À Castelnau-le-Lez, les jeunes « boitent » pour Alain Juppé

Il pourrait être leur grand-père, mais ils préfèrent Alain Juppé à Bruno Le Maire ou Nathalie Kosciusko-Morizet, pas encore cinquantenaires. Malgré son âge avancé, l’ancien premier ministre est activement soutenu par des jeunes héraultais.

Sur la place Mendès France de Castelnau-le-Lez, à quelques mètres de l’hôtel de ville, une seule vitrine diffuse de la lumière. Il est 19h30, des militants s’activent dans la permanence parlementaire de Jean-Pierre Grand. Le sénateur-maire (LR) du cru supporte désormais Alain Juppé à la primaire de la droite et du centre, après avoir été un anti-sarkozyste de choc sous la houlette de Dominique de Villepin. Les soutiens de l’ancien premier ministre, 71 ans cette année, s’activent autour de Montpellier, y compris parmi les jeunes militants. « Ce n’est pas contradictoire d’être jeune et de soutenir Juppé, affirme Marine, 28 ans, militante depuis 2007. Il a une image de papy, plus rassembleur et plus rassurant que Nicolas Sarkozy. »

-330.jpg

Sur la table, les prospectus entourent les bières et les pizzas. Ce soir d’octobre, les « Jeunes avec Juppé » se préparent à un « boitage ». En langage militant, distribuer des tracts dans les boites aux lettres. « C’est le moyen le plus sûr pour que les gens aient le message », assure Romain, qui participe à sa troisième campagne présidentielle depuis 2002. « Je suis un « plus trop jeune » », assume-t-il en souriant. « Pour nous, jeune c’est jusqu’à 30 ans. Mais il n’y a pas de règle dans le parti, explique Marine. Alain Juppé a besoin des jeunes. S’il est élu, il ne fera qu’un seul mandat. Il a besoin qu’il y ait un renouvellement de la classe politique derrière lui. » Au-dessus du bureau où s’accumulent les piles de prospectus siglés « Jeunes avec Juppé », le général De Gaulle toise la pièce depuis la bibliothèque de l’Élysée.

« La primaire attire les jeunes »

Ouvrir le tract du candidat, insérer l’adresse des deux bureaux de vote de Castelnau-le-Lez, refermer le tract, recommencer. Il faut préparer au moins 400 prospectus. « Dans notre comité, on est une vingtaine de sympathisants et sept ou huit militants actifs, déclare Cédric, 26 ans et animateur de la page Facebook « Les jeunes de l’Hérault avec Juppé ». On a même des jeunes de 18, 19 ans qui sont attirés par le personnage. » Parmi eux, certains sont déjà des professionnels de la politique, élu local ou attaché parlementaire. Ce soir-là, un renfort est accueilli avec plaisir par le trio de militants. Rémi, 20 ans, est encarté UDI fraichement arrivé à Montpellier. L’Union des démocrates et des indépendants a officialisé son soutien à Alain Juppé le 12 octobre. Un rapprochement entre jeunes juppéistes et jeunes centristes héraultais est en projet.

-329.jpg

« La primaire attire les jeunes, confie Marine. Il y a un côté très démocratique et nouveau qui plait. Ils se sentent plus concernés que pour une élection classique où le candidat est en quelque sorte imposé. » Pourtant, les jeunes militants visent peu leur génération. Pas de propagande « jeune » spécifique, ni d’actions ciblées localement. Ce soir-là, ils ont choisi de « boiter » dans un quartier pavillonnaire des hauteurs de Castelnau-le-Lez. « On sait que la droite a fait un bon score aux bureaux de vote du secteur, explique Marine, mais à terme on va faire tout Castelnau. »

Garder des forces

Après quelques minutes de voiture, ils se séparent en deux équipes pour distribuer leur propagande. Le matériel du bon militant : pile de tracts, carte du secteur et feutre rose fluorescent pour marquer les rues parcourues. Sous la nuit claire, l’ambiance est détendue. « On est en famille », dit Marine en glissant un tract dans une boite aux lettres. La conversation passe de la performance d’Alain Juppé à l’Émission politique de France 2 à la série Game of Thrones sans difficulté. Marine et Cédric ont trouvé leur candidat convaincant sur France 2, malgré des questions sur son passé judiciaire. Alain Juppé est le seul candidat de la primaire à avoir été condamné et pas seulement mis en examen. En 2004, il est condamné à 14 mois de prison avec sursis et un an d’inéligibilité dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. « Du réchauffé », selon Marine. Cédric enchérit en citant le candidat, qui a déclaré « qu’en matière judiciaire, il vaut mieux avoir un passé qu’un avenir. » Une pique lancée à son principal adversaire, l’ex retraité de la politique Nicolas Sarkozy mis en examen dans les affaires Bygmalion et Paul Bismuth.

-336.jpg
-335.jpg

Entre les casseroles judiciaires et le virage à l’extrême-droite de sa campagne, l’ancien président rebute les jeunes juppéistes. « Sarkozy est très proche du FN aujourd’hui, trop proche, dit Marine. Il a détruit l’UMP. Juppé va réintégrer le centre. Il veut rassembler, il rassure, surtout les jeunes. » Pourtant, si l’ancien président l’emporte, elle n’exclut pas de participer à sa campagne. « Après la primaire, l’important sera de faire gagner le parti. Je suivrais le chef, mais je serais surement moins engagée dans la campagne. »

La fraicheur et l’heure tardive ne découragent pas les militants. « Bien sûr, Alain Juppé n’est pas parfait, poursuit Marine en nourrissant les boites aux lettres de tracts. Il a l’âge qu’il a, mais ce ne sera pas le premier président âgé. Regardez Mitterrand et Pompidou. » « C’est le candidat le moins clivant de la primaire, détaille Cédric. Il ne joue pas sur la fibre identitaire, ça c’est pour les vieux, les jeunes s’en foutent. Regardez le vote du Brexit, les vieux ont voté en masse. Les jeunes veulent qu’on leur parle emploi, opportunités, avenir. Et ça, Juppé le fait. » Sur la carte, le quartier est couvert de rose, les tracts bleus sont dans les boites aux lettres. 23h, il est temps de rentrer. Les militants veulent garder des forces pour défendre le candidat jusqu’au 20 novembre, voire – ils l’espèrent – jusqu’au 7 mai.

