Frédéric Sautereau, une autre vision du 11 septembre

Dans le cadre de l’année des Etats-Unis à Montpellier, le Pavillon Populaire accueille, du 15 juillet au 3 octobre 2010, l’exposition photographique « Un rêve américain ». A travers les travaux de photographes européens et américains, le collectif Transit propose au public d’aller à la rencontre de l’Amérique d’aujourd’hui et de s’interroger sur la manière dont on la montre et dont on la regarde. L’exposition convie notamment à découvrir le hors champ de certains des évènements les plus médiatisés de la planète. C’est le cas du travail de Frédéric Sautereau : il a photographié le visage d’un New York post-attentat qui découvre ses propres ruines… Hautcourant est allé à sa rencontre.

Photographe indépendant, Frédéric Sautereau mène des projets en marge de l’actualité, ou la prend à contre-pied. De New York à la Nouvelle-Orléans en passant par Haïti, il a toujours pris du recul avec l’histoire en marche et essayé de la montrer… autrement.

Pouvez-vous décrire votre démarche à New York ?

Je me suis rendu à New York une dizaine de jours après les attentats, vers le 19/20, dès que les aéroports ont été rouverts. Je n’avais pas réfléchi à mon angle avant de partir, mon idée était de faire un travail sur la zone de sécurité autour des tours, une zone interdite, de non-droits.

A mon arrivée, à Grand Zero, de nombreux New-Yorkais venaient contempler l’amas de ruines pour la première fois. J’ai donc fait le portrait de ces personnes, très silencieuses, en position de se recueillir devant un espace vide. Personne ne parlait, les échanges étaient rares, il n’y avait pas de circulation, tout était très silencieux, contrairement à d’habitude. C’est ce qui m’a touché. Je fonctionne comme cela, à l’instinct. Je m’imprègne de ce qui se passe. J’effectue mon travail en réaction à ce que je vois.

Comment ce travail a été reçu ?

Cette série a été plutôt bien accueillie et bien publiée à mon retour car elle répondait au besoin d’un regard décalé sur l’évènement. Une vingtaine de jours après le drame, les journaux voulaient autre chose que les photos d’avions impactant dans les tours… A ce moment-là, apparaissaient des questionnements, des papiers plus approfondis.

Avez-vous souvent cette démarche ?

J’ai eu la même démarche en allant à la Nouvelle-Orléans un mois après Katrina. Je voulais également travailler sur l’aspect zone interdite, mais sans idée réellement déterminée. Une zone interdite avait été en effet créée au centre de la Nouvelle Orléans, les maisons étaient interdites d’accès par les policiers pour raisons de sécurité et pour éviter les pillages.

A mon arrivée, ce qui m’a marqué était les inscriptions. Chaque maison portait une inscription laissée par les secouristes avec la date de passage, le type de secours apporté et le nombre éventuel des morts trouvés. Je trouvais cela très intéressant, cela répondait à la polémique sur l’arrivée plus ou moins rapide des secours. J’y ai donc fait le portrait des maisons qui avaient été noyées sous l’eau, très dégradées ou complètement détruites.

C’est une manière de réfléchir en essayant de trouver quelque chose d’un peu différent pour montrer l’évènement.

Avec la concurrence des agences filaires, un photographe indépendant est-il là pour amener plus de réflexion ?

Quand on ne fait pas d’actu, on est obligé de se positionner autrement. C’est aussi ce qui m’intéresse : travailler différemment. Personnellement, j’ai toujours privilégié les travaux sur le long terme, même si c’est souvent lié d’une façon ou d’une autre à l’actualité. Et, je ne m’interdis pas non plus de travailler sur l’actualité. Je l’ai fait en Haïti par exemple pour Libération. Ma démarche est plus de construire une histoire, sur quelques jours, sur le thème de l’actualité en question. Je réfléchis à montrer ce qui est important dans cette actualité.

Un photographe indépendant n’a pas de contraintes. Je suis libre de mon propos, de prendre du recul. Cela me permet de dire ce que j’ai envie de dire. Par exemple, si j’avais été en commande pour Katrina, je n’aurai pas pu faire uniquement le portrait des maisons. La presse aurait voulu des visages.

Sur le terrain comment comment transmettez-vous vos photographies ?

