PORTRAIT – Gaby Pouget : Figure incontournable de Cinemed

Pour rencontrer Robert Guédiguian, Kheiron, Clotilde Courau ou d’autres artistes présents à Cinemed, les journalistes passent par le bureau de Gaby Pouget, la patronne des rendez-vous de presse. Une passionnée de cinéma.

Les journalistes défilent un à un devant son bureau. « Je voudrais programmer une rencontre avec Kheiron mercredi prochain». Stylo à la main, planning sous les yeux, en quelques instants, l’entretien est fixé. Gaby prend le temps de discuter malgré un rythme effréné. Souriante, simple et efficace. « Elle est incontournable », c’est un « maillon essentiel » explique Géraldine Laporte, la responsable de la programmation du festival.

L’aventure Cinemed commence il y a plus de 25 ans pour cette amoureuse du cinéma. Elle est la première salariée embauchée par le festival, jusque là organisé par ses bénévoles. Infirmière de métier, Gaby Pouget choisit de reprendre ses études pour devenir archéologue. Mais ses cours de cinéma viennent renforcer sa passion pour les salles obscures. Elle emprunte alors un parcours complétement différent : DEUG de cinema à la fac de Tolbiac, licence de cinéma à Michelet puis un doctorat cinéma à la Sorbonne.

Aujourd’hui, elle encadre les rencontres presse, les plannings et s’occupe de la logistique en compagnie de Dany de Seille. « Quand les horaires se précisent, je monte un document pour les gens de l’équipe et les journalistes. Je vois que Sameh Zoabi arrive à Montpellier le 20 octobre à 12h, son film passe à 20h30, et il repart le 21 au soir donc je le mets en rencontre presse le dimanche matin. Voilà, je jongle comme ça entre les arrivées, les départs de nos talents, de nos invités, les grilles horaires de Géraldine, Christophe Leparc… ». Une organisation qui n’est pas sans difficultés : «  Certains journalistes peuvent nous dire « oui je viens », puis au dernier moment annuler. Je me souviens aussi d’un journaliste égyptien qui voulait qu’on le prenne en charge complétement pour se déplacer au Cinemed. »

Gaby Pouget, 61 ans, est également responsable de la bourse d’aide au développement qui offre à une quinzaine de réalisateurs long-métrage un soutien financier pour les encourager. «Cette initiative sert surtout à faire un éclairage sur un projet. Ce sont souvent des coups de cœur. Bien sûr, il faut faire un tour de la méditerranée et que le film soit bien réalisé. »

Parmi ses favoris de cette 40 ème édition, il y a Sibel de Cagla Zencirci qui a obtenu cette bourse il y a quelques années : « un très beau film qui a tenu ses promesses ». Elle est aussi sensible au documentaire de Laure Pradal Mimi qui suit une jeune fille handicapée pendant près de 16 ans : « J’ai trouvé ce documentaire extraordinaire ».

Malgré un carnet de contacts bien rempli et ses rencontres avec de nombreuses célébrités, Gaby Pouget reste humble. Elle garde une certaine distance par rapport au petit monde du 7e art: « Je n’enchaine pas les festivals, je ne travaille que pour Cinemed. C’est ponctuel dans l’année, il y a des périodes très creuses où je fais complétement autre chose. Ça équilibre bien ». Le reste du temps, elle est accompagnatrice de voyage, un univers loin des strass et des paillettes du cinema.

À Montpellier, Aude Lancelin présente son « Monde Libre »

Invitée de la librairie Sauramps, Aude Lancelin était au Gazette Café ce vendredi 16 décembre pour présenter son livre : Le Monde Libre, prix Renaudot de l’essai 2016. Ancienne directrice adjointe de l’Obs, celle qui a passé 13 ans de sa vie dans le journal livre aujourd’hui un témoignage « à la confluence entre monde politique, financier et faiseurs d’idées ». En marge de la rencontre, elle répond aux questions de Haut Courant.

Officiellement licenciée pour « raisons managériales » en mai 2016, l’ancienne responsable des pages « Idées » à l’Obs dénonce des « motifs politiques ». Elle serait accusée d’être « trop à gauche » et « trop proche du mouvement Nuit Debout » initié par son compagnon, l’économiste Fredéric Lordon. Des consignes de renvoi, qui d’après certaines sources qu’elle ne dévoile pas, viennent de certains des actionnaires en lien avec le plus haut sommet de l’État.

Devant un public venu nombreux, Aude Lancelin revient sur « la dérive du système médiatique français » à partir de son expérience. Le Monde Libre  (éditions Les Liens qui Libèrent) reprend le nom de la holding des trois hommes d’affaires Pierre Bergé, Xavier Niel et Mathieu Pigasse. Il a été volontairement rédigé sous forme de conte afin de « mettre à distance les événements », indique la lauréate du prix Renaudot. L’ancien directeur du Point Franz-Olivier Giesbert et Patrick Besson ex-chroniqueur du principal concurrent de l’Obs, ne seraient d’ailleurs pas étrangers à cette nomination.

