer les bénéfices d’une Europe qui doit « garantir la sécurité » et remarque que le contexte d’aujourd’hui est encore plus favorable au couple franco-allemand. « Le besoin d’Europe est encore plus grand actuellement » souligne-t-il.

Lorsque la crise de la zone euro est abordée, il ne reconnait aucune défaite et déclare qu’il « souhaite à Emmanuel Macron de réussir là où nous n’avons pas échoué ».

« Je suis fier d’être un révélateur de talents »

L’ancien chef de l’État a ensuite évoqué la nomination de son ex-ministre de la Culture, Audrey Azoulay, à la tête de l’Unesco. « Je suis fier d’être un révélateur de talents  » plaisante-t-il, déclenchant l’hilarité dans la salle. Une blague lourde de sens car fait-elle certainement référence à Emmanuel Macron, son ancien protégé, ministre de l’économie devenu président de la République.

À la fin de la conférence, des élèves de l’IEP lui demandent s’il a repris le sport et notamment le football. Si l’ancien chef de l’État répond par la négative, il affirme cependant s’ « échauffer tout doucement pour être prêt à reprendre la compétition  », sous-entendu, en politique.

Des déplacements significatifs

Depuis trois mois, François Hollande multiplie les déplacements en tant que président de sa fondation « La France s’engage », initiée durant son mandat. Très présent sur la scène diplomatique, il s’est rendu au Portugal et en Corée du Sud. Il prévoit également de se rendre le 11 et 12 décembre à Dubaï, puis dès le début 2018 en Afrique et en Chine.

Ce samedi 2 décembre une rencontre est organisée avec l’ancien président américain, Barack Obama. François Hollande, en marche vers de nouveaux engagements ?

Second tour des régionales: Carole Delga renverse le Front national

Ce 13 décembre 2015 marque le deuxième tour des élections régionales. En France métropolitaine, Les Républicains arrivent en tête dans six régions sur treize. Le Parti socialiste dans cinq dont le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.

Le Front national n’emporte aucune région mais place tout de même 358 conseillers en France. « C’est une défaite victorieuse », fanfaronne Gilbert Colard, député frontiste du Gard. Malgré la défaite le Front national réalise son meilleur score national avec 400 000 électeurs de plus par rapport aux présidentielles de 2012.

Le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées divisé

Le taux de participation passe de 52% à 62% soit une évolution de 401 425 électeurs supplémentaires. En Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées le second tour a mobilisé. Carole Delga, tête de liste de l’union de gauche, a réussi son pari. Elle gagne aisément la présidence de la région avec 44,8% des voix. L’alliance du Parti socialiste avec le Nouveau monde de Gérard Onesta a porté ses fruits.

Louis Aliot, en tête du premier tour, réussi à séduire plus de 172 000 nouveaux électeurs. La défaite du Front national est donc à relativiser. Report de voix ou mobilisation frontiste d’entre-deux tours, le FN se consolide notamment dans le Gard et les Pyrénées-Orientales où il arrive en tête.

Le « ni retrait ni fusion » de Dominique Reynié, tête de liste de l’union de la droite, lui assure 25 sièges au conseil régional de Toulouse. Même l’Aveyron, fief natal du politologue, ne lui octroie que la deuxième place.

Si la fusion n’avait pas eu lieu, le Languedoc-Roussillon aurait probablement eu comme président de région Louis Aliot. Une nette division est visible avec le Midi-Pyrénées qui reste rose puisque le FN n’arrive à prendre la tête d’aucun de ses départements.

40 conseillers régionaux siégeront à Toulouse sous les couleurs du Front national. Leur part est considérable, puisqu’ils sont plus nombreux que les conseillers régionaux LR-UDI (25). Les 93 autres sièges seront occupés par les élus de l’union de la gauche. Le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées est la seule région de France où le FN a plus de conseillers que l’union de droite.


