« Un instant de réconciliation avec l’humanité »

Hier soir, Marianne Aya Omac et Joan Baez ont donné un concert exceptionnel pour la clôture des Internationales de la guitare à Montpellier.

Cet instant de réconciliation chanté et déclamé par Marianne Aya Omac a marqué la ville de Montpellier. Le Peyrou était plein à craquer. Selon les vigiles, il devait accueillir 15 000 personnes. Toutes générations confondues : grands-parents, enfants, parents, adolescents, étudiants.
Le concert a débuté sur les chapeaux de roues avec des problèmes de logistique : la production parisienne n’aurait pas été prévenue de la première partie de Marianne. Celle-ci enflamma le public en jouant seule avec sa guitare dans la foule. Puis, Joan Baez lui prêta la scène et ses musiciens.

Marianne a remercié l’égérie américaine en lui dédicaçant une chanson. Et, elle déclama une version pacifiste de la Marseillaise. Joan Baez participa à cette première partie et entama son spectacle. A 20 mètres de la scène, la foule scrutait du regard la prêtresse en ouvrant grand les oreilles et des larmes coulaient. Un groupe de cinq mères de famille disait : «c’est la première fois qu’on la voit en vrai! La nouvelle génération doit être fière de ces artistes car ils influencent toute la musique d’aujourd’hui».

En reculant de la scène, on pouvait voir le Peyrou noir de monde aussi bien sur les côtés qu’à la buvette. L’émotion fut encore plus forte lorsque Joan Baez se mit à chanter Gracias a la vida. Des espagnols et des italiens chantaient à tue-tête. Puis, une jeune fille d’une vingtaine d’année s’exclamait en hurlant : «nous n’étions pas là, il y a quarante ans mais aujourd’hui nous sommes là, Joan. Notre génération ne t’oublie pas».
Joan Baez termina son concert notamment avec la balade de Sacco et Vanzetti et la célèbre comptine yiddish Dona Dona. Elle salua la foule en promettant son retour très prochainement à Montpellier.

Presse, réveille-toi !

Il faut que ce soit les politiciens, et a fortiori ceux qui ont eu par le passé à pâtir de la presse, qui la défendent et la secouent, autant qu’elle le mérite.

Alors que, depuis ce matin, les radios et chaînes d’informations continues scandent comme un événement planétaire la présence en demi-finale de Roland-Garros d’un Français (phénomène plus ou moins rare), on en oublierait presque la présence de véritables informations. Les vraies.

Comme le premier sondage donnant le « non » victorieux en Irlande. Oui, vous avez bien lu. Le premier sondage, à une semaine du référendum sur l’adoption du traité de constitution simplifié de Lisbonne, qui donne le « non » victorieux (35 % de « non » et 35 % d’indécis tout de même), personne n’en parle. Enfin, si. France Info en a parlé. Un flash entre deux discours dithyrambiques sur les capacités de joueur de Gaël Monfils ou des témoignages de collègues/famille/amis/ancienne voisine de quand il était jeune, on nous annonce un « sondage inquiétant pour l’Irlande ». Et basta.

Après un déni démocratique en France, visant à aller contre la volonté du peuple (qui s’est laissé faire) en imposant un traité simplifié reprenant peu ou prou l’essentiel de ce dont le peuple n’a pas voulu, voilà la presse qui fait preuve une fois de plus de son inféodation aux arcanes du pouvoir.

Dominique de Villepin donc, invité par l’université Paris Dauphine le 6 mai et que le site Marianne2 vient de publier, rappelle les manquements à la presse généraliste et la conseille pour qu’elle fasse ce qu’elle serait supposée n’avoir jamais cessé de faire.

Après un Bayrou conspué, un Dupont-Aignan « interdit de TF1 » (selon ses propres termes), et un Villepin épargné par Clearstream, mais toujours sous le coup d’une enquête, Combien faudra t-il de voix de standing avant que le vieux mastodonte ne se réveille et « reprenne les armes » ?

« Défendre la liberté de la presse, sans enjeux partisans »

Dans le cadre de la Comedie du livre, à Montpellier, les trois capitaines Edwy Plenel, Jean-François Kahn, et Franz-Olivier Giesbert se sont interrogés sur le naufrage possible de la presse papier.

Un casting de choix, et un décor sublime, malheureusement assez peu adapté aux causeries, celui de l’Opéra Comédie. Philippe Lapousterle pose aux trois géants de la presse française que sont Jean-François Kahn [[fondateur des hebdomadaires L’évenement du Jeudi et Marianne]], Franz-Olivier Giesbert [[directeur du magazine Le Point, et animateur de l’émission Chez FOG sur France 5]], et Edwy Plenel [[Directeur de publication du journal en ligne Mediapart et ancien directeur de la rédaction du quotidien Le Monde]], la question : Peut-on éviter le naufrage de la presse papier ?

Mais, la question est-elle mal posée, ou les intervenants mal choisis ? En effet, Jean-François Kahn le rappelle : « Les trois patrons que nous sommes sont des exceptions dans le panorama de la presse française, puisque nos titres gagnent de l’argent, ou du moins n’en perdent pas ». Edwy Plenel, quant à lui, recentre rapidement le thème du débat. Pour lui, la question n’est pas d’éviter la naufrage de la presse papier, mais de sauver une presse indépendante des pouvoirs politiques et économiques. Une presse qui défende « Les vérités de faits qui, comme l’écrit Hannah Arendt dans la crise de la culture, seront toujours en danger face aux vérités d’opinions. »

