JUSTICE – Mariage Pour Tous : deux mois de prison pour injures homophobes

Le tout premier « mariage pour tous » célébrait, à Montpellier, l’union de Vincent Autin et Bruno Boileau, le 29 mai 2013. Ce jour de noce avait été également le théâtre d’injures homophobes, par un groupe qui avait manifesté avec des fumigènes et des pétards et lancé des insultes telles que « Les pédés dehors! Les pédés on n’en veut pas!« .

La Cour d’Appel de Montpellier a confirmé le 18 novembre le jugement de première instance et vient de condamner un jeune homme pour avoir proférer ces injures homophobes. A l’audience, le prévenu a nié avoir tenu les propos qu’on lui reproche, assurant avoir simplement manifesté contre la loi instituant le Mariage Pour Tous. Le jeune manifestant a écopé de 2 mois de prison avec sursis et 5200 € de dommages et intérêts, dont 3800 € aux mariés.

En première ligne au Polygone

Un lundi ordinaire allée Jules Milhau: la débrouille vante ses marrons chauds, la loi patrouille au ralenti, la misère tend sa casquette vide.
Dans le centre commercial, les alarmes percent la clameur de la foule alors que se détachent quelques silhouettes en costume noir : des agents de sécurité.
Employés par une société sous contrat avec le centre, et également avec certaines boutiques, ils constituent l’équipe « malveillance ».
En effet, avec 27% des Montpelliérains sous le seuil de pauvreté, dans un contexte économique plombé, la sécurité privée ne connaît pas la crise.

Malgré la méfiance de la direction à l’égard des journalistes, dont nous avons fait l’expérience, plusieurs ont accepté de témoigner anonymement.
« On fait d’abord du pré-vol, c’est-à-dire de la dissuasion » nous explique Romain*, « On montre qu’on est là, on gère aussi les personnes sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants ».
Leurs pouvoirs sont limités, et ils n’ont pas l’autorisation de fouiller les suspects en cas de vol. « On va le laisser faire son petit bordel, chercher le flagrant délit », raconte-il, ensuite « La personne doit sortir elle-même les articles volés, sinon on appelle le 17 ».

Des conditions de travail difficiles

Ils n’ont pas non plus le droit de porter des armes ou de faire usage de la violence, malgré une police qui mettrait souvent « 15 minutes », ou refuserait de se déplacer, selon eux. Son accent méditerranéen éclate : « On est en première ligne. Un jour j’ai failli me prendre une théière depuis le 1er étage », une autre fois c’est « un couteau qui sort ».
Là, « j’ai sorti la gazeuse (Spray lacrymogène) », lâche-t-il, « c’est la seule fois », avant d’avouer avoir dû aussi utiliser une matraque, pour aider un collègue en difficulté. Le port d’armes interdites semble rassurer ces agents, tout comme l’assurance-vie à laquelle ils sont nombreux à souscrire. « Moi j’en ai pas », note Michel*, la trentaine, en passant la main sur son visage buriné, « mais j’ai prévu une rente pour mes enfants jusqu’à leur majorité ».

De plus, la situation se serait fortement dégradée depuis le début de la crise.
« Il y a eu une augmentation des vols, c’est clair ! », souligne-t-il, « J’ai même vu un agent piquer dans un portefeuille oublié par une cliente ». Romain*, quant à lui, pointe « une évolution impressionnante ». Il dénonce l’explosion de la violence : « Ils ne voient que l’uniforme, et plus la personne derrière l’agent ».
Cette perte du lien avec le public lui est pénible, car s’il fait ce métier, c’est d’abord pour « le contact humain, pour faire du social », et rappelle : « on n’est pas des cow-boys ». Il se désole : « Ils sont de plus en plus jeunes, tenez, une fois je suis allé à Zara, le voleur avait 14ans ! ». En effet, pour Serge, patron d’un petit café à l’étage inférieur, les agents sont « très calmes, très diplomates », ils « règlent toujours les choses au mieux ».
47h par semaine pour environ 1200 euros net, un travail « difficile et mal payé » pour Robert*, bouc noir impeccablement taillé, car en cas d’erreur « c’est pour notre gueule ». Le certificat de qualification professionnelle « Agent de Prévention et de Sécurité » (CQP-APS), obligatoire depuis le 1er janvier 2008, ne nécessite d’ailleurs que 70 à 115h de formation.

Au loin, Michel* interpelle calmement chaque client qui déclenche l’alarme et vérifie chaque ticket de caisse, imperméable aux provocations. Malgré tout, il admet faire ça aussi pour « L’adrénaline. Attraper un voleur. Par contre, on est assurés qu’à moins de 20 m du magasin en cas d’incident. »
A l’ombre des colonnes de marbre, la précarité doit ainsi faire barrage à la nécessité…
Jusqu’à quand ?

* : Prénoms fictifs.