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Voici commune par commune le résultat du deuxième tour en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées (en noir les communes où le FN est en tête, en rose l’union de la gauche, en bleu l’union de la droite) :

Au plan national un rapport de force plus équilibré

À l’échelle nationale le parti de Nicolas Sarkozy est en tête dans sept régions : Normandie, Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Alsace-Champagne-Ardenne, Auvergne-Rhône-Alpes, Pays-de-la-Loire et Ile-de-France. En 2010, la droite n’avait que l’Alsace, aujourd’hui elle est majoritaire. Le retrait de deux listes socialistes au nord et au sud leur a permis de former un front républicain contre le FN.

L’union de la gauche menée par le Parti socialiste se contente de cinq régions : la Bretagne, l’Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin, le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, la Bourgogne-Franche-Comté et le Centre-Val-de-Loire. La perte de sept régions anciennement socialistes semble exprimer le mécontentement des électeurs envers la gauche gouvernementale.

Particularité corse, la région passe aux mains du nationaliste Gilles Simeoni tête de liste « Pè a Corsica ». Il rafle 45% des suffrages.



Tous les résultats par région sont disponibles sur cette carte interactive (cliquez sur la capitale de votre région pour découvrir les résultats) :

Joël Gombin : « Le FN est très haut parce que la majorité de l’électorat ne vote pas »

Joël Gombin est politologue et chercheur au CNRS de l’université de Picardie-Jules Verne. Il revient sur le rôle crucial de l’abstention dans le score du FN aux régionales.
Dimanche 13 décembre, les électeurs de Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées sont invités à départager Louis Aliot (Front national), Carole Delga (Parti socialiste) et Dominique Reynié (Les Républicains).



Vous avez créé une carte de la géographie électorale du vote Front national (FN). Vous avez dégagé trois catégories d’électeurs frontistes : les « inactifs », les « rétifs » et les « travailleurs ». Cette dernière catégorie se trouve dans le sud et dans la région de Montpellier. Qui sont ces « travailleurs » et en quoi se différencient-ils des autres ?


Il faut d’abord préciser que les noms qu’on a donné à ces types sont réducteurs, c’est un choix éditorial. La composition socio-professionnelle et la pénétration du FN sont les principales variables qui nous ont servi à bâtir la typologie. Ces trois catégories se basent sur des territoires et non sur des individus. Ce qui caractérise les territoires des « travailleurs », c’est leur base électorale. Elle est davantage composée d’actifs, de salariés du secteur privé comme les ouvriers, les employés ou les cadres supérieurs. Ces mondes du travail sont caractérisés par une économie fragile et déconnectée des grandes métropoles et de la mondialisation.


À part Montpellier et Toulouse qui sont dans la recherche et les secteurs de pointe, tout repose en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées sur une économie traditionnelle – agricole – et résidentielle – service à la personne, tourisme. Les revenus sont tributaires des prestations sociales et des flux de redistributions (ndlr, une part du salaire est directement reversée à la sécurité sociale, aux retraites…) . C’est une économie peu productive. Ceux qui votent FN dans cette région sont souvent des individus issus de la bourgeoisie rurale en déclin. Ils se sentent exclus de ces gros centres urbains qui profitent de la mondialisation.


Comment peut-on expliquer le « succès » du FN dans le sud de la France ?


Ce succès dépend de la structure de l’électorat. Pour le PACA et le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, la droite s’est construite autour de la question de l’Algérie française, anti-gaulliste. Ses habitants sont pour beaucoup des pieds-noirs, dont leur économie dépendait de l’empire colonial. La gauche non communiste avait fait du clivage colonial le base de son soutien politique. Mais l’arrivée du FN en 1984 dans la région va tout faire basculer. Le FN est devenu le seul parti à proposer une offre pour cette question.


