La grogne des étudiants anglais est sans précédent. En décidant d’augmenter les frais de scolarité de 3 000 € à près de 10 000 €, le gouvernement formé par la coalition du conservateur David Cameron et de Nick Clegg, libéral démocrate, ne s’est pas attiré la sympathie du milieu étudiant. Un bâton de plus dans les roues de la jeunesse, déjà limitée par des critères de sélection à l’entrée des facultés : en 2010, un quart des 674 000 demandes d’inscription ont débouché sur une admission à l’université.
Un chiffre faible qui risque de s’accentuer avec le triplement des frais de scolarité. «Si je peux aujourd’hui étudier à l’université, c’est uniquement grâce à l’aide de mes parents et au prêt que j’ai dû souscrire au début de mes études, indique Sam Halvorsen, 26 ans, étudiant à l’université ULC de Bristol et fortement impliqué dans les mouvements de l’automne dernier. L’augmentation des frais de scolarité est scandaleuse. L’accès à l’éducation, même dans le supérieur, devrait être accessible à tous par la gratuité.»
Hausse des prêts étudiants, baisse du budget d’éducation
Et la hausse des taux d’intérêt pour le remboursement des prêts étudiants ne fait rien pour arranger les choses: les taux durant les études passeront de 0% à 3%. Après les études, ils seront calculés à partir du revenu de l’étudiant devenu alors travailleur, variant alors de 0% à 9%. Enfin le gouvernement prévoit une baisse du budget dédié à l’éducation en 2011.
«La coupe des budgets engendre une dégradation de la qualité de l’université : moins de temps et d’argent y sont investis. Le projet de réforme est entièrement idéologique, il n’a ni sens politique, ni sens économique, d’autant plus qu’il sera inefficace » ajoute Sam. Il s’appuie sur un dossier de la BBC qui a, selon lui, «montré que la réforme mènerait à une augmentation des coûts généraux d’éducation.»
Une mobilisation étudiante d’envergure…
De quoi réveiller la conscience mobilisatrice de la jeunesse. Les cinq manifestations qui ont eu lieu depuis novembre 2010 en sont le reflet. Ampleur de la mobilisation, confrontations entre étudiants et force de l’ordre dans le centre de Londres, attaque de la Rolls Royce du Prince Charles et de Camilla… des mouvements très inhabituels dans un pays connu pour son flegme et sa courtoisie.
«Le mouvement étudiant est incomparable avec les actions des dernières années. Bien que cela ne soit pas suffisant pour faire changer une cause, la mobilisation reste prometteuse» précise Sam Halvorsen. Les dernières manifestations de cette ampleur dénonçaient des problématiques plus globales, telles que la guerre en Irak ou encore les méfaits de la mondialisation. Pourquoi alors un tel sursaut de la jeunesse britannique ?
… Conséquence d’un rejet politico-social
Outre l’envergure du programme d’austérité prévu par la coalition, la trahison gouvernementale a fait bondir les étudiants. Les jeunes qui avaient votés pour Nick Clegg se sentent floués : il promettait dans sa campagne de ne pas augmenter les frais de scolarité. «Certains jeunes ont été surpris de voir Clegg aller à l’encontre de ses promesses électorales. Pour ma part, j’ai toujours pensé qu’il était un politicien carriériste et séduit par le pouvoir. Je ne m’attendais pas à autre chose de la part des Libdems, spécialement après qu’ils aient acceptés la coalition avec les conservateurs» évoque Sam.
Si l’on ajoute à cela le chômage ambiant, la dissolution des services publics, les inégalités et la pauvreté croissante, on comprend mieux pourquoi le mouvement a pris une telle importance. De la à ce qu’il fasse modifier la réforme, rien n’est moins sur. «En 2011, nous allons lancer de nouvelles manifestations et actions étudiantes. On espère une autre vague d’occupation des universités dans le pays, explique Sam Halvorsen. Mais, la clé du mouvement, ce qui pourrait permettre son efficacité, c’est l’alliance entre les étudiants et les syndicats.»