Vins bio en Suède : un coeur à prendre

Selon une récente étude organisée par SudVinBio, les Suédois seraient parmi les plus importants consommateurs de vin bio en Europe. Une place à prendre pour les vins bio français qui bénéficient d’une image de qualité. Seul bémol : l’importation de vin en Suède est régulée par le monopole d’État.

« Le contexte économique est favorable : la Suède, c’est 9,8 millions d’habitants, une croissance de 2,6 % par an, et une consommation soutenue ». Les mots de Cécilia Ekfeldt, conseillère export pour Business France en Suède, raisonnent dans la salle de conférence du Millésime Bio. « Mais attention, c’est surtout dans les grandes villes et dans la capitale qu’il y a des débouchés », souligne-t-elle. Dans ce pays scandinave coincé entre la Norvège et la Finlande, la récente étude commandée par SudVinBio montre que les Suédois, plus que les autres, se soucient de l’environnement et de la qualité de leur vin. Mode de vie scandinave oblige.

Pourtant, nombreux sont ceux qui viennent nuancer le tableau dressé par l’association qui organise Millesime Bio. Fabien Lainé, blogger et journaliste, a travaillé en tant que chef sommelier dans un hôtel en Norvège durant une dizaine d’année. Il connaît bien le mode de vie et les habitudes de consommation dans ces régions glacées du nord de l’Europe : « À Stockholm, la capitale suédoise, les bars à vin sont nombreux. Mais en dehors de la ville, le bio se fait plus rare », précise-t-il d’un ton désabusé. Les Suédois, grands amateurs de vins bio ? « Oui et non. Il y a les études et la pratique : la plupart des ventes aux consommateurs sont des Bag-in-Box. La consommation de vin bio se concentre dans la capitale et les grandes villes universitaires. Finalement, beaucoup de gens se fichent de consommer du bio ou pas », argumente-t-il.

À Stockholm, les restaurants et les bars à vin proposent du vin bio au verre : entre 110 et 195 couronnes suédoises, c’est-à-dire entre 12 et 22 € le verre. Extrêmement cher pour un Européen du sud, un peu moins pour des Suédois au niveau de vie élevé. Pour un Bag-in-Box, il faut compter une quarantaine d’euros minimum. Qui plus est, le Bib représente 52 % de la consommation de vin bio, et 78 % des 20-30 ans le préfère à la bouteille. « Les débouchés sont nombreux dans les grandes villes », confirme Cecilia Ekfeldt.

-233.jpg

Le contexte particulier du monopole d’État

« Systembolaget ». C’est le nom de la société qui détient le monopole d’État Suédois concernant les boissons alcoolisées de plus de 3,5 %. Cette société détient 90 % du marché en Suède et dispose de plus d’une centaine de points de vente à travers le pays. Concrètement, les consommateurs ne peuvent pas acheter de l’alcool en supermarché, ils doivent se rendre dans les magasins de la société qui détient le monopole. L’offre est vaste : ils proposent plus de 1 700 vins du monde entier. Leur objectif est que les vins bio représentent 10 % des importations d’ici à 2020.

Ainsi, Systembolaget établit chaque année un plan pour introduire de nouveaux produits. Chaque mois, des appels d’offre sont diffusés auprès des importateurs Suédois. Ces derniers traitent ensuite avec les exportateurs étrangers avant de décider des produits qu’ils souhaitent importer. Après une première sélection, un tiers des d’entre eux sont sélectionnés pour une dégustation à l’aveugle. Le meilleur est choisi et lancé sur le marché six mois plus tard.

Cela peut paraître effrayant selon Fabien Lainé : « Le marché Suédois est plus ouvert, plus flexible que d’autres marchés similaires, comme le marché Norvégien par exemple. Il y a moins de paperasse même s’il y a un monopole d’État ».