Il n’y a pas eu de modèle économique pour gérer ces territoires avec des très riches et très pauvres. Les très riches ont eu accès aux biens, et vivaient d’une rente foncière. Cela explique pourquoi l’immobilier a explosé dans cette région, en fragilisant les plus pauvres de la classe moyenne. Le FN représente le désarroi de ces classes moyennes, qui se sentent menacées par cette économie peu dynamique et qui menace la bourgeoisie en déclin économique.


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Quels intérêts sociaux peut représenter le FN en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ?


Le succès du Front national, c’est de proposer un ensemble d’intérêts, parfois totalement divergeants. Dans cette région, le FN a mis en place très tôt des enjeux identitaires et culturels. En balançant sur les immigrés, le FN s’est mis à valoriser un autre groupe social se trouvant en bas de la hiérarchie.

En étant mis en avant, cet électorat se mobilise autour de la rhétorique de la dignité. La droite et la gauche s’adressent à des classes sociales qui montent, diplômées, avec un fort capital culturel. Les catégories de population mises de côté sont récupérées par le FN et leur redonne ce sentiment de dignité.


Le candidat frontiste Louis Aliot a-t-il adapté son discours envers son électorat du Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ?


Ce n’est pas vraiment une adaptation. Concernant la question de l’immigration, aucun des cadres du parti ne peut se permettre de prendre des libertés par rapport à la ligne conduite du centre. Il reste une forte forme d’orthodoxie pour ça. Le discours de Louis Aliot est plus dû à sa trajectoire personnelle. Il a été marqué par la question algérienne, c’est un rapatrié. Il y a dans cette question une dimension politique et émotionnelle très forte pour lui.


Louis Aliot est le théoricien de la dédiabolisation depuis les années 90, bien avant Florian Philippot. Mais elle était tournée vers l’antisémitisme et non pas vers les immigrés maghrébins. Et cela est propre à son rapport au conflit algérien, comme s’il existait encore. Pendant la guerre, les arabes étaient désignés automatiquement comme musulmans et n’ont jamais eu accès à la citoyenneté française. Alors que des Algériens juifs l’ont eu. Ce n’est pas un calcul d’adaptation envers son électorat mais sa trajectoire propre qui veut ça. En plus, il est basé à Perpignan, où l’emprise culturelle catalane, gitane et maghrébine est très forte. Pour les municipales en 2014, il n’a pas hésité à s’appuyer sur la communauté gitane pour s’élever et contribuer à la division avec la communauté maghrébine.


Le candidat des Républicains Dominique Reynié a choisi de ne pas se retirer pour faire un front républicain contre le FN. Quelles peuvent être les conséquences pour Louis Aliot au second tour ?


Au premier tour, une partie de l’électorat de droite s’est probablement déjà tournée vers Louis Aliot. Ceux qui ont choisi Dominique Reynié sont moins porté sur le FN. Le report de voix de Reynié vers Aliot n’est donc pas valable pour moi. Quant aux abstentionnistes, ce qu’on sait aujourd’hui, c’est que l’électorat Front national se mobilise plus que ceux des autres partis pour voter FN. Quand la participation baisse, le vote FN est donc plus visible.

Le FN est très haut pour les régionales parce que la majorité de l’électorat ne vote pas. Mais la base électorale du FN progresse. La question aujourd’hui, c’est ce qui va se passer pour les présidentielles. C’est un scrutin qui mobilise beaucoup plus. En 2017, est-ce que le vote FN va être noyé parmi les autres qui se mobilisent ou pas ? La question abstentionniste est très difficile à sonder.

À la Mosson, l’abstention rime avec sanction

Lors du premier tour des élections régionales le 6 décembre, 70% des électeurs de la Mosson à Montpellier se sont abstenus. Une tendance habituelle dans ce quartier miné par les inégalités sociales, le désenchantement politique, mais aussi sensible à l’état d’urgence et à l’islamophobie. Une accumulation qui se traduit par un malaise palpable. Reportage.

