« Dans un an, je ne sais pas si Bakchich existera encore »

Hautcourant a rencontré Laurent Léger, le rédacteur en chef du site d’information Bakchich.info. Il nous a dévoilé sans détours sa vision du métier de journaliste et les difficultés qui lui sont propres.

Bakchich est en danger. Malgré les quelques bonnes résolutions issues des États Généraux de la presse écrite, les journaux en ligne n’ont pas encore trouvé de modèle économique viable.
Ce site d’information créé en mai 2006, dont la rédaction est dirigée par Nicolas Beau et Laurent Léger, est souvent considéré comme « le Canard Enchainé » de la toile ( voir : http://www.bakchich.info/article6319.html). Leur ambition première était de pouvoir publier toute information dérangeante sans restriction, ni pression. Car Laurent Léger le confirme, « il est parfois difficile de publier une info. »

Aujourd’hui, ils ne se privent plus. Leur créneau : l’enquête et les affaires sensibles. Dernièrement, ils ont dévoilé l’affaire du père caché de l’enfant de Rachida Dati. La ministre de la justice l’aurait conçue avec José-Maria Aznar, l’ancien Premier ministre du gouvernement espagnol. Laurent Léger nous éclaire sur les dessous de cette enquête.

Le rédacteur en chef l’avoue, il ne sait pas si Bakchich passera l’année. La situation économique du journal les pousse à envisager le pire. « Dans un an, je ne sais pas si Bakchich existera encore » confie-t-il.

L’enjeu est de taille. Selon Laurent Léger, il n’y a pas de place pour une presse indépendante dans la configuration actuelle des médias on-line. Des financiers véreux leur font de l’œil, tandis que les grand patrons de presse les ignorent. Bakchich semble dans l’impasse.

Bakchich a approché des grands propriétaires de presse comme Bolloré, ou encore Lagardère, non sans quelques appréhensions. La survie de leur journal en dépendait. Laurent Léger affirme que cette étape a fait l’objet de débats au sein de la rédaction. « C’est un vrai challenge qu’on s’est posé. Est-ce qu’ils sont susceptibles de nous financer ? Et deuxièmement, s’ils nous financent, que fait-on si ils nous demandent de ne pas écrire sur certaines choses ? ». Les grand patrons ont refusé. La question ne se pose plus.

Médiapart, Bakchich, Rue 89… le paysage médiatique sur le Web est très varié et tous partagent les mêmes problèmes. Alors pourquoi ne pas s’allier ? Pour Laurent Léger, cela reste peu probable pour l’instant.

« On aura toujours besoin de journalistes »

Le 29 Septembre 2008, lors de la rentrée du Master 2 Métiers du Journalisme de l’Université Montpellier I, Alain Plombat s’était exprimé sur la crise profonde que traverse la presse actuellement. A l’occasion du dossier de Hautcourant sur les États Généraux de la Presse, nous revenons sur cette intervention au cours de laquelle il avait tour à tour évoqué la presse gratuite, les dérives de l’emballement médiatique et l’inévitable réinvention du métier de journaliste.

Alain Plombat refuse de diaboliser une presse gratuite qui selon lui a le mérite de confronter les jeunes générations à la presse écrite. Il met cependant en exergue le risque de travestir les évènements dans une logique purement marchande.

Face au « tout média », où chacun peut se prétendre journaliste, la profession ne doit pas tomber dans le spectaculaire mais au contraire analyser, informer et instruire.

Dans la crise actuelle, le salut du journalisme passe, selon Alain Plombat, par une réinvention de la profession qui pourrait se traduire par un nouveau modèle économique, affranchi de la publicité.

« La presse n’est pas un service public »

Le vendredi 17 octobre 2008, nous avions le plaisir de recevoir Pascal Riché, co-fondateur et rédacteur en chef de Rue89.com. Fondé en 2007, ce site d’information généraliste et participatif a été conçu comme une alternative à la presse traditionnelle. C’est en réaction à la crise qui les touchait en tant que journalistes de Libération que Pascal Riché et Pierre Haski, accompagnés de Laurent Mauriac et Arnaud Aubron ont lancé ce projet.