Une place à prendre pour les vins bio français

En Scandinavie, l’image de la France est liée au romantisme, à l’art de vivre et au raffinement. En somme, une référence. L’Hexagone est d’ailleurs la quatrième destination des touristes Suédois et une partie privilégie l’œnotourisme. La notoriété des vins français est donc importante. Environ 13 % du vin importé par le monopole Suédois est Français. Mais c’est l’Italie qui domine, avec une part de marché de 27 %. Selon Elisabeth Engelsen Ellqvist, cadre chez Provinum, une entreprise d’importation européenne de vin, « les temps sont propices pour la France car elle peut se positionner sur le marché Suédois. Il y a un potentiel important pour le vin bio français ». Selon la revue du secteur « Allt om vin » couronnant les meilleurs vins de l’année sur le marché, la France décroche 19 médailles contre 8 pour l’Italie. Selon Fabien Lainé, « les débouchés pour les vins bio français en Suède sont nombreux. Mais tout dépend des appellations et de leur notoriété. Lorsque l’on est un petit domaine, il faut participer aux appels d’offre du Systembolaget ».
De quoi se faire une place au frais dans cette contrée nordique.

Millésime Bio, Millésime écolo ?

Au-delà des vins certifiés bio, le célèbre salon est-il vraiment éco-responsable ? Du recyclage des bouchons au nettoyage des verres, Haut Courant a mené l’enquête jusque dans les arrière-cuisines de la manifestation. Verdict à déguster ci-dessous.

-219.jpgBio = écolo ? Quand on vient à Millésime Bio dont la renommée est internationale, mieux vaut répondre par l’affirmative ! Ode à la dégustation et fort de ses 873 exposants, le salon est en état d’ébriété. Premières victimes, les bouteilles. Asséchées, que deviennent-elles sachant que le verre est une matière 100 % recyclable et indéfiniment ? Cendrine Vimont, chargée de communication de la manifestation est limpide : « Elles sont recyclées ! » Vérification faite, des conteneurs sont à disposition des exposants à l’extérieur du Parc des Expos de Montpellier où se tient le salon. « Si à la fin de la journée des bouteilles restent sur les tables, le service de maintenance est chargé de les collecter et de les jeter dans les contenants adéquats », ajoute la communicante. Le recyclage des bouteilles, la base.
Moins évident, les bouchons en lièges, indissociables du précieux contenant. Recyclés aussi. Déposés dans des bacs aux quatre coins du salon, « ils sont récupérés par l’association France Cancer et ils deviendront des panneaux d’isolation », clame Cendrine Vimont. Dehors, des conteneurs jaunes accueillent les emballages en carton.

-220-r90.jpgÀ Millésime Bio on recycle donc, jusqu’à la moquette. Et de la moquette il y en a ! Elle coule littéralement sur le sol du parc des expos. Fournie par une entreprise du nom d’ORSA, la moquette est récupérée et transformée. Idem du côté des bâches de signalétique disposées au coeur du salon. En revanche, les autres supports de communication sont moins verts. Sur ce point-là, Cendrine Vimont admet que « tous les outils de com’ ne portent pas un label responsable ». Au final, seule une plaquette incluse dans le dossier de presse est imprimée durablement (utilisation de papier recyclé et d’encre végétale).
Peut mieux faire aussi à l’intérieur du salon. Pour les déchets de type cannettes, gobelets ou alimentaires, des sacs sont mis à disposition mais aucune consigne de tri n’apparaît. Cendrine Vimont accuse l’état d’urgence et déplore la difficulté à mettre en place des bacs dédiés à l’intérieur de salon, ces derniers seraient « de parfaites cachettes pour des bombes ! » Il semble que l’état d’urgence ne cède pas à l’ivresse écologique…

Repas bio, traiteur nature

Entre deux dégustations, on mange aussi à Millésime Bio ! Bernard Cabiron, traiteur Montpelliérain, a été choisi par assurer la restauration du salon. La consigne : élaborer un repas 100 % bio. Dont acte. Si ce dernier ne propose pas exclusivement des plats bios à l’accoutumée, il reste néanmoins un traiteur 100 % DD. « Nous faisons partie des 39 entreprises en France qui ont le label QualiTraiteur », souffle-t-il. Mais pas que. « Nous avons été la première association de traiteurs à signer la charte anti-gaspillage », ajoute-t-il fièrement. En résumé, l’entreprise est partenaire de la banque alimentaire à qui elle donne les excédents d’aliments. Pour le surplus de ce premier jour, on repassera. « On a été dévalisé ! », s’exclame Bernard Cabiron.
La vaisselle, elle, est aussi respectueuse de l’environnement. « On utilise des gobelets recyclables et de la vaisselle en faïence réutilisable. On essaie de limiter un maximum les produits jetables », annonce le traiteur à l’aura responsable. Effectivement, même le potage de lentilles est servi dans un gobelet recyclable et dégusté avec une cuillère en bois, 100 % recyclable.