Une ville dans la ville. Un quartier à perte de vue, avec ses tours et ses logements sociaux à profusion. 26 000 habitants, dont moins de la moitié (11403) inscrits sur les listes électorales. Et 23% de taux de participation enregistré dans le bureau de vote Heidelberg (B90) au premier tour des élections régionales 2015. La Mosson, plus communément appelée la Paillade, est caractéristique de ces quartiers populaires où l’abstention prospère. Une tendance qui s’explique à la fois par des critères sociologiques, de trop fortes contraintes procédurales pour pouvoir voter, et un profond désenchantement politique.

Un « No man’s land électoral »

« L’abstention bat des niveaux record dans les quartiers populaires ». Dans son bureau de l’Université de Montpellier, Jean-Yves Dormagen, chercheur au CEPEL (Centre d’Etudes Politiques de l’Europe Latine) et spécialiste de l’abstention, accumule les dossiers d’enquêtes qualitatives à ce sujet. Il explique s’être intéressé à ce phénomène à la Mosson en 2011 : « Il y a des caractéristiques sociologiques qui favorisent l’abstention dans ce quartier. Les électeurs sont plus jeunes, peu diplômés, de parents étrangers, souvent peu ou pas qualifiés. La désinsertion, due au décrochage scolaire et au chômage, y contribue également ». Un « No man’s land électoral », que les chiffres révélés dans un rapport préfectoral en 2012 tendent à confirmer : 31 % d’habitants de nationalité étrangère (contre 11 % pour l’ensemble de Montpellier), un taux de chômage de 46 % chez les moins de 26 ans, 12 500 personnes vivant sous le seuil de pauvreté, et 45% de la population sans diplôme.

Et les procédures pour s’inscrire sur les listes électorales n’arrangent rien : « Sur cet aspect, on est encore au Moyen-âge. C’est absurde », lance l’auteur de La démocratie de l’abstention. « Il faudrait une réforme radicale de l’inscription sur les listes et de la procuration, notamment grâce à des démarches en ligne », explique-t-il. Une alternative virtuelle, qui permettrait de lever de réelles barrières dissuasives pour les jeunes des quartiers populaires. Et si les bureaux de proximité sont censés permettre d’éviter les trajets jusqu’au centre-ville, c’est raté pour cette année : celui de la Mosson n’a pas été ouvert en septembre pour ceux qui auraient souhaité s’y inscrire.

Des jeunes peu informés, une campagne inexistante

Dans un petit local situé dans le secteur dit Oxford, au cœur de la Paillade, Ilham a ouvert l’association « Union pour l’avenir » (UPA). Elle a choisi de s’occuper de l’accompagnement et de l’insertion des jeunes du quartier (de 18 à 25 ans). « Le vote est un devoir civique, c’est donc important. J’essaye de les sensibiliser aux enjeux électoraux ». Une démarche pas toujours évidente… Car même si les jeunes sont « réceptifs », ils manquent cruellement d’informations, mais aussi de culture politique. « On ne parle du vote que pendant les élections. Il faudrait leur en parler dès le lycée ». Par ailleurs, les « décrocheurs scolaires » pâtissent particulièrement. Beaucoup n’accomplissent pas leur JDC (Journée défense et citoyenneté, ex-JAPD) et ne peuvent, par conséquent, pas s’inscrire sur les listes et voter.

La campagne électorale aurait peut-être pu encourager les habitants à se rendre aux urnes. Mais Djamel Boumaaz, natif du quartier qui vient de quitter le Front National, s’exclame : « Il n’y a pas eu de campagne ici ! On n’a reçu aucun programme ou bulletin de vote dans les boîtes aux lettres, il n’y a pas eu de démarchage, et pas de rabatteurs devant les bureaux de vote dimanche », poursuit-il, avant de rappeler qu’en plus de tout ça, les magasins étaient ouverts à l’occasion des fêtes de fin d’année.