Pascal Riché nous explique leur choix de la gratuité de l’accès au site, vu comme une propriété génétique d’Internet, légitimant ainsi le recours à la publicité :

Le site n’a cependant pas encore atteint son équilibre financier, ne bénéficiant pas des subventions accordées aux journaux traditionnels se lançant sur la toile. Pascal Riché déplore cette distorsion de la concurrence :

On pourrait croire que l’indépendance financière par rapport au pouvoir politique leur garantit une certaine liberté. Au contraire, il s’avère que Rue89 a subi des pressions, notamment au mois de juillet, après avoir diffusé une vidéo montrant Nicolas Sarkozy en off de son interview sur France 3 :

Refusant une « république bananière », Pascal Riché se dit choqué : ce n’est pas à l’Elysée d’organiser les Etats généraux de la presse :

Quoiqu’il soit, Pascal Riché reste optimiste : « Internet ne tuera pas les autres médias ».

Avec ça, vous ne pourrez plus dire que vous n’êtes pas haut courant.

Franz-Olivier Giesbert : « Ne soyons pas hypocrites : les gratuits sont bénéfiques à la presse »

A l’occasion d’un débat avec Edwy Plenel, fondateur de Mediapart, et Jean-François Kahn, ex-directeur de Marianne, samedi 31 mai, à Montpellier, le directeur du Point Franz-Olivier Giesbert est revenu sur le rôle de la presse gratuite dans la crise de la presse écrite. A contre-courant de ses confrères et de l’opinion générale qui règne au sein du microcosme médiatique, FOG approuve l’existence des gratuits, soutient même le rôle bénéfique de cette « concurrence » à la presse payante. Témoignage à rebrousse-poil d’un journaliste rarement là où on l’attend…

Franz-Olivier Giesbert s’exprime sur la presse gratuite et la crise de la presse.

Korbo dévoile des ingrédients du prochain album de Fanga

« Je suis peut-être court en disant début d’année prochaine, mais j’espère, parce qu’il y a déjà tous les morceaux de bien établis. » Le troisième album de Fanga, le groupe d’afro-beat le plus connu en France, pourrait sortir dans moins d’un an. Rencontre avec Korbo, le chanteur. Quelques informations croustillantes sur ce prochain album, et voyage dans le monde de la musique « consciente », avec un passionné.

Quand on demande à Korbo comment sera le prochain album de Fanga, il répond : « on n’aura pas d’excuses ». Le groupe, basé dans la région de Montpellier, va peaufiner les morceaux jusqu’en septembre prochain, avant d’enregistrer. « On aura vraiment le temps de travailler …] ça va être vraiment du Fanga. Plus que ce qu’on a fait avant. » Intrigant. Il va falloir patienter pour le découvrir. Mais pour les plus curieux, Korbo lève un peu le voile : hip-hop, mandingue, influence [« Ghana soundz », voilà quelques ingrédients du futur album.

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Korbo baigne dans la musique depuis tout jeune. Son père gérait une boîte de nuit au Burkina Faso. Le chanteur est arrivé en France à l’age de dix ans. La rencontre de Korbo et du producteur de hip-hop Serge Amiano a donné naissance à Fanga et un premier album en 2004 : « Afrokaliptyk ». Depuis, le groupe a évolué.

L’originalité de Fanga ? « Notre côté électronique, qui vient du hip-hop. Et le « spoken word », ce parlé-jeté avec le public ». En concert, Korbo se veut « explicatif », il discute avec le public. Pour que celui-ci comprenne les textes souvent en anglais ou en dioula. Et sur le deuxième et dernier album sortit en juin 2007, «Natural Juice» [ Le titre « Natural Juice », du même nom que l’album, figure sur la dernière compilation « NovaTunes» (1.7). Et l’album devrait bientôt ressortir avec des bonus vidéo, et des morceaux remixés. Dont un en featuring avec le chanteur anglais du groupe Flox (du même label que Fanga, Underdog Records)]], on découvre de belles rencontres avec entre autre [Tony Allen [[Sur le 2eme morceau de l’album : « Crache La Douleur »]], celui qui a inventé la rythmique afro-beat. Pour ces différentes raisons sans-doute, le CD se vend bien : « une reconnaissance du public. »

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Pour beaucoup de gens, « afro-beat » ne veut rien dire. Korbo regrette le manque de groupe de ce genre musical en France et même dans le monde : « seulement une dizaine tournent. Pourtant cette musique se doit d’être montrée, écoutée. Il y en a peu de militantes comme le reggae, et à une certaine période le hip-hop. »

Korbo tente de délivrer des messages à travers l’afro-beat. « Ce que Fela disait dans ses textes, j’y accorde beaucoup d’importance mais ce ne sont pas mes propos. Lui a les siens, car il a vécu au Nigéria. Moi c’est autre chose. » A ses débuts hip-hop, ses textes portaient déjà sur les conditions de vie, l’âme humaine. Il continue toujours. Selon lui, « on ne peux pas se plaindre du monde dans lequel on vit puisque c’est nous qui le façonnons. Si on laisse faire d’autres personnes qui ne nous plaisent pas, c’est notre faute. C’est un peu ce que je retranscris dans mes textes». Korbo « espère être militant, à sa manière ».