La plonge en mode DD, elle aussi

Selon nos observations, le salon joue jusque-là la carte écolo autant que faire se peut. Que nous reste-t-il à examiner ? La plonge, évidemment. Quand un salon comme celui-ci vibre au tintement des verres qui s’entrechoquent, on peut légitimement se poser la question de la gestion écologique des verres à pieds. Jérôme, chef de la plonge pour le compte de la SARL Belbuc dégaine direct le produit vaisselle utilisé : étiquette écolabel collée sur l’emballage. On aurait pu s’arrêter là. Mais non. « On utilise de l’eau osmosée », dévoile Jérôme. L’eau de la ville est filtrée par centrifugation pour faire tomber le PH de 460 à 5 ! « L’eau osmosée permet de diminuer le calcaire », affirme Jérôme. Un bémol cependant, « quelques fois, il reste un peu de tanin dans le verre ».
L’adage est bien connu, on ne peut pas contenter tout le monde. « On essaie de faire le plus simple possible pour respecter les critères écologiques », précise le prestataire. L’idée est aussi de consommer moins d’électricité. Dans un des seuls halls du Parc des Expos resté désert, on utilise un petit lave-vaisselle, moins énergivore.

Last but not least, l’emprunte carbone. Là encore, le salon s’est mis au vert. « On a fait le choix d’inciter les visiteurs à venir en tramway et nous avons mis une navette gratuite à disposition », lance Cendrine Vimont. Il faut dire qu’après une journée de dégustation, mieux vaut peut-être éviter de prendre le volant. Même si on est censé cracher… Pour Alex, visiteur néophyte, « il manque quand même des toilettes sèches ! » Ce sera peut-être pour l’année prochaine…

Niveau écolo, Millésime Bio a quand même pris de la bouteille. Comme le bon vin, il se bonifie avec le temps.

Challenge Millésime Bio : des vins dans les starting-blocks

À vos verres, prêts, partez ! Comme chaque année, Sud Vin Bio organise son Challenge Millésime Bio. Lundi 11 janvier, environ 400 bouteilles ont été médaillées d’or, d’argent ou de bronze pour l’année 2016. Haut Courant y était.

-198.jpg

Dès 9h30, les 330 dégustateurs attaquent l’évaluation des 1480 vins du concours. C’est la première fois que l’évènement est organisé au stade de rugby Altrad Stadium.


-195.jpg

Les spécialistes du vin ou personnalités reconnues au niveau régional, national ou international se sont retrouvées à des tables de 3 à 5 personnes pour discuter à l’aveugle des vins en compétition. Des conversations nourries – mais toujours discrètes – puisque les dégustateurs viennent de secteurs très différents. Globalement, l’ambiance est restée très studieuse pendant la notation.


-197.jpg

Pour préserver l’anonymat des produits, les bouteilles de vins ont été recouvertes par des sachets plastiques. Seules des mentions précisant l’origine des produits, le type de vin et l’année de production ont été affichées sur le haut du goulot. De quoi attiser la curiosité des dégustateurs à l’aveugle.


-189.jpg

En coulisse aussi, le nom des bouteilles est caché. Les bouteilles sont regroupées selon les différentes tablées et les petites mains de Millésime Bio n’hésitent pas à accourir pour remplacer une bouteille dès que l’une d’elles se vide.


-192.jpg

Le Président du jury de l’édition 2016 est Lars Torstenson, œnologue Suédois réputé dans le domaine du vin bio. Après avoir ouvert la nouvelle édition du Challenge Millésime Bio, il n’a pas hésité à déguster lui-aussi les vins. Les vins effervescents – Champagne, Clairette ou Crément, parmi tant d’autres – ont été testés et notés par le spécialiste.


-196.jpg

À disposition des jurés, les feuilles de notation leur permettaient de noter sur 20 les différentes bouteilles anonymes présentes à leur table. Pour chaque table, un examen visuel, olfactif et gustatif des différents vins permettent de nommer à l’aveugle quatre gagnants.


-194.jpg

Le jury du Challenge a accueilli en son sein beaucoup de jeunes passionnés de vin. Étudiants en œnologie, fils de vigneron ou jeunes commerciaux se sont retrouvés aux côtés de grands spécialistes internationaux du vin bio.