« Les rédacteurs en chefs sont choisis pour et par les bailleurs de fonds »

Son but : démontrer « la fabrique des idées » à l’œuvre dans ce qu’elle appelle « les maisons centrales pour journalistes ». L’ouvrage raconte « la dégradation d’un climat intellectuel » à l’Obs. Anciennement appelé Le Nouvel Observateur, « il se faisait autrefois l’écho de grands intellectuels comme Jean Paul Sartre, Albert Camus ou Michel Foucault » et se réfère aujourd’hui à « des idéologues extrêmement à droite qui font la loi dans les journaux de la supposée gauche » selon l’auteur. Elle évoque à de nombreuses reprises les noms de BHL (Bernard Henri Levy), Alain Finkielkraut ou encore Pierre Nora dont on ne pourrait critiquer la pensée sous peine de « multiplier les rendez-vous avec la hiérarchie ».

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Aux journalistes qui déclarent « ne jamais avoir subi de censure de la part de leurs supérieurs », elle répond que « dans un système idéalement géré, l’actionnaire n’a pas besoin de passer un coup de fil car les rédacteurs en chefs sont choisis pour et par les bailleurs de fonds ».

Pas fataliste pour autant, le journalisme reste pour Aude Lancelin « un idéal », qui nécessite de « sortir des lieux de morts pour l’esprit ». Or « l’Obs préfère se suicider plutôt que d’offrir aux lecteurs ce dont ils ont envie », affirme l’auteur. Une étude interne auprès du lectorat du journal démontre un intérêt croissant pour des idées neuves, des penseurs à contre courant. Il y a là pour la journaliste « un véritable boulevard à développer pour le monde de l’information ».

La rencontre se termine par une séance de dédicace et un échange avec le public. L’un d’entre eux l’interroge : « Pourquoi être restée tant d’années dans un média dont vous connaissiez les limites depuis longtemps ? ». Habituée à cette question, la journaliste explique la trouver « légitime » et réplique : « personnellement, j’ai longtemps pensé qu’il n’y avait pas de petites victoires et que l’on pouvait faire bouger les choses de l’intérieur. Aujourd’hui, je me rends compte de plus en plus que c’est impossible .»

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5 questions à Aude Lancelin

Au delà du constat dressé dans votre ouvrage, par quels moyens politiques et/ou professionnels peut-on limiter les effets néfastes de la concentration des médias ?

Je n’ai pas de très bonnes nouvelles à vous annoncer. Cela dépend de la volonté politique, et pour l’instant il n’y en a pas. Les citoyens ont droit à la libre circulation des idées et des opinions. C’est pour cela qu’il faut impérativement une nouvelle loi, notamment sur la concentration dans les médias. Depuis les années 80, les médias ont évolué, nous avons eu l’entrée dans le numérique mais malgré cela, aucune loi n’a été initiée. Le journaliste Pierre Rimbert a un projet intéressant à ce sujet. Également, au niveau des aides à la presse, on peut corriger des choses simples. Pour exemple, parmi les bénéficiaires de ces aides, on ne fait pas la distinction entre un média comme Le Monde Diplomatique et Closer. Pourtant l’un est d’intérêt public et l’autre je vous laisse juge…

Selon vous, la précarité des journalistes est-elle volontairement mise en place par les actionnaires ?

Effectivement, dans un régime actionnarial de ce type, rien ne peut être développé dans un journal. Les différents plans sociaux encouragent la précarité et la précarité encourage la docilité. Je ne sais pas si l’on peut dire qu’elle est volontaire, mais il est clair qu’elle est avantageuse pour les actionnaires. Vous savez, ce ne sont pas des créateurs de presse. Ils ne sont pas là pour proposer des médias innovants ou des contenus intéressants pour les lecteurs. Ils ne sont pas forcément là non plus pour gagner de l’argent d’ailleurs. Ce qu’ils achètent c’est de l’influence. Cependant, ils veulent en bénéficier à moindre coût, et les salariés en sont un.

A ce propos, il y a en ce moment un plan de réduction des salariés en cours à l’Obs

Oui en effet. La boucherie concerne 38 postes et aura lieu d’ici fin février 2017.

Si certains de vos collègues ont pu mal prendre « la médiocrité journalistique » que vous décrivez dans le livre, d’autres vous ont-ils soutenu ?

Certains m’ont soutenu oui, une motion de défiance à l’égard de la direction de l’Obs a même été votée à plus de 80% pour me soutenir. Une première historique dans ce journal. Beaucoup se sont toutefois montrés assez mous à l’égard du plan de licenciement qui a suivi mon départ, montrant trop peu de détermination pour peser. Il n’y a même pas eu de grève. Le journal est toujours sorti en kiosques dans les temps.

Et maintenant, quels sont vos projets ?

Je n’ai pas encore de certitudes. L’idée de lancer un nouveau média est séduisante, d’autant qu’en écrivant un livre comme Le Monde Libre, on se carbonise forcément dans la presse mainstream. A l’heure d’aujourd’hui, je suis fichée, non seulement pour des raisons idéologiques et politiques mais aussi parce que ces médias ne supportent qu’une quantité limitée de vérité. Ceci étant, j’ai écrit le livre en connaissance de cause, je savais que ce serait difficile après. Cela demandait d’accepter le risque et l’incertitude, et c’est ce que je fais.