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Du désenchantement à l’indifférence

Attablé dans une boulangerie très fréquentée de Saint-Paul, Adil observe, soucieux, la pluie battante à l’extérieur. Ce père de famille de 39 ans fait partie des 70% de Pailladins qui ne se sont pas déplacés au bureau de vote dimanche 6 décembre. Et il le revendique : « Sur Facebook, j’ai appelé à ne pas voter, à sanctionner ce gouvernement de menteurs », argue-t-il. Ce militant associatif qui se bat depuis 20 ans contre les injustices sociales se dit « démoralisé » : « Le vote n’a jamais rien changé pour nous. On doit se battre pour des choses banales, comme un simple terrain de foot », explique-t-il, en jouant nerveusement avec des grains de sucre éparpillés sur la table.

Gauche, droite… Les habitants ne font simplement plus la différence. Un désenchantement pour ces électeurs de François Hollande, parfois anciens sympathisants PS. Mohamed*, autre militant associatif de la Mosson âgé de 36 ans, avait adhéré au parti pendant quelques temps. Mais depuis deux ans, il n’a pas renouvelé sa carte d’adhésion : « Je ne me reconnais plus dans la classe politique actuelle. La gauche et la droite nous servent le même baratin », regrette ce trentenaire, qui n’a pas voté au 1er tour de ces élections régionales.
Autre problème, la défiance envers les politiques : « Les élections sont devenues un business. Les jeunes n’ont plus envie qu’on marchande leur voix. Les candidats ne sont plus crédibles à leurs yeux, ils n’y croient plus », ajoute Ilham.

Par la force des choses, les habitants de ce quartier ont appris à faire avec… Ou plutôt sans. Ismaël*, assis aux côtés d’Adil, pense qu’il fait partie de ceux qui ne comptent pas. Il explique, avec beaucoup de sérénité, qu’une certaine forme de « résilience », s’est installée avec le temps dans le quartier : « C’est dans notre culture. Si on ne nous donne rien, on apprend à se débrouiller en pensant que c’est la loi de la nature. » C’est bien un mépris réciproque qui existe désormais entre les habitants et les politiques, mais un « mépris sans colère… Une indifférence paisible », souligne-t-il.

Le FN ne fait plus peur

Dans ce contexte, plus rien n’effraie les Pailladins. Le risque FN, autrefois argument choc pour mobiliser les électeurs, ne marche plus. Ismaël raconte qu’il entend souvent, au détour d’une phrase, « on n’a pas peur du FN, on s’en fiche ». Adil, quant à lui, affirme que « le PS applique déjà les idées du FN. Avec l’état d’urgence, on cible une communauté. Les perquisitions, les bavures, la stigmatisation ou la déchéance de nationalité… », énumère-t-il, révolté.

Si la montée du Front National ne les effraie plus, certains vont même jusqu’à voter pour le parti : Louis Aliot, tête de liste FN, est arrivé en tête dans deux bureaux de vote du quartier, Heidelberg avec 31,55% et Sedar Senghor avec 35,51% des voix (B89 et B92). « On préfère l’original à la copie ! » s’exclame Adil, avec ironie. « Au moins avec eux, on sait à quoi s’attendre ». Un résultat à la fois surprenant et alarmant, dans un quartier où la population est souvent d’origine maghrébine. « Les gens sont perdus », lance Mohamed. « Moi, je n’oublie pas que c’est un parti profondément raciste. Je voterai au 2ème tour car je considère qu’il doit y avoir un sursaut républicain », ajoute-t-il. Et il n’est pas le seul à vouloir faire barrage au parti de Marine Le Pen. Ismaël est catégorique : « J’ai voté au 1er tour car je suis alerté par le danger FN. C’est une autre limonade, et je n’ai pas envie d’y goûter. » Dimanche, lors du second tour des élections, le taux d’abstention devrait être similaire dans ce quartier, où l’espoir semble avoir disparu.

*A la demande de ces personnes, leur nom a été modifié.

