« El Lazca » ou « El Verdugo » (le bourreau) aurait été tué après avoir reçu six balles dans le corps durant une opération menée par la Marine (Armada de México) le 7 octobre à Progreso, Coahuila. L’intervention a été saluée par le président Felipe Calderón – encore en fonction jusqu’à décembre prochain – et les Etats-Unis. Ils avaient respectivement promis des récompenses de 2,3 millions de dollars et 5 millions de dollars pour toute information menant à la capture de l’homme. La nouvelle aurait donc dû ravir chaque partie. Seul problème, le corps du bourreau a disparu. Selon le quotidien Reforma, il aurait été enlevé à la morgue par un commando armé.
Et si l’on se fi aux propos de l’expert américain George Grayson (professeur en politique comparée à l’université William and Mary en Virginie et co-auteur d’un livre sur Los Zetas), l’enlèvement pourrait être attribué au cartel lui-même. En effet, les Zetas, composés d’anciens militaires déserteurs, procèdent avec le même mode opératoire : ils ne laissent pas de cadavres derrière eux et récupèrent leurs morts. Pour l’heure, rien n’a encore été revendiqué.
Les incohérences créent le doute.
Ajoutons à cela les troublantes discordances entre les données rendues publiques par l’armée et le profil de Lazcano établi par la DEA (Drug Enforcement Administration). La taille et l’année de naissance des deux descriptions ne correspondent pas. La fiche de la DEA indique que le criminel est né en 1974 et mesure 1,76m alors que le l’homme abattu par l’armée le 7 octobre est approximativement né en 1975 et ne dépasse pas les 1,60 m, rapporte l’hebdomadaire Milenio. Le doute s’est donc très vire installé puisqu’il est impossible de procéder à des vérifications sans la présence du corps. Certains, comme le signale le quotidien Proceso, vont jusqu’à avancer que les éléments ayant servi à l’identification du corps ont pu être tirés des archives que possédait déjà le Ministère de la Défense Nationale, Lazcano étant militaire.
L’homme abattu est-il bien le « capo » des Zetas ? L’armée aurait-elle crié victoire trop tôt ? Ce ne serait pas la première fois. En effet, en septembre 2007, les autorités avaient déjà déclaré avoir tué « le Bourreau ». Quelques heures plus tard, cependant, une annonce publique avait été faite pour corriger l’erreur : le dangereux narcotrafiquant courait toujours.
Fox relance le débat sur la légalisation de la drogue.
Ce cafouillage et ces incertitudes donnent l’occasion à l’ancien président Vicente Fox (du même parti politique que Calderón, le Parti d’Action Nationale) de relancer le débat sur la légalisation de la drogue, une manière efficace selon lui de lutter contre le trafic et de simplifier les problèmes d’insécurité du pays. Milenio relayait lundi 15 octobre sa désapprobation concernant la gestion de l’arrestation de Lazcano par le gouvernement fédéral. Fox remet en cause le bien fondé de l’action gouvernementale. Selon lui, les dirigeants souhaitent attirer l’attention sur l’arrestation de grandes figures des cartels et s’en vanter, bien trop vite apparemment. Pour lui, une partie du problème résulterait de la présence de l’armée dans les rues. C’est pourtant bien lui en 2005 qui avait lancé la première intervention militaire de taille contre les cartels. Elle s’était muée par la suite en véritable « guerra contra el narcotráfico y el crimen organizado » avec Calderón dès décembre 2006.
Un bilan desastreux
Depuis le début de ce conflit armé, le nombre de morts n’a cessé d’augmenter. 27 199 homicides ont été commis en 2011 et environ 107 000 sur la totalité du mandat de Calderón, estime l’Institut national de statistiques et géographie mexicain dans un rapport d’août dernier. Le cartel des Zetas, notamment, a agrandi son territoire. Au début, cantonné au sud-est du pays, il contrôle aujourd’hui toute la région du Golf, de la côte Est du pays jusqu’à l’intérieur même du Texas. Comme le soulignait le quotidien Proceso, ce genre d’arrestation n’a fait qu’entrainer la fragmentation des groupes et augmenter le nombre de crimes et enlèvements, ce qui souvent, est suivi par une grande vague de violence.
Dans un pays où 88% des citoyens pensent que le gouvernement est l’entité la plus corrompue (sondage réalisé par le quotidien Réforma), celui d’Enrique Peña Nieto va devoir affronter des enjeux de taille.