Beethoven fait fuir les jeunes

Huit mois après la mise en service d’un spray anti-SDF, le malodore, par l’ex-municipalité UMP d’Argenteuil, la polémique ressurgit avec le boîtier « anti-jeunes ». Baptisé Mosquito par Howard Stapleton, son inventeur gallois de 42 ans, l’appareil est plus connu en France sous le nom de Beethoven. Commercialisé depuis plus de deux ans en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, cet anti-ados est diffusé en France de manière confidentielle par la société IBP France, basée à Carry-le-Rouet (13). Ce petit haut-parleur, qui coûte en moyenne 900 euros, émet des sons stridents, inaudibles pour les plus de 25 ans. Inquiétant quant à ses effets sur la santé pour certains, discriminatoire pour les autres, le produit suscite un véritable tollé.

Première juridique en France. Dans les Côtes-d’Armor, les commerçants d’une petite station balnéaire n’ont pas hésité à saisir la justice (1), après qu’un riverain a installé devant sa résidence secondaire un appareil jusque-là marginal en France : un boîtier « anti-jeunes ». Partie de Belgique, la polémique sur cet émetteur d’ultrasons a très vite gagné la France.
« Au départ, nous avons cru à un poisson d’avril. » Stéphane Wintgens, responsable de l’association belge « les territoires de la mémoire », semblait incrédule, le 4 mars, lorsque pour la toute première fois il a entendu parler du Mosquito. Aussitôt après avoir pris connaissance de l’existence de cet appareil, l’association belge, créée en 1993 en réaction à la poussée de l’extrême droite lors des élections législatives, s’empare de l’affaire. Dès le lendemain, elle lance une pétition – « les jeunes ne sont ni des parasites ni des nuisibles pour notre société » – visant à faire interdire le Mosquito. Tout va alors très vite. Le 10 mars, une citoyenne révèle que son fils subit quotidiennement les effets pervers de cette invention, en passant devant une banque à proximité de son école. Indignée, l’association décide d’alerter les autorités communales. Le soir même, le maire parvient à convaincre la banque de retirer son Mosquito. mosquito_Aywaille_2.jpg
L’affaire fait grand bruit et parvient jusqu’aux oreilles de Marc Tarabela, le ministre belge de la Jeunesse. Ce dernier exprime clairement sa volonté de faire interdire l’objet : « Je me suis aussitôt dit qu’il fallait passer la vitesse supérieure en tentant de faire interdire la commercialisation de ce produit par l’Union européenne. »
Marc Tarabela utilise le Rapex, le système européen d’alerte rapide qui concerne les produits de consommation dangereux. C’est un échec. Pour la commission européenne, le produit n’est pas défectueux et ne relève donc pas de sa compétence.

« L’utilisation est innaceptable d’un point de vue éthique et moral dans notre société. »

Le ministre belge écrit alors à ses homologues européens dont Roselyne Bachelot, la ministre française de la Jeunesse. Dans ce courrier, il enjoint l’UE à « prendre des dispositions visant à protéger les jeunes d’une attitude abusive et disproportionnée qui est le fait de personnes aveuglées par des peurs irraisonnées. » Début avril, Roselyne Bachelot demande le retrait de ce genre d’émetteurs, dont « l‘utilisation est inacceptable d’un point de vue éthique et moral dans notre société. »
Depuis cette histoire, la pétition ne cesse de prendre de l’ampleur. Elle compte aujourd’hui plus de 10 000 signatures dont beaucoup viennent de France. Politiciens, de droite comme de gauche, se sont mobilisés afin de bannir l’appareil. Bien qu’aucune étude de santé n’ait encore été menée sur le Beethoven, ce dernier suscite les pires craintes et l’indignation générale. Autour de ce débat, c’est toute la place de la jeunesse dans la société qui est remise en question.
(1) L’affaire sera examinée le 24 avril par le tribunal des référés de Saint-Brieuc.

L’analyse d’Olivier Douard, président de l’observatoire régional de la jeunesse en Languedoc-Roussillon.

« Une injonction paradoxale »

Que vous inspire le procédé du Beethoven ?

Je vois une ambiguïté dans la finalité même de cet appareil. Il est présenté pour lutter contre la présence dans certains lieux de jeunes qui dérangent. Mais ce boîtier va lutter contre tous les jeunes. Or 98% des jeunes ne sont pas des délinquants. Il existe un abus dans la manière de présenter les choses. C’est de la discrimination.


Que nous indique-t-il sur la société actuelle ?

Tout d’abord, personne n’a le droit de se faire justice soi-même. Ce boîtier prétend réagir contre les incivilités. Mais c’est paradoxal : on lutte contre ceux qui ne respectent pas certaines choses tout en s’affranchissant du droit. Sans le vouloir, on envoie un message contraire. Les jeunes sont sensibles à ces procédés. Si l’on veut lutter contre les incivilités, il existe des outils de répression qui entrent dans le cadre de la loi.

Cet appareil révèle la difficulté à appréhender la jeunesse…

Cet appareil est appelé le boîtier « anti-jeunes ». Cela rejoint un champ sémantique. Sauvageons, racailles… La jeunesse est traitée comme un problème. En la stigmatisant, on va récolter des réactions encore plus vives. C’est presque un appareil provocateur.

