Europe Écologie plutôt que le MoDem
Quel a été votre parcours ?
Je suis engagé dans la cause écologiste depuis des années. J’ai participé au comité de soutien du premier candidat écologiste aux présidentielles de 1974 : René Dumont, un ingénieur agronome comme moi. Après, j’ai participé à la création des Verts en Languedoc-Roussillon. Ensuite, j’ai participé au développement de Cap 21. J’ai soutenu Corinne Lepage en 2002 lorsqu’elle s’était présentée aux présidentielles et j’ai été candidat Cap 21 aux législatives. En 2004, j’ai composé une liste Cap 21 aux élections régionales où j’ai presque fait 5% des voix.
Pourquoi être passé des Verts à Cap 21 ?
A l’époque, les Verts s’étaient alliés à Georges Frêche. Or, je n’étais pas d’accord avec la politique d’urbanisme de ce dernier, entre autres. Maintenant, ils s’éloignent de Georges Frêche alors je m’en rapproche. Frêche est un bon baromètre de mes relations avec les Verts, ou avec le MoDem (sourire).
C’est pour cette raison que vous êtes revenu vers Europe Écologie dernièrement ?
Oui. A un certain moment Cap 21 s’est rapproché du MoDem lors d’un accord avec François Bayrou. Au niveau régional, cela ne se passe pas très bien, surtout depuis que Dufour a passé un accord avec Georges Frêche aux municipales. Alors, on a prit nos distances avec et on s’est rapproché d’Europe Écologie. Cela me paraissait plus cohérent. On a essayé » d’écologiser » le MoDem et cela n’a pas marché. Ils n’ont pas été sensibles à tout ce que l’on pouvait développer. En plus, M. Bayrou a un exercice du pouvoir qui est quand même très personnel. Cela ne nous a pas plu. Corinne Lepage s’est aussi mise en retrait.
Que pensez-vous du fait que François Bayrou ait voulu mettre un candidat comme Drevet en tête de liste MoDem ?
Il n’avait plus d’écologistes dans ses rangs : nous étions partis à Europe Écologie. Il avait besoin d’un label « écologie » et il a trouvé quelqu’un en la personne de Drevet. Mais, cela n’a pas marché : Drevet fait sa propre liste. Les militants du MoDem avaient élu Marc Dufour, et Bayrou a voulu imposer Drevet de manière autoritaire. Or, Drevet n’a rien voulu céder. Du coup, il n’a eu aucun accord avec lui.
Lorsque j’ai rencontré Drevet, il y a trois mois, je lui ai proposé de faire une liste commune entre tous les écologistes. Je n’ai jamais eu de réponse. Il a décidé de faire cavalier seul. C’est dommage. Sa stratégie est de se vendre au plus offrant. Ce n’est pas la bonne. Au second tour, Frêche lui fera toutes les promesses qu’il voudra. Mais, une fois élu, il fera ce qu’il voudra. En d’autres termes, il va se faire bananer. Ce n’est pas une stratégie pertinente au niveau de l’écologie politique.
Quel regard portez-vous sur la proposition faite par Daniel Cohn-Bendit d’une présidence tournante entre les socialistes et Europe Écologie ?
Cohn-Bendit dit toujours des choses surprenantes. Je pense qu’avec les socialistes, il peut y avoir un accord de second tour, mais pas au premier tour. Je vois mal Hélène Mandroux devenir du jour au lendemain écologiste. Cela ne serait pas très crédible. Je ne suis pas favorable à la proposition de ce cher Daniel.
Que pensez-vous de toute la polémique autour de Georges Frêche ?
Cela fait longtemps qu’il fait des déclarations fracassantes. Tout le monde semble découvrir le personnage, je trouve cela un peu cocasse. C’est de la péripétie. Il est très malin. S’il a fait ces déclarations c’est pour s’attirer les voix du Front National au second tour. Il mène à la fois une politique communautariste : il donne des subventions à la communauté juive notamment. En même temps, il fait des déclarations comme ça, déconcertantes. Il y a du calcul politique : c’est plus du machiavélisme politique que du racisme. Je connais le personnage.
Pourquoi sont-ils si nombreux à suivre Frêche ?
C’est la solution de facilité, pour avoir quelques places d’élus.
Pensez-vous que le fait que Cap21 se détache du MoDem sera une tendance générale dans l’avenir ?
