Situé au sud-est de la ville et s’étendant sur un espace de 21 hectares, Port-Marianne est avant tout le fruit de la volonté politique d’un homme, figure de la cité, Georges Frêche. Son souhait : que Montpellier rejoigne enfin la mer. Seule agglomération de cette envergure qui ne soit pas structurée autour d’un cours d’eau, Montpellier la Surdouée était retranchée dans ses garrigues, trop loin de la Méditerranée. Sur le papier, le projet aurait pu faire des envieux : déplacer le centre-ville de Montpellier de l’Ecusson aux bords du Lez de Port-Marianne, transformer le bassin Jacques Cœur en port de plaisance, rejoindre la Méditerranée, faire de Montpellier une ville sur le modèle antique de Rome ou d’Athènes… Mais le projet a pris l’eau. Par tous les bords. A Port-Marianne, de port il n’y aura. Reste un Hôtel de ville signé Jean Nouvel, à la modernité insolente. Et un quartier en pleine expansion, qui peine à trouver ses marques.
Port-Marianne : de la zone maraîchère à la centrale photovoltaïque
Le projet urbanistique de Port-Marianne était aussi novateur que pharaonique. Déménager les institutions (Conseil régional et Mairie) pour déplacer le centre-ville, ça ne s’était jamais vu en France. Installé place Francis-Ponge près du Polygone depuis les années 70, l’ancien Hôtel de ville du maire UDF François Delmas manquait de praticité, la municipalité étant contrainte d’utiliser une vingtaine de sites dispersés dans la ville ainsi que neuf mairies annexes pour des services déconcentrés. Une désorganisation qui pouvait agacer. En 2011, la mairie est donc transférée dans un nouvel Hôtel de ville, pour la modique somme de 116 millions d’euros, et regroupe désormais la plupart des services municipaux.
Que d’évolutions entre le nouvel Hôtel de ville de l’architecte du même nom (Jean Nouvel) et l’originelle zone maraîchère de Port-Marianne ! Difficile d’imaginer aujourd’hui les logements précaires pour les Harkis en lieu et place de la nouvelle Mairie ou un stade, pendant les années 80, à l’emplacement actuel de Richter. Un quartier que Frêche avait déjà voulu agrandir en forçant la main au président de l’Université de Montpellier 1, confortablement installée à Louis Blanc. Malheureusement pour lui, seules l’UFR des sciences économiques et d’AES viendront prendre place sur le campus de Richter. Mais, désormais, le quartier est tout ce qu’il y a de plus moderne, en témoignent le bâtiment de l’Hôtel de ville, durable et contemporain, et sa centrale photovoltaïque de production d’électricité sur 1 400 m2, l’une des plus importantes en France.
Un quartier écologique, pas toujours des plus pratiques
Traversé par la Lironde, Port-Marianne s’inscrit dans la continuité des quartiers Jacques Cœur, Parc Marianne et Rive Gauche. Moderne, il se veut forcément écolo. Le rôle des transports en commun y est primordial. Les lignes 1, 3 et 4 auront tôt fait de vous amener au centre commercial d’Odysseum, en centre-ville et même, longeant l’avenue de la Mer, aux zones commerciales de Lattes ou à la plage. Le quartier veut mettre en œuvre tous les principes de développement durable pour devenir un véritable éco-quartier. La priorité a donc été logiquement donnée aux modes de transports doux : piétons et vélos sont rois.
Ce qui n’est pas forcément le plus pratique au jour le jour pour les travailleurs qui doivent rejoindre leurs bureaux ou pour les commerces qui peinent à retenir leur clientèle. En ligne de mire : le stationnement. Pour les promeneurs, les visiteurs ou, simplement, les habitants, le stationnement est l’une des premières préoccupations depuis que Michaël Delafosse, adjoint au maire à l’urbanisme, a décrété qu’à Port-Marianne, tout serait fait pour « créer une alternative à l’automobile ». Au détriment de la vie pratique des riverains, dont le vote prochain aux municipales pourrait pencher vers l’UMP Jacques Domergue qui a assuré à de multiples reprises s’opposer à la disparition des voitures à Montpellier. Le quartier, en pleine croissance démographique, pouvait-il se focaliser uniquement sur les transports en commun ? Le projet, sur le papier, était séduisant mais il semblerait qu’aujourd’hui, les difficultés soient de mise.
Eco-quartier et vivre-ensemble : l’équation ratée ?
Port-Marianne se veut, à l’image de Montpellier, le symbole de la diversité et mixe commerces, bureaux, habitat, espaces publics et paysagers et logements sociaux. Et s’est doté pour cela des plus grands noms dans un projet architectural de grande ampleur : Jean Nouvel et François Fontès à la mairie et pour le bâtiment RBC, le Nuage de Philippe Starck, les Jardins de la Lironde de Christian de Portzamparc… Mais un beau quartier ne fait pas nécessairement un endroit où il fait bon vivre. Port-Marianne, bien qu’aux prémices de son existence, semble encore avoir beaucoup de pain sur la planche en la matière. Difficile d’allier modernité, écologie et dynamisme en un même lieu en conservant un vivre-ensemble et une cohésion sociale. Les critiques concernant le manque d’animations ou de lieux publics d’échanges fusent. Certains collectifs d’habitants font remarquer, à l’instar de Montpellier 4020, que « les éco-quartiers sont une manière hyper violente de faire de l’aménagement », pouvant privilégier la logique économique de métropole, sans se soucier des modes de vie des citoyens.
Et un quartier sans cohésion sociale devient vite une forteresse sans âme.
Sans âme à l’image du parc Charpak, actuellement plus proche du terrain vague que du « poumon vert » de la ville. Sans âme aussi pour les commerces de Port Marianne, où attirer la clientèle deviendrait presque, pour certains, la croix et la bannière. La municipalité s’essaie pourtant à diverses tentatives : le marché de Richter, par exemple, qui devrait prendre place sur la place Thermidor et qui veut créer du lien entre les étudiants de Richter et les cadres supérieurs, familles et retraités de Port-Marianne.
A l’heure où le quartier attire de plus en plus, où la croissance démographique est en hausse constante et où les prix de l’immobilier flambent, il est temps désormais de confronter les ambitions politiques du projet à la réalité concrète de la vie des habitants. Et d’en prendre bonne note.