Afrique du Sud : Le rugby, un des derniers bastions de l’apartheid

En Afrique du sud, la page de l’apartheid est loin d’être tournée. Tout juste auréolée d’un nouveau titre de Championne du Monde, l’équipe nationale de rugby est au centre d’une polémique. Ou plutôt le célèbre logo qui orne ses maillots vert et or : une petite antilope (springbok), symbole fort de l’apartheid.

Durant l’apartheid, le springbok était l’emblème de toutes les équipes nationales de l’Afrique de Sud. A partir de 1992, la fleur nationale, la protea, vient remplacer l’antilope sur le maillot des équipes. Le rugby est le seul sport à conserver l’animal sur ses tenues. En 1995, l’équipe des Sprinboks remporte chez elle la coupe du Monde de rugby et Nelson Mandela, fièrement vêtu du maillot du XV d’Afrique du Sud, remet la coupe au capitaine (blanc) François Piennar. Nelson Mandela arborant le maillot des Springboks lors de la remise de la Coupe du Monde de Rugby en 1995Sur fond de slogan « une équipe, une nation », cette victoire sonne alors comme la réconciliation d’une nation déchirée. A l’époque, l’équipe ne compte qu’un seul joueur noir dans ses rangs et n’est pas du tout représentative de la société post-apartheid. Sur 48 millions d’habitants, seul 8 millions sont blancs. Le rugby, sport des blancs par excellence en Afrique du Sud, représente l’un des derniers bastions de l’apartheid. Il se trouve ainsi souvent au centre de polémiques plus politiques que sportives.

Les effets de l’apartheid encore présents

Avant la dernière coupe du monde, la préparation de l’équipe nationale a été perturbée par la question de savoir s’il fallait emmener la meilleure équipe possible pour gagner la compétition ou bien l’équipe la plus représentative de la nouvelle société ? Le rugby reste encore un sport de riches auquel les noirs ont difficilement accès. Les effets de l’apartheid se font toujours ressentir. Sam Ramsamy, actuel représentant de l’Afrique du Sud au Comité Exécutif du CIO, estime que «le milieu du rugby apparait toujours comme des plus conservateurs, maintenant son sport dans un exercice racial inégalitaire». En effet, les écoles à majorité noire ne possèdent pas de terrains de rugby, freinant ainsi l’accession de ceux-ci au plus haut niveau. La plupart des joueurs professionnels sont issus de vieilles écoles prestigieuses. En 2006, Zola Yeye, devient le premier manager noir des Springboks. Il déplore que la composition actuelle de l’équipe soit « l’héritage direct de 50 ans de régime discriminatoire ». Sur les trente boks victorieux en France en octobre 2007, seuls six étaient noirs ou métis.L'antilope pourrait bien quitter le maillot du XV d'Afrique du Sud

Discrimination positive

Face à cela, le gouvernement s’impatiente. Faisant la part belle à toutes les polémiques, il va jusqu’à imposer des quotas de joueurs noirs dans les équipes régionales et nationales et menace également de changer le nom des Springboks pour celui des Proteas. L’objectif étant d’arriver à une équipe nationale aux deux-tiers noire d’ici 2009. Ceci implique plusieurs questions. Tout d’abord, la discrimination positive est-elle la solution au problème ? Pour Russell Carelse, manager de l’académie de Rugby de Stellenbosh, « le gouvernement concentre trop son attention sur les équipes professionnelles au détriment d’une politique de terrain à même d’apporter de réels débouchés à des joueurs noirs ». La solution serait d’initier les enfants au rugby dès le plus jeune âge. Pour cela, il faut doter les écoles d’infrastructures de qualité afin que tout le monde soit sur un pied d’égalité.

L’autre question est économique. La « marque » Springbok génère chaque année plus de 12 millions de dollars. Une somme non négligeable, lorsque l’on sait que le rugby en Afrique du Sud, comme dans beaucoup de pays, a besoin d’argent. S’il faut régler le problème à la source, le gouvernement aura besoin de moyens.

Un rugby au centre de toutes les tensions entre noirs et blancs, une antilope qui pourrait bien se sauver du maillot, mais deux titres de champion du monde en aucun cas usurpés.
Les Springboks remportent leur seconde Coupe du Monde à Paris en octobre 2007

David Trezeguet doit-il faire partie des 23 sélectionnés pour l’Euro 2008?

Héros de la finale victorieuse contre l’Italie à l’Euro 2000, David Trezeguet ne fait plus autant l’unanimité à l’orée du prochain Euro austro-suisse. Rappelé à la dernière minute pour le dernier match amical des Bleus contre l’Angleterre par Raymond Domenech, qui ne semble pas le porter dans son cœur, le buteur de la Juventus de Turin sera-t-il du prochain championnat d’Europe? Les places de titulaires semblent prises mais son efficacité en série A lui ouvrira-t-elle les portes des 23 ? Le débat est lancé à deux mois de l’officialisation de la liste de Domenech.

S’en passer serait un gâchis, par Julien Moreau

Le fait même que la sélection ou non de David Trezeguet pour l’Euro fasse débat est totalement surréaliste. Comment se passer d’un joueur qui fait partie chaque année des meilleurs buteurs du championnat italien ? Championnat réputé pour compter dans ses rangs les meilleures défenses du monde. Lippi, Ranieri, Capello… autant d’entraineurs de renom ayant eu « Trezegoal » sous leurs ordres et qui ne comprennent pas l’attitude de Domenech vis-à-vis de ce renard des surfaces. Si Trezeguet était italien, ce débat n’aurait pas lieu d’être, il serait automatiquement présent en sélection.

