Campagne héraultaise d’un candidat socialiste

Les 24 et 25 janvier 2011, Arnaud Montebourg était en déplacement dans l’Hérault. Venu défendre sa candidature aux primaires socialistes de 2011, le président du conseil général de Saône-et-Loire était également en quête de soutiens.

Rencontre avec les élus de gauche, les militants socialistes, conférence devant les étudiants de l’Université Montpellier 1 ou bien visite d’une pépinière d’entreprises à Lunel, l’avocat de formation a accompli un marathon, véritable plaidoyer pour son rêve présidentiel.

HautCourant a suivi de près cette campagne héraultaise et vous présente son reportage.


Arnaud Montebourg en campagne dans l'Hérault.
envoyé par masterjournalisme08. – L'info internationale vidéo.

Premier tour des Régionales : Le pouls des QG de campagne

Dimanche 14 mars avait lieu le premier tour du scrutin des élections régionales. Voici un tour d’horizon des QG de campagne des partis en lice. Entre joies et déceptions, l’effervescence était de mise à Montpellier.

mdx_mairie-2.jpg 19h50 : À la mairie de Montpellier, on se presse pour obtenir les premières réactions d’Hélène Mandroux. Le maire de Montpellier, candidate pour le parti socialiste attend les derniers citoyens pour clôturer son bureau de vote. « Le premier parti de France ce soir, c’est le parti de l’abstention. C’est regrettable » lâche Hélène Mandroux. Par la suite, elle évoque les estimations dont elle a eu vent. « Les trois listes de gauche auraient rassemblé 30 % des votes, Georges Frêche serait au-dessus des 30 %, l’UMP de Raymond Couderc, en revanche, serait en-dessous des 20 %. Mais, c’est surtout le Front National qui aurait obtenu plus de 10 % des suffrages ». Vers une quadrangulaire ? « Oui, ce qui serait assez original ». Les chiffres officiels ne sont pas encore sortis, l’espoir est toujours de mise.

20h : Fermeture du bureau de vote, dans l’attente d’une nouvelle déclaration.

DSCN5363-2.jpg 20h25 : Au QG d’A Gauche Maintenant, place de la Comédie, jeunes et plus vieux s’étaient rassemblés en nombre autour de René Revol pour attendre les résultats.

Dans les couloirs, les jeunes tentent de mettre l’ambiance en entonnant le refrain de l’Internationale malgré la déception des militants. À l’image de cet élu de Grabels, technicien en informatique de 40 ans : « On est déçu, on a fait des meetings. Nous on a un programme, on a discuté avec les citoyens, on a parlé de choses concrètes et c’est celui qui a le moins de fond qui passe ! ».

Non loin de là, Jean-Luc, 57 ans, trente années au Parti Socialiste, a suivi Jean-Luc Mélenchon voilà deux ans. Ce soir, à son arrivée au QG, il a eu droit à une belle fausse joie : « Y en a un qui avait mal entendu les estimations. Il a dit qu’on avait fait 13%. Manque de bol, à la télé, ils évoquaient le Front National, et non le Front de Gauche ». Ce qui l’exaspère, c’est que « les journaux n’aient pas joué le jeu. Et c’est le populisme qui le remporte ».

À l’écart, René Revol nous confie ses premières impressions alors que les résultats officiels ne sont pas encore tombés mais l’avenir s’annonce sombre. « C’est une situation difficile. L’opération Frêche a brouillé les résultats. Il y a eu une sorte d’écran de fumée construit par Frêche et ceux qui l’ont attaqué. Nous n’étions pas arrivés à instaurer une dynamique aussi importante depuis longtemps. Nous avons fait une campagne très militante, très citoyenne, très mobilisatrice. On avait 700 militants au dernier meeting » lance-t-il écœuré. Au moment de le quitter, il nous interpelle dépité « Si vous trouvez Mandroux et Roumégas, dites leurs que je voudrais bien les voir ! ».