L’économie sociale et solidaire « Replic » en Languedoc-Roussillon

La société Replic de Montpellier est une entreprise d’économie sociale et solidaire. Sa mission, insérer des personnes en difficulté tout en respectant l’environnement dans l’économie locale. Le but est de servir l’intérêt général de la collectivité.

Emmanuel Kasperski, 40 ans, est le fondateur de Replic. L’économie sociale et solidaire, il y participe depuis sa sortie de l’ESC Lille. Diplôme en poche, il est embauché par l’Association pour le Droit à l’Initiative Économique (ADIE) qui finance des créateurs d’entreprise n’ayant pas accès au crédit bancaire. C’est en 2005 qu’il fonde Replic, groupe coopératif des entreprises solidaires sous la forme d’une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC).

D’après Emmanuel Kasperski, « C’est très difficile pour une personne seule de monter une société d’économie sociale d’une certaine taille. Replic permet d’allier les forces : une telle démarche collective est essentielle pour réussir à répliquer des initiatives intéressantes ».

Les missions de cette société d’économie sociale et solidaire sont claires :

  Repérer des projets utiles aux territoires

  Évaluer leur faisabilité

  Créer l’entreprise sur le territoire

  Sélectionner son futur dirigeant

  Souscrire 50% du capital de l’entreprise

  Appuyer son développement

Parmi les sociétés d’économie sociale et solidaire que REPLIC a créées, La Table de Cana est un concept imaginé il y a 20 ans à Paris et reproduit en 2006 à Montpellier. Ce restaurant traiteur vient d’ailleurs d’être décliné sur Perpignan. Autres réalisations, La feuille d’érable de l’Hérault est une coopérative de recyclage ; ou encore Label Route propose à Montpellier et Nîmes depuis peu des prestations de transport et de logistique urbaine avec des véhicules électriques ou au gaz. La dernière-née en 2009, Mobileco, vend, loue et entretient des véhicules électriques à Montpellier.

Un pari qui a porté ses fruits

En ce début 2010, les coopératives Replic emploient une cinquantaine de personne et espèrent atteindre les 80 – 90 salariés d’ici la fin de l’année. Selon les estimations, ils devraient être environ 150 fin 2011 à travailler pour ce groupe d’entreprises de l’économie sociale et solidaire du Languedoc-Roussillon. De nouveaux projets sont encore au stade de l’étude mais ont de grandes chances d’aboutir, comme une cuisine centrale bio et une ressourcerie-recyclerie.
D’après les chiffres de l’Insee publiés en 2007, il y avait 10 613 établissements employeurs de l’économie sociale et solidaire (coopératives, mutuelles, associations et fondations confondues) en Languedoc-Roussillon contre 87 921 hors économie sociale. En terme d’effectif salarié cela représentait 95 863 employés contre 662 628 hors économie sociale.

Si l’entreprise d’économie sociale et solidaire se nomme Replic, c’est pour deux raisons comme nous l’explique Emmanuel Kasperski :

 «Pour répondre à une problématique de territoire, nous cherchons prioritairement à reproduire une entreprise existante qui a réussi plutôt qu’imaginer un nouveau modèle économique et commercial. L’une des forces de l’économie sociale c’est sa capacité à reproduire un modèle qui fonctionne. Reproduire une entreprise de l’économie sociale sur un autre territoire, c’est réaliser et poursuivre le projet social de l’entreprise modèle. »

 « Replic, c’est aussi le moyen de dire, répliquons ensemble contre ces deux fléaux que sont le chômage et la dégradation de l’environnement.
»

L’expérience réussie de Guillaume

Le travail d’insertion de Replic se joue à deux niveaux : une personne sur deux embauchée en contrat d’insertion par l’une des coopératives Replic était allocataire du RMI. Le contrat proposé est d’une durée de deux années. Après ce laps de temps, la personne est formée à un métier et la coopérative l’accompagne pour lui trouver un travail correspondant à la formation dont elle a bénéficiée.

Pour Guillaume, ce processus a parfaitement fonctionné. Après deux années en contrat d’insertion en tant que serveur à la Table de Cana, il a été embauché en CDI.

« J’étais étudiant puis j’ai arrêté pour travailler. Ensuite je me suis retrouvé au chômage. Après mes deux années de formation et d’insertion, j’ai cherché du travail. J’ai eu de la chance puisqu’un poste en CDI s’est justement libéré à La Table de Cana. J’ai donc signé en tant que responsable logistique » pour la branche traiteur. « Je sais désormais organiser un banquet et le fais tous les jours dans mon travail ».

Ailleurs sur le web :
Le mois de l’économie sociale et solidaire
Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire du Languedoc-Roussillon

Daniel Bodin, le questionnement social.

Dans le Hall de l’Hôtel de Ville de Montpellier, le photographe Daniel Bodin a exposé, du 13 au 23 octobre 2009, ses clichés pris lors de l’installation du village des Enfants de Don Quichotte en mai dernier, place du Peyrou à Montpellier. Il revient sur son expérience pour Haucourant.com.