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« Le groupe Fanga, c’est une tripoté d’égos surdimensionnés », ironise Korbo. En tout cas, lui, il cache bien son jeu. Les autres aussi sans doute.

« Le journalisme par « effraction », une réponse aux stratégies du pouvoir »

Vendredi 1er février 2008. Le journaliste Guillaume Dasquié se retrouve à nouveau face aux étudiants du Master professionnel « Métiers du Journalisme » de Montpellier. Thème de l’intervention : le journalisme par « effraction », ou comment exercer sa profession par tous les moyens et continuer de délivrer une information honnête au citoyen.

Fin novembre, il avait fait le déplacement pour parler de son expérience comme journaliste d’investigation, de sa vision du métier, et délivrer quelques conseils pratiques aux reporters en formation. Entre-temps, le 7 décembre dernier, Guillaume Dasquié a été mis en examen pour « détention et diffusion de documents ayant le caractère d’un secret de la défense nationale ».Tout ça pour avoir publié, le 17 avril 2007, dans Le Monde, une enquête qui démontrait qu’avant le 11 septembre 2001, la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) avait anticipé les menaces d’Al-Qaida sur les États-Unis et qu’elle avait transmis ces informations aux services secrets américains (voir « Dérives et pressions pendant la garde à vue du journaliste Guillaume Dasquié »). Le jeudi 24 janvier, les avocats de Guillaume Dasquié ont déposé une requête en annulation de la procédure devant la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris, au nom du droit à la protection des sources journalistiques. « Obtenir des informations sensibles génère forcément le type de réaction qui m’est arrivée. Mais ce n’est pas parce qu’un journaliste arrive à se procurer une information avec le tampon « confidentiel défense » qu’il doit tourner la tête et passer à autre chose » explique-t-il, déterminé. Presque deux mois après sa garde à vue de trente-huit heures et sa mise en examen, il revient sur sa « mésaventure », renforcé dans ses convictions :

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Pour Guillaume Dasquié, exercer le métier de journaliste dans un monde où règnent les stratégies de communication est devenu un sacerdoce, une mission quasi impossible sans le contournement des méthodes traditionnelles. Il introduit alors le concept d’un journalisme nerveux, virulent et déterminé, dont les seules limites restent, pour lui, la morale et l’éthique. « Les journalistes se doivent de contourner les dispositifs violents de la part des acteurs politiques ou individuels qui visent à cadenasser l’information : faire du vrai journalisme aujourd’hui, c’est faire du journalisme par « effraction » ».

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Qui parle de journalisme par « effraction », parle des moyens – pas toujours très légaux – que le journaliste utilise pour aller chercher l’information, ou alors pour se protéger lui-même. Le meilleur exemple : les micros et caméras cachés.

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Certains professionnels, comme le journaliste Edwy Plenel, s’interdisent le recours à de tels procédés, quel que soit l’enjeu de l’information à glaner. Guillaume Dasquié, lui, ne voit ces techniques que comme des outils au service du jeu « informateur-informé ». « Pour s’en sortir dans le jeu de la communication, le journaliste ne doit pas être l’instrument du jeu, mais le manipulateur lui-même. Pour produire de l’information sur des sujets touchant la raison d’État, il faut forcément briser les règles, passer par des chemins détournés. Au bout du compte, on est soit manipulateur, soit manipulé. Au journaliste de choisir son rôle ».

En conclusion, Guillaume Dasquié évoque l’avenir du journalisme d’investigation avec le développement de l’information sur Internet. Pour lui, les médias on-line offrent de véritables perspectives : « C’est un vrai succès aujourd’hui dès que des sites Internet produisent de l’information de qualité. Ils développent une identité journalistique propre et une crédibilité supérieure aux supports papier. Les possibilités de développement ramènent les journalistes aux questions essentielles, aux bases du métier ».