couderc-2.jpg 20h55 : À quelques mètres de là, Raymond Couderc jubile malgré des résultats plus bas qu’espérés. Dans l’exigu local de campagne à côté de l’Opéra, seuls l’équipe de campagne et les journalistes sont présents. Il explique aux médias son résultat (inférieur à ce qui était annoncé par les sondages 19% au lieu de 24 %), « je pense que les électeurs ont pu être agacés par la politique de réforme du Président de la République ». Mais d’après lui « tout est possible. Il y a plus d’un électeur sur deux qui n’est pas allé voter. Parmi les votants il y a deux électeurs sur trois qui rejettent Frêche ». Raymond Couderc se veut également « générateur d’un sursaut républicain. Entre les listes extrémistes nous apparaissons comme la seule alternative crédible. Ma confiance est totalement intacte pour le second tour ».

21h 35 : Dans le quartier d’Antigone, le QG de Georges Frêche est à la fête. Dans une ambiance de fin de concert, les militants sont réunis dehors. Une tente a été dressée pour l’occasion. En dessous et autour, on se tape sur l’épaule et partage joyeusement le verre de cette quasi victoire. « Ah, c’est bien de fêter la victoire du Georges ! » déclare une militante d’une cinquantaine d’années. L’homme aux petites phrases attire. Nombreuses étaient les télévisions à avoir proposé un direct en lieu et place du QG. « Le Georges » a filé vers les studios de 7LTV mais Joël Abati est là. L’ancien international français de handball se réjouit des 35 % fait par son équipe. « J’ai un sentiment de joie, on a bien travaillé. Mais ce n’est pas terminé, en langage sportif, je dirais qu’on est en finale ». Face à ceux qui estiment que G. Frêche a réalisé ce score à cause de sa personne et non de son programme, le champion ne l’entend pas de la même oreille : «Les gens sont intelligents, ils réfléchissent, voient ce qu’il a fait pour la région. Il ne faut pas prendre les gens pour» (pause). Avant de reprendre, « les gens sont intelligents, ils réfléchissent, tout ça ce sont des médisances. Ils ont lu le programme et nous, on l’a défendu sur le terrain ».

22h30 : Le couperet est tombé (7,7 % des suffrages pour le PS, 8,9 % pour le Front de Gauche et 9,1% pour Europe Écologie) et nous attendons la réaction de la candidate PS. Au quartier général, peu de monde se presse si ce n’est les journalistes (en nombre) qui attendent impatiemment l’arrivée de « la maire courage » (après avoir « poireauter » deux heures à la mairie dans l’attente d’une déclaration). Hélène Mandroux conclut la soirée en se félicitant « du succès du parti socialiste au niveau national » néanmoins elle « regrette qu’aucune des trois listes n’ait pu passer les 10% ». Avant d’ajouter, « j’ai eu Martine Aubry au téléphone, il faut faire barrage à la droite. De notre côté, nous laissons notre électorat choisir librement, voter en son âme et conscience ».


Déclaration Hélène Mandroux QG
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allies-2.jpg 22 h45: Paul Alliès, numéro 2 sur la liste d’Hélène Mandroux, porte-parole et chargé de la rénovation du parti socialiste (et par ailleurs directeur de notre master) est résolument tourné vers l’avenir. S’il « regrette la décision tardive du PS » parisien de soutenir une liste locale et la faible participation, il commente ainsi les résultats. « La gauche est éliminée et c’est un petit 21 avril, bien que nous ayons depuis août 2009 fait beaucoup de propositions pour qu’une large liste d’union de gauche se forme. Avec la règle des 10%, il fallait faire cette liste surtout pour affronter Frêche car même si on est les petits derniers, la gauche fait environ 30% ». Mais le conseiller régional sortant insiste sur les projets de son parti. « Ce qu’on a dit, on va le continuer. Nous allons rénover le PS sur des valeurs et nous n’allons pas céder d’un pouce à Georges Frêche qui a gagné grâce à son « régional – socialisme ». Les fédérations vont être confrontées à une entreprise de rénovation ». En ligne de mire, les prochaines échéances électorales avec un parti renové comme le préconisait François Mitterrand « il faut rénover le parti tous les quarts de siècle ».