Des collégiens à la découverte du dessin de presse

« À quel âge, vous avez commencé à dessiner ? », « Vous connaissez des dessinateurs en prison ? », « Combien de dessinateurs il y a dans le monde ? »… 18h30, jeudi dernier, dans l’amphithéâtre de Pierres Vives, à Montpellier, les enfants interrogent les 29 dessinateurs de presse présents à l’occasion de la première édition du festival Hérault Trait Libre. Du 15 au 17 novembre, les dessinateurs du monde sortent de leur bulle, une occasion rêvée pour expliquer le rôle du dessin de presse.

« Si on m’avait tout expliqué avec des images à l’école, j’aurais tout pigé ! », Plantu

L’un des enjeux du festival du dessin de presse est de faire que « les dessinateurs rencontrent le public » explique Plantu, le célèbre dessinateur du Monde. Au programme des festivités, un thème rassembleur : l’eau. Mais, au-delà de ce thème universel, les organisateurs mettent un point d’honneur à expliquer le dessin de presse. Alors quand il faut sensibiliser, c’est dès le plus jeune âge. Ainsi pour l’inauguration du festival de nombreux enfants sont présents. Visite de l’exposition «Lignes d’eau »[[L’exposition reste ouverte au public jusqu’au 28 février 2013 à Pierresvives]] et conférence-débat sont menu du jour.

Après la visite, Plantu ouvre la séance dans l’amphithéâtre. Il insiste sur le rôle essentiel du dessinateur et de l’image pour comprendre la société : « Le rôle du dessinateur est de dessiner tout ce qui se passe pour provoquer un débat. Si on m’avait tout expliqué avec des images à l’école, j’aurais tout pigé ! »

Dans l’assemblée, douze élèves du collège les Escholiers de la Mosson sont présents. S’ils ont préparé leurs questions en classe, ils ne manquent pas une occasion pour prendre la parole. Cette rencontre est l’aboutissement d’un travail suivi : « on a été invité il y a un mois par Pierres vives, plusieurs rencontres ont été organisées avant le festival et mardi dernier les élèves ont dessiné sur le thème de la journée de la gentillesse avec le dessinateur Wingz » précise Denis Tuchais, leur professeur documentaliste.

« Ce qui compte c’est le message », Aurel

Contrairement à ce qui se fait dans une salle de classe, les élèves sont invités à se lever quand bon leur semble pour venir dessiner. En effet, chacun peut s’exprimer en direct sur un écran d’ordinateur relié au grand écran de l’amphithéâtre. Alors que quelques-uns n’osent pas et s’inquiètent de ne pas savoir dessiner, Kap, dessinateur Catalan, intervient: « la première chose, c’est de penser. Alors tout le monde ici est dessinateur ». Aurel, dessinateur Montpelliérain, ajoute que «même si vous dessinez des bonhommes en bâtons, c’est bon. Ce qui compte c’est l’idée que l’on veut faire passer, le message ».

Entre les dessinateurs et les élèves le courant passe bien. Très bien même, Kroll, caricaturiste bruxellois, décide d’inverser les rôles et pose à son tour une « qui s’est déjà fait punir par un professeur car il dessinait en classe ? ». Une dizaine de jeunes se lèvent dans l’assemblée, des rires éclatent dans la salle, les professeurs esquissent un sourire. Et Kroll renchérit : « moi, ça m’arrivait souvent, désormais je dessine en direct le dimanche à la télévision pendant les débats, comme quoi j’ai montré à mes professeurs que l’on pouvait dessiner en écoutant ». À ces mots, les enfants applaudissent.

Chacun y va de son mot d’humour pour encourager les enfants à s’exprimer. À Kroll de conclure : « tous les enfants dessinent, c’est juste que certains s’arrêtent! »

Paris et le désert français

Erwan Gaucher a publié un article le 30 août dernier dressant un constat effarant : « La France n’a (quasiment) plus de quotidiens nationaux ».

Titre un brin provocateur, pourtant les chiffres de diffusion fournis par les quotidiens sont incontestables : Le Monde, Le Figaro et Libération font environ 50% de leurs ventes en Ile-de-France. Alors, certes, la moitié pour une seule région, c’est un pourcentage énorme. Ces résultats sous-entendraient que les provinciaux n’achètent pas les quotidiens nationaux. Honte à eux. La presse écrite meurt à cause des Toulousains, des Lyonnais, des Marseillais, des Montpelliérains… Les ventes du Monde en Languedoc-Roussillon ne représentent que 2,8%, et respectivement 0,7% pour la Champagne-Ardenne et la Franche-Comté.

