Une semaine avec Europe Ecologie

Pendant une semaine, Haut Courant a suivi Europe Écologie dans la dernière ligne droite de la campagne des régionales : réunions, meetings, débats participatifs, rencontres avec les différents candidats. Haut Courant vous donne ainsi un aperçu du programme d’Europe Écologie ainsi que de ses différentes figures.

Dominique Voynet : « Il faut choisir sa Gauche »

C’est au nom d’une « vieille complicité » que Dominique Voynet est venue soutenir Jean-Louis Roumégas dans la dernière ligne droite du premier tour des élections régionales, mardi 9 mars à Montpellier. Avec une simplicité et un franc-parler qui la caractérisent, la co-fondatrice du parti des Verts a un objectif en tête : le second tour pour son acolyte écologiste.

Europe Écologie aime les symboles. Et quoi de plus symbolique que la visite de l’une des figures historiques des Verts ? Authentique écologiste, venue en tramway après avoir tracté dans les rues de Montpellier aux côtés de Jean-Louis Roumégas, Dominique Voynet donne une petite conférence de presse à la brasserie Le Sud, face à l’Hôtel de Région.

Une institution régionale dépouillée

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Entourée de quelques-uns des candidats d’Europe Écologie pour les Régionales, Mustapha Majdoul, Agnès Langevine et Katia Mingo , l’édile de Montreuil est longuement revenue sur la menace que représente la réforme sur les collectivités locales sur l’institution régionale.

Selon la sénatrice de Seine-Saint-Denis : « la Région est aujourd’hui menacée par les réformes du gouvernement. Notamment en ce qui concerne son autonomie financière et fiscale. En effet, la région est accusée d’être une institution dépensière par le président de la République. » Et de rajouter : « l’absence d’autonomie financière est extrêmement inquiétante. La promesse venant de la droite qui est de baisser les impôts régionaux est un peu facile à faire : les conseillers régionaux ne voteront quasiment plus rien de leur budget ».

Pourtant, Dominique Voynet rappelle l’importance de l’institution régionale. Elle cite quelques exemples : « la Région permet d’assurer la solidarité des territoires, elle est responsable de la formation professionnelle, elle prend en charge les lycées. Elle a notamment la responsabilité de mettre en place la formation pour les nouveaux métiers dont on aura besoin demain ».

La réforme des collectivités locales est, pour l’ancienne ministre de l’environnement, « un dépouillement de l’institution régionale ». Elle rappelle que « c’est peut-être la dernière fois que l’on procède à l’élection des conseillers régionaux, un scrutin de liste qui permet une juste représentation des hommes et des femmes. Si l’on laisse faire le gouvernement, demain on élira des conseillers territoriaux, siégeant à la fois au département et à la Région, élus sur la base de gros cantons regroupés. Ce, au détriment de la parité et au détriment de l’autonomie institutionnelle ».

Pour Dominique Voynet, le chef de l’État souhaite mettre en place un mode de scrutin adapté aux besoins de son parti et amplifier le mouvement de re-centralisation engagé à tous les niveaux : « après l’Université, l’Hôpital, la Justice, la Police, … c’est au tour des collectivités territoriales ».

« Il faut choisir sa Gauche »

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Ainsi, pour Dominique Voynet, le Languedoc-Roussillon mérite une meilleure campagne électorale que celle qui a été offerte aux électeurs jusqu’à présent. « La maladresse des partis, d’une part, et l’utilisation du scrutin pour en faire une sorte de plébiscite pour ou contre le sortant d’autre part, prime sur tout le reste », affirme l’écologiste. La tête de liste Europe Écologie Languedoc Roussillon, Jean-Louis Roumégas, rajoute : « la campagne a été confisquée par des faux débats». Il explique, entre autres, que le Parti Socialiste, au niveau national, a sacrifié le Languedoc Roussillon, « selon les propres mots du bureau national ».

Il reproche notamment au parti de la rose que « pour se refaire une image au niveau national, les socialistes ont utilisé l’affaire en Languedoc Roussillon, sans se préoccuper des conséquences ici. Ils considèrent donc qu’ici les électeurs sont des cobayes qui peuvent être sacrifiés sur l’autel de l’hégémonie du Parti Socialiste ou de l’image de Mme Aubry. C’est regrettable ».

Selon la sénatrice de Seine-Saint-Denis, « l’espoir de rassemblement a été torpillé par la Rue de Solférino. Il est temps de choisir sa gauche maintenant ». Ainsi, pas d’autres solutions pour Europe Écologie, que d’agir seule pour représenter la modernisation de la gauche. Et les atouts de Roumégas pour cela ne manquent pas : « une énergie formidable, une qualité d’écoute et de respect des autres. Il est attentif aux problèmes des gens », affirme Dominique Voynet.

L’inévitable évocation du président de Région sortant, Georges Frêche, n’a pas tardé. Ce dernier aurait effectivement affirmé ces derniers jours : « l’écologie, il y a ceux qui en parlent et ceux qui agissent », raillant ainsi la venue de Dominique Voynet. Et Jean-Louis Roumégas de lui retourner le compliment : « le Languedoc Roussillon était premier en matière d’énergies renouvelables, il a aujourd’hui reculé au 5e rang ».