23h30 : Hélène Mandroux souffle un peu, loin de la sphère médiatique. À notre départ, elle interpelle de façon narquoise à Paul Alliès « Hé Paul, Georges nous propose une fusion … ».

Retour au dossier spécial Régionales 2010 en Languedoc-Roussillon

Jean-Claude Martinez : « depuis 35 ans j’élève le peuple. Je leur fais croire qu’ils sont intelligents. »

Comment fait-on campagne quand on s’appelle Jean-Claude Martinez, qu’on a été pendant 25 ans vice-président du FN, puis exclu de ce même parti, après des différents avec la progéniture du père fondateur ? Comment fait-on campagne sans l’étiquette FN ? Comment fait-on campagne lorsqu’on dispose d’un petit budget et que les derniers sondages vous créditent de 0,5 % des voix ? A 3 jours du premier tour, rencontre avec l’aberrant, hyperactif et inclassable leader en Languedoc Roussillon de la liste La Région, la France, la Vie.

« Ce sont de faux habitants dans cette ville, un vrai décor de cinéma. »

« C’est beau, c’est grand, c’est fort la vie » telle est la devise de Jean-Claude Martinez. Mercredi 10 mars au marché d’Uzès (Gard), il a fallu toute la force de ce slogan à l’ex-vice-président du FN, pour convaincre les quelques rares électeurs. Refroidis par le froid et la neige ? Sans doute d’autant qu’« ici, c’est un marché bobos, il n’y a que des madamettes qui achètent bio. Ils ne sont pas à moins de 5 000 € par mois ». Tenace, il apostrophe pourtant « la bourgeoisie » et les commerçants à grand renfort d’humour, et de jovialité exubérante. « Si je trouve des clients, je vous les amène et vous vous m’amenez des électeurs ! » plaisante t- il auprès du boucher.

A ses militants, il ironise « Il faudrait peut-être trouver un électeur ! Allez, on s’agite, allons trouver les commerçants ! ». Ils sont huit ou neuf fidèles à le suivre, des anciens du Front National (FN) ou du Mouvement Pour la France (MPF) qu’il a ralliés à sa cause. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il font corps avec leur candidat : « suivez-le, qu’il y ait du monde sur la photo ! » souffle l’un d’eux. Un autre, en passant devant un étal de charcuterie, tape sur l’épaule du candidat en s’exclamant : « tu devrais acheter des saucissons pour montrer aux musulmans qu’on aime le porc ! »

Chez les commerçants l’accueil n’est pas beaucoup plus chaleureux. Une vendeuse refuse le livret que lui tend la tête de liste « je suis apolitique, mais je vote blanc, je n’ai pas besoin de tous vos blablas ! ». Piqué, Martinez s’en va en maugréant « ce sont de faux habitants dans cette ville, un vrai décor de cinéma. Ils croient qu’on peut bâtir une économie avec des robes en coton équitable ! ». Et justement, lui, veut construire une vraie économie, avec une agriculture qui permet de faire vivre les agriculteurs, pas une «imposture du bio» comme le préconisent les Verts.

Il fait pourtant preuve de lucidité quant à son avenir incertain à la tête de la région. Crédité de 0,5% dans le dernier sondage, il avance les 1%, « c’est 1 000 voix, soit le nombre de résistants en 1940. Jésus, ce con, n’a fait que 12 voix et la 13e elle l’a trahit ». Puis il rebondit sur le pape qui en prend pour son grade : « il devrait s’occuper d’autre chose que des capotes ! »

Après le marché ça sera direction les vignobles. La crise de la viticulture ? «Quand on arrache une vigne, on plante de l’Allemand ou de l’Anglais !» s’exclame t-il. La solution ? « Un conservatoire de vignoble pour stocker les terres et installer les jeunes. »