Pourtant, si la moitié des ventes revient à l’Ile-de-France, l’autre moitié, logiquement, revient à la province. Il s’agirait donc de comprendre pourquoi un quotidien se vend mieux à Paris que dans le reste de la France. Erwann Gaucher, journaliste, ne s’arrête d’ailleurs pas aux simples constatations et établit une liste d’hypothèses expliquant le pourquoi du comment dans l’article qui figure sur son site officiel. Peut être est-ce dû à la demi-journée de décalage entre la sortie du Monde à Paris et dans le reste de la France ? Ou serait-ce parce que les lecteurs provinciaux ne s’intéressent pas aux sujets mis en avant par les quotidiens nationaux contrairement à ceux de L’Equipe ? (Seulement 17,5% des ventes de l’Equipe se font en Ile-de-France.)
Et si le microcosme élitiste parisien, incluant des journalistes, ne se fermait pas autant sur ce douillet cocon de la ville lumière, et partait à l’aventure, en « grand reporter », explorer le fin fond de l’Ardèche et le trou Tarnais, les gens se sentiraient probablement à nouveau connectés à leurs journaux.

L’actualité nationale ne doit pas se concentrer uniquement sur Paris. Si la PQR (Presse quotidienne régionale) a son rôle à jouer en Province, il ne faudrait pas que les nationaux se déchargent de leur rôle. Pour exemple, tout le monde s’accorde à dire que les évènements récents à Marseille méritent l’attention de nos quotidiens parisiens. Mais ne serait-il pas nécessaire que les grandes métropoles françaises soient investies par les journalistes de quotidiens nationaux sur le long terme ? Une nation ne se résume pas à sa capitale.

De plus, ces affirmations prennent-elles en comptent le nombre d’internautes, connectés de tous les coins de la France, suivant l’actualité nationale de leur quotidien, depuis leur version en ligne ? Il semblerait que non. Ce serait alors plus le reflet d’une presse écrite en déclin, lue principalement par les élites, concurrencée par nouveaux supports médiatiques.
De plus, ces chiffres comptent le nombre d’exemplaires diffusés sur le territoire via la distribution par kiosque mais également les abonnements, dont ceux d’Air France, qui est « le premier acheteur de presse en France », avec au total près de « 14 % de la diffusion »[[http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/10/04/air-france-pourrait-supprimer-les-journaux-papier_1770134_3234.html]] , localisé en Ile-de-France. Il s’agirait de comprendre ce que le Toulousain, le Marseillais, le Lyonnais, le Montpelliérain achète comme journal le matin et enfin se remettre en question.

Quel contenu recherche le Français ? Pas le Parisien, le Français ? Et si, pour une fois, la France était prise en compte dans sa globalité et non pas comme Jean-François Gravier le titrait si justement comme Paris…et le désert français. [[Jean-François Gravier, Paris et le désert français, Le Portulan, 1947.]]
Oui, nous sommes là, nous sommes vivants, aussi Français que vous, nous provinciaux. Paris est le reflet d’une centralisation poussée à l’excès, tout passe par l’Ile-de-France et ses 11,74 millions d’habitants. Nous aimerions jouir du même accès à la culture que vous, du même accès à l’information que vous et donc comme le souligne cette étude, nous aimerions profiter du même intérêt médiatique que PARIS. À quand la décentralisation ?

L’Argentine simule un dérouillage de la presse

Au nom d’une offensive contre le monopole médiatique, l’État argentin a engagé une réforme du contrat le liant à l’unique société productrice de papier journal du pays. Seulement, dans un concert d’affrontements et d’alliances politiques inattendues, l’engagement peut sembler bien léger.

Durant ce mois de décembre à Buenos Aires, « dérives autoritaires » de l’Etat [[communiqué du parti Union Civica Radical dont Mario Barletta est le leader. Il est le parti majoritaire de l’opposition]] et « démocratisation des médias » [[Miguel Angel Pichetto, chef de file du parti majoritaire, Frente para la Victoria, dont est issu l’actuelle présidente Kristina Fernandez de Kirchner.]] se sont fait écho depuis les bancs de la Chambre des Députés jusqu’aux plateaux de télévision. Les mesures officielles visent à donner le même accès au papier à toutes les entreprises de presse du pays. Mais les réformes engagées semblent plutôt mince face à l’ampleur du projet. Plusieurs syndicats de presse internationaux se sont élevés et La Global Editor Network ( [[Le GEN, réseau international dédié aux rédacteurs en chef, regroupe plus de 400 rédacteurs issus de journaux, de médias du net et de l’audiovisuel. Son actuel président est Xavier Vidal-Foch, directeur adjoint du journal El Pais (Espagne). Ricardo Kirschbaum du quotidien argentin Clarin en est l’un des membres du conseil d’administration.]] a dénoncé « Une augmentation de la pression exercée par le gouvernement contre la presse indépendante ces dernières années. » [[Clarin, 24/12/11]]

« Association illicite au détriment du patrimoine de l’Etat par manque d’investissement »

En Argentine, la production de papier journal est contrôlée par une seule société : Papel Prensa S.A. C’est elle qui produit, commercialise et distribue la pâte de cellulose. Plutôt que de s’inquiéter de cet étonnant monopole, l’Etat[[Le gouvernement argentin a initié ce processus en août 2010 à travers la voix de la SIGEN ; la Sindicatura General de la Nacion, est chargée de contrôler les dépenses internes du secteur public. Elle dépend directement de l’executif.]] a lancé une action en justice pour « association illicite au détriment du patrimoine de l’Etat par manque d’investissement ». Les deux actionnaires mis en cause sont les deux plus importants journaux du pays. Or les propriétaires sont au nombre de trois ; Grupo Clarin (49%), le journal La Nacion (23,5%) et l’Etat (27,5%). La formulation de l’accusation impliquant deux sociétaires au détriment du troisième qui affirme en être le propriétaire, au-delà de son ambigüité, renvoie à des accords passés en 1976.