Il suffit d’admirer ses statistiques: 250 buts en 441 rencontres !34 réalisations en 71 sélections sous le maillot bleu, 156 buts avec la Juventus de Turin, effaçant ainsi des tablettes un certain Michel Platini… Qui dit mieux ?

Comment jouer avec Trezeguet ? Ce prototype même de l’avant-centre a besoin, pour briller, que l’on joue pour lui. Sans briguer la place de titulaire, se servir de lui comme d’un joker à trente minutes du coup de sifflet final parait être le compromis idéal. Dans la surface, son jardin, il est capable de marquer à tout instant du pied droit, du pied gauche, de la tête, bref, se passer d’un tel joueur serait un beau gâchis. La balle est dans le camp de Raymond Domenech.

Un style de jeu inadapté aux bleus, par Matthieu Marot

Les dernières sorties de David Trezeguet sous le maillot tricolore parlent contre lui. Treize matches pour trois buts : un rendement famélique pour un joueur dont l’apport sur le terrain se mesure uniquement en terme de réalisations.

Son style de jeu nécessite une équipe dévouée à sa cause, qui passe par les côtés et multiplie les centres dans les 6 mètres. Or si l’équipe de France joue bien avec deux ailiers (Ribéry et Malouda), ces deux joueurs ne possèdent pas une grande complémentarité avec l’ancien Monégasque. Florent Malouda éprouve les pires difficultés à adresser un bon centre tandis que le jeu de Frank Ribéry est d’avantage de perforer les défenses en rentrant dans l’axe. Résultat : les coéquipiers de Trezeguet ne le trouvent pas et chaque match du Franco-argentin s’apparente à un long calvaire. Il n’y a qu’à regarder les performances d’Anelka ou de Benzema sous le maillot bleu afin de se rendre compte des qualités que doivent posséder les attaquants tricolores pour s’exprimer pleinement. Tous deux décrochent, n’hésitent pas à se décentrer, et se créent ainsi beaucoup plus d’occasions que Trezeguet. Même un Djibril Cissé maladroit aura toujours plus d’opportunités de marquer des buts dans cette équipe de France que le Turinois.

À deux mois de l’Euro, ce n’est pas l’équipe de France qui va changer de visage pour permettre à Trezeguet de se mettre en valeur.

Hélène Mandroux rebat les cartes

Hélène Mandroux a été élue maire de Montpellier en obtenant 51.88 % des suffrages le 16 Mars. Elle accorde sa première interview à Montpellierplus. Le maire évoque la répartition des délégations, le rôle que vont jouer Marc Dufour (MoDem) et Jean-Louis Roumégas (Les Verts) dans son équipe municipale et sa candidature à la présidence de l’agglomération lorsque Georges Frêche démissionnera.

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Faut-il boycotter la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin ?

Cette semaine, la rédaction d’Haut Courant s’interroge sur le boycott des J.O de Pékin. Nous vous invitons à poursuivre le débat par la voix de vos commentaires.

Des entorses aux droits de l’Homme jusqu’à l’ignorance des promesses faites au CIO, la liste des reproches adressés à la Chine s’allonge de jour en jour. Pour contrer le manque d’actions par la diffusion médiatique , l’organisation Reporters Sans Frontières a appelé les représentants et chefs d’États au boycott de la cérémonie d’ouverture, le 8 août prochain. Trois membres de RSF, parmi lesquels Robert Ménard ont d’ailleurs perturbé le rite d’allumage de la flamme. En Europe, les avis se partagent sur l’utilité et la portée d’un tel acte. Boycott symbolique, nécessaire ou aggravant ? La décision de laisser un fauteuil vide se prend-t-elle comme un avis politique ?

Boycottage ? Sûrement mieux à faire, par Audrey Montilly

Le Dalaï Lama lui-même s’est prononcé contre le boycottage des Jeux Olympiques de Pékin. Il sait que l’impact serait mineur. Le boycottage des J.O en Russie en 1980 n’a rien changé en ce qui concerne les droits de l’homme dans ce pays.
Cette solution ne serait pas efficace durablement. Et « snober » seulement la cérémonie d’ouverture d’autant plus inutile. Si l’on va plus loin, pourquoi s’arrêter aux J.O de Pékin ? D’autres pays auraient mérité la punition. Les États-Unis ne représentent pas l’exemple de morale humaine. Ceux-là même qui ont lancé le boycottage des J.O en Russie pour protester contre l’intervention militaire soviétique en Afghanistan, transgressent les règles élémentaires du droit international depuis 5 ans en Irak.

Alors peut-on moralement aller à Pékin ? Oui, mais pas en ne restant à rien faire. Organisons là-bas des actions qui révéleraient au monde le rejet du comportement de la Chine à l’égard du Tibet et des droits de l’homme. Que nos sportifs battent tous les records et montent sur le podium portant sur eux des messages. Mais également pendant toute la durée des Jeux. Tout comme les politiques depuis les tribunes. Les télévisions chinoises ne pourront pas tout filtrer.