-199.jpg

Passage quasi-obligatoire après chaque gorgée de vin dégustée, le crachoir a donné du sien pour le Challenge Millésime Bio. «La première fois, c’est toujours une étape à surmonter» s’amuse Christian Combes, œnologue et expert en production viticole responsable.


-203.jpg

Dès qu’un jury a terminé de goûter et noter ses vins, il rejoint le commissaire du concours qui récolte les résultats, tout en les vérifiant. C’est lui qui donne ensuite l’autorisation de déballer les bouteilles pour découvrir les vainqueurs.


-193.jpg

« Rouge à lèvres » est la première bouteille médaillée d’or 2016 à être sortie de l’anonymat. Ce jury plus rapide que les autres a réussi assez facilement à trouver ses vainqueurs parmi la vingtaine de bouteilles étudiées : «Ce n’était vraiment pas difficile, il n’y avait que quatre vins qui sortaient vraiment du lot», précise-t-il.


-200.jpg

Environ 400 bouteilles ont été médaillées d’or, et autant médaillées d’argent, lors de ce Challenge Millésime Bio 2016. Après une longue matinée de concentration, les jurés ont été invités à se restaurer et à discuter des bouteilles primées avec leurs confrères. L’ambiance studieuse a laissé place à la chaleur humaine décontractée. De bon augure pour le salon à venir.


Azeddine Bouhmama, l’iconoclaste du Pic Saint-Loup

Azeddine Bouhmama est le gérant du domaine Zumbaum – Tomasi , un des plus prestigieux du Pic Saint-Loup. Il y a vingt ans, il plante les premières vignes bio de la région sous le regard dubitatif des autres vignerons. Aujourd’hui tous ses vins sont médaillés et reconnus. Rencontre avec celui qui se définit comme «le cœur du domaine».

Pull jean et basket, œil vif et sourire rieur, Azeddine Bouhmama, franco-marocain, la quarantaine, ne ressemble pas au vigneron d’un village perdu entre Méditerranée et Cévennes. Pourtant, c’est à lui que le domaine Zumbaum – Tomasi doit sa réputation. Situé à Claret, à une vingtaine de kilomètres de Montpellier, le domaine revêt la prestigieuse appellation Coteaux Pic Saint Loup et le label de l’agriculture biologique. Azeddine, ne se prédestinait pas au vin, et pourtant le hasard et les rencontres l’ont mené à construire sa vie autour de ses vignes.

« Je suis venu dans le Sud pour faire les vendanges, pour gagner trois sous comme tous les jeunes à l’époque »

L’été 87, à 20 ans Azeddine quitte les Ardennes pour venir faire les vendanges dans le Sud. Tailleur de pierre formé par les compagnons du devoir, il commence à travailler à Claret comme maçon. Il rencontre Jorg Zumbaum, un allemand qui vient d’acheter un terrain de 25 hectares à l’entrée du village, sans encore trop savoir quoi en faire. Azeddine commence par rénover la cave. Et puis l’été tire à sa fin, mais impossible de partir pour le jeune homme. «Je suis restée ici à cause d’une fille en vérité.» Cette fille c’est son ex-femme, Katy, une espagnole mère de ses trois enfants. «C’est grâce à elle si je suis là aujourd’hui
Jorg Zumbaum lui propose de planter des vignes sur ses terres. «Il n’est pas vigneron du tout, et moi non plus», raconte Azeddine. Le propriétaire du domaine, très sensible à la nature lance l’idée de faire un « produit naturel ». En 89, il fait l’acquisition de 4 hectares d’anciennes vignes, mais le processus est long pour obtenir les certifications de l’agriculture biologique. En attendant Azeddine, encore maçon, va bâtir de ses mains le caveau, fait uniquement des pierres du domaine.
En 1994, le domaine devient officiellement bio et classé dans l’appellation de renom Coteaux Pic Saint-Loup. «On ne parlait pas de bio à cette époque. On est partis à faire du bio sans le savoir vraiment. On s’est lancé comme des amateurs.» Enfin, pas tant que ça. Azeddine suit alors une formation BPA (Brevet professionnel Agricole) en viticulture. Le tout jeune vigneron laboure les vignes avec Pipi et Lauretta, ses deux chevaux en photo sur le mur en pierres de la réception. «Quand on a commencé à faire du bio, ici tout le monde nous prenait pour des fous.» La première récolte de 1997 produit moins de 3 000 bouteilles d’un vin de grande qualité. Les prémices du succès…