En Haïti, par exemple, c’était très compliqué. C’est une question d’organisation. Certes cela peut paraître déplacé par rapport à l’évènement, mais le premier problème qui se pose est un problème de logistique : où va-t-on se loger, où va-t-on mettre ses affaires en sécurité et où va-t-on transmettre ? Petit à petit, j’ai pu être logé dans des hôtels qui n’ont pas été touchés, et où il y avait une connexion Internet. A l’attention des journalistes, un réseau Internet a été rapidement mis à disposition gratuitement.

Comment travaillez-vous avec la presse ?

Je suis photojournaliste depuis une quinzaine d’années. Et, depuis le début, la presse n’a jamais été partenaire de mon travail personnel. J’ai toujours eu peu de commandes, et aucune sur mon travail personnel et sur les projets que je souhaitais monter. Donc, j’ai toujours eu la démarche de produire moi-même mon travail.

Et avec les ONG ?

Par nécessité, je me suis tourné vers des partenaires hors presse. Et, naturellement, sur les terrains sur lesquels je travaillais, je croisais souvent des ONG. Soit, j’essayais qu’elles me commandent des travaux, soit, qu’elles m’apportent une aide logistique, sur la base d’un échange. Par exemple, l’ONG met à ma disposition un véhicule, avec un chauffeur qui me sert d’interprète pendant quinze jours. Et, en échange, je lui laisse les photographies que j’ai réalisé pour ses besoins de communication. Sachant qu’un véhicule avec un chauffeur, pendant quinze jours, vaut facilement 3 à 4 000 euros. Ce n’est donc pas négligeable. S’allier avec les ONG, c’est aussi la possibilité d’un hébergement sur des territoires où il n’y en a pas forcément. Ce n’est pas quelque chose que je systématise mais c’est l’une des choses que je privilégie.

Des projets en cours ?

Je travaille depuis plus d’un an sur le Hamas, suite à l’intervention terrestre d’Israël en janvier 2009 dans la Bande de Gaza. Il n’est pas terminé mais il sera normalement projeté à Visa en septembre.

Recueilli par Julie DERACHE

 En préambule à l’exposition, vous pouvez voir quelques clichés de ce reportage ici et venir ensuite les découvrir au Pavillon Populaire dès le 15 juillet.

 Hautcourant vous invite également à découvrir le travail de Frédéric Sautereau sur Katrina : «New Orleans : Forbidden zone»

L’ex-ministre de la défense israélien est poursuivi par l’Espagne pour « crime contre l’humanité »

Le justice espagnole ouvre une enquête sur la présumée responsabilité de l’ancien ministre de la défense israélien, Benjamin Ben-Eliezer, et de six militaires sur le motif de « crime contre l’humanité » pour le bombardement mortel d’un chef du Hamas et de quatorze civils palestiniens en juillet 2002.

L’ex-ministre de la défense israélien est poursuivi par l’Espagne pour « crime contre l’humanité »

Le justice espagnole ouvre une enquête sur la présumée responsabilité de l’ancien ministre de la défense israélien, Benjamin Ben-Eliezer, et de six militaires sur le motif de « crime contre l’humanité » pour le bombardement mortel d’un chef du Hamas et de quatorze civils palestiniens en juillet 2002.

L’Europe piétine sur le dossier Israélo-palestinien

Alors que les combats entre Israël et la bande de Gaza s’intensifient, la communauté internationale monte au créneau pour demander l’arrêt immédiat des hostilités. Dans une période de transition de l’administration américaine, l’Europe tente de reprendre le flambeau dans un des dossier les plus sensibles de l’Histoire du XXème siècle.

Il n’a fallu que quelques jours pour que le Proche-Orient s’embrase. Depuis le 19 décembre 2008 et le refus du Hamas de reconduire la trêve avec Israël, l’escalade de la violence entre l’État hébreu et la bande de Gaza a été fulgurante. La mort de deux fillettes israéliennes touchées samedi 27 décembre par un tir des roquettes du mouvement islamique a mis le feu aux poudres. Ce tragique évènement a provoqué une très vive réaction de l’état major israélien qui a immédiatement lancé une opération militaire sur Gaza.

