Louis Aliot, le passe-partout

Compagnon de la présidente du FN et numéro deux du parti, Louis Aliot au look de gendre idéal désarçonne même ses adversaires. Mais le favori du premier tour en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées est surtout un redoutable homme d’appareil au service de la famille Le Pen depuis plus de deux décennies.

Cette semaine, nous vous proposons une série d’articles consacrés aux élections régionales. Retrouvez nos portraits et nos vidéos dans notre dossier.

« Au sein de l’équipe de campagne c’est l’ambiance start-up », affirme content de lui Frédéric Gourier, membre de l’équipe de campagne de Louis Aliot. « C’est lui qui porte le costume-cravate et il est exigeant », rajoute-t-il sourire en coin. Mais qui se cache derrière le vice-président du Front National à l’ascension éclair ?

Chez les Le Pen, Louis Aliot a conquis le père avant la fille. Il adhère au Front National en 1990. Bon petit soldat, il se fait remarquer l’année suivante en terminant major de l’université d’été du parti. Puis, tout s’accélère. En 1999, il est directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen, et coordinateur de la campagne présidentielle de 2002 durant laquelle le FN se hisse au second tour.

Opération séduction en terres catalanes

Pour progresser encore, Aliot doit se trouver une terre d’élection. Né en 1969 à Toulouse d’une mère rapatriée d’Algérie et d’un père ariégeois, Louis Aliot passe son enfance entre la Haute-Garonne et l’Ariège. Mais ce sera Perpignan, où le parti lui confie la mission de raviver la flamme frontiste ainsi que dans les Pyrénées-Orientales (PO). Son patient travail d’implantation auprès de la communauté pied-noire et des notables du cru s’avère vite payant : sa liste « Perpignan, ville libre » remporte plus de 10% aux municipales. Jaume Roure, fondateur du parti Unitat Catalana, qui le côtoie au conseil municipal à l’époque, n’est pas tendre : « Je l’ai toujours affronté, il verse dans le nationalisme français, mais dans le pire sens du terme. Il est dans le populisme, le repli sur soi. Ce n’est pas un adversaire avec lequel on peut sympathiser».

D’autres sympathisent pourtant avec l’homme en coulisses. À droite notamment. Jean-François Fons, tête de liste pour le FN dans les PO, a rencontré Louis Aliot alors qu’il était élu UMP à la mairie de Perpignan. « À l’époque, affirme-t-il, Louis était dans l’opposition et j’étais le seul à le saluer. On a sympathisé, et je l’ai finalement rejoint ». Lorsqu’on lui demande de décrire la personnalité d’Aliot, Jean-François Fons commence sa phrase en affirmant vouloir être « honnête ». « Louis, dit-il, est quelqu’un de calme, à l’écoute. Quand on le connaît peu il passe pour un discret, mais sur le plan humain il a des qualités indéniables ».

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Une « sociabilité méditerranéenne » tout-terrain

Louis Aliot, c’est aussi cette « sociabilité méditerranéenne », précise l’historien Nicolas Lebourg, chercheur à l’Université de Perpignan Via Domitia. « Celui qu’on croise à Perpignan, attablé en terrasse de café, à qui l’on vient serrer la main ou faire la bise». Une stratégie qui pourrait payer, selon Valérie Igounet, autre chercheuse associée à l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP-CNRS). « Ce qui peut jouer pour les régionales, c’est son côté sympathique, son accent du sud, sa présence sur le terrain », affirme-t-elle.

Un style désarçonnant… qui contribue à séduire certaines catégories de la population. « Il est très à l’aise dans tous les milieux », assure Jean Miclot. Ancien du Front National, il est aujourd’hui tête de liste gardoise derrière une autre liste d’extrême-droite conduite par Jean-Claude Martinez (France Force Sud). « Je l’ai vu tenant des têtes de cochon avec des paysans dans le Gard. C’est aussi l’ami des notables, le copain de Roland Dumas… Et il est apprécié des pieds-noirs et harkis de la région », énumère-t-il. Ce que confirme Thierry Rolando, président national du Cercle algérianiste. « Aliot appartient à cette communauté et en épouse les drames. Il a un positionnement très fort sur les questions mémorielles liées aux Français d’Algérie et harkis », argue-t-il.