Deux athlètes américains, militants des Blacks Panthers, ont brandi des gants noirs aux J.O de Mexico en 1968 pour protester contre la ségrégation raciale aux États-Unis. Radiés des Jeux Olympiques, ils l’ont payé cher. Ils ont enfreint la règle de la charte olympique qui interdit d’exprimer toute opinion politique. Cette fois, Romain Mesnil, président du syndicat des athlètes français, propose aux sportifs de porter des rubans verts aux J.O de Pékin, pour montrer leur attachement aux droits de l’homme. Au-delà d’une position politique, il s’agit là d’une position par rapport à des valeurs. Alors un peu de tolérance. Citoyens comme les autres, les athlètes ont le droit de s’exprimer. Cependant il ne peut être question d’initiatives isolées, mais bien d’une incitation collective de la part des instances nationales. Ce n’est pas gagné, mais utilisons ces J.O. La politique de la chaise vide n’a jamais rien apporté.

Face aux Jeux de la discorde, par Ellen Guinéheux

Elle n’a pas tenu ses promesses. A l’heure où les Jeux Olympiques de Pékin doivent consacrer la puissance de la Chine dans le monde, les associations de défense des droits de l’Homme appellent la communauté internationale au boycottage. Face aux violations grandissantes des libertés publiques, le boycott devient plus qu’une plus une simple menace destinée à faire réagir le gouvernement chinois. Il symbolise la volonté de dénoncer un régime d’oppression et de censure banalisés par l’image d’une Chine prospère et florissante. Arme politique régulièrement brandie, le refus collectif de participer au plus grand rassemblement sportif du monde envoie un puissant signal de protestation. Ce moyen de pression a été utilisé de nombreuses fois pour dénoncer le silence volontaire de certains États face à l’étouffement des droits fondamentaux, contre l’apartheid en Afrique du Sud notamment.

L’attribution des Jeux olympiques à Pékin en 2001 impliquait une contrepartie : améliorer la situation des droits de l’Homme et garantir la liberté de l’information. Or, la question actuelle du Tibet témoigne d’une réalité occultée de 60 ans de répression et de sinisation forcée du peuple tibétain. La lutte contre l’occupation chinoise a déjà fait de nombreuses victimes et prisonniers d’opinion. À l’écrasement de la dissidence pacifique des Tibétains s’ajoute une improbable manipulation médiatique : après avoir censurée l’image de la flamme olympique au moment de l’intervention de trois manifestants à Athènes, Pékin demande la retransmission en différé des J.O afin de pouvoir supprimer toute contestation. À partir du moment où la communauté internationale et le comité olympique ont accordé les J.O à Pékin, il faut envisager les options les plus radicales pour permettre une remise en cause du régime communiste chinois. À moins que les intérêts économiques entre l’occident, la Chine et sponsors des J.O soient d’autres freins pour briser le silence des dirigeants mondiaux face à l’opacité chinoise.

Faut-il boycotter la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin ?

Cette semaine, la rédaction d’Haut Courant s’interroge sur le boycott des J.O de Pékin. Nous vous invitons à poursuivre le débat par la voix de vos commentaires.

Des entorses aux droits de l’Homme jusqu’à l’ignorance des promesses faites au CIO, la liste des reproches adressés à la Chine s’allonge de jour en jour. Pour contrer le manque d’actions par la diffusion médiatique , l’organisation Reporters Sans Frontières a appelé les représentants et chefs d’États au boycott de la cérémonie d’ouverture, le 8 août prochain. Trois membres de RSF, parmi lesquels Robert Ménard ont d’ailleurs perturbé le rite d’allumage de la flamme. En Europe, les avis se partagent sur l’utilité et la portée d’un tel acte. Boycott symbolique, nécessaire ou aggravant ? La décision de laisser un fauteuil vide se prend-t-elle comme un avis politique ?

Boycottage ? Sûrement mieux à faire, par Audrey Montilly

Le Dalaï Lama lui-même s’est prononcé contre le boycottage des Jeux Olympiques de Pékin. Il sait que l’impact serait mineur. Le boycottage des J.O en Russie en 1980 n’a rien changé en ce qui concerne les droits de l’homme dans ce pays.
Cette solution ne serait pas efficace durablement. Et « snober » seulement la cérémonie d’ouverture d’autant plus inutile. Si l’on va plus loin, pourquoi s’arrêter aux J.O de Pékin ? D’autres pays auraient mérité la punition. Les États-Unis ne représentent pas l’exemple de morale humaine. Ceux-là même qui ont lancé le boycottage des J.O en Russie pour protester contre l’intervention militaire soviétique en Afghanistan, transgressent les règles élémentaires du droit international depuis 5 ans en Irak.

Alors peut-on moralement aller à Pékin ? Oui, mais pas en ne restant à rien faire. Organisons là-bas des actions qui révéleraient au monde le rejet du comportement de la Chine à l’égard du Tibet et des droits de l’homme. Que nos sportifs battent tous les records et montent sur le podium portant sur eux des messages. Mais également pendant toute la durée des Jeux. Tout comme les politiques depuis les tribunes. Les télévisions chinoises ne pourront pas tout filtrer.