Régionales: la gauche et le Front National au coude-à-coude au second tour

Depuis mardi 8 décembre à 18h, les candidats ayant réuni plus de 10% des suffrages au premier tour ont déposé leur liste en préfecture. Dimanche 13 décembre, le second tour opposera la liste de gauche Delga/Onesta à celle du candidat des Républicains Dominique Reynié et celle du frontiste Louis Aliot. Chaque camp mise sur d’incertaines réserves de voix qui rendent le match serré entre la gauche et le Front National (FN).

TAK O TAK: Question pour un champion… de région.



« Le choix est difficile là… », Delga et ses concurrents ont du mal à répondre à nos questions… pourtant très simples ! Pris à leur propre piège, les candidats à la présidence de la grande région tiquent, butent, ricanent, bafouillent. Foot ou rugby ? Tielle sétoise ou canard ? France ou Europe ? L’emmerdeur ou Le Boulet? Le suspense est intenable….

Reynié , Delga , Aliot , Saurel , Onesta , passent le test du TAK O TAK.

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Languedoc-Roussillon / Midi-Pyrénées : le milieu culturel, social et touristique en parle

Ils travaillent dans la culture, le social et le tourisme : trois compétences de la future région Languedoc-Roussillon / Midi-Pyrénées. Gaston, dessinateur, Frédéric Gal, directeur général de l’association Le Refuge et Frédéric Destaillats, directeur de l’Ecole supérieure de tourisme (EFHT) se penchent sur les enjeux du scrutin des 6 et 13 décembre prochains. Et refont le match des capitales Montpellier – Toulouse.

Autour d’un café pris sur la place de la Comédie, le dessinateur Gaston est dubitatif sur l’avenir de la grande région : « On ne sait pas trop ce qu’ils vont faire de ce territoire qui sera plus grand que la Belgique ! » Pour lui, la culture reste «le parent pauvre» et il n’attend pas plus de subventions de la part de la super institution. «Ce qui va changer, c’est que nous allons traiter avec d’autres personnes. Ce sera plus facile d’être chauvin en rejetant la faute sur Toulouse si on n’a pas d’argent !», ironise ce Montpelliérain.

Frédéric Gal, est plus inquiet. Le directeur général de l’association le Refuge travaille avec la région en menant des actions de sensibilisation contre l’homophobie dans les lycées. Il redoute que la thématique du social soit «noyée dans un flot d’autres compétences».

De son côté, Frédéric Destaillats, directeur de l’EFHT, école privée de tourisme, ne reçoit pas de subvention de l’instance régionale. C’est en toute neutralité qu’il pense que la nouvelle région peut être «une force de frappe» au plan du développement économique, un axe ô combien «essentiel» dans les deux régions : «Il ne faut pas scier la branche sur laquelle on est assis ».

Compétences régionales et secteurs professionnels

«Au Refuge, on a la chance ou la malchance d’être sur plusieurs thématiques», précise Frédéric Gal qui souhaiterait voir la compétence sociale de la région couplée avec celle de la santé. L’association est notamment en charge de la prévention sur les thèmes du suicide et des risques sanitaires et sexuels. Elle préférerait donc voir ses actions considérées séparément : «Le suicide au sens général n’est pas la même prise en charge que le suicide lié aux discriminations » .

Du côté de l’EFHT, on parle volontiers de lier la compétence développement économique avec celle du tourisme, nouvellement partagée avec le département : «Le tourisme est une part importante du Languedoc-Roussillon. Il faut que les élus y prêtent une attention particulière en développant les budgets en conséquence et en mettant en commun les atouts des deux régions » . Pour le directeur, on peut par exemple jouer sur les deux aéroports comme levier de développement économique.

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Aucun candidat ou programme privilégié

Malgré leurs secteurs de travail différents, les trois professionnels n’ont clairement pas été touchés par un candidat ou un programme particulier. Frédéric Destaillats a «vaguement entendu» prononcer le mot «tourisme» lors de la campagne. «J’ai surtout vu des candidats se battre sur leur propre liste», plaisante-t-il.