« Si Jean-Marie a un pépin, c’est moi qui irait à la DDASS pour déclarer qu’il est maltraité par sa fille »

Depuis le 17 novembre 2008, Jean-Claude Martinez a été exclu du FN. Pourtant pendant 25 ans, il en a été le vice-président, la tête pensante (ndlr. il a écrit la majorité des discours de Jean-Marie Le Pen). C’est une grande «affection» qui l’unit à Jean-Marie Le Pen. Ils ne se sont pas « quittés dans le drame ». L’affection demeure, au point que « Si Jean-Marie a un pépin, c’est moi qui irait à la DDASS pour déclarer qu’il est maltraité par sa fille » s’esclaffe le bougre. Mais sur ce coup-là, le leader frontiste n’a pas pu soutenir son ami : Marine et France Jamet, même combat, même filiation, même fidélité.

Voilà donc Martinez à son compte, pour « ouvrir une autre voie ». Une maison de la vie et des libertés pour être précis. «Un terme chaud, un refuge pour tous ceux qui appartiennent à la grande famille des hommes, les vignerons, les agriculteurs, les personnes âgées, les moutons… s’emballe-t-il». Une cassure irrémédiable donc avec le FN, mais surtout avec la fille de son «ami Jean-Marie» qui se joue sur la «vie», explique t-il. «Je ne peux pas le suivre sur ce terrain là, je suis contre la peine de mort, contre l’euthanasie…».

« Depuis 25 ans j’élève le peuple. Je leur fait croire qu’ils sont intelligents »

Sans l’étiquette FN, plus difficile la campagne ? « Non, c’est la même puisque les gens sentent que je suis différent. Je ne suis pas dans l’uniformité des autres partis. Je leur donne un livret pas un tract. » Justement le programme de M. Martinez compte 100 mesures axées sur trois thèmes Protéger nos racines, ouvrir nos ailes et embellir nos vies. Poétique non ? Normal, ce Sétois, brillant universitaire et ami de Maurice Clavel a été parolier de Frida Boccara.

Cent mesures, n’est ce pas un peu indigeste pour l’électorat ? Point du tout : « C’est la grandeur de l’universitaire d’élever le débat. Depuis 25 ans j’élève le peuple. Je leur fait croire qu’ils sont intelligents, je suis là pour élever leur sphincter moral ». Faire croire aux électeurs qu’ils sont intelligents ou les traiter de cons, la nuance est faible. Pas pour Martinez. lui «engueule les gens pour les faire réagir», il ne les «caresse pas comme le fait Georges Frêche».

Le candidat déplore d’ailleurs qu’il ait insulté «un vrai homme d’Etat, un israélite.» et a eu l’audace de le taxer d’ «espagnol de merde» au cours d’une émission de Guillaume Durand à laquelle ils étaient tous les deux conviés. Pas rancunier le bonhomme, comme pour Le Pen, une grande affection l’unit au président de région sortant. «Il m’appelle mon frère» confie-t-il. Il affirme d’ailleurs avoir apporté la spiritualité, l’intellect à l’un, tandis qu’à l’autre il aurait pu amener la nuance, le devoir de l’universitaire d’élever le débat.

«Ceux qui votent FN vont à l’originale France Jamet, et ceux qui ne votent pas FN continuent de lui (ndlr. M.Martinez) coller l’étiquette FN.»

Paradoxal Martinez ? Ne lui dites surtout pas qu’il est d’’extrême droite, un mot «issu du bipartisme» qui lui hérisse le poil. Il affirme avoir tenté de changer la ligne du FN, il a même organisé une rencontre entre Jean-marie Le Pen et le roi Hassan II du Maroc (ndlr. il a été conseiller fiscal du roi et directeur d’étude à l’ENA du Maroc). Il devait aussi lui présenter Hugo Chavez, qu’il admire et a déjà rencontré à plusieurs reprises. Construire un «axe Europe- Amérique Latine», est d’ailleurs un point essentiel de son programme.