A cette époque, le gouvernement de facto coordonne le partage de la société ; l’État conserve 27,5% et répartit le reste entre trois journaux. Tortures, menaces, assassinats et emprisonnements auront été employés, selon deux documents déclassés provenant des États Unis (voir encadré). Les parts de la Razόn seront acquises par Clarin en 2000 lors du rachat du journal. C’est la concomitance des deux entreprises qui aurait déclenché les fureurs de Cristina Kirchner en août 2010 lorsqu’elle dénonça « le pacte de syndicalisation » passé entre les deux autres membres. Ceux-ci se seraient mis d’accord pour toujours agir de concert et ne jamais porter atteinte à l’intérêt de l’autre. Sans croire bon d’inclure l’État à leurs bénéfices.

« Clarin et La Nacion utilisent 71 % du total de papier produit par l’entreprise, »

Le groupe Clarin est le groupe multimédia le plus important du pays et détient plusieurs dizaines de quotidiens régionaux ou nationaux, dont le journal le plus populaire, Clarin. On pourrait donc s’attendre à ce que dans sa démarche visant à en finir avec le monopole, le gouvernement exige que le groupe ne soit plus l’actionnaire principal et qu’il répartisse ses actions. Mais le contenu de la nouvelle loi ne modifie en rien ce statut.

Depuis le 23 décembre, l’entreprise a l’obligation de produire au maximum de ses capacités et d’appliquer le même tarif à tous les journaux du pays. « Clarin et La Nacion utilisent 71 % du papier produit par l’entreprise » affirme Anibal Fernandez, sénateur de la majorité, « tout en imposant un surcoût de 15 % aux autres entreprises. » Ainsi, les journaux concurrents étaient jusqu’ici obligés d’importer le papier nécessaire à leur publication entraînant un surcoût de production. Parallèlement, la firme rachetait les invendus de ses deux filiales : « Il faut rappeler que l’entreprise papetière a racheté à Clarin 11 000 tonnes de papier recyclé à 900 dollars la tonne. » dénonce le même sénateur. Dorénavant, dans le cas où la production serait insuffisante[[ Deux organes de contrôle dont un dépendant du ministère de l’économie seront en charge de vérifier l’application de la loi]], l’entreprise sera obligée d’augmenter sa cadence ; en cas de manque, l’Etat apportera des fonds qui seront autant de nouvelles part acquises…

L’Etat augmente son pouvoir au sein d’une entreprise dont il ne supprime pas le monopole et n’envisage même pas d’y valoriser la diversité éditoriale. « En huit années de co-propriété avec Clarin et La Nacion, ce gouvernement n’a jamais rien dénonçé » rappelle Ernesto Sanz, du parti radical. Les nombreuses dénonciations mettant en cause le journal Clarin suffiront elles à détourner syndicats de journalistes et citoyens des manoeuvres surprenantes du gouvernement ? « En 2011, à l’heure de la disparition du papier, (…) cette discussion paraît ridicule. » rappelle le président du parti radical, Ricardo Gil Lavedra. Aubaine ou intox ?

La naissance de l’enfant de mai 68

Le 27 novembre, la société des lecteurs de Libération a organisé au cinéma Grand Action de Paris, une projection-débat en compagnie des journalistes et anciens membres de la rédaction. Deux films ont été diffusés lors de cette rencontre ouverte au grand public, dont celui de Patrick Benquet.

La nouvelle génération, pas si désenchantée

A l’heure où des Etats généraux ont été réunis pour guérir la presse de ses maux,
rencontre avec une jeune journaliste, inquiète mais pas désenchantée.
A 29 ans, Aveline Lucas est journaliste au sein du quotidien régional La Provence, à la rédaction d’Arles. Après un DEUG d’économie et un BTS en action commerciale, la jeune nimoise commence à écrire dans deux hebdomadaires appartenant à sa mère : Cévennes magazine et Le Journal du Pont du Gard. Elle se prend au jeu et décide de passer par le Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ). Diplômée en 2003, pigiste pour plusieurs journaux pendant cinq ans, elle a décroché au mois de juillet dernier son CDI à La Provence.