Louis Aliot sait donc user avec subtilité de son passé politique comme familial ou de son métier d’avocat pour séduire les électeurs. « De manière vulgaire et naturelle, Aliot désarme les gens car il ne correspond pas à l’image de l’extrême-droite. Il représente à lui seul un instrument de normalisation », explique Nicolas Lebourg, spécialiste du Front National. « Juifs, femmes, pieds-noirs… Louis Aliot ouvre des tiroirs pour toucher un panel plus large » que le FN traditionnel, détaille Valérie Igounet. « Je ne dirais pas qu’il soit désarmant. C’est plutôt un représentant exemplaire de ce nouveau FN, plus « modéré » », ajoute-t-elle.

Certains « codes frontistes » subsistent pourtant dans ses discours. « Louis Aliot utilise encore régulièrement l’expression « Trois couleurs, un drapeau », car c’est la capacité à intégrer des populations diverses qui fait la grandeur de la France selon lui ». Une formule dérivée de « Trois couleurs, un drapeau, un empire », lancée par le service d’information du régime de Vichy. « S’il cherche à se démarquer sur la sémantique, les thématiques restent sensiblement les mêmes », ajoute Valérie Igounet. Dans son journal de campagne, Aliot parle du « grand repeuplement » qui n’est pas non plus sans évoquer le « grand remplacement », cher à Renaud Camus, écrivain français qui est à l’origine du concept.

Un moteur essentiel de la « dédiabolisation » du FN

Instigateur de la soit disant « dédiabolisation » du Front national, Louis Aliot a longtemps été un lepéniste (version Jean-Marie) pur et dur. « En 1998, il adresse une lettre aux adhérents FN de Haute-Garonne en leur demandant de ne pas rejoindre Bruno Mégret et de rester fidèles à Jean-Marie Le Pen », rappelle Valérie Igounet, auteure du Front National de 1972 à nos jours : le parti, les hommes, les idées.

Mais sa stratégie de conquête du pouvoir au plan national comme local passe par une volonté de rompre dans les années 90 avec l’antisémitisme et les obsessions raciales du parti. « À l’époque, il est opposé au courant Terre et Peuple, ouvertement racialiste, initié par Pierre Val », détaille Nicolas Lebourg. Les saillies de Jean-Marie Le Pen le « heurtent », car ce qu’il souhaite défendre avant tout est « le populisme national classique de la fin du XIXème siècle ». Lorsque le fameux « point de détail de l’histoire » est évoqué par Jean-Marie Le Pen, Louis Aliot ira jusqu’à rédiger un communiqué de presse indiquant que ces propos n’engagent pas le parti. Il sera convoqué par le président du parti et lui proposera sa démission.

S’il est le conjoint de Marine Le Pen, aujourd’hui présidente du parti, qu’en est-il de sa liberté d’expression ? « Il s’offre une certaine liberté sur les sujets qui lui importent », affirme Nicolas Lebourg.
Louis Aliot était d’ailleurs contre l’exclusion de Jean-Marie Le Pen en août 2015, en signe de respect pour ses cinquante ans de carrière politique. « Aliot ne l’aurait pas exclu et surtout pas de cette façon », indique Valérie Igounet. « Même s’il vit avec la présidente du parti, qui occupe une place politico-médiatique plus importante, il s’est fait une véritable place au sein du Front National », argue l’auteure.

France Jamet : « Les élus du FN en Languedoc-Roussillon sont à 100% derrière Marine »

France Jamet est la présidente du groupe Front National au Conseil régional du Languedoc-Roussillon. Elle est également la fille d’Alain Jamet, membre historique du FN et président du comité de soutien à Marine Le Pen. Elle supporte la vice-présidente du FN dans la prochaine élection interne du parti, visant à désigner le successeur de Jean-Marie Le Pen.