Finalement, cet hurluberlu de la politique, à la frontière entre la folie et le génie – «il est un peu fada et difficile à suivre !» selon un de ses co-listiers – se présente comme un «alternationaliste». Il accueille tout le monde dans sa «maison de la vie et des libertés». Pourtant en en voulant se détacher du « père fondateur », et surtout de la nouvelle étiquette FN portée par Marine Le Pen, il s’est tiré une balle dans le pied. Comme l’explique un de ses militants  » Ceux qui votent FN vont à l’originale France Jamet, et ceux qui ne votent pas FN continuent de lui coller l’étiquette FN. »

Enfin, lorsqu’on le questionne sur l’incohérence de son discours et de son parcours, il rétorque : «Ces classements sont stériles. A ce moment là, l’extrême droite commence à la SFIO. Je crois à la lutte des classes, regardez, ici à Uzès, les riches me reçoivent mal. Je ne suis contre personne. On ne tient pas 25 ans contre !».
Finalement c’est l’un de ses militant qui le résume le mieux :  » Martinez, il avait la tête au FN et le cœur ailleurs ». C’est beau, c’est grand, c’est un peu fort tout de même…

Retour au dossier spécial Régionales 2010 en Languedoc-Roussillon

Mis à jour le 13 mars à 22h30

Raymond Courderc lance la tournée des « Oubliés » en Languedoc-Roussillon

L’UMP a dévoilé dimanche 31 janvier ses listes électorales pour les régionales de mars. Parallèlement, Raymond Couderc, désigné tête de liste par les militants en janvier 2009 entame une tournée à travers la région. L’objectif ? Donner la parole aux « Oubliés du développement régional »… et prendre ses distances avec la métropole montpelliéraine de Georges Frêche.

Poste des villes ou poste des champs, qui vous réservera le meilleur accueil ?

La poste n’est plus vraiment un service public, ni une société privé. Elle n’est pas seulement un centre d’acheminement et de distribution du courrier mais a maintenant le statut d’une vraie banque, la Banque Postale, depuis 2006. Depuis hier, mardi 12 janvier 2010, le Sénat a même entériné son changement de statut. La poste est maintenant une société anonyme Tout change donc, pourtant les usagers restent les mêmes et la poste est l’administration la plus visitée par les Français. Cependant la légendaire quiétude de la campagne et l’habituel tracas des villes se répercutent-ils sur les bureaux de poste et la satisfaction des usagers ? Le temps d’attente, l’accueil ou les services diffèrent-ils de Manosque à Aix-en-Provence, en passant par Volx, petit village de la vallée de la Durance. Enquête sur l’incontournable enseigne jaune dans les pas de Giono et Cézanne…