Pour les élections régionales, dans plusieurs régions, Cap21 a passé des accords avec Europe Écologie : Haute Normandie, PACA, Ile-de-France, … Dès le départ, Corinne Lepage souhaitait que pour les régionales le MoDem travaille avec Europe Écologie. En particulier dans notre région car le MoDem a une attitude très ambigüe envers Georges Frêche et nous ne voulions en aucun cas le soutenir au second tour. Mais ce n’est pas le choix qui a été fait par le MoDem et il va finir par soutenir Frêche au second tour. Du coup, nous étions en porte-à-faux vis-à-vis de leur stratégie. Sur le plan régional, nous étions plus proches d’Europe Écologie et nous avons préféré nous allier avec. Avec l’accord des militants. Pour les autres régions, je connais mal la problématique mais c’est lié aux dysfonctionnements anti-démocratiques du MoDem.
Sur quelles bases communes vous entendez-vous avec Europe Écologie ?
Nous avons posé plusieurs conditions préalables avant de lier cette alliance. Notre première condition était de ne pas soutenir Frêche en tant que président de région. Ensuite, nous avons deux axes forts dans cette campagne. Le premier est l’aménagement équilibré et harmonieux du territoire : refuser de tout centraliser sur Montpellier. Le second est la gouvernance démocratique de la région. C’est sur ces bases que nous nous sommes rapprochés d’Europe Écologie. Après, nous avons négocié pour avoir des élus de Cap21.
Cette alliance préfigure-t-elle une future force écologiste unifiée en Languedoc-Roussillon ?
Cela dépend de ce que deviendra Europe-Écologie. En son sein, il y a différentes sensibilités, personnalités. Son avenir n’est pas encore trop fixé. Mais, je pense que l’on a intérêt à continuer à travailler avec Europe Écologie.
N’y-a-t-il pas une contradiction dans le fait qu’un parti comme Cap 21, de centre droit, s’allie avec un mouvement qui rassemble jusqu’à l’extrême gauche ?
Cap21 n’est pas tellement de centre-droit. En fait, Corinne Lepage a été appelée à être ministre de l’environnement par M. Juppé sur la base de critères techniques avant tout, sur ses compétences propres. Elle n’est pas rentrée dans le gouvernement Juppé en tant que soutien de sa politique générale. Par exemple, lorsqu’elle a fait la loi sur l’air, les oppositions venaient du groupe RPR. Elle s’est heurtée aux lobbies pétroliers, automobiles… Elle a donc beaucoup eu d’autonomie par rapport au gouvernement Juppé. Sa sensibilité est plutôt au centre. Nous avons essayé de créer un mouvement à la fois démocrate et écologiste avec le MoDem. Nous n’avons pas réussi à le faire. Aujourd’hui, nous nous retrouvons plus à l’aise au sein d’Europe Écologie où il y a des personnes proches de la mouvance de Nicolas Hulot : Jean-Paul Besset, Yannick Jadot… Tous ne sont pas proches de nous, mais globalement il y en a. Le programme que nous avons élaboré ensemble pour les régionales est assez proche de nos thèses.
Sortir du modèle de développement en tâches d’huile
Que reprochez-vous au bilan de Georges Frêche ?
Il a une vision de l’aménagement du territoire du siècle passé. Sa théorie : le développement en tâches d’huile. C’est-à-dire : je développe Montpellier et, en tâches d’huile, cela se développe dans la région. Ce n’est pas comme cela que ça marche. Il faut avoir une vision moderne : développer les villes moyennes de notre région pour essayer de dynamiser tous les départements, tout en conservant une capitale régionale avec des fonctions culturelles, administratives et politiques. Il faut notamment renforcer le pôle universitaire montpelliérain et le mettre au service de la région, et non au service d’une mégalopole régionale.
Nous sommes proches de la conception d’aménagement du territoire que l’on peut voir en Italie du Nord ou en Allemagne où chaque ville moyenne a ses propres industries… C’est une vision d’un aménagement équilibré. Nous ne voulons pas que se reproduisent les erreurs de la région parisienne : une mégalopole qui génère des contre-productivités en termes d’embouteillages – que l’on vit déjà à Montpellier et qui s’aggraveront si l’expansion de Montpellier continue comme prévu ; car M. Frêche veut construire jusqu’à la mer -, en terme de santé – dans les grandes mégalopoles, il y a notamment des problèmes de qualité de l’air -, en terme de perte de temps dans les transports, en termes de coûts des services – la gestion des déchets, la gestion de l’eau coûte plus cher dans les grandes villes -. Il n’y a pas d’économie d’échelle, il y a des » déséconomies » d’échelle. Par exemple, c’est ce qui explique que la RATP soit déficitaire. Alors, c’est l’Etat français qui compense les déficits de la RATP.
Quels sont les différents besoins selon les départements ?