Quant à Dominique Voynet, elle ne se sent que peu concernée par la sentence de Frêche : « quand on veut être le bon écologiste de service, on ne doit pas seulement s’intéresser à des équipements symboliques que l’on peut inaugurer un dimanche soir. On doit, dans son domaine de compétence, mettre en place des politiques en vraie grandeur qui vont permettre la création d’emplois. L’enjeu est de passer de la phase expérimentale à la diffusion des bonnes pratiques en vraie grandeur ».

Elle ajoute en souriant : « quand j’entends cette phrase de Georges Frêche, je n’ai pas envie de la prendre pour moi. Jamais les écologistes n’ont été des bavards qui n’agissaient pas… On agit à la mesure des responsabilités qui nous sont confiées par les électeurs ». Chose confirmée par Jean-Louis Roumégas : « les écolos ont souvent été considérés comme des alliés sympathiques mais pas essentiels et au cœur des politiques ».

Par contre, pour l’ancienne ministre de l’environnement, la phrase de Georges Frêche s’appliquerait « magnifiquement » à Nicolas Sarkozy : « le président a prétendu se faire le champion de l’écologie mais vient de se renier à plusieurs reprises ses dernières semaines : qu’il s’agisse des phrases désastreuses prononcées au Salon de l’Agriculture, ou qu’il s’agisse de son attitude concernant la prévention des risques naturels. Le président de la république est inconséquent, il agit au hasard des rencontres et dit tout et son contraire ».

« Risques de tempêtes et d’inondations, on ne nous a pas écouté »

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Cette rencontre aura aussi été l’occasion, pour Jean-Louis Roumégas, d’un petit retour sur l’actualité, peu drôle, mais ô combien au cœur des préoccupations écologistes : la tempête et les inondations en Vendée et dans l’Ouest de la France ayant causé une soixante de morts. Le porte-parole national des Verts rappelle que le Languedoc-Roussillon est l’une des régions les plus fortement menacées par les risques d’inondations : « nous avons des zones submersibles très importantes ».

Toujours selon lui, cette catastrophe naturelle prouve que « les écologistes ont malheureusement eu raison trop tôt. On ne les a pas écouté ». Il critique l’utilisation politique qui est faite de ce drame par les membres du gouvernement : « les hélicoptères ministériels viennent déverser de la compassion et des promesses… Mais en réalité, on le sait bien, rien ne va changer. Après les inondations dans le Gard, en 2005 et 2008, rien n’a changé. Des digues qui ne font que menacer encore plus gravement les habitants ont été construites. Des permis de construire continuent d’être distribués dans des zones inondables. De même, on continue à monter des murs, des digues, non pas pour protéger les habitants, mais pour pouvoir continuer l’œuvre d’urbanisation ».

Ainsi, il rappelle que le projet politique porté par Europe Écologie est avant tout de stopper l’urbanisation et de restituer à la nature ses zones d’expansion spontanée. Notamment pour mieux gérer ces risques d’inondations.

Retour au dossier spécial Régionales 2010 en Languedoc-Roussillon

L’engagement écolo vu par les militants d’Europe Ecologie

Il y a quelques jours, la réunion hebdomadaire d’Europe Écologie se tenait dans leur local Boulevard Ledru Rollin, à Montpellier.
L’occasion de discuter de leur engagement avec les militants de ce rassemblement entre encartés verts, et sympathisants de tous bords. L’occasion aussi de faire le point sur ce que veut dire être « écolo » pour ces militants aux profils très divers mais qui s’accordent sur une chose: l’avenir de notre planète passe par l’écologie.

La tendance écolo

«Je suis écolo», voilà une phrase qui revient souvent ces derniers temps au détour d’une conversation. Comme si la victoire retentissante d’Europe Écologie aux élections européennes de 2009, avait lancé la mode. Ou plutôt relancé la mode…
En effet, d’après une étude de Jacques Theys, haut fonctionnaire au ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, la tendance « écolo » fonctionne par vagues et par reflux.

Depuis 30 ans, plusieurs périodes de sensibilité à l’écologie se sont succédées. De de 72 à 77, puis de 88 à 92. Plus récemment de nombreux problèmes environnementaux ont suscité une vive émotion chez les citoyens français: la vache folle, la catastrophe de l’Erika, les OGM, les différentes inondations entre 1999 et 2001, sans oublier ces deniers jours le séisme à Haïti. Autant de facteurs qui expliquent la montée de l’écologie et font du « développement durable », des produits « bio » et « naturels » les nouveaux mots branchés d’une génération écolo.

Car l’écologie est bel et bien une histoire de génération.

C’est quoi être « écolo »?

Mais concrètement, au quotidien et dans leur vision politique, qu’est ce qu’être écolo? Qui pouvait mieux nous en parler que ces militants du groupe Europe Ecologie de Montpellier.

