« We got it from here… thank you 4 your service » : la tribu termine sa quête

18 ans après leur dernier album, 8 mois après le décès de Phife Dawg, l’un des membres fondateurs, le légendaire groupe new-yorkais A Tribe Called Quest revient pour un nouvel album qui conclut une riche carrière.

Vendredi 11 novembre : la France honore ses morts et la fin des combats de la première guerre tandis que A Tribe Called Quest sort son dernier disque en guise d’hommage à l’un de ses membres décédé. Phife Dawg, rappeur fondateur du groupe, s’est éteint le 18 mars dernier, mettant fin au combat de sa vie contre le diabète. Trente ans en arrière, il forme avec ses amis d’enfance Q-Tip, Jarobi White et le DJ/producteur Ali Shaheed Muhammad le groupe Quest. Une attitude cool, des chemises bariolées, des références aux cultures africaines et un héritage assumé du jazz et de la soul, des caractéristiques qui tranchent avec le rap de l’époque qui amorce alors un virage plus dur, plus cru, plus gangster. Invité sur des titres du groupe Jungle Brothers, Q-Tip est présenté comme venant d’une tribu appelé « Quest ». Le nom restera. A Tribe Called Quest sort en 1990 son premier album, People’s Instinctive Travels and the Paths of Rhythm et est associé avec cette constellation d’artistes qu’on désigne sous le nom de Native Tongues, à un rap cool et festif, à des hippies du rap.

Quatre chefs d’œuvre et une séparation

Quatre albums suivront, dans lesquels ils poursuivent ces expérimentations musicales et qui s’imposent comme des marqueurs de cette mouvance jazz-rap du début des années 90. Low End Theory est souvent cité parmi les meilleurs albums de hip-hop et classé 153e par le magazine Rolling Stone dans son top des meilleurs albums tous styles confondus. Midnight Marauders est aussi acclamé par la critique et Beats Rhymes and Life, au départ un peu délaissé, est aujourd’hui reconsidéré et reste comme l’album qui a fait découvrir au monde le producteur de génie qu’était J-Dilla. Quant à The Love Movement, le groupe lui-même concède que ce projet n’aurait jamais dû voir le jour. L’album est loin d’être mauvais mais la magie n’est plus là. L’inspiration artistique s’use, l’amitié aussi. Celle qui lie depuis l’enfance Q-Tip et Phife Dawg n’est plus. Les deux hommes se déchirent et Ali Shaheed Muhammad n’est que le témoin de cette mort annoncée du groupe.

Dix-huit ans ont passé et pour emprunter une expression au rappeur Fuzati, le groupe n’est plus qu’un « souvenir gravé dans des morceaux de cire » chez les amateurs de hip-hop. Q-Tip multiplie les collaborations et développe sa carrière solo, Phife Dawg sort un album en 2000 puis se consacre essentiellement à sa vie de famille. Ali Shaheed Muhammad poursuit lui sa carrière de DJ pour lui-même ou pour d’autres groupes. Il y a bien eu cette réunion éphémère en 2010, cette tournée, ces quelques concerts, mais il n’a jamais été question de réentendre des nouveaux morceaux de A Tribe Called Quest. Alors quand on apprend la mort de Phife Dawg en mars dernier, on se résigne et on réécoute ses vieux disques comme on regarde des vieux albums photos : avec nostalgie et tendresse.

Album d’outre-tombe

Août 2016. La fin d’une trop longue trêve. Les fans et les médias s’agitent lorsque Epic Records annonce que A Tribe Called Quest sortira prochainement un nouvel et ultime album. Si le projet n’était pas terminé à la mort de Phife Dawg, le groupe avait déjà bien en tête le plan et la couleur musicale de l’album. La liste des featurings est à la hauteur de l’événement : Busta Rhymes le compère de toujours, Kendrick Lamar l’un des actuels « garde-barrière » du flow pour Q-Tip sur le titre Dis Generation, Anderson .Paak le nouvel homme à refrains du rap, Jack White le guitariste des White Stripes, Elton John, Kanye West ou encore Andre 3000 de Outkast.

Dès les premières notes pas de doute : on est bien sur un album de Tribe. Une boucle de clavier, une ligne de basse enveloppée par les caisses claires, la voix suave de Q-Tip et un propos annonçant la couleur profondément politique de l’album. « There ain’t a space program for niggas. » Hasard du calendrier, l’album sort trois jours à peine après l’élection de Donald Trump et le second morceau « We The People » lui semble dédié. Q-Tip invite les noirs, les mexicains, les pauvres, les musulmans et les homosexuels à lutter contre les violences policières, les discriminations religieuses et les inégalités de genre. L’indifférence de la société américaine pour les noirs américains est un thème central de l’album. Elle est symbolisée pour eux par les meurtres toujours non élucidés de deux des grandes figures noires contemporaines que sont Tupac et Notorious Big. Paradoxe troublant : les huit ans d’Obama à la Maison Blanche n’auront pas franchement atténué ce sentiment de délaissement. Le retour de ces thématiques dans les albums de rap et de R&B ces derniers temps en témoigne.