Jean-Claude Martinez : « depuis 35 ans j’élève le peuple. Je leur fais croire qu’ils sont intelligents. »

Comment fait-on campagne quand on s’appelle Jean-Claude Martinez, qu’on a été pendant 25 ans vice-président du FN, puis exclu de ce même parti, après des différents avec la progéniture du père fondateur ? Comment fait-on campagne sans l’étiquette FN ? Comment fait-on campagne lorsqu’on dispose d’un petit budget et que les derniers sondages vous créditent de 0,5 % des voix ? A 3 jours du premier tour, rencontre avec l’aberrant, hyperactif et inclassable leader en Languedoc Roussillon de la liste La Région, la France, la Vie.

« Ce sont de faux habitants dans cette ville, un vrai décor de cinéma. »

« C’est beau, c’est grand, c’est fort la vie » telle est la devise de Jean-Claude Martinez. Mercredi 10 mars au marché d’Uzès (Gard), il a fallu toute la force de ce slogan à l’ex-vice-président du FN, pour convaincre les quelques rares électeurs. Refroidis par le froid et la neige ? Sans doute d’autant qu’« ici, c’est un marché bobos, il n’y a que des madamettes qui achètent bio. Ils ne sont pas à moins de 5 000 € par mois ». Tenace, il apostrophe pourtant « la bourgeoisie » et les commerçants à grand renfort d’humour, et de jovialité exubérante. « Si je trouve des clients, je vous les amène et vous vous m’amenez des électeurs ! » plaisante t- il auprès du boucher.

A ses militants, il ironise « Il faudrait peut-être trouver un électeur ! Allez, on s’agite, allons trouver les commerçants ! ». Ils sont huit ou neuf fidèles à le suivre, des anciens du Front National (FN) ou du Mouvement Pour la France (MPF) qu’il a ralliés à sa cause. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il font corps avec leur candidat : « suivez-le, qu’il y ait du monde sur la photo ! » souffle l’un d’eux. Un autre, en passant devant un étal de charcuterie, tape sur l’épaule du candidat en s’exclamant : « tu devrais acheter des saucissons pour montrer aux musulmans qu’on aime le porc ! »

Chez les commerçants l’accueil n’est pas beaucoup plus chaleureux. Une vendeuse refuse le livret que lui tend la tête de liste « je suis apolitique, mais je vote blanc, je n’ai pas besoin de tous vos blablas ! ». Piqué, Martinez s’en va en maugréant « ce sont de faux habitants dans cette ville, un vrai décor de cinéma. Ils croient qu’on peut bâtir une économie avec des robes en coton équitable ! ». Et justement, lui, veut construire une vraie économie, avec une agriculture qui permet de faire vivre les agriculteurs, pas une «imposture du bio» comme le préconisent les Verts.

Il fait pourtant preuve de lucidité quant à son avenir incertain à la tête de la région. Crédité de 0,5% dans le dernier sondage, il avance les 1%, « c’est 1 000 voix, soit le nombre de résistants en 1940. Jésus, ce con, n’a fait que 12 voix et la 13e elle l’a trahit ». Puis il rebondit sur le pape qui en prend pour son grade : « il devrait s’occuper d’autre chose que des capotes ! »

Après le marché ça sera direction les vignobles. La crise de la viticulture ? «Quand on arrache une vigne, on plante de l’Allemand ou de l’Anglais !» s’exclame t-il. La solution ? « Un conservatoire de vignoble pour stocker les terres et installer les jeunes. »

« Si Jean-Marie a un pépin, c’est moi qui irait à la DDASS pour déclarer qu’il est maltraité par sa fille »

Depuis le 17 novembre 2008, Jean-Claude Martinez a été exclu du FN. Pourtant pendant 25 ans, il en a été le vice-président, la tête pensante (ndlr. il a écrit la majorité des discours de Jean-Marie Le Pen). C’est une grande «affection» qui l’unit à Jean-Marie Le Pen. Ils ne se sont pas « quittés dans le drame ». L’affection demeure, au point que « Si Jean-Marie a un pépin, c’est moi qui irait à la DDASS pour déclarer qu’il est maltraité par sa fille » s’esclaffe le bougre. Mais sur ce coup-là, le leader frontiste n’a pas pu soutenir son ami : Marine et France Jamet, même combat, même filiation, même fidélité.