Deux athlètes américains, militants des Blacks Panthers, ont brandi des gants noirs aux J.O de Mexico en 1968 pour protester contre la ségrégation raciale aux États-Unis. Radiés des Jeux Olympiques, ils l’ont payé cher. Ils ont enfreint la règle de la charte olympique qui interdit d’exprimer toute opinion politique. Cette fois, Romain Mesnil, président du syndicat des athlètes français, propose aux sportifs de porter des rubans verts aux J.O de Pékin, pour montrer leur attachement aux droits de l’homme. Au-delà d’une position politique, il s’agit là d’une position par rapport à des valeurs. Alors un peu de tolérance. Citoyens comme les autres, les athlètes ont le droit de s’exprimer. Cependant il ne peut être question d’initiatives isolées, mais bien d’une incitation collective de la part des instances nationales. Ce n’est pas gagné, mais utilisons ces J.O. La politique de la chaise vide n’a jamais rien apporté.

Face aux Jeux de la discorde, par Ellen Guinéheux

Elle n’a pas tenu ses promesses. A l’heure où les Jeux Olympiques de Pékin doivent consacrer la puissance de la Chine dans le monde, les associations de défense des droits de l’Homme appellent la communauté internationale au boycottage. Face aux violations grandissantes des libertés publiques, le boycott devient plus qu’une plus une simple menace destinée à faire réagir le gouvernement chinois. Il symbolise la volonté de dénoncer un régime d’oppression et de censure banalisés par l’image d’une Chine prospère et florissante. Arme politique régulièrement brandie, le refus collectif de participer au plus grand rassemblement sportif du monde envoie un puissant signal de protestation. Ce moyen de pression a été utilisé de nombreuses fois pour dénoncer le silence volontaire de certains États face à l’étouffement des droits fondamentaux, contre l’apartheid en Afrique du Sud notamment.

L’attribution des Jeux olympiques à Pékin en 2001 impliquait une contrepartie : améliorer la situation des droits de l’Homme et garantir la liberté de l’information. Or, la question actuelle du Tibet témoigne d’une réalité occultée de 60 ans de répression et de sinisation forcée du peuple tibétain. La lutte contre l’occupation chinoise a déjà fait de nombreuses victimes et prisonniers d’opinion. À l’écrasement de la dissidence pacifique des Tibétains s’ajoute une improbable manipulation médiatique : après avoir censurée l’image de la flamme olympique au moment de l’intervention de trois manifestants à Athènes, Pékin demande la retransmission en différé des J.O afin de pouvoir supprimer toute contestation. À partir du moment où la communauté internationale et le comité olympique ont accordé les J.O à Pékin, il faut envisager les options les plus radicales pour permettre une remise en cause du régime communiste chinois. À moins que les intérêts économiques entre l’occident, la Chine et sponsors des J.O soient d’autres freins pour briser le silence des dirigeants mondiaux face à l’opacité chinoise.

Faut-il boycotter la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin ?

Cette semaine, la rédaction d’Haut Courant s’interroge sur le boycott des J.O de Pékin. Nous vous invitons à poursuivre le débat par la voix de vos commentaires.

Des entorses aux droits de l’Homme jusqu’à l’ignorance des promesses faites au CIO, la liste des reproches adressés à la Chine s’allonge de jour en jour. Pour contrer le manque d’actions par la diffusion médiatique , l’organisation Reporters Sans Frontières a appelé les représentants et chefs d’États au boycott de la cérémonie d’ouverture, le 8 août prochain. Trois membres de RSF, parmi lesquels Robert Ménard ont d’ailleurs perturbé le rite d’allumage de la flamme. En Europe, les avis se partagent sur l’utilité et la portée d’un tel acte. Boycott symbolique, nécessaire ou aggravant ? La décision de laisser un fauteuil vide se prend-t-elle comme un avis politique ?

Boycottage ? Sûrement mieux à faire, par Audrey Montilly

Le Dalaï Lama lui-même s’est prononcé contre le boycottage des Jeux Olympiques de Pékin. Il sait que l’impact serait mineur. Le boycottage des J.O en Russie en 1980 n’a rien changé en ce qui concerne les droits de l’homme dans ce pays.
Cette solution ne serait pas efficace durablement. Et « snober » seulement la cérémonie d’ouverture d’autant plus inutile. Si l’on va plus loin, pourquoi s’arrêter aux J.O de Pékin ? D’autres pays auraient mérité la punition. Les États-Unis ne représentent pas l’exemple de morale humaine. Ceux-là même qui ont lancé le boycottage des J.O en Russie pour protester contre l’intervention militaire soviétique en Afghanistan, transgressent les règles élémentaires du droit international depuis 5 ans en Irak.

Alors peut-on moralement aller à Pékin ? Oui, mais pas en ne restant à rien faire. Organisons là-bas des actions qui révéleraient au monde le rejet du comportement de la Chine à l’égard du Tibet et des droits de l’homme. Que nos sportifs battent tous les records et montent sur le podium portant sur eux des messages. Mais également pendant toute la durée des Jeux. Tout comme les politiques depuis les tribunes. Les télévisions chinoises ne pourront pas tout filtrer.

Deux athlètes américains, militants des Blacks Panthers, ont brandi des gants noirs aux J.O de Mexico en 1968 pour protester contre la ségrégation raciale aux États-Unis. Radiés des Jeux Olympiques, ils l’ont payé cher. Ils ont enfreint la règle de la charte olympique qui interdit d’exprimer toute opinion politique. Cette fois, Romain Mesnil, président du syndicat des athlètes français, propose aux sportifs de porter des rubans verts aux J.O de Pékin, pour montrer leur attachement aux droits de l’homme. Au-delà d’une position politique, il s’agit là d’une position par rapport à des valeurs. Alors un peu de tolérance. Citoyens comme les autres, les athlètes ont le droit de s’exprimer. Cependant il ne peut être question d’initiatives isolées, mais bien d’une incitation collective de la part des instances nationales. Ce n’est pas gagné, mais utilisons ces J.O. La politique de la chaise vide n’a jamais rien apporté.