Ni jubilé, ni vieux cons, ni all-star game

On aurait pu craindre un album jubilé. Un album qui, comme ces matchs de football d’anciennes gloires où l’on voit Ronaldo ou Maradona traîner péniblement leurs kilos en trop, nous aurait violemment rappelé que leur splendeur est maintenant bien loin. Il n’en est rien. Le groove et la sensibilité de la voix de Q-Tip se marie toujours parfaitement avec le flow saccadé de Phife Dawg, comme une passe de Zidane épouse un appel de Raùl. On aurait pu redouter un album de vieux cons. Un album qui, comme ces vieux groupes qui capitalisent sur leur gloire passée, reproduisent les mêmes sons 25 ans plus tard. Un album anachronique comme une candidature de Juppé. Il n’en est rien. La patte du groupe est là mais leur son est cuisiné à la sauce 2016. Les roulements de batterie sur Lost Somebody pourraient sortir d’un morceau de trap, et les présences de Anderson .Paak, Kendrick Lamar ou Syd Tha Kid soufflent un vent de jeunesse sur cet album d’anciens.

Au vu de la liste des featurings, on aurait pu avoir un album « all star game ». Un album qui, comme ces matchs d’exhibition en basket, ne fait qu’aligner des noms ronflants sans se soucier de leur complémentarité. Il n’en est rien. Chaque invité semble être un cinquième membre éphémère du groupe. Sur Dis Generation , les rimes de Busta Rhymes répondent à celles de Phife et Tip comme à l’époque de « Scenario  ». Sur Kids, Andre 3000 partage le micro avec Q-Tip sur une production qui pourrait être issu de l’album Stankonia d’Outkast. Le solo de guitare de Jack White ponctue magnifiquement les saillies de Q-Tip sur Ego. Et même le grandiloquent, le dieu autoproclamé Kanye West, s’efface à bon escient et ne chante que quelques mots ajoutant à l’émotion qui transpire du morceau sur le pont de The Killing Season.

L’album s’achève sur un dernier morceau hommage à Phife Dawg. We Got it From Here… Thank you 4 your service (« On gère la suite… On te remercie pour ton service »). Le dernier chapitre d’une quête musicale. Un chapitre au titre choisi par le défunt rappeur. Que signifie-t-il? Les autres membres du groupe l’ignorent mais l’ont gardé en hommage à leur ami disparu. « Les mystères sont des objets de contemplation, non des énigmes à élucider » disait le philosophe et journaliste André Frossard. Que Phife parte en paix avec son secret.

Les errements de David Pujadas

En 2010, David Pujadas, présentateur du journal de 20 heures sur France 2, a été la cible de nombreuses critiques. Qu’elles soient internes ou bien externes, le journaliste n’a pas été épargné. Petit florilège de fin d’année.

Micmacs à Tire-Larigot casse la baraque

On ne sait jamais à quelle sauce on va être mangé avec Jeunet. Ce trublion de la création cinématographique vient d’accoucher d’un film aussi originale que sympathique. Du 100% pur jus de chez Jeunet qui raviront les aficionados même si l’on entend déjà ses détracteurs reprocher au réalisateur de ne pas assez nous surprendre, lui qui jusqu’alors changeait d’univers à chaque nouvelle création.
Après Un Long Dimanche de Fiançailles, Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain ou encore Alien la Résurrection, le talentueux réalisateur rassemble désormais une pléiade d’acteurs pour conter une histoire des plus loufoques, au cœur d’un Paris qui oppose puissants esseulés et parias emprunts de bontés.

Dany Boon, André Dussolier, Omar Sy (du SAV), Dominique Pinon (l’acteur fétiche de Jeunet à la bille de clown) ou encore Yolande Moreau remplissent tous leurs rôles à la perfection dans ce qui pourrait être, sur le plan de la narration, un film des frères Cohen.

Jeunet retrace cette fois-ci une aventure humaine hors-norme où le destin d’un jeune homme, peu gâté par la vie, interprété par Dany Boon, va affronter d’affreux marchands d’armes et va devoir développer des trésors d’ingéniosité pour piéger ces puissants et machiavéliques personnages.

Le réalisateur insuffle un rythme incroyable à sa production lorsqu’il campe des personnages excentriques dans des décors complètement farfelus et glisse ces petits détails quotidiens, si humains, tout au long du film.

Les décors sont, comme à l’accoutumée, emprunt d’un onirisme frappant, les objets qui meublent l’histoire sont surprenant et les acteurs choisis pour leurs caractéristiques physiques produisent un tout d’une parfaite cohérence.

Ce film, vous l’aurez compris, est plus que convaincant. Le style de Jeunet ne se renouvelle pas vraiment mais confirme, s’il est besoin, qu’il est un grand réalisateur. Qu’il est homme à s’attaquer à de réels projets scénaristiques et pas seulement un as de la réalisation et de la photo.

Alors oui c’est du Jeunet, pas un de ceux qui dérangent par son ambiance inquiétante, proche d’un expressionnisme d’antan, comme La Cité Des Enfants Perdus ou Délicatessen, pas non plus de ceux qui tombent dans la romance à l’esthétique exacerbée comme Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain ou Un long dimanche de fiançailles, mais un entre-deux parfaitement maîtrisé qui prouve que le style de Jeunet est parvenu à la maturité et qu’il n’est pas dans une sorte de redite mal digérée due à un manque d’inspiration.

Petits objets prenant vie, décors fantasmagoriques, personnages singuliers aux caractères bien trempés, couleurs passées, rythme effréné et bizarreries en tout genre le tout emballé dans un comique burlesque résument en quelques mots cette œuvre.

Si vous appréciez les films parfaitement orchestrés, que vous n’avez pas peur des bon clichés qui réchauffent le cœur, et qu’une part de rêve et de morale bon enfant ne vous font pas peur, alors ruez-vous dans les salles et laissez-vous entraîner par le jeu cinématographique d’un Jean-Pierre Jeunet plus que jamais jubilatoire.