Yvette Siol et Mariane Bauduc, la cinquantaine rayonnante, ne manquent pas une seule des réunions du groupe Europe Ecologie. Très motivées pour les élections régionales, elles vont aller tracter, coller des affiches mais aussi sensibiliser leur entourage aux valeurs de l’écologie et de ce rassemblement dans lequel elle croit, de plus en plus.

Au quotidien, et ce depuis quelques années, Yvette explique «Je prends les transports en commun. J’évite les supermarchés pour privilégier les producteurs locaux. J’essaye d’acheter avec le moins d’emballage possible, et évidemment, je trie mes déchets.» Le déclic pour elle? «Un jour j’étais dans le bus, et je me suis rendu compte que Montpellier se transformait en un vaste bloc de béton, des nouveaux édifices sortaient du sol à une allure inquiétante. Odysseum par exemple je n’y mets jamais les pieds…Je me suis sentie révoltée par le peu d’importance que l’on accorde aux questions environnementales. Oui, c’était un ras le bol de la politique frêchiste d’expansion.» Et Mariane d’ajouter: «il faudrait re-localiser le commerce, lui redonner ce coté humain. Un projet de centre commercial du genre Odysseum est prévu à Pézenas. Il faut parler de l’emploi, du social, et Europe Écologie en parle dans son programme.»

Car c’est bel et bien le programme qui rassemble tous les membres d’Europe Ecologie, qui est «une alliance entre les verts, et les non-verts, c’est à dire les non encartés. Un rassemblement pas toujours facile à coordonner…» explique Jean-Yves Blaes, le secrétaire d’Europe Écologie Montpellier.

Pourtant, c’est «ce rassemblement hétéroclite de gens d’horizons différents qui veulent suivre un projet constructif en mettant de côté leurs personnalités respectives» qui a séduit Eric, cet ingénieur en environnement. Pour lui Europe Écologie incarne une idée arrivée à maturité, qui permet de mettre de la cohésion parmi les militants. Lui aussi au jour le jour applique des principes simples pour être en adéquation avec son engagement: «Je roule à vélo, si je dois utiliser un véhicule je favorise le co-voiturage ou les transports en commun…»

Abdel Benbakir, formateur en informatique a quant à lui a un lourd passé de militant. Il démarre son engagement dans un mouvement anti-rasciste dans les années 80, puis il continue à s’investir dans différentes associations lyonnaises qui luttent pour le droit au logement , sans jamais vouloir s’engager en politique. En 1995, il assiste à un meeting de Dominique Voynet et Daniel Cohn-Bendit, qui le convainc de s’engager chez les verts, «c’est la première fois que je trouvais des valeurs de solidarité et d’altérité en politique». Europe Ecologie, c’est un peu la continuité, «pour moi, c’est une constellation de forces rassemblées.»

Une vraie force de rassemblement de la gauche, mais une alchimie en péril

A la question de savoir si Europe Ecologie a réussi à s’ouvrir à un public plus large qui trouvait le programme des verts trop restreint à l’écologie pure, la réponse varie d’un militant à l’autre. Pour Abdel Benbakir, «le programme des verts a toujours intégré des dimensions sociales et économiques de qualité, mais qui n’ont pas été rendues visibles.» En revanche pour d’autres comme Jean-Yves Blaes, «j’ai décidé de m’engager avec Europe Ecologie justement parce qu’au contraire des Verts, je trouvais leur programme plus ouvert, plus réaliste, à une échelle européenne. Bref la seule vraie force de recomposition de la gauche.» Et il suffit de voir les figures médiatiques emblèmes d’Europe Écologie, De José Bové en passant pas Eva Joly, sans oublier le très médiatique « Dany le Rouge » ou encore le ralliement récent d’Augustin Legrand, fervent défenseur du droit au logement, et même Stéphane Gatignon du PC, l’ouverture est bien le maître mot. Abdel Benbakir, militant des verts parle «d’un mouvement généraliste et transversal». Sur la liste du Languedoc Roussillon, se mélangent aussi plusieurs tendances et des profils très différents.

Pourtant les récents évènements, et l’apparition d’une liste officiellement investie par Martine Aubry, mardi 2 février, et menée par Hélène Mandroux, maire de Montpellier, change la donne. Ce rassemblement qui se présente comme ouvert parviendra t-il a accepter de recevoir des ordres du grand frère PS qui réalise un peu tard la nécessité d’une gauche morale, alors que les écologistes mènent la bataille anti-Frêche depuis plusieurs mois… Pour l’instant le moral justement n’est pas au beau fixe concernant une alliance Europe Écologie et PS « résistant ». Jean-Vincent Placé, numéro deux des Verts, envoyé pour mener une mission de conciliation avec le PS, en direct de Montpellier les 30 et 31 janvier, a martelé: «Il ne faut pas que les socialistes essaient de faire croire que c’est une opération de salut public et que c’est nous qui serions les diviseurs alors que ça fait six mois qu’on attend qu’ils éclaircissent leur position».

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