Dans le Hall de l’Hôtel de Ville de Montpellier, le photographe Daniel Bodin a exposé, du 13 au 23 octobre 2009, ses clichés pris lors de l’installation du village des Enfants de Don Quichotte en mai dernier, place du Peyrou à Montpellier. Il revient sur son expérience pour Haucourant.com.
Pourquoi avoir travaillé sur l’action des Enfants de Don Quichotte à Montpellier en mai 2009 ?
C’est avant tout la suite logique d’une démarche sociale que j’ai depuis quelques années. Je me penche en priorité sur les évènements sociaux et politiques. Cette expérience est un questionnement face à la régression sociale, une réflexion sur la nouvelle précarité qui s’installe dans notre société. Ce thème-là m’intéresse. Je voulais contextualiser les choses. Avec quelques-uns de mes contemporains, nous étions loin d’imaginer, dans les années 1970, qu’un mal être social tel que celui-ci nous toucherait. Nous sommes choqués face au monde d’aujourd’hui. Disons le clairement, c’est un retour au Moyen-âge. Ma démarche est simple : pourquoi aller jouer les grands reporters ailleurs, alors que la misère existe ici aussi, à Montpellier ?
J’ai approché les Enfants de Don Quichotte car c’est un très bon moyen pour communiquer avec les Sans Domicile Fixe. On a alors une facilité pour aborder le sujet. Dans la rue, il est délicat d’approcher une personne dans cette situation, comme ça, tout de go. Avec les Enfants de Don Quichotte, j’ai pu nouer des contacts avec eux. C’est très important pour moi car cela va me permettre d’approfondir le sujet. C’est exactement le même mode de fonctionnement que pour tout bon journaliste.
Qu’avez-vous voulu montrer sur vos photographies ?
J’ai une approche humaniste dans mes photographies. Je ne veux pas faire de misérabilisme, je veux sensibiliser avec des photos humaines. Alors, j’ai dû en lisser certaines. Par là, je veux dire que j’ai dû alléger émotionnellement la réalité pour qu’elle passe mieux. Je ne voulais pas montrer des gens en situation d’échec. Je voulais faire un constat ponctuel, faire ressortir l’humanité de l’individu, créer une fenêtre sur le monde. Mes photographies ne sont pas dimensionnées à la misère. Je m’exprime à travers la photographie. Cette exposition mériterait sans doute du texte, une légende, et même l’édition d’un livre. Mais je ne suis pas doué pour l’écriture, sinon je serais écrivain et non photographe. Il va falloir que je travaille sur le texte.
Quelle expérience ce fut pour vous ?
Ce fut avant tout un échange, un enrichissement réciproque. Cela m’a permis de revenir sur de nombreux préjugés que j’avais comme tout le monde malgré mon métier. Les SDF apparaissent souvent comme des personnes abruptes, baraquées, tatouées, dures. Finalement, ce sont des gens charmants. J’ai recueilli un nombre incroyable d’histoires personnelles extraordinaires, extrêmement difficiles à entendre pour le commun des mortels. J’ai fait un constat de la vie, avec une démarche sociale. J’ai aussi fait une autre découverte : le politique, à Montpellier, a un souci du social. J’en ai été étonné. Je ne le savais pas. Ce travail, au final, fut plus complet que je ne l’aurais imaginé.
Pourquoi cette exposition ?
Cela a été une volonté de la mairie de Montpellier. Au départ, elle n’était pas concernée par mon travail. Puis, peu à peu, elle s’est intéressée à ce que je faisais. Donc, elle m’a demandé d’exposer mes photographies dans le hall de l’hôtel de ville. J’ai été le seul maître d’œuvre. Mes partenaires ne savaient pas vraiment ce qu’ils attendaient de moi, ils m’ont alors laissé faire. J’ai donc dû tout conceptualiser. Cette exposition fut montée à l’emporte-pièce. Cela a été un vrai challenge !
Pourquoi certaines de vos photographies sont en noir et blanc, et d’autres en couleur ?
C’est une bonne question ! J’ai une attirance pour le noir et blanc. En faisant le tour de mes photographies pour l’exposition, je n’avais pas assez de matière dans ces tons là. Alors, j’ai fait le choix de mélanger deux sujets en une exposition. J’ai, d’une part, affiché un reportage journalistique, en couleur, à l’extérieur des panneaux d’affichage. Le néophyte accroche plus à la couleur. Comme en musique, il s’attache plus à une musicalité populaire qu’au jazz. Avec la couleur, j’ai voulu ramener de la légèreté. On réintègre le monde normal, la réalité. Puis, j’ai mis des photographies en noir et blanc, à l’intérieur, pour créer une intimité. C’est la partie galerie. Sur les portraits, je voulais donner un aspect plus