Aujourd’hui quand on parle du statut des journalistes, on pense précarité, qu’en est-il ?
Il est vrai que pour des jeunes qui s’engagent dans cette voie, la tâche n’est pas aisée. Quand je discute avec des anciens de la profession, je m’aperçois qu’il y a quelques décennies en arrière, la situation des journalistes n’était vraiment pas la même que celle des jeunes journalistes d’aujourd’hui. Obtenir un travail était beaucoup plus simple et passer par les grandes écoles n’était pas si important que ça. La précarité pour les jeunes journalistes commence selon moi dès les études. Je prends ici mon cas comme exemple. Pendant mes deux années passées au CFPJ, j’étais rémunérée à hauteur de 40% du SMIC. Difficile de vivre avec ce genre de rémunération. Une fois diplômée, ma situation financière ne s’est pas forcément améliorée. Les futurs journalistes doivent être conscients qu’ils obtiendront difficilement un CDI à la sortie de leurs études. J’ai dû faire des piges pendant cinq ans avant d’obtenir le mien. Et être pigiste, c’est réellement un statut précaire dans la mesure où le salaire à la fin du mois est incertain. Généralement, c’est entre 8OO et 900€. Et ce, en travaillant tous les jours de la semaine, sans compter les heures et évidemment sans prendre de vacances.

Vous avez récemment obtenu votre CDI à l’agence d’Arles, vous sentez-vous enfin en sécurité professionnellement parlant, ou tout du moins plus stable ?
Plus stable, c’est certain, mais sûrement pas en sécurité. Le point positif c’est que mon salaire est assuré. Toutefois, la précarité des journalistes s’illustre par le fait que le salaire n’est pas à la hauteur des heures que l’on fait. Pour ma part, je travaille 12 à 13 heures par jour. Autant dire qu’un journaliste est rémunéré de façon forfaitaire. Mais je reste sur un siège éjectable : à la fin de l’année 2009, un bilan des actionnaires est prévu. Si un plan social est programmé, dans ce cas les derniers arrivés seront les premiers à partir. Je vous laisse imaginer la suite…

Dans ce cas, comment percevez-vous votre avenir en tant que journaliste et plus généralement celui de la profession ?
Il faut arrêter d’avoir peur et de faire peur à ceux qui veulent exercer cette profession. J’ai l’espoir que la presse écrite réussisse sa reconversion. Si le support est probablement condamné, le métier ne l’est pas. Je ne doute pas du fait qu’Internet va probablement la supplanter mais cela ne me dérangerai pas de travailler sur la toile, au contraire. Mon avenir n’est certes pas assuré et celui de la presse quotidienne régionale, et de la presse écrite plus globalement, ne l’est pas non plus, mais j’ai confiance : le rôle du journaliste est trop essentiel pour être voué à disparaître.

Daniel Deloit:  » Ne pas pouvoir accéder à la formation continue est un danger « 

Lancés le 2 octobre 2008, les États généraux de la presse écrite questionnent encore actuellement le devenir de la presse et des métiers qui l’animent. Interrogé sur l’avenir du métier de journaliste ainsi que sur les formations qui s’y réfèrent, Daniel Deloit, directeur de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille, nous livre ses angoisses, espoirs et certitudes.

Vous participez au pôle de réflexion sur l’avenir du journalisme depuis l’ouverture des États généraux de la presse, que pensez vous de cette initiative ?

La profession se mobilise souvent par secteurs d’intérêt et une mobilisation de cette ampleur m’était inconnue jusqu’alors. Il est toutefois navrant de constater qu’un homme du gouvernement en est à l’initiative. Cela pervertit considérablement la nature du débat puisque par principe ou par posture, certaines personnes ont décidé de ne pas participer. A côté de ceux là, d’autres qui participent n’ont finalement pas grand chose à dire. Néanmoins, il est bon pour une profession de se parler d’autant plus que les sujets abordés sont tous vitaux. Laisser la place à un corpus de préconisations ou de règles figées après l’arrêt de États généraux serait toutefois regrettable. Il faudrait au contraire que l’on ait une forme d’échange permanent entre toutes les composantes du monde de la presse.

Quels sont les enjeux principaux en ce qui concerne les formations aux métiers du journalisme?

Notre école est professionnelle et professionnalisante. Elle prépare donc à une profession et vise à faire connaître le métier sous toutes ses coutures. Il est essentiel pour un journaliste d’être formé et important qu’il y ait une liberté et une diversité d’accès à ce métier.
Avec mes collègues, nous souhaitons qu’il y ait pour cela une formation continue, bien adaptée. Même si une personne n’a pas réalisé d’école, elle doit avoir la possibilité d’approfondir un certain nombre de points. Chaque année, seulement 20 % des journalistes qui ont obtenu leur carte sortent des écoles. Ne pas pouvoir accéder à la formation continue est un danger puisque cela entraîne une forme de précarisation. Il est de la responsabilité des écoles, des entreprises et des syndicats de se saisir de manière plus effective du problème. Il faut briser les cercles vicieux et faire des propositions dans ce sens, ce que nous avons fait aux États généraux de la presse.

Vous évoquez une diversité d’accès au métier, que répondez vous à ceux qui parlent de « formatage » des écoles de Journalisme?