Voilà donc Martinez à son compte, pour « ouvrir une autre voie ». Une maison de la vie et des libertés pour être précis. «Un terme chaud, un refuge pour tous ceux qui appartiennent à la grande famille des hommes, les vignerons, les agriculteurs, les personnes âgées, les moutons… s’emballe-t-il». Une cassure irrémédiable donc avec le FN, mais surtout avec la fille de son «ami Jean-Marie» qui se joue sur la «vie», explique t-il. «Je ne peux pas le suivre sur ce terrain là, je suis contre la peine de mort, contre l’euthanasie…».

« Depuis 25 ans j’élève le peuple. Je leur fait croire qu’ils sont intelligents »

Sans l’étiquette FN, plus difficile la campagne ? « Non, c’est la même puisque les gens sentent que je suis différent. Je ne suis pas dans l’uniformité des autres partis. Je leur donne un livret pas un tract. » Justement le programme de M. Martinez compte 100 mesures axées sur trois thèmes Protéger nos racines, ouvrir nos ailes et embellir nos vies. Poétique non ? Normal, ce Sétois, brillant universitaire et ami de Maurice Clavel a été parolier de Frida Boccara.

Cent mesures, n’est ce pas un peu indigeste pour l’électorat ? Point du tout : « C’est la grandeur de l’universitaire d’élever le débat. Depuis 25 ans j’élève le peuple. Je leur fait croire qu’ils sont intelligents, je suis là pour élever leur sphincter moral ». Faire croire aux électeurs qu’ils sont intelligents ou les traiter de cons, la nuance est faible. Pas pour Martinez. lui «engueule les gens pour les faire réagir», il ne les «caresse pas comme le fait Georges Frêche».

Le candidat déplore d’ailleurs qu’il ait insulté «un vrai homme d’Etat, un israélite.» et a eu l’audace de le taxer d’ «espagnol de merde» au cours d’une émission de Guillaume Durand à laquelle ils étaient tous les deux conviés. Pas rancunier le bonhomme, comme pour Le Pen, une grande affection l’unit au président de région sortant. «Il m’appelle mon frère» confie-t-il. Il affirme d’ailleurs avoir apporté la spiritualité, l’intellect à l’un, tandis qu’à l’autre il aurait pu amener la nuance, le devoir de l’universitaire d’élever le débat.

«Ceux qui votent FN vont à l’originale France Jamet, et ceux qui ne votent pas FN continuent de lui (ndlr. M.Martinez) coller l’étiquette FN.»

Paradoxal Martinez ? Ne lui dites surtout pas qu’il est d’’extrême droite, un mot «issu du bipartisme» qui lui hérisse le poil. Il affirme avoir tenté de changer la ligne du FN, il a même organisé une rencontre entre Jean-marie Le Pen et le roi Hassan II du Maroc (ndlr. il a été conseiller fiscal du roi et directeur d’étude à l’ENA du Maroc). Il devait aussi lui présenter Hugo Chavez, qu’il admire et a déjà rencontré à plusieurs reprises. Construire un «axe Europe- Amérique Latine», est d’ailleurs un point essentiel de son programme.