Cinq jours après le début de l’offensive aérienne, la communauté internationale fait entendre sa voix. Les ministres des affaires étrangères de l’Union Européenne réunis à Paris mardi 30 décembre 2008 ont appelé à un cessez-le-feu humanitaire immédiat et permanent pour permettre d’acheminer aux populations palestiniennes médicaments, vivres et carburant. Une demande soutenue par le Quartet (ONU, États-Unis, Russie et UE) qui réclame également que l’arrêt des combats soit « pleinement respecté » par les deux partis.
Le bilan est déjà lourd pour les palestiniens. Les bombardements de l’État hébreux ont tué 380 personnes et ont fait plus d’un millier de blessés. Les cibles visées par Tsahal sont essentiellement des bâtiments du Hamas et des tunnels de contrebande, mais de nombreuses victimes collatérales sont dénombrées. Selon les chiffres de l’ONU, au moins 60 civils ont trouvé la mort dans ces attaques. D’autre part, les besoins des gazaouis grandissent de jour en jour, mais le ravitaillement de Gaza en matériel médical et en nourriture, déjà rendu difficile par le blocus israélien, est aujourd’hui impossible. Malgré les appels au calme, le Hamas reste campé sur ses positions et ne veut pas mettre fin aux combats. Le groupe armé n’est pas satisfait des propositions de l’UE et continue de légitimer les attaques visant les positions israéliennes.

En dépit d’une situation de plus en plus critique, Israël fait également la sourde oreille aux volontés de la communauté internationale. Le premier ministre israélien Ehud Olmert a refusé la « trêve des européens ». Il s’est contenté de proposer une « pause » de 48 heures et précise que l’État hébreu continuera ses opérations militaires tant que l’armée n’aura pas atteint son objectif : l’arrêt total des tirs de roquettes sur le territoire israélien. Par ailleurs, le lancement d’une offensive terrestre sur la bande de Gaza se précise. 2 500 réservistes ont été appelés et les troupes de Tsahal commencent à se masser autour du territoire palestinien. De nombreuses zones sensibles contrôlées par les Israéliens ont également été interdites aux journalistes. Autant de signes qui révèlent la détermination des israéliens à obtenir satisfaction.

Forces et faiblesses de la diplomatie européenne

L’influence de l’Europe dans la résolution du conflit israélo-palestinien est visiblement toute relative. Pourtant, l’UE affiche clairement son ambition de jouer un rôle plus important dans le processus de paix. « Nous voulons que l’UE se montre active et qu’elle devienne une voix politique pour aider à résoudre ce conflit » a confirmé Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères français, à la fin de la réunion du 30 décembre. La diplomatie européenne tente ainsi de reprendre le flambeau d’une administration américaine qui a essuyé de trop nombreux revers et qui laisse vacant le siège du « pompier ». Une première tentative européenne qui se solde également par un échec.
Le président du conseil européen, Nicolas Sarkozy s’est toutefois imposé comme le principal interlocuteur de la communauté internationale avec l’État hébreu. Tzipi Livni, la chef de la diplomatie israélienne se rendra à l’Élysée le 1er janvier 2009 pour s’entretenir avec le chef d’État des possibilités de sortie de crise. Une visite du président français en Terre-Sainte est également prévue début janvier 2009 pour poursuivre les discussions. La France, jusqu’alors peu influente sur ce dossier, joue là un rôle inédit dans la construction de la paix au Proche-Orient. Il s’explique néanmoins par le soutien affiché du président français à l’Etat hébreu qui a ainsi renoué les liens qui existaient entre la France et Israël avant la fin des années 1960.

L’offensive israélienne intervient à une période charnière. La transition de l’administration Bush à celle de Barack Obama a entrainé un moment de flottement dans la diplomatie américaine. En outre, dans les priorités de l’équipe Obama le dossier israélo-palestinien a été relégué derrière ceux de l’Irak, l’Iran et l’Afghanistan. L’État hébreu a pu profiter de ce relâchement pour resserrer son emprise sur la bande de Gaza et porter un coup dur au Hamas. Pourtant, même si l’Europe montre ses faiblesses diplomatiques au travers de cette nouvelle crise, elle s’affirme de plus en plus comme un acteur à part entière du processus de paix. Un engagement politique qui reflète celui des européens. Ils étaient plusieurs milliers a manifesté dans de nombreuses capitales pour demander l’arrêt des hostilités.