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14h30. Le bureau de poste de Volx, 2500 habitants environ, est au centre du village, derrière la place de la mairie à côté de l’école et du Crédit Agricole. Une position centrale et stratégique. Luxe suprême, on peut se garer devant, bien que les places soient limités. Maryse Chabrier, la guichetière, y travaille depuis plus de 15 ans, et les locaux n’ont jamais changé. Ici comme dans la plupart des postes de villages, la peinture aurait besoin d’être rafraîchie, dans un coin, on trouve des fauteuils, plus très jeunes, pas très confortables mais présents. Une vitre sépare l’usager de la guichetière, mais Maryse sait briser la glace avec ses clients, ou plutôt « ses visiteurs » comme elle aime à les appeler. Ils sont pour la plupart des habitués, des connaissances voire des amis. « Ils viennent ici chercher un service de proximité, raconter leur quotidien, surtout les personnes âgées. » En ce début d’après-midi, le bureau de poste est vide, et l’attente est quasi inexistante pour une opération de base telle la consultation du solde d’un compte courant, sans avoir son numéro de compte. Test réussi : avec le nom, le prénom ainsi que la date de naissance, le tour est joué. François Perrain, le directeur, ajoute satisfait : « Selon les statistiques que je tiens chaque semaine, le temps d’attente ne dépasse pas les 10 minutes ». Il insiste : « C’est un point d’honneur de faire un accueil de qualité et de satisfaire le client ». Et pour cela, le BRASMA, pour Bonjour, Regard, Accueil, Service, Merci, Au revoir, est de rigueur. Une consigne qui semble fonctionner, puisque Maurice Capus, Volxien et fidèle client depuis 10 ans, est venu aujourd’hui retirer le calendrier 2010. « Ici, on connait le personnel, on sait qu’on aura un sourire ».
Les postes rurales, plus qu’un service public, sont avant tout des endroits pour créer ou garder un lien social avec les personnes les plus isolées. Mais elles sont amenées à disparaitre à long terme. Et le changement de statut ne risque pas d’améliorer les choses, aucune garantie n’a en effet été apporté pour le service public dans les communes rurales, ce qui pourrait conduire à terme à la fermetures de certains bureaux locaux, à des horaires très très partiels ou au couplage avec d’autres services publics. « La direction fait pression pour réduire le personnel, et réunir tous les bureaux de poste des petits villages, pas assez rentables, dans un seul et même centre. Avant, nous étions deux au guichet, mais le poste a été supprimé. On a déjà mangé Villeneuve et La Brillane, des villages voisins, et bientôt on sera tous regroupés à Manoque », s’inquiète Maryse. Lorsqu’on lui parle de clients mécontents et de situations de conflit, la guichetière s’amuse « Ici les gens ne sont pas pressés, ils viennent pour la convivialité, la proximité, et savent qu’en cas de problèmes ou d’incompréhension, ils pourront aussitôt rencontrer un conseiller ou le directeur ». A tel point que certains habitants de Manosque, comme Lysiane Martel préfèrent venir à Volx: « Le bureau est moins moderne, mais c’est convivial, on attend peu et les services sont la mêmes. ».

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15h26. Le bureau de poste de Manosque est deux fois plus grand que celui de Volx. Tout est neuf, les vitres ont disparu, un distributeur de tickets a été placé à l’entrée, et cinq guichets se divisent entre les opérations financières, les courriers et colis et ceux réservés aux professionnels. Dans un coin, la Boutique a été mise en place avec une employée, qui se charge exclusivement de la vente des lettres, colis et timbres. Ici, pas de stationnement possible devant le bureau, mais un grand parking souterrain avec une sortie directe sur la Poste. Qu’il faut toutefois payer, selon la durée passée au guichet. Pour les piétons, la poste est située en plein centre-ville, à cinq minutes de la Rue Grande, principale rue commerçante de cette petite ville de quelques 20 000 habitants. Mais celle-ci a vu sa circulation et son trafic s’alourdir avec l’implantation des infrastructures liées au projet nucléaire Iter. Trente minutes sont nécessaires pour entrer en ville aux heures de pointe. Un petit détail qui a son importance, lorsqu’on a juste un colis à retirer.
A l’arrivée, pas de bonjour pour vous accueillir, tous les employés sont occupés, mais heureusement, le distributeur de ticket créé l’illusion. Enfin pas longtemps, surtout lorsque votre précieux sésame affiche le 211 et que l’écran au dessus des guichets est bloqué sur le 197. Jacques Benoît, commerçant, attend depuis presque un quart d’heure mais reste calme ; il soupire : « On a l’habitude, c’est souvent comme ça, surtout en début de mois ». Il déplore « l’absence de chaises pour les personnes âgées, et de personnel pour accueillir à l’entrée. ». Lorsque 17 minutes plus tard, à 15h43, le numéro 211 s’affiche enfin, l’accueil est un peu plus réservé qu’a Volx surtout lorsqu’il faut trouver un compte sans numéro de compte. Mais après quelques secondes, le solde est pourtant livré selon la même méthode qu’à Volx. Nathalie Paulin, guichetière depuis 10 ans, a elle aussi reçu la consigne du BRASMA qui est répétée plusieurs fois par semaine. Elle se réjouit de la nouvelle disposition qui facilite le fonctionnement et diminue l’attente. Elle ajoute : « On se mobilise énormément sur l’accueil, on est tous très polyvalents sur les guichets. Il faut dire qu’on est en attente de certification sur l’accueil, nous sommes évalués tous les mois. La disparition des vitres rend aussi la communication plus facile et agréable ». Pour Marie-Françoise Belaiti, responsable guichet, « le temps d’attente est, selon les enquêtes nationales, inférieur à 10 min, mais parfois cela peut aller jusqu’à 20 minutes ». Quant à la gestion des clients mécontents, la consigne de la direction est simple en théorie : « Rester calme, trouver une solution et renvoyer à un gestionnaire compétent le client énervé. » Aucune formation n’a été dispensée, même si comme l’avoue Nathalie Paulin, « il y a peu de cas difficiles, le tout est de bien expliquer et de rester calme, mais dans certains cas difficiles, une formation pour y faire face serait bienvenue. ».