Finalement, cet hurluberlu de la politique, à la frontière entre la folie et le génie – «il est un peu fada et difficile à suivre !» selon un de ses co-listiers – se présente comme un «alternationaliste». Il accueille tout le monde dans sa «maison de la vie et des libertés». Pourtant en en voulant se détacher du « père fondateur », et surtout de la nouvelle étiquette FN portée par Marine Le Pen, il s’est tiré une balle dans le pied. Comme l’explique un de ses militants  » Ceux qui votent FN vont à l’originale France Jamet, et ceux qui ne votent pas FN continuent de lui coller l’étiquette FN. »

Enfin, lorsqu’on le questionne sur l’incohérence de son discours et de son parcours, il rétorque : «Ces classements sont stériles. A ce moment là, l’extrême droite commence à la SFIO. Je crois à la lutte des classes, regardez, ici à Uzès, les riches me reçoivent mal. Je ne suis contre personne. On ne tient pas 25 ans contre !».
Finalement c’est l’un de ses militant qui le résume le mieux :  » Martinez, il avait la tête au FN et le cœur ailleurs ». C’est beau, c’est grand, c’est un peu fort tout de même…

Retour au dossier spécial Régionales 2010 en Languedoc-Roussillon

Mis à jour le 13 mars à 22h30

Identité nationale : le FN cherche à tirer profit d’un débat controversé

Jeudi 14 janvier, Marine Le Pen, numéro deux du Front national, était l’invitée de l’émission « A vous de juger» sur France 2. La députée européenne s’est livrée à un face à face houleux avec Eric Besson sur la question de l’identité nationale.

Enfin ! La confrontation sur la question de « l’identité nationale » entre Eric Besson et Marine Le Pen a eu lieu. Et c’est une petite victoire pour la fille du leader frontiste. Il faut se rappeler en effet que le ministre de l’immigration et de l’identité nationale avait annulé sa participation à un débat à Liévin (Pas-de-Calais), prévu initialement le 13 janvier, après avoir appris la venue de Mme Le Pen. Annulation qui avait provoqué les foudres de la numéro deux du FN, dénonçant « une reculade puérile et ridicule » qui témoignait de la « couardise et de la piètre idée de la démocratie » du ministre. (Voir la vidéo). Marine Le Pen tenait donc là sa revanche.

« Un débat lancé comme un thème de campagne »

Sur le fond, la confrontation s’est avérée largement stérile, entre bataille de chiffres approximatifs et attaques personnelles. Eric Besson a tenté de retrouver des accents républicains, qui lui échappaient quelque peu ces derniers temps, face à une Marine Le Pen offensive et fidèle aux positions frontistes. Le ministre de l’identité nationale et de l’immigration continue de se féliciter de la tenue de ce débat, le voyant comme le « signe de la fin d’un monopole que s’est octroyé le FN pendant un certain nombre d’années ». La députée européenne s’en est prit quant à elle à «un débat lancé comme un thème de campagne » qui ne répondait pas aux vraies questions.

Et de reprocher à Eric Besson un manque d’honnêteté quant à l’intitulé du débat. Selon elle, celui-ci aurait dû d’entrée se placer sur la question de l’immigration. L’occasion pour la numéro deux du FN d’appeler, une nouvelle fois, à un « débat sur l’immigration ». « Peut-on continuer à accueillir dans notre pays l’équivalent de la population de la ville de Lille ? » s’est elle interrogée.

Un débat finalement sans vraie conséquence, duquel l’auditoire retiendra sans doute la surprenante conclusion de Mme Le Pen. Surprenante question d’abord : «Combien pèse le fait d’être français ? ». Et réponse à la mesure de la question : « Être français pèse un gramme, le poids d’un bulletin de vote, le seul privilège que les français ont encore ». Pour le reste, la fille du leader frontiste est restée sur les positions tenues pas le Front National sur le débat depuis son lancement, début novembre.

« Une escroquerie électorale »

Déjà invitée de France 2, le 1er novembre, alors que le « grand débat sur l’identité nationale » venait d’être lancé par Eric Besson, Marine Le Pen fustigeait une « escroquerie électoraliste » qui n’avait comme seul but de « ressouder une majorité qui part en lambeaux ». (Voir la vidéo).