Face aux Jeux de la discorde, par Ellen Guinéheux

Elle n’a pas tenu ses promesses. A l’heure où les Jeux Olympiques de Pékin doivent consacrer la puissance de la Chine dans le monde, les associations de défense des droits de l’Homme appellent la communauté internationale au boycottage. Face aux violations grandissantes des libertés publiques, le boycott devient plus qu’une plus une simple menace destinée à faire réagir le gouvernement chinois. Il symbolise la volonté de dénoncer un régime d’oppression et de censure banalisés par l’image d’une Chine prospère et florissante. Arme politique régulièrement brandie, le refus collectif de participer au plus grand rassemblement sportif du monde envoie un puissant signal de protestation. Ce moyen de pression a été utilisé de nombreuses fois pour dénoncer le silence volontaire de certains États face à l’étouffement des droits fondamentaux, contre l’apartheid en Afrique du Sud notamment.

L’attribution des Jeux olympiques à Pékin en 2001 impliquait une contrepartie : améliorer la situation des droits de l’Homme et garantir la liberté de l’information. Or, la question actuelle du Tibet témoigne d’une réalité occultée de 60 ans de répression et de sinisation forcée du peuple tibétain. La lutte contre l’occupation chinoise a déjà fait de nombreuses victimes et prisonniers d’opinion. À l’écrasement de la dissidence pacifique des Tibétains s’ajoute une improbable manipulation médiatique : après avoir censurée l’image de la flamme olympique au moment de l’intervention de trois manifestants à Athènes, Pékin demande la retransmission en différé des J.O afin de pouvoir supprimer toute contestation. À partir du moment où la communauté internationale et le comité olympique ont accordé les J.O à Pékin, il faut envisager les options les plus radicales pour permettre une remise en cause du régime communiste chinois. À moins que les intérêts économiques entre l’occident, la Chine et sponsors des J.O soient d’autres freins pour briser le silence des dirigeants mondiaux face à l’opacité chinoise.

« Fitna », le film ouragan qui déferle sur les Pays-Bas

Nulle autre affaire de cette envergure n’avait eu lieu en Europe depuis celle des caricatures de Mahomet. Ce 27 mars, à 19h, le parlementaire néerlandais Geert Wilders est parvenu à publier sur Internet un film-brûlot sur le Coran et la montée de l’islam aux Pays-Bas. Célèbre pour ses idées d’extrême droite et notamment islamophobes, il suscitait la polémique depuis plusieurs mois. Cible de nombreuses menaces de mort et leader du « Parti pour la Liberté », il vit depuis 2004 sous protection constante, dans un pays traumatisé par l’assassinat du cinéaste Théo Van Gogh.

Le titre du film, Fitna, bien qu’il possède une signification ambiguë, décrit un état de discorde. Il s’agit précisément de l’effet souhaité par son auteur. Le court-métrage d’une quinzaine de minutes se constitue d’une succession d’extraits audios, vidéos, de photos ou de coupures de journaux évoquant le terrorisme islamiste. Ponctuées par des citations de sourates du Coran, les images parfois choquantes mêlent discours de prédicateurs et extraits plus célèbres, notamment les attentats de New York, Madrid, Londres, et l’exécution du journaliste Daniel Pearl.

Dans la dizaine d’heures qui a suivie la publication des versions néerlandophone et anglophone de Fitna, le film comptait déjà près de 5 millions de visionnages.
Le Premier ministre, Jan Peter Balkenende, s’est exprimé au nom du gouvernement dans la soirée. «Ce film prône l’amalgame entre islam et violence. Nous rejetons cette interprétation. La vaste majorité des musulmans rejette l’extrémisme et la violence, dont elle se trouve souvent victime. (…) Nous regrettons ainsi que M. Wilders ait lancé ce film. Nous pensons qu’il ne sert aucun autre but que celui d’offenser.»

Geert Wilders, parlementaire néerlandais et réalisateur de Fitna - Crédit photo : De Telegraaf

Réactions sages

L’impact de Fitna sur les Pays-Bas concentrait les craintes. Depuis le mois de novembre dernier, les ambassades et expatriés se maintiennent prêts à évacuer les pays sensibles. Geert Wilders a pris le risque d’exposer son pays à de violentes émeutes. Ni les appels du Premier ministre à interrompre son projet, ni le refus massif de diffusion par les chaînes de télévision, ne l’ont dissuadé à freiner son élan de provocation.
La société Network Solutions, propriétaire du site officiel de Fitna, ayant refusé cette semaine d’héberger la vidéo, Geert Wielders s’était tourné vers Liveleak.com. Le site anglais, célèbre pour accepter ce que YouTube juge trop extrême, prône la liberté de parole et de « tout montrer, parce que ça existe ».

Paradoxalement, le feuilleton de la réalisation du film a causé davantage de réactions que Fitna lui-même. Les Socio-Démocrates, premiers à réagir, ont affirmé « ne rien voir de nouveau. Des extraits de vidéos anciennes, des généralités comme Geert Wilders en accumule depuis des années ».