Jean-François Kahn : « Dans une vraie économie de marché, il n'y aurait plus de journaux du tout en France »
À cette presse indépendante s’oppose la publicité en premier lieu. Celle-ci dispose d’un pouvoir de séduction sur le public, puisqu’elle peut rendre l’objet journal gratuit. Pour Jean-François Kahn, c’est une situation aberrante. « Imaginez une seule seconde que, devant une boulangerie, quelqu’un s’installe et se mette à distribuer du pain gratuit, aussi bon que celui du boulanger, payé par la publicité. Qui accepterait cela ? La loi elle-même interdit au nom de la concurrence ce genre de situation. Si la presse se trouvait dans une vraie économie de marché, il n’y aurait plus de journaux du tout en France ! »

De l’interprétation du libéralisme

Franz-Olivier Giesbert semble moins inquiet : « Il ne s’agit pas d’un naufrage, mais la presse traverse une crise. Et ce, partout en Europe ». L’analyse qu’il présente est peu ou prou celle qu’a défendu l’institut Montaigne dans son rapport de 2006 pour « Sauver la presse quotidienne d’information ». Pour lui, les gratuits ne peuvent pas être tenus pour responsables de la crise de la presse. D’une part parce qu’il s’agit « d’ersatz » de journaux, d’autre part parce qu’« une situation de concurrence dope les ventes » et enfin parce que « les gratuits amènent vers le papier un public qui ne lisait pas auparavant ». Les principales causes de la crise sont à chercher ailleurs : dans le coût de fabrication des journaux ; dans le manque de points de distribution ; dans la dépendance des entreprises de presse aux aides de l’Etat ; et dans le manque de concurrence.
Franz-Olivier Giesbert : « La concurrence dope les ventes »

Pour Edwy Plenel aussi, l’une des raisons de la crise de la presse est un manque de libéralisme. Mais pas de libéralisme économique, de libéralisme politique : « Il y a un problème démocratique. Comment pouvons nous accepter une situation comme celle de la conférence de presse présidentielle de janvier ? 600 journalistes, 15 questions, aucun droit de réponse, et plus grave encore : la profession entière qui rit de voir le président se moquer de l’un des leurs[[ Laurent Joffrin de Libération]]. Et pour finir, on applaudit le président ; on applaudit l’acteur. »

Jean-François Kahn abonde dans le sens d’Edwy Plenel : « Le public voit une connivence entre les journalistes, et se méfie de la presse. Au point d’aller exactement à l’inverse de ce que défendent les journaux, comme on a pu le voir avec la constitution européenne. Il faut repenser la façon d’écrire ». Pour lui, cette connivence va de paire avec le fait que la plupart des entreprises de presse appartiennent à des groupes qui vivent de commandes publiques comme Lagardère, Dassault et Bouygues.

Edwy Plenel : « Il y a un problème démocratique »

Contre toute attente, Franz-Olivier Giesbert lui-même va s’émouvoir de l’absence de sens critique de la profession à l’égard de la communication politique : « Ce n’est pas grave que les politiques critiquent les journalistes, c’est le jeu. Or, le conformisme est la clef de tout. En France, on étouffe les débats, la presse refuse la contradiction. La presse vit en dehors du monde ».

Jean François Kahn va conclure ce trop court débat : « Il faut défendre cette idée d’une presse libre, mais sans enjeux partisans. Il faut condamner les atteintes à la liberté, même quand les situations qui sont générées nous arrangent ».

David Abiker

David Abiker, chroniqueur sur France Info et le site Arrêt sur Images, était vendredi 7 décembre invité à Montpellier dans le cadre d’une conférence au bénéfice des étudiants du Master Journalisme de la faculté de Droit. Il s’est exprimé sur son métier de chroniqueur et sur les mutations que subit l’information avec le support que représente Internet. Il a ensuite répondu aux questions d’un étudiant.

Dans un premier temps, il a décrit son parcours professionnel et ce qui l’a amené aux métiers de l’écrit. Suite à une première carrière dans la communication il s’est s’intéressé à l’écriture de chroniques. Après une remise en question, David Abiker a abandonné le salariat pour se consacrer à la chronique. Son attrait pour l’écriture et l’aspect sociologique du net l’ont poussé vers les blogs. De là, il s’est familiarisé avec le quotidien des internautes (blogs, etc.)
Il présente par ailleurs les sites sur lesquels il aime aller chercher de l’information.

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Plus spécifiquement sur les enjeux d’Internet pour l’information, David Abiker revient sur l’impact de la publicité sur la toile et s’attarde sur le positionnement des journaux, qu’ils soient en papier ou virtuels. Il dénonce à ce titre l’autocensure dont peuvent user les rédactions, ainsi que la dépendance qui peut exister à l’égard de l’actionnaire majoritaire.
Presses papier et web se complètent sur les contenus, et forment un ensemble dont le journaliste est l’éclaireur auprès des citoyens.

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Les projets de sites d’informations fleurissent à l’heure actuelle, entre Arrêt sur images, MediaPart, et les projets gratuits comme Rue89 ou Marianne2. Chacun envisage un modèle économique et un public, profitant des transformations des habitudes des citoyens en matière de multimédia. Le chroniqueur détaille et donne son point de vue sur la question et approfondit l’épineux problème de l’impact du payant pour l’information elle-même.

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Féru de blogs, il revient sur l’importance des commentaires, et du « tout participatif » que promet Internet. Si l’intérêt s’avère souvent limité, le commentaire permet toutefois de quantifier l’intérêt du lecteur, chose impossible à réaliser dans le journal papier.

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Pour finir, l’invité du master revient sur les sites en ligne des quotidiens de référence, et l’idée qu’il se fait de l’avenir de la presse, dont il voit la complémentarité entre le net et le papier.

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Après la conférence et l’entretien, instructifs et chaleureux, David Abiker s’est rendu au Club de la Presse de Montpellier.