Derrière cette admonestation, la numéro deux du FN s’inquiétait surtout d’une opération politique et médiatique de la majorité visant à conserver l’électorat frontiste qui s’était rallié à la candidature de Nicolas Sarkozy en 2007. C’est en substance ce qu’elle déclarait dans une tribune au Monde, du 22 décembre, s’en prenant à un président de la République qui souhaite « retenter le « coup » de la campagne de 2007 : apparaître comme le protecteur de notre pays, de ses valeurs et de son identité face à toutes les agressions ».

Refusant que ce débat ne soit l’apanage du gouvernement, le Front national n’avait pas tardé à réagir en lançant dès le 4 novembre « son » site consacré au « débat » sur l’identité nationale : identitenationale.net. Un espace, peut on lire sur ce site, qui constitue une réponse au gouvernement qui a « fait le choix d’un débat fermé, ficelé, dont les conditions d’organisation dans les sous-préfectures […] ne sont pas à la hauteur de l’enjeu ». Le site n’omet toutefois pas de préciser que ce débat « est essentiel, fondamental, car il conditionne notre vie de tous les jours mais aussi l’existence même de notre Nation ».

Un contexte favorable

Le Front national tentait ainsi de ne pas laisser le débat lui échapper. Sans doute le contexte dans lequel il se déroule depuis le mois de novembre l’a-t-il aidé. Entre la votation suisse sur les minarets, les nombreux dérapages du débat et sa dérive vers des questions liées à l’immigration, le parti frontiste est apparut en capacité de redevenir audible.

A commencer par Jean-Marie Le Pen et sa fille. En réaction à la tribune de Nicolas Sarkozy dans Le Monde, le 9 décembre, la députée européenne se félicitait, sur le site du Front national, « que Nicolas Sarkozy soit obligé sous la pression populaire de reconnaître la validité du référendum suisse et à appeler à une pratique religieuse non ostensible dans la sphère publique ». Et d’ajouter, « C’est là une victoire idéologique du Front National qui a été le premier à se féliciter du vote helvétique ». Et la numéro deux du FN renchérissait sur France 5, le 8 janvier, en estimant que « le débat leur échappe l’UMP] car ils ne l’ont jamais maitrisé » ([voir la vidéo).

Son père, Jean-Marie Le Pen n’a lui non plus pas été en reste. Ainsi ironisait-il, lors de ses vœux à la presse, le 6 janvier, en remerciant le président de la République de lui avoir rendu un fier service en lançant ce débat dans l’espoir de « siphonner » les voix d’extrême droite, comme à la présidentielle de 2007. Pour le leader frontiste, « en lançant en pleine campagne électorale un débat truqué sur l’identité nationale, aux bons soins du ministre socialiste et immigrationniste de l’Immigration, Nicolas Sarkozy a involontairement réveillé les Français ».

« un risque de remontée du Front national »

Autant de prises de positions qui inquiètent, à droite comme à gauche, en vue des élections régionales de mars prochain. Car dans ce contexte, Jean-Marie Le Pen estime son parti en capacité de se maintenir au second tour dans « dix à douze régions« . A droite, François Baroin, député (UMP) de l’Aube et maire de Troyes a été le premier à s’en inquiéter. Dans un entretien au Monde, il évoquait « un risque de remontée du Front national favorisé par la crise, d’une part, et par ce débat qui, au fond, ne peut que le servir ». Dans la même veine, Azouz Begag, ancien ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances dénonçait, dans les colonnes de Sud-ouest, un débat « indigne de la République française » qui va « profiter » au Front National.

Il reste qu’en dépit d’un Front national apparemment de nouveau galvanisé par ce débat, rien n’indique son retour en force sur le plan électoral. Un sondage TNS Sofres/Logica (lire ici) réalisé les 4 et 5 janvier indique que les français sont de plus en plus nombreux à se démarquer des idées frontistes. Seuls 18% des sondés adhéreraient toujours aux thématiques du parti de Jean-Marie Le Pen.