Il faut assurer à l’ensemble du territoire régional des services publics. Qu’ils soient présents et attractifs dans toutes les villes moyennes : Perpignan, Béziers, Bédarieux, Ganges, Sète… Nous voulons une politique d’aménagement du territoire très volontariste pour rendre attractive toutes les villes de la région. Il faut développer les savoirs-faire de la région qui sont aujourd’hui négligés. A Alès, la métallurgie par exemple. Au niveau de l’habitat, il faut développer l’isolation, la sobriété énergétique. C’est-à-dire, plutôt que de produire l’électricité, il faut l’économiser et ne pas la gaspiller. C’est faisable en isolant les maisons par exemple.
Est-il compatible de développer l’économie tout en protégeant l’environnement ?
C’est le défi de demain. Nous sommes pour l’éco-économie. La protection de l’environnement et l’écologie peuvent être un vecteur de création d’emplois important. On le voit avec les énergies renouvelables : le photovoltaïque, l’éolien… Alors pourquoi ne pas développer le photovoltaïque dans notre région ?
Changer pour ne pas sombrer
Pensez-vous qu’il y a encore la place pour un parti écologique alors que les valeurs écologiques sont reprises par tous les partis ?
Nous avons gagné une bataille culturelle : les questions écologiques sont au centre des préoccupations aujourd’hui. Par contre, ces préoccupations ne sont pas encore entrées dans les politiques concrètes. C’est tout le problème. Tout le monde fait du développement durable dans les discours mais pas dans l’action. Par exemple, en matière de transport : ce qui est envisagé par toutes les classes politiques, c’est le doublement de l’A9. Il serait mieux de mettre les camions sur les trains pour que le trafic fret se passe plutôt sur les rails que sur la route. On est encore dans des logiques traditionnelles : pour dégager l’A9, on est obligé de la doubler. On a donc progressé sur le plan des idées, de la prise de conscience mais, concrètement, dans les politiques sectorielles tout reste à faire. Je suis pour des changements structurels lourds. Il faut notamment préparer la transition vers une économie sans pétrole, tournée vers la chimie alternative verte, à partir de la biomasse, à partir d’autre chose en somme. Il faut y réfléchir très vite parce que si l’on fait rien les ressources pétrolières vont s’épuiser et on aura aucune alternative.
De tels changements ne seraient-ils pas très coûteux? Les objectifs d’Europe Écologie sont-ils chiffrés ?
Si l’on ne fait rien, le réchauffement climatique va coûter très cher. C’est ce que nous dit le rapport Stern commandé par le gouvernement anglais [ndlr. ce rapport est un compte rendu publié en 2006 sur l’effet du changement climatique et du réchauffement global sur la planète rédigé par l’économiste Nicholas Stern. Ses principales conclusions sont qu’un pour cent du PIB investi maintenant suffirait à fortement atténuer les effets du changement climatique et qu’autrement ce serait risquer une récession jusqu’à vingt pour cent du PIB mondial].
Synthèse du Rapport Stern
Je prône une transition qui sera moins coûteuse au niveau macro-économique, que si l’on continue les tendances politiques actuelles. Ne rien faire amènera des situations de crises auxquelles il faudra s’adapter, et c’est cela qui coûtera cher. De nombreuses personnes ont travaillé sur cela. L’association Negawatt, par exemple [ndlr. située à Mèze], a bâti un scénario pour un système énergétique viable, basé sur la sobriété des économies d’énergie.
Scenario Negawatt
Tout n’a pas été chiffré. Il est difficile de tout anticiper.
Cela va-t-il forcément de pair avec une augmentation des impôts ?
Par forcément. C’est une question d’allocations des ressources. Aujourd’hui, d’énormes gaspillages sont faits. Quand vous passez une heure dans les embouteillages, cela coûte cher en termes de dépenses énergétiques. Si l’on fait en sorte que les gens travaillent plus près d’où ils vivent, cela générera des économies que l’on pourra allouer à des investissements comme ceux que je viens de développer. C’est une question de transition.
Avez-vous des régions ou pays modèles ?
Des choses intéressantes ont été faites ailleurs. Dans le Sud-est asiatique, aux Philippines, par exemple. Ce sont des pays qui ont relativement réussi à se protéger de la mondialisation financière et qui ont essayé de conserver leurs capitaux pour les réinvestir. Le fait de ne pas ultra-libéraliser s’est traduit une sortie de crise plus aisée. L’exemple de la Corée du Sud est aussi intéressant. Elle a pu développer son industrie en réinvestissant ses capitaux et en ayant une stratégie industrielle claire : plutôt que de vendre ses entreprises à l’étranger, elle a auto-construit ses pôles industriels, et cela a permis de générer un cycle économique vertueux, donc du pouvoir d’achat. Le miracle coréen a été basé là-dessus. A contrario, d’autres pays ont joué la mondialisation à fond comme l’Argentine et ont fait faillite.