Le recrutement des journalistes, en dehors des mesures de discrimination positive, est un peu élitiste il faut le reconnaître. Toutefois les meilleures écoles de journalisme étant des écoles post-universitaires, c’est à l’ensemble de la chaîne de l’enseignement de s’y intéresser. Ceci n’enlevant rien à notre responsabilité. Nous réfléchissons actuellement pour l’ESJ à des modes de recrutement plus ouverts. Toutefois, si l’on entend par « formatage » le contenu des enseignements proposés, je ne suis pas d’accord. Le journalisme est un métier qui nécessite un apprentissage particulier. L’essentiel des cours que nous dispensons ne sont pas de la remise à niveau académique. L’enseignement est assuré par des intervenants professionnels apportant chacun un éclairage sur leurs médias. Nous attachons beaucoup d’importance à la personnalité des étudiants ainsi qu’à la diversité des enseignements, le formatage ne peut donc pas exister.

L’essor du numérique vous a-t-il poussé à adapter votre formation?

Nous considérons que le multimédia fait partie de la culture générale du journaliste, nous l’avons donc intégré au sein de nos enseignements. C’est aussi une forme de spécialisation, même si nous ne l’avons pas érigé en tant que simple spécialité. Une école doit veiller à ne pas faire le grand écart entre les mouvements de fond d’une profession et les phénomènes de mode. Il nous apparaît évident que les schémas éditoriaux et économiques ne sont pas encore établis. Il convient de penser le métier à 10 ans pour orienter nos enseignements, mais n’oublions pas que nos jeunes deviennent journalistes l’année prochaine!

Pourtant le numérique remet clairement en question l’avenir de la presse écrite…

La presse est capable d’affronter le numérique sur le plan économique mais ne le maîtrise pas sur le plan éthique, déontologique et philosophique. La presse écrite a aujourd’hui du mal à faire l’écart entre le local et le village universel, il le faudra pourtant. Il convient d’accorder une place au journalisme citoyen. Nous sommes sur ce point assez ouverts, mais il faut dominer les dérives qu’il entraine. Pour cela, il me semble urgent que les journalistes puissent être identifiés comme tels et servir de balises sur la toile. Cette grande lucidité sur le mécanisme laisse transparaître de grosses difficultés à l’appréhender.
Enfin, la culture technocentriste partagée dans les groupes de médias réclame de l’urgence en permanence. Les journalistes manquent de temps et de recul. Ils sont pris dans cette envie de faire toujours plus vite, et ne font pas forcément mieux. Les notions essentielles sont la maîtrise et la responsabilité. L’un ne va pas sans l’autre et les formations aident à les concevoir.

« La presse est totalement dépendante ! »

Depuis les dernières élections présidentielles, les rapports incestueux entre médias, politiques et industriels ne cessent de défrayer la chronique. Au quotidien, ces problèmes sont gérés par des Sociétés de journalistes (SDJ), internes aux rédactions. Ce sont les seuls organes de surveillance
déontologique, mais ils souffrent
toujours d’un manque de
reconnaissance. Depuis 2003, date de
la création du Forum permanent des
SDJ, elles ont enfin la possibilité de se
fédérer. Vingt-sept SDJ y ont adhéré,
soit une moyenne de 3000 journalistes.
Après avoir été le président de ce forum
de 2003 à 2007, François Malye, Grand
reporter au Point, en est aujourd’hui le
secrétaire général. Observateur
privilégié de ces rapports complexes, il
confirme : « L’ambiance des rédactions
est excessivement délétère ».

P.B. : En quelques mots, comment est
né le Forum permanent des SDJ ?

François Malye : Jusqu’à la fin des
années 1990, le secteur n’était pas encore
trop sinistré. A partir des années 2000, la
concentration a augmenté. Des
entrepreneurs, dont les médias n’étaient
pas le cœur de cible, ont racheté des
journaux. Il devenait de plus en plus
difficile de faire face aux problèmes
internes liés à la déontologie et à la
censure… Et il devenait indispensable de
remettre de l’ordre dans tout ça. Nous
avons alors décidé de nous fédérer. Et en
cinq ans, nous avons doublé nos
adhérents… C’est bien la preuve qu’il y a
un problème !

Quel est son rôle ?

F.M. : Aujourd’hui, nous répondons à des
attaques multiples. Il existe des attaques
économiques, comme les pressions liées
à la publicité… Il existe aussi des attaques
politiques, comme lorsque Sarkozy souffle
le renvoi de Genestar, l’ancien patron de
Paris Match. Il y a une mainmise évidente.
Mais concrètement, la seule chose que
l’on peut opposer à ça, c’est une
« sanctuarisation » de l’indépendance des
rédactions. La loi doit reconnaître une existence juridique des Sociétés de
journalistes.
Nous revendiquons également un droit
de veto. Cela nous permettrait de refuser
un directeur de rédaction s’il ne respecte
pas la ligne du journal, ou si son projet
éditorial n’est pas bon. Aujourd’hui, il fait
ce qu’il veut.

En tant qu’observateur privilégié, quel
combat exemplaire de SDJ a pu vous
conforter dans votre mission ?