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Le lendemain, 11h. Poste centrale d’Aix-en-Provence, presque 150 000 habitants. Sept guichets répartis selon le même schéma qu’à Manosque, dans un centre très spacieux rénové depuis seulement un an. Une quarantaine de personnes font la queue, le ticket est toujours de rigueur. Cette fois, ce sont quinze numéros qui séparent le visiteur du chiffre affiché à l’écran, soit 20 minutes d’attente. A 11h20, devant la guichetière, impossible d’obtenir le solde du compte sans numéro de compte, il faudra revenir demain avec le numéro et refaire vingt minutes de queue. Quant à l’accueil, le BRASMA est là encore évoqué, mais du bout des lèvres. Une responsable des guichets répond, évasive : « Il faut rester calme en toutes circonstances, que les clients attendent le moins possible et qu’ils soient servis avec le sourire ». Le discours est formaté, et lorsque vient la question de la gestion des clients mécontents, de la formation du personnel et du temps d’attente « moins de 10 min » selon elle, le ton se fait plus froid. C’est un responsable hiérarchique qui est appelé à la rescousse… pour renvoyer vers le service de la direction et de la communication à Marseille. Les clients, quant à eux, ne semblent pas convaincus, à l’image de Bertrand Paslier, jeune étudiant, qui regrette : « Il y a beaucoup d’attente, entre 15 et 20 minutes. Il n’y a pas d’accueil, personne pour nous guider à part la borne. C’est très impersonnel et automatisé ». Profitant de l’absence de ses supérieurs, une guichetière confie : « Ce qu’ils vous dise, c’est la version officielle. Dans la réalité, on est perdu avec les nouveaux services financiers. La clientèle a changé, plus agressive, virulente. Hier, vous auriez assisté à l’ agression verbale d’une de mes collègues, qui est par conséquent absente aujourd’hui. C’était assez impressionnant. On devrait avoir des formations à la gestion du conflit, on y a droit mais ça ne se fait pas plus haut. La seule consigne qu’on a, c’est garder le sourire ». Finalement ce n’est pas qu’à France Télécoms qu’on rencontre le désarroi des salariés. Il y a fort à parier que le changement de statut de la Poste en société anonyme ne devrait que renforcer l’anonymat et la solitude des employés et des usagers.

Si le BRASMA est de mise dans tous les bureaux de poste, qu’ils soient des villes ou des champs, il n’est pas appliqué partout à la lettre. Les guichetières et les clients des villes ont la modernité et les services en plus, mais la convivialité en moins. Mais aussi la peur de l’agression et l’absence de sérénité d’un personnel, mal formé et perdu face aux nouveaux services financiers proposés. Comme dirait donc La Fontaine « Adieu donc ; fi du plaisir Que la crainte peut corrompre. » Le poète aurait pu ajouter à sa fable: à la poste des villes, je préfère celle des champs.