TAK O TAK: Question pour un champion… de région.



« Le choix est difficile là… », Delga et ses concurrents ont du mal à répondre à nos questions… pourtant très simples ! Pris à leur propre piège, les candidats à la présidence de la grande région tiquent, butent, ricanent, bafouillent. Foot ou rugby ? Tielle sétoise ou canard ? France ou Europe ? L’emmerdeur ou Le Boulet? Le suspense est intenable….

Reynié , Delga , Aliot , Saurel , Onesta , passent le test du TAK O TAK.

R3JMMFY6QFE

Dominique Reynié: le trublion des Républicains



Passé de la théorie à la pratique, le politologue Dominique Reynié (Les Républicains) traverse la campagne des régionales comme un ovni politique. Contesté en interne et admonesté par Nicolas Sarkozy, il s’est révélé pugnace et déterminé à briser certains codes.

Cette semaine, nous vous proposons une série d’articles consacrés aux élections régionales. Retrouvez nos portraits et nos vidéos dans notre dossier.

Dominique Reynié revendique l’urgence de renouveler la pratique politique. Prof à Science Po Paris et directeur d’une fondation, il est habitué aux plateaux de télévision (C dans l’air sur France 5) et de radio (une chronique sur France Culture jusqu’en 2012). Mais l’heure était pour lui venue de passer du commentaire à l’engagement. « Je sentais que la tentation était là, chez un politologue il y a toujours l’envie de passer de l’autre coté du miroir », confie son collègue Pascal Perrineau, professeur et chercheur à Science Po Paris, un ami de trente ans.
Désigné après une interminable primaire régionale de quatre jours, il est définitivement adoubé tête de liste LR-UDI en mai 2015 avec une courte avance (deux voix face à Bernard Carayon, maire de Lavaur). Au cœur de son programme, la revalorisation de la région comme « pouvoir public » face à « l’affaissement de l’Etat ».

Inconnu au bataillon

Le professeur Reynié est un curieux produit, un homme politique qui ne veut pas en être un. « Il n’est pas un professionnel de la politique, il est dans l’efficacité et apporte une vision fraîche », se félicite Elisabeth Pouchelon, tête de liste Les Républicains en Haute-Garonne. Tous ses colistiers, mais également ses adversaires, s’accordent à dire qu’il n’utilise pas les codes politiques du milieu. Qu’il se pose souvent en candidat décalé, bref qu’il n’est pas du giron.

Ses partisans assurent le croire « sincère et novateur ». Un créneau qui peut séduire le citoyen désenchanté par la politique politicienne. « Ils m’ont désigné, accepté, ils ont pris le risque de prendre quelqu’un d’atypique, si c’est pour en faire un politique comme les autres ce n’est la peine », explique le candidat content de son positionnement.

« Illégitime, inexpérimenté, amateur, décalé », autant d’adjectifs utilisés par ses détracteurs, surtout dans son propre camp. Des élus ont criés au parachutage ? Dominique Reynié, 55 ans, les a pris au mot et s’est offert un saut en parachute à la communication bien orchestrée.

« Il est têtu ! »

Le prof aime faire la leçon mais n’aime pas s’en laisser donner. Et surtout pas par Nicolas Sarkozy qui a plusieurs reprises a haussé le ton et menacé de le démettre pour le faire entrer dans le rang. Une vive tension était né autour de la composition de ses listes régionales quand Paris avait voulu lui imposer des noms. Mais le rappel à l’ordre de l’ancien président de la République n’y avait rien changé. « C’est un têtu, un sacré gaillard, il ne plie pas facilement le genou », confirme son ami Pascal Perrineau.

Le 5 novembre, Reynié ne se dégonfle pas et présente au conseil national Les Républicains la liste définitive qu’il a choisie et déposée en préfecture de Toulouse. Résultat : des caciques et des apparatchiks locaux ont été rayés ou rétrogradés.
Désabusé, piégé, énervé par ce comportement insolent, Sarkozy encaisse. Cet affront que certains attribuent à son inexpérience est aussi l’expression d’une réelle agilité politique. Le sage professeur se paie d’ailleurs ce jour-là le luxe d’une ovation par un parterre ultra-sarkosyste.

Mais de retour à sa campagne locale, une autre embûche l’attend. Il est accusé par le sénateur Les Républicains Jean-Pierre Grand de ne pas être domicilié dans la région qu’il brigue. Lui, assure être inscrit sur les listes électorales et résider dans l’Aveyron depuis mars 2015. Au final, il exhibera un contrat de location. Mais celui-ci révèle que l’appartement qu’il dit occuper depuis toujours n’est qu’une chambre individuelle dans la maison de sa mère à Onet-le-Château. De petits arrangements avec la vérité qui montrent que l’ovni Reynié fait aussi sa politique comme les autres.

Régionales 2015:
Dominique Reynié: « Je suis porteur du plus beau projet »

Dominique Reynié est le chef de file des Républicains et de l’UDI pour les élections régionales en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Le 12 novembre 2015, il nous accueillait dans ses locaux de campagne à Toulouse. Une interview où il se confie sur son passage laborieux de politologue à homme politique pour les élections des 6 et 13 décembre prochains.

Zc7TXmQU1TM