Brahim Bourzak, porte-parole de la Représentation Nationale des Marocains, s’est dit soulagé après le visionnage du court-métrage, et les efforts du gouvernement néerlandais. « Mes inquiétudes quant aux émeutes possibles ont diminué.(…) Wilders a bien réfléchi, le film ne dépasse pas de frontière légale ».

Une seule plainte réelle

Pour l’instant, l’unique plainte déposée contre le film et ses auteurs vient d’un Danois. Kurt Westergaard, le caricaturiste du Jylland-Posten, auteur du dessin représentant Mahomet avec un turban-bombe, a constaté que ce portrait apparaissait dans Fitna. Il a taxé de « vol » l’utilisation de sa propriété intellectuelle sans permission préalable ni droits d’auteur. Kurt Westergaard a fermement réprouvé le contexte dans lequel elle figurait. « Mon dessin s’adressait aux terroristes de l’islam, et non à la religion elle-même ». Au cours d’une interview donnée à la chaîne publique Nederland 2, il a déploré le manque de nuance du propos, et affirmé qu’il n’aurait « probablement pas » donné l’autorisation de reprendre son dessin si elle lui avait été demandée.

Les jours qui suivent détermineront l’impact réel de Fitna, même si un certain soulagement en ressort pour l’instant. L’existence d’une version anglaise atteste de la volonté de Geert Wilders de provoquer par-delà ses frontières. Des réactions plus radicales risqueraient d’apporter de l’eau à son moulin.

« Fitna », le film ouragan qui déferle sur les Pays-Bas

Nulle autre affaire de cette envergure n’avait eu lieu en Europe depuis celle des caricatures de Mahomet. Ce 27 mars, à 19h, le parlementaire néerlandais Geert Wilders est parvenu à publier sur Internet un film-brûlot sur le Coran et la montée de l’islam aux Pays-Bas. Célèbre pour ses idées d’extrême droite et notamment islamophobes, il suscitait la polémique depuis plusieurs mois. Cible de nombreuses menaces de mort et leader du « Parti pour la Liberté », il vit depuis 2004 sous protection constante, dans un pays traumatisé par l’assassinat du cinéaste Théo Van Gogh.

Le titre du film, Fitna, bien qu’il possède une signification ambiguë, décrit un état de discorde. Il s’agit précisément de l’effet souhaité par son auteur. Le court-métrage d’une quinzaine de minutes se constitue d’une succession d’extraits audios, vidéos, de photos ou de coupures de journaux évoquant le terrorisme islamiste. Ponctuées par des citations de sourates du Coran, les images parfois choquantes mêlent discours de prédicateurs et extraits plus célèbres, notamment les attentats de New York, Madrid, Londres, et l’exécution du journaliste Daniel Pearl.

Dans la dizaine d’heures qui a suivie la publication des versions néerlandophone et anglophone de Fitna, le film comptait déjà près de 5 millions de visionnages.
Le Premier ministre, Jan Peter Balkenende, s’est exprimé au nom du gouvernement dans la soirée. «Ce film prône l’amalgame entre islam et violence. Nous rejetons cette interprétation. La vaste majorité des musulmans rejette l’extrémisme et la violence, dont elle se trouve souvent victime. (…) Nous regrettons ainsi que M. Wilders ait lancé ce film. Nous pensons qu’il ne sert aucun autre but que celui d’offenser.»

Geert Wilders, parlementaire néerlandais et réalisateur de Fitna - Crédit photo : De Telegraaf

Réactions sages

L’impact de Fitna sur les Pays-Bas concentrait les craintes. Depuis le mois de novembre dernier, les ambassades et expatriés se maintiennent prêts à évacuer les pays sensibles. Geert Wilders a pris le risque d’exposer son pays à de violentes émeutes. Ni les appels du Premier ministre à interrompre son projet, ni le refus massif de diffusion par les chaînes de télévision, ne l’ont dissuadé à freiner son élan de provocation.
La société Network Solutions, propriétaire du site officiel de Fitna, ayant refusé cette semaine d’héberger la vidéo, Geert Wielders s’était tourné vers Liveleak.com. Le site anglais, célèbre pour accepter ce que YouTube juge trop extrême, prône la liberté de parole et de « tout montrer, parce que ça existe ».

Paradoxalement, le feuilleton de la réalisation du film a causé davantage de réactions que Fitna lui-même. Les Socio-Démocrates, premiers à réagir, ont affirmé « ne rien voir de nouveau. Des extraits de vidéos anciennes, des généralités comme Geert Wilders en accumule depuis des années ».

Brahim Bourzak, porte-parole de la Représentation Nationale des Marocains, s’est dit soulagé après le visionnage du court-métrage, et les efforts du gouvernement néerlandais. « Mes inquiétudes quant aux émeutes possibles ont diminué.(…) Wilders a bien réfléchi, le film ne dépasse pas de frontière légale ».