« À l’époque quand je suis arrivé j’avais l’impression qu’ils n’avaient jamais vu un black »

Azeddine Bouhmama a la double nationalité. «Je suis marocain et français. Les deux. Soi-disant aujourd’hui c’est pas bon mais je préfère garder la double nationalité», affirme-t-il avec un sourire en coin. Quand l’allemand et le franco-marocain s’installent à Claret, il y a alors 300 habitants, contre 1 600 aujourd’hui. Les villageois posent un regard méfiant sur ces deux étrangers qui plantent ces drôles de vignes bio qui font ricaner tout le monde. «Quand je suis arrivé ici je me suis dit mais qu’est-ce qui se passe là Azeddine ! Tu es revenu 20 ans en arrière. Toutes les petites vieilles de Claret, c’est véridique, elles avaient peur de moi. J’étais le premier black à l’époque.» Le vigneron l’affirme, l’accueil fut loin d’être chaleureux. «On n’a pas eu un bon accueil de la part des autres vignerons. On a fait notre business tranquille, on ne regardait pas les autres.» Désormais, la majorité du Pic Saint-Loup s’est transformé en bio. «Pas grâce à nous, mais on a montré le chemin

Le travail bien fait, parfait

Aujourd’hui le domaine produit environ 40 000 bouteilles par an. 25 000 de rouge, 4 000 de blanc et 7 000 de rosé. Un petit domaine, à la réputation bien scellée. Sur le mur de la réception, des dizaines de prix sont affichés : médaille d’or Signature bio, médaille d’or au Concours des grands vins du Languedoc ou encore médaille d’or Millésime bio. Un palmarès remarquable dont ne se vante pourtant pas le producteur. «Tous les vins sont médaillés, aujourd’hui tous en or. Mais je ne compte pas trop les médailles, je ne suis pas trop médailles et tout ça quoi voilà», balbutie-t-il. Pourtant, rien n’a été simple. «C’est stressant, faut pas croire que c’est facile. Depuis la taille jusqu’à la récolte. Les maladies, le mauvais temps, on sait jamais si ça va être une bonne année.» Même si une part de chance existe, pour Azeddine un seul mot d’ordre : le travail. «Il faut travailler. J’aime que le travail soit bien fait, parfait, même si j’aime pas trop ce mot. Je suis très droit dans n’importe quel travail, il n’y a pas que le vin, c’est un tout.» Jorg Zumbaum le décrit comme un homme discret, qui parle peu mais agit efficacement. Un homme en qui il a entièrement confiance, avec qui il partage la même passion. Même si le propriétaire, qui habite en Allemagne, ne vient pas souvent, ils restent très liés. «C’est comme un père et un fils, on travaille en confiance. Ses enfants ont le même âge que moi. On est amis depuis 26 ans », confie Azeddine. Selon lui, Jorg Zumbaum ne cherche pas à faire fortune avec ce domaine. «C’est pas rentable pour lui, c’est un passionné». Il a deux autres domaines, un en Corse et un Toscane. Même si Zumbaum en est officiellement le propriétaire, le domaine est entièrement entre les mains Azeddine Bouhmama. La relève ? Pas pour les enfants du gérant. «Ils font ce qu’ils veulent mes enfants, sauf du vin. Je leur souhaite autre chose», tranche Azeddine.

-202.jpg Pendant l’entretien la grosse porte médiévale s’ouvre et un ouvrier demande en arabe un conseil à Azeddine. Il est en train de tailler les vignes avec quatre autres salariés. «Ça reste familial, c’est un petit domaine.» En haut de la mezzanine qui surplombe la pièce, deux femmes s’affairent. Depuis deux ans le domaine s’est lancé dans l’œnotourisme sur idée de Joana, son bras droit, et Azziza, sa femme, qui cuisine le magret de canard et le couscous traditionnel pour ses hôtes. «Moi ça me fatigue, je suis pas comme ça », soupire le vigneron, «mais ça amène du monde, je suis d’accord avec elles. C’est bien, ce sont des travailleuses les femmes.» Elles gèrent avec lui toute l’exploitation. C’est Joana qui représente le vignoble au salon Millésime Bio cette année. «Tous les ans on le fait, pour moi c’est important», affirme le gérant. Le domaine Zumbaum – Tomasi est un incontournable du salon, il y est présent depuis sa création à Narbonne dans les années 90. «On était une quinzaine à l’époque», se souvient Azeddine.