F.M. : Il y en a plusieurs. Le combat des
Échos est un combat exemplaire… Celui
du Monde l’est également. A la Tribune,
les journalistes ont négocié une vraie
charte avec Alain Weill, le nouveau
propriétaire, ce qui est exemplaire pour
bien des rédactions… Or ce n’était pas
simple ! Ce fut un vrai combat technique et
juridique. Weill a signé un accord
contraignant. Ce n’est pas forcément un
grand philanthrope… mais il a compris que
c’était nécessaire. Et d’autant plus dans
l’information économique.
Nous devons garantir au lecteur que
nous produisons une information de
qualité. Aujourd’hui, il n’y a pas de
garantie.

Avez-vous rencontré ce genre de
problèmes au Point ? Avez vous le
souvenir d’un conflit avec la famille
Pinault, qui possède votre journal ?

F.M. : Vous ne verrez jamais de conflit
avec la famille Pinault… Le conflit se joue
avec le directeur de la rédaction. En
réalité, c’est plus un problème
d’autocensure que de censure. Prenez
l’exemple des suicides chez Renault. Il
résume bien l’ambiance. Il y a eu très peu
d’enquêtes. Les journalistes n’ont pas
cherché à en savoir plus que ça… Il faut
surtout avoir en tête que Renault est l’un
des premiers annonceurs dans tous les
journaux…
Pour ma part, j’avais écrit un article sur
des insecticides. BASF [[BASF est un groupe allemand, comptant parmi les leaders de l’industrie chimique.]] a annulé un an de
publicité. Croyez moi, ce n’est pas rien…

Vous parlez souvent en termes
« guerriers ». Il est question de combats,
de rapports de force. Alors quel est
l’adversaire principal des SDJ ?

F.M. : A un moment c’était les syndicats.
Ils estimaient qu’on empiétait sur leur
travail. Aujourd’hui, nous avons quasiment
fait alliance avec eux. C’est vraiment que
la profession va mal.
Le problème, c’est que le pouvoir
politique croit que les journalistes doivent
être à la botte. Dans leur logique, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) est un système imparfait, alors ils vont atténuer ses fonctions, et c’est le président qui
décidera… Idem pour la direction de
France Télévision [[La réforme de l’audiovisuel a ôté au CSA le pouvoir de nommer le président de France Télévision. Cette charge revient à présent au pouvoir exécutif, autrement dit à Nicolas Sarkozy.]]. C’est un recul
extraordinaire. Je crois qu’au fond, c’est un
problème de société. La population n’a pas
forcément conscience que certaines
valeurs doivent être préservées.
Lorsqu’on observe l’histoire des médias,
on s’aperçoit que la lutte pour la liberté de
la presse a pu provoquer des révolutions.
Mais aujourd’hui, nous vivons dans une
société consumériste et égocentrique.
Cependant, je ne désespère pas.

Le Forum permanent des SDJ a fait
des propositions de loi pour garantir
l’indépendance de la presse. Avez-vous
eu un retour du côté du
gouvernement ?

F.M. : Non. Les États Généraux
débutaient juste après… Mais je ne dis pas
que sans ça, ils nous auraient répondu.
Pour ces gens, nos demandes paraissent
outrancières. Ils ne comprennent rien à la
vie dans une rédaction.

Que pensez-vous des États Généraux
de la presse ?

F.M. : Le problème de ces États
Généraux, c’est qu’ils ne se préoccupent
pas non plus de la qualité du produit.
Depuis 93, le journal la Croix publie un baromètre de
la confiance des lecteurs. Et depuis 93, ça
s’aggrave. La défiance s’accroît. S’ils ne
nous ont pas vraiment voulus aux États
Généraux, c’est qu’ils ne voulaient pas de
ce débat. Ils auraient dû financer un
sondage sur le sujet. Les lecteurs aussi
ont leur mot à dire…
Aux États Généraux, ils nous ont fait
passer un Quiz : « Citez un pays où le
pluralisme est meilleur qu’en France ». La
question était mal posée… Ils auraient dû
nous demander : « Y a-t-il d’autres pays qui
ressemblent à la France ? » J’aurais
répondu non. En France, la presse est
totalement dépendante du pouvoir.

Et le fait que ce débat soit orchestré
par le gouvernement…

F.M. : Effectivement, c’est la profession
qui aurait dû le faire. Si la profession
n’avait pas été si divisée entre la base et
le sommet, elle l’aurait fait. L’initiative n’est
pas mauvaise en soi, mais elle aurait été
efficace si elle avait mobilisé tous les
acteurs. Sur les cent quarante personnes
conviées, le Forum Permanent des SDJ ne disposait que de
deux strapontins…
En fait, ceux qui organisent les États
Généraux sont les mêmes personnes qui
ont construit ce système. Et ils restent
entre eux. Ils ne proposent aucune
autocritique. Ils vont gratter un peu
d’oxygène et d’argent sur le dos des
journalistes, mais pas pour des
changements de qualité… Néanmoins, je
pense que nous finirons bien par avoir des
échanges constructifs avec les éditeurs…
Je reste optimiste.