Interview D’Edwy Plenel le 18/12/07

Le 18/12/07, Edwy Plenel, professeur associé au Master 2 Métiers du Journalisme de l’Université Montpellier 1 a manifesté son soutien au lancement du site « Haut Courant » (masterjournalisme.com).

On ne présente pas Edwy Plenel. Journaliste, directeur de la rédaction du journal Le Monde de 1996 à 2004, auteur de plusieurs ouvrages, il est aussi l’un des professeurs du Master 2 Métiers du Journalisme de l’Université Montpellier 1.

Le 18 décembre dernier, il donnait son point de vue sur la pertinence de la création du présent site internet. Il s’agît pour lui du meillleur moyen pour nous confronter à la pratique journalistique dans ses formes les plus diverses et les plus actuelles: texte,son,image.

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Pour lui, la plus value que des étudiants peuvent apporter à l’information réside dans « la modestie, la rigueur et l’exigence » avec laquelle ils peuvent faire ce travail. Afin de montrer qu’ils possèdent un « idéal » du métier de journaliste.

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Il poursuit avec un conseil: Ne pas se brider, et fabriquer le contenu de ce site « avec fraicheur », et sans peur de l’expérimentation.
Il conclut en nous faisant part de ce que lui apporte le travail de professeur au sein du Master Métier du Journalisme.

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Merci M. Plenel, et Bon Courage à vous pour le lancement de Mediapart!

David Abiker

David Abiker, chroniqueur sur France Info et le site Arrêt sur Images, était vendredi 7 décembre invité à Montpellier dans le cadre d’une conférence au bénéfice des étudiants du Master Journalisme de la faculté de Droit. Il s’est exprimé sur son métier de chroniqueur et sur les mutations que subit l’information avec le support que représente Internet. Il a ensuite répondu aux questions d’un étudiant.

Dans un premier temps, il a décrit son parcours professionnel et ce qui l’a amené aux métiers de l’écrit. Suite à une première carrière dans la communication il s’est s’intéressé à l’écriture de chroniques. Après une remise en question, David Abiker a abandonné le salariat pour se consacrer à la chronique. Son attrait pour l’écriture et l’aspect sociologique du net l’ont poussé vers les blogs. De là, il s’est familiarisé avec le quotidien des internautes (blogs, etc.)
Il présente par ailleurs les sites sur lesquels il aime aller chercher de l’information.

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Plus spécifiquement sur les enjeux d’Internet pour l’information, David Abiker revient sur l’impact de la publicité sur la toile et s’attarde sur le positionnement des journaux, qu’ils soient en papier ou virtuels. Il dénonce à ce titre l’autocensure dont peuvent user les rédactions, ainsi que la dépendance qui peut exister à l’égard de l’actionnaire majoritaire.
Presses papier et web se complètent sur les contenus, et forment un ensemble dont le journaliste est l’éclaireur auprès des citoyens.

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Les projets de sites d’informations fleurissent à l’heure actuelle, entre Arrêt sur images, MediaPart, et les projets gratuits comme Rue89 ou Marianne2. Chacun envisage un modèle économique et un public, profitant des transformations des habitudes des citoyens en matière de multimédia. Le chroniqueur détaille et donne son point de vue sur la question et approfondit l’épineux problème de l’impact du payant pour l’information elle-même.

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Féru de blogs, il revient sur l’importance des commentaires, et du « tout participatif » que promet Internet. Si l’intérêt s’avère souvent limité, le commentaire permet toutefois de quantifier l’intérêt du lecteur, chose impossible à réaliser dans le journal papier.

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Pour finir, l’invité du master revient sur les sites en ligne des quotidiens de référence, et l’idée qu’il se fait de l’avenir de la presse, dont il voit la complémentarité entre le net et le papier.

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Après la conférence et l’entretien, instructifs et chaleureux, David Abiker s’est rendu au Club de la Presse de Montpellier.

Guillaume Dasquié

Guillaume Dasquié, journaliste d’investigation qui s’intéresse de près aux secrets d’Etats et à la géopolitique s’est retrouvé il y a peu, mis en examen pour avoir diffusé des documents classés secret défense. Vendredi 23 Novembre 2007, il avait présenté le journalisme d’investigation et le métier tel qu’il le voit, aux étudiants et futurs journalistes montpelliérains.

Lors de cette après-midi, il avait accepté de se plier à une interview sur sa façon d’être journaliste, le monde fascinant de ses enquêtes et la justice à laquelle il a déjà eu affaire.

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