Posées sur des tonneaux, à côté d’une horloge comtoise et d’un tableau d’épices, les bouteilles attendent les visiteurs. Le Clos Maginiai 2010, médaillé d’or à Signature Bio, trône en chef : «Robe profonde, reflets de jeunesse. Nez typé et engageant, aux accents de cerise noire, de cassis, de groseille, arrière-plan épicé. Bouche souple, à la chaleur maîtrisée. Un pic saint-loup séducteur.» Quoi de plus parlant que son vin pour décrire Azeddine.

Le Beaujolais nouveau célébré pour rassembler

Ce jeudi 15 novembre, le Beaujolais nouveau a été fêté à Montpellier comme un peu partout en France et même au-delà. Ce vin, qui s’exporte en effet très bien au Japon, aux Etats Unis et en Allemagne, est issu du cépage de Gamay et doit son nom à la ville de Beaujeu (entre Lyon et Macon).
Sa date de dégustation est « débloquée » depuis 1967. C’est pourquoi, ce vin jeune d’appellation d’origine contrôlée, peut être découvert si tôt après les vendanges.

« On met longtemps à devenir jeune »

Cette phrase de Pablo Picasso est souvent associée au Beaujolais nouveau, dont la jeunesse ne fait pas l’unanimité. Les réactions des amateurs de vin sont mitigées quant à cette boisson. Pourtant les soirées de lancement du Beaujolais nouveau sont toujours un succès comme l’indique Jennifer, serveuse à Esprit Vin à Montpellier : « Tout le monde ne vient pas pour goutter le beaujolais, c’est surtout une bonne excuse pour sortir ».

Une bonne ambiance pour un vin rassembleur

Des tintements de verres à l’incontournable « tchin-tchin », en passant par les assiettes de tapas, les soirées se ressemblent d’une terrasse à l’autre. Beaucoup ont misé sur cette date et prévu des groupes de musique, comme à Esprit Vin, où « l’intérieur comme l’extérieur n’a pas désempli » précise à nouveau Jennifer. Une clientèle très diverse, allant de l’étudiant à l’amateur de vin d’une soixantaine d’année, s’est donc retrouvée dans les bistrots montpelliérains. Jean-René Privat, propriétaire du Café Joseph, explique d’ailleurs que cette soirée est « accessible à tous et pas seulement à un réseau de ghetto branché ». C’est cet esprit de rassemblement qui a animé son commerce jeudi soir. Pour lui, fêter le Beaujolais nouveau est un moyen de se retrouver pour « sourire et partager ». Ce vin, comme toutes choses selon lui, fait partie d’un tout, d’une soirée où la bonne nourriture, la musique, la danse et la complicité sont réunies. Cette année encore, la dégustation du Beaujolais nouveau le troisième jeudi de novembre a donc été donc un succès. Et il fait le bonheur des commerçants. Comme quoi, la jeunesse mérite bien le respect.

Montpellier fête ses vignerons

Pour la septième année consécutive, l’Agglo a présenté du 26 au 27 novembre une cinquantaine de ses viticulteurs sur la Place de la Comédie. Venus de Beaulieu, de Cournonsec, Grables ou Pérol, tous n’avaient que deux choses en tête : promouvoir leur vin et partager un bon moment avec le public.

Le beaujolais nouveau pour les nuls

Goût de banane, vin pas bon, c’est chaque année la même rengaine. Profitons de la période pour comprendre sa fabrication et tenter de dépasser ses a priori. Dominique Piron, vigneron installé depuis 40 ans à Morgon (ville célèbre pour son vin éponyme) nous renseigne sur ce vin qui divise.

De quels cépages est composé le beaujolais nouveau ?

A 100% de gamay noir

Quand peut-il être commercialisé ?

Chaque année, le beaujolais nouveau est mis en vente le troisième jeudi de novembre. Légalement, les vins ont le droit d’être vendu à partir de 0h00 le 15 décembre. Depuis 1951, certains vins ont reçu l’autorisation d’être vendus au 15 novembre. [Il s’agit entre autres, selon une note de l’Administration des Contributions Indirectes: du Beaujolais, des Côtes-du-Rhône, du Muscadet, Ndlr]
C’est devenu le troisième jeudi de chaque mois car si le 15 tombait un dimanche, on se retrouvait face à des problèmes de transport.