Une seule plainte réelle

Pour l’instant, l’unique plainte déposée contre le film et ses auteurs vient d’un Danois. Kurt Westergaard, le caricaturiste du Jylland-Posten, auteur du dessin représentant Mahomet avec un turban-bombe, a constaté que ce portrait apparaissait dans Fitna. Il a taxé de « vol » l’utilisation de sa propriété intellectuelle sans permission préalable ni droits d’auteur. Kurt Westergaard a fermement réprouvé le contexte dans lequel elle figurait. « Mon dessin s’adressait aux terroristes de l’islam, et non à la religion elle-même ». Au cours d’une interview donnée à la chaîne publique Nederland 2, il a déploré le manque de nuance du propos, et affirmé qu’il n’aurait « probablement pas » donné l’autorisation de reprendre son dessin si elle lui avait été demandée.

Les jours qui suivent détermineront l’impact réel de Fitna, même si un certain soulagement en ressort pour l’instant. L’existence d’une version anglaise atteste de la volonté de Geert Wilders de provoquer par-delà ses frontières. Des réactions plus radicales risqueraient d’apporter de l’eau à son moulin.

« Fitna », le film ouragan qui déferle sur les Pays-Bas

Nulle autre affaire de cette envergure n’avait eu lieu en Europe depuis celle des caricatures de Mahomet. Ce 27 mars, à 19h, le parlementaire néerlandais Geert Wilders est parvenu à publier sur Internet un film-brûlot sur le Coran et la montée de l’islam aux Pays-Bas. Célèbre pour ses idées d’extrême droite et notamment islamophobes, il suscitait la polémique depuis plusieurs mois. Cible de nombreuses menaces de mort et leader du « Parti pour la Liberté », il vit depuis 2004 sous protection constante, dans un pays traumatisé par l’assassinat du cinéaste Théo Van Gogh.

Le titre du film, Fitna, bien qu’il possède une signification ambiguë, décrit un état de discorde. Il s’agit précisément de l’effet souhaité par son auteur. Le court-métrage d’une quinzaine de minutes se constitue d’une succession d’extraits audios, vidéos, de photos ou de coupures de journaux évoquant le terrorisme islamiste. Ponctuées par des citations de sourates du Coran, les images parfois choquantes mêlent discours de prédicateurs et extraits plus célèbres, notamment les attentats de New York, Madrid, Londres, et l’exécution du journaliste Daniel Pearl.

Dans la dizaine d’heures qui a suivie la publication des versions néerlandophone et anglophone de Fitna, le film comptait déjà près de 5 millions de visionnages.
Le Premier ministre, Jan Peter Balkenende, s’est exprimé au nom du gouvernement dans la soirée. «Ce film prône l’amalgame entre islam et violence. Nous rejetons cette interprétation. La vaste majorité des musulmans rejette l’extrémisme et la violence, dont elle se trouve souvent victime. (…) Nous regrettons ainsi que M. Wilders ait lancé ce film. Nous pensons qu’il ne sert aucun autre but que celui d’offenser.»

Geert Wilders, parlementaire néerlandais et réalisateur de Fitna - Crédit photo : De Telegraaf

Réactions sages

L’impact de Fitna sur les Pays-Bas concentrait les craintes. Depuis le mois de novembre dernier, les ambassades et expatriés se maintiennent prêts à évacuer les pays sensibles. Geert Wilders a pris le risque d’exposer son pays à de violentes émeutes. Ni les appels du Premier ministre à interrompre son projet, ni le refus massif de diffusion par les chaînes de télévision, ne l’ont dissuadé à freiner son élan de provocation.
La société Network Solutions, propriétaire du site officiel de Fitna, ayant refusé cette semaine d’héberger la vidéo, Geert Wielders s’était tourné vers Liveleak.com. Le site anglais, célèbre pour accepter ce que YouTube juge trop extrême, prône la liberté de parole et de « tout montrer, parce que ça existe ».

Paradoxalement, le feuilleton de la réalisation du film a causé davantage de réactions que Fitna lui-même. Les Socio-Démocrates, premiers à réagir, ont affirmé « ne rien voir de nouveau. Des extraits de vidéos anciennes, des généralités comme Geert Wilders en accumule depuis des années ».

Brahim Bourzak, porte-parole de la Représentation Nationale des Marocains, s’est dit soulagé après le visionnage du court-métrage, et les efforts du gouvernement néerlandais. « Mes inquiétudes quant aux émeutes possibles ont diminué.(…) Wilders a bien réfléchi, le film ne dépasse pas de frontière légale ».

Une seule plainte réelle

Pour l’instant, l’unique plainte déposée contre le film et ses auteurs vient d’un Danois. Kurt Westergaard, le caricaturiste du Jylland-Posten, auteur du dessin représentant Mahomet avec un turban-bombe, a constaté que ce portrait apparaissait dans Fitna. Il a taxé de « vol » l’utilisation de sa propriété intellectuelle sans permission préalable ni droits d’auteur. Kurt Westergaard a fermement réprouvé le contexte dans lequel elle figurait. « Mon dessin s’adressait aux terroristes de l’islam, et non à la religion elle-même ». Au cours d’une interview donnée à la chaîne publique Nederland 2, il a déploré le manque de nuance du propos, et affirmé qu’il n’aurait « probablement pas » donné l’autorisation de reprendre son dessin si elle lui avait été demandée.

Les jours qui suivent détermineront l’impact réel de Fitna, même si un certain soulagement en ressort pour l’instant. L’existence d’une version anglaise atteste de la volonté de Geert Wilders de provoquer par-delà ses frontières. Des réactions plus radicales risqueraient d’apporter de l’eau à son moulin.