Même son de cloche au Refuge, « ça serait bien de privilégier une politique sociétale plutôt qu’une politique de partis ». Selon Frédéric Gal, bien que tous les politiques aient intégré la notion de discrimination, «les candidats privatisent ce sujet alors qu’il devrait être transversal et orienté sur le respect de l’autre ». Pour lui, le problème reste la mise en place d’actions concrètes : «Dans la campagne, j’aurais aimé que l’on se pose la question de comment agir contre l’homophobie, avant de faire des promesses qui, on le sait, sont rarement tenues » .

Gaston admet avoir «une sensibilité de gauche» mais Carole Delga, la candidate PS, lui semble « trop téléphonée ». Il votera « sûrement écolo au premier tour » et « PS au second ». Et conclut, tonitruant : « La gauche est tellement dispersée ici que ça en devient risible ! S’ils ne sont pas au second tour, on sera la région la plus con de France !»

Montpellier ou Toulouse ?

Comme beaucoup de Montpelliérains, nos trois intervenants adorent discuter le match des capitales. Leurs avis convergent sur la «complémentarité des deux villes». Gaston pointe leur ressemblance : toutes deux étudiantes et dynamiques. Mais pour le dessinateur il est logique que Toulouse l’ait emporté : «La ville est plus grande et le siège d’importantes entreprises » .

Plus que la logique, la flamme Montpelliéraine l’emporte : « Par pur chauvinisme, je choisis Montpellier, évidemment », lance Frédéric Gal. « On va rester local en disant Montpellier », renchérit Frédéric Destaillats. Le directeur de l’EFHT précise néanmoins : «Toulouse a un tourisme d’affaire qu’il n’y a pas à Montpellier, plus tournée vers le balnéaire ». Selon lui, il va être intéressant de mettre les forces en commun « même si Montpellier doit garder une compétence propre ». Et pour Frédéric Destaillats cela doit être le tourisme. Rassembleur, il appelle les élus à « se mettre autour de la table » et à « prendre les décisions de manière intelligente pour éviter que les deux villes ne tirent la couverture vers elle ». Tout ça pour que Montpellier « n’ait pas de complexe d’infériorité ».

Gaston le rejoint sur ce point : « Évitons juste la bagarre ! L’essentiel est que les deux villes marchent main dans la main. Montpellier est deuxième, il faut faire avec et trouver des secteurs dans lesquels elle peut être première ».

Fusion, compétences, candidats, capitales : pour eux trois aucun enjeu particulier n’est pour l’heure ressorti de cette campagne, malgré les nouveautés du scrutin. La nouvelle région reste juste un flou qu’il va falloir vite dissiper.

Régionales 2015:
Dominique Reynié: « Je suis porteur du plus beau projet »

Dominique Reynié est le chef de file des Républicains et de l’UDI pour les élections régionales en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Le 12 novembre 2015, il nous accueillait dans ses locaux de campagne à Toulouse. Une interview où il se confie sur son passage laborieux de politologue à homme politique pour les élections des 6 et 13 décembre prochains.

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Régionales 2015 :
Philippe Saurel: « Chaque homme a le droit à sa part de souveraineté »

Philippe Saurel est la tête de liste des Citoyens du Midi pour les élections régionales en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Également maire de Montpellier et Président de sa nouvelle métropole, nous l’avons rencontré le 13 novembre 2015. Dans l’interview, il montre comment il s’est lancé tête baissée dans les élections régionales des 6 et 13 décembre prochains.

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Régionales 2015 :
Gérard Onesta : »On a donné le signal qui manquait pour que l’espoir revienne »

Gérard Onesta est la tête de liste du « Nouveau Monde » (FG, EELV, PO, NGS), pour les élections régionales en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Nous l’avons rencontré à Toulouse, entre deux rendez-vous, le 10 novembre 2015. Dans l’interview, il présente sa vision de la politique citoyenne et participative, pour ces élections régionales des 6 et 13 décembre prochains.

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