Quand ont lieu les récoltes ?

Elle a lieu selon les années entre le 25 août et le 1er octobre avec une moyenne autour du 15 septembre. Chez nous, la récolte s’est faite cette année du 20 septembre au 6 octobre.
En réalité, la date dépend du temps qu’il fait au printemps car la période de floraison de la vigne a lieu autour du 20 mai et les récoltes ont lieu 100 jours après.
Cette année, on a eu une floraison tardive, qui a décalé la date. Mais les vins tardifs ont souvent plus de finesse.

Quelles sont les étapes de fabrication du beaujolais nouveau ?

Après la récolte, on met les raisins en cuve pour une fermentation courte de 6 à 8 jours afin de garder le fruit. Pour des vins comme le morgon, la fermentation est longue pour garder les tanins car ce sont eux qui donnent leur structure au vin. Ensuite on presse, ce qui libère les sucres et fait que la fermentation se poursuit quelques jours. Au total, entre la récolte et la fin de la fabrication il se passe entre 15 et 20 jours pour le beaujolais.

Pourquoi entend-on dire que le beaujolais nouveau a goût de banane ?

C’est quelque chose qui date de 1987, à cause d’une nouvelle levure. Il avait beaucoup plu cette année là, ce qui a lavé totalement les raisins, donc les levures naturelles qu’il y a sur la peau du raisin ont été lavées de la même manière. Les levures industrielles rajoutées à ce moment là ont impacté sur le goût du vin.

Dans la tête des gens, le beaujolais nouveau n’est pas bon, pour quelles raisons ?

A une époque, la qualité de ce vin était moyenne. La tradition du beaujolais nouveau s’est construite grâce à des bistrots à vins à Paris, parce qu’ils aimaient ça, parce que c’était joyeux et festif. Assez vite, Londres l’a importé et de là, ça a fait le tour du monde. Les ventes représentaient donc des volumes importants et comme toujours dans ces cas là, certains se sont nourris sur le dos de la bête, ceux qui n’achètent que du prix et du volume et pas de qualité. Forcément, les gens ont été un peu déçus.
Aujourd’hui, les mauvais beaujolais nouveau se font plus rares.

Comment est la production 2010 ?

C’est une année très typique du beaujolais nouveau avec du fruit et des vins croquants, friands. Chez nous, il aurait légèrement goût de cerise alors que chez d’autres, on retrouve le cassis et la groseille.

Dans votre domaine, les ventes de ce vin représentent quel pourcentage des ventes totales ?

Sur 2.500 hectolitres (environ 300.000 bouteilles) produits chez nous, la part du beaujolais nouveau est de 15%.

Et pour finir, une question essentielle : avec quoi peut-on l’accompagner ?

C’est un vin qui va avec beaucoup de choses, des petits fromages de vaches, de chèvres et ce que l’on appelle les « cochonailles lyonnaises » donc toutes sortes de pâtés.

La Sixième Fête des Vignes, le cache-misère

Dans une ambiance que l’on aurait pu imaginer plus tendue, suite à la manifestation houleuse des viticulteurs du mercredi 25 novembre 2009 à Montpellier, la sixième édition de la Fête des Vignes s’est déroulée dans le calme et a donné l’occasion, cette année, à 49 domaines vinicoles d’être sur le devant de la scène locale, place de la Comédie, les 27 et 28 novembre 2009. Seul hic, et pas des moindres, les vignerons présents se trouvent en réalité à l’abri de la crise viticole dans le Languedoc-Roussillon…

Eux, ne sont pas concernés par les problèmes de la chute des ventes et des prix. Les viticulteurs qui occupaient les stands, étant tous situés dans l’agglomération de Montpellier, bénéficient en effet d’un accès facile à leurs caves, au regard de la proximité avec le centre-ville et des infrastructures routières rapides. Interrogés à propos de leur rapport à la crise, ils ont un discours qui est sensiblement le même : dans un premier temps, ils compatissent avec les viticulteurs en colère et vantent pour la plupart les mérites du label Sud de France pour pallier à cette crise -n’oublions pas qu’ils ont été invités par le créateur dudit label, Georges Frêche…- . Ensuite, lorsque nous les interrogeons plus longuement, ils avouent alors ne pas se sentir concernés : « C’est quand on est plus loin de Montpellier qu’on est confronté aux problèmes d’exportations. Nous, on fait du commerce local » nous dit Benoit Lacombe, à 37ans, après sept ans d’exploitation du domaine de Rieucoulon, et exerçant parallèlement une activité de chercheur en biologie végétale au Centre National pour la Recherche Scientifique.