Pourquoi avoir travaillé sur l’action des Enfants de Don Quichotte à Montpellier en mai 2009 ?

C’est avant tout la suite logique d’une démarche sociale que j’ai depuis quelques années. Je me penche en priorité sur les évènements sociaux et politiques. Cette expérience est un questionnement face à la régression sociale, une réflexion sur la nouvelle précarité qui s’installe dans notre société. Ce thème-là m’intéresse. Je voulais contextualiser les choses. Avec quelques-uns de mes contemporains, nous étions loin d’imaginer, dans les années 1970, qu’un mal être social tel que celui-ci nous toucherait. Nous sommes choqués face au monde d’aujourd’hui. Disons le clairement, c’est un retour au Moyen-âge. Ma démarche est simple : pourquoi aller jouer les grands reporters ailleurs, alors que la misère existe ici aussi, à Montpellier ?

J’ai approché les Enfants de Don Quichotte car c’est un très bon moyen pour communiquer avec les Sans Domicile Fixe. On a alors une facilité pour aborder le sujet. Dans la rue, il est délicat d’approcher une personne dans cette situation, comme ça, tout de go. Avec les Enfants de Don Quichotte, j’ai pu nouer des contacts avec eux. C’est très important pour moi car cela va me permettre d’approfondir le sujet. C’est exactement le même mode de fonctionnement que pour tout bon journaliste.

Qu’avez-vous voulu montrer sur vos photographies ?

J’ai une approche humaniste dans mes photographies. Je ne veux pas faire de misérabilisme, je veux sensibiliser avec des photos humaines. Alors, j’ai dû en lisser certaines. Par là, je veux dire que j’ai dû alléger émotionnellement la réalité pour qu’elle passe mieux. Je ne voulais pas montrer des gens en situation d’échec. Je voulais faire un constat ponctuel, faire ressortir l’humanité de l’individu, créer une fenêtre sur le monde. Mes photographies ne sont pas dimensionnées à la misère. Je m’exprime à travers la photographie. Cette exposition mériterait sans doute du texte, une légende, et même l’édition d’un livre. Mais je ne suis pas doué pour l’écriture, sinon je serais écrivain et non photographe. Il va falloir que je travaille sur le texte.

Quelle expérience ce fut pour vous ?

Ce fut avant tout un échange, un enrichissement réciproque. Cela m’a permis de revenir sur de nombreux préjugés que j’avais comme tout le monde malgré mon métier. Les SDF apparaissent souvent comme des personnes abruptes, baraquées, tatouées, dures. Finalement, ce sont des gens charmants. J’ai recueilli un nombre incroyable d’histoires personnelles extraordinaires, extrêmement difficiles à entendre pour le commun des mortels. J’ai fait un constat de la vie, avec une démarche sociale. J’ai aussi fait une autre découverte : le politique, à Montpellier, a un souci du social. J’en ai été étonné. Je ne le savais pas. Ce travail, au final, fut plus complet que je ne l’aurais imaginé.

Pourquoi cette exposition ?

Cela a été une volonté de la mairie de Montpellier. Au départ, elle n’était pas concernée par mon travail. Puis, peu à peu, elle s’est intéressée à ce que je faisais. Donc, elle m’a demandé d’exposer mes photographies dans le hall de l’hôtel de ville. J’ai été le seul maître d’œuvre. Mes partenaires ne savaient pas vraiment ce qu’ils attendaient de moi, ils m’ont alors laissé faire. J’ai donc dû tout conceptualiser. Cette exposition fut montée à l’emporte-pièce. Cela a été un vrai challenge !

Pourquoi certaines de vos photographies sont en noir et blanc, et d’autres en couleur ?

C’est une bonne question ! J’ai une attirance pour le noir et blanc. En faisant le tour de mes photographies pour l’exposition, je n’avais pas assez de matière dans ces tons là. Alors, j’ai fait le choix de mélanger deux sujets en une exposition. J’ai, d’une part, affiché un reportage journalistique, en couleur, à l’extérieur des panneaux d’affichage. Le néophyte accroche plus à la couleur. Comme en musique, il s’attache plus à une musicalité populaire qu’au jazz. Avec la couleur, j’ai voulu ramener de la légèreté. On réintègre le monde normal, la réalité. Puis, j’ai mis des photographies en noir et blanc, à l’intérieur, pour créer une intimité. C’est la partie galerie. Sur les portraits, je voulais donner un aspect plus dramatique.

Quelles ont été les réactions du public face à votre exposition ?

J’ai eu peu de retours. Globalement, on est allé vers un encensement de mon travail. Ce n’est pas un lieu idéal pour une exposition de ce type, pour que les photographies soient regardées avec sens. Le regard du commun est interrogatif mais glissant. Elles ont cependant été confrontées à un public large. La plupart du temps, on m’a félicité pour l’humanité de mes photographies. Il me manque toutefois l’avis de professionnels.