Chaque semaine, la rédaction d’Hautcourant ouvre et prolonge un débat sur un sujet qui fait l’actualité. Grâce à vos commentaires, vous pouvez aussi participer. Ce premier débat concerne la problématique des municipales : enjeu local ou national?
Comme lors des régionales 2004 remportées par la gauche, la question de la politisation nationale d’un scrutin local se pose. Deconfite après les échéances nationales de 2007, la gauche appelle de nouveau au vote sanction à l’encontre du président Sarkozy. La droite de son coté, troublée par la baisse dans les sondages du chef de l’Etat, veut relativiser et faire de ce scrutin, un vote uniquement local. Sa position était différente lorsque l’exécutif connaissait une cote de popularité plus élevée et que Nicolas Sarkozy lançait lui-même la campagne.
Un vote local avant tout, par Nicolas Chapelle
« Le vote municipal doit être local. Considérer qu’il s’agît d’un vote national équivaut à ramener la politique locale au rang de la gestion. C’est absurde, que l’on vive dans une grande ville, ou dans un village reculé. C’est nier l’existence de particularités locales. Évidemment, la construction stato-nationale française s’est faite sur le schéma d’un centre annexant une périphérie, et la république s’est construite avec pour seul mot d’ordre l’universalisme. Mais qui est dupe aujourd’hui?
Faire de ce vote une sanction nationale, c’est se dispenser du débat sur les enjeux locaux. Or, C’est en premier lieu au niveau local que se posent les questions du logement, de l’emploi, de la formation, de l’environnement, des transports, et au-delà : du cadre de vie.
Si l’enjeu de ce vote est national, alors, on considère que les instances locales sont strictement techniciennes. C’est à la fois irréaliste et dangereux. Irréaliste parce que c’est omettre les marges de manoeuvre des humains et groupe d’humains. Dangereux parce que les seuls états qui nient ces marges de manoeuvres sont les états totalitaires.
Nous avons dans un passé proche, constaté un vote local sanction de la politique nationale. En 2004, toutes les régions à l’exception de l’Alsace étaient passées à gauche. Que s’était-il passé ensuite? Une démission du premier ministre? Non. Une dissolution de l’Assemblée Nationale? Non plus. Un simple remaniement ministériel. Penser que l’on peut infléchir une politique nationale par un vote local c’est se perdre dans les méandres du système politico-administratif français. Le gouvernement n’est responsable ni devant les maires, ni devant les présidents de régions. Il l’est devant le parlement. Jusqu’à nouvel ordre, les deux se situent actuellement plutôt dans le même camp.
Enfin, jouer la carte du vote nationale dimanche, c’est nier la dynamique européenne. Les partenariats entre l’Europe, les régions, et les villes (ou intercommunalités) se multiplient, et se passent le plus souvent de l’échelon national. C’est d’ailleurs le poids de l’Etat en France qui freine ces partenariats par rapport à ce qui peut se passer en Espagne ou en Allemagne. »
Un enjeu national, par Julien Ginoux
» Je m’engagerai parce que le concept même d’élections dépolitisées est absurde » affirmait Nicolas Sarkozy lors de sa conférence de presse, le mardi 8 janvier. Deux semaines plus tard, le 22 janvier en déplacement à Pau, face à la mauvaise tournure prise par les sondages et l’effritement de sa cote de popularité, le président déclarait » je ne veux pas me mêler du détail des municipales « . Ce recul tactique a été approuvé par des maires UMP sortants, inquiets de voir que l’impopularité naissante du président allait polluer leur propre campagne.
Un an après la victoire de Nicolas Sarkozy et de la droite aux élections présidentielles et législatives, et comme il en a toujours été dans le passé, ces élections seront le premier grand test électoral. Souvenons-nous des trophées de la gauche aux municipales de 1977 préfigurant la victoire de François Mitterrand en 1981 ou de la déconvenue de cette même gauche en 1983.
Stratége politique oblige, on perçoit, depuis plusieurs semaines, la volonté du gouvernement et du président de ne pas donner une dimension nationale à ce scrutin local avant d’avoir connaissance des résultats. Elles seront politisées si la droite obtient une large majorité des maries. En revanche, en cas de revers, elles seront purement locales.
Le président de la République souhaite bénéficier sur le plan local de la même domination que sur la scène nationale. Ainsi, considérer les élections municipales comme un enjeu national, c’est aussi considérer l’importance des exécutifs locaux et de leur fonction de contre-pouvoir.
Certes, les élections de dimanche célèbrent les particularismes locaux et honorent les 36 782 communes de France. Elles permettent notamment dans les villages, l’instauration de débats contradictoires sur des thèmes qui font le quotidien des habitants. Mais les élections municipales ne peuvent être déconnectées des enjeux nationaux. Il est difficile de concevoir qu’une commune puisse être en mesure d’établir des politiques relatives au logement ou à l’emploi indépendamment des instances politiques nationales.
Et la constitution rappelle ce fait. La majorité des grands électeurs qui élisent les sénateurs sont des élus municipaux, ainsi le mode de scrutin de cette assemblée parlementaire donne une dimension nationale au scrutin municipal.