Nous pouvons alors distinguer les présents des absents : d’une part les petits exploitants à faible production, souvent situés aux abords de Montpellier, présents donc pour la plupart à cette fête, et d’autre part, les absents, en crise, les moyennes et grandes exploitations de l’arrière-pays dont l’export seul permet d’écouler la forte production dont les grandes surfaces ne veulent pas. Les présents étant forcément satisfaits de rentrer dans leurs frais et de profiter de cette publicité extraordinaire que prodigue cette Fête des Vignes : « Il y a plus de monde près de Montpellier c’est plus facile pour nous de nous faire connaître, et cette Fête permet aux passants de découvrir des domaines qu’ils ne connaissaient pas ! » résume Patrick Galtion, un des vendeurs présents au stand des caves de Saint-Georges d’Orques. Ne peut-il pas alors sembler choquant que ce soient les mêmes qui cumulent tous les avantages, à savoir proximité, faible coût d’exploitation et publicité peu onéreuse, quand la crise se déroule aux portes de l’agglomération?

D’ailleurs, Georges Frêche en a paru gêné si nous nous fions au ton coléreux du discours qu’il a prononcé pour l’inauguration de la fête, vendredi après-midi. Le Président d’agglomération a en effet développé longuement et avec virulence une grande partie de ses propos sur le thème de la crise viticole dans le Languedoc-Roussillon, jouant par là-même le rôle de Président de région sortant en pré-campagne. Alors que Benoit Lacombe fera une distinction entre « un regroupement de commercialisation vertueux et un regroupement de production moins efficace », Georges Frêche déclare vouloir « regrouper tous les domaines de la région pour mettre un terme à la parcellisation de l’offre », c’est à dire sous la bannière Sud de France. Contraste alors entre un ton électoraliste, populiste, « maurrassien » dira un observateur -en référence aux louanges adressées à la viticulture latine-, et le contexte d’une Fête des Vignes favorisant parmi les viticulteurs, ceux qui en ont le moins besoin… Au final, l’auditoire était peut-être plus abasourdi et confus qu’enthousiaste, par le décalage entre la nature des propos de Georges Frêche et le sourire des viticulteurs présents à cette manifestation.

Face à ce discours, nous avons aussi pu échanger quelques mots avec François Delacroix, directeur général des services de l’agglomération de Montpellier, qui pour sa part a évoqué, que la volonté était plutôt de « promouvoir l’excellence et la qualité ». Il est vrai que depuis vingt ans le vin local a considérablement évolué vers plus de qualité : si ce n’est que pendant ces vingt dernières années, Georges Frêche n’a passé que cinq années à la tête de la région. Et enfin, M. Delacroix de nous avouer : « Il fallait qu’on montre qu’on s’occupait de la préservation du monde viticole. ». Une devanture donc, rendue attractive par un prix de deux euros pour trois verres en théorie, mais pour une dégustation à discrétion dans les faits -aucun ticket ne nous a été demandé-. Clairement, une vitrine soigneusement décorée, pour afficher les performances de l’agglomération… tout en masquant une crise grave que la Région ne sait toujours pas résoudre.

Franck Michau

Retour au dossier spécial Régionales 2010 en Languedoc-Roussillon

Le bio, ce petit eldorado de quelques vignerons du Languedoc

Marginaux, les producteurs biologiques ? Dans le secteur du vin, les clichés sont tenaces. Mais les esprits évoluent. Lors de la 6ème Fête des Vignes de novembre dernier, trois producteurs ont arboré le label AB (pour Agriculture biologique sans pesticide ni engrais), le plus souvent délivré par l’organisme de contrôle Ecocert. Tous confirment l’attrait grandissant du public pour leur mode de production. Mais aucun n’y voit une issue possible à la crise qui frappe durement les vins languedociens depuis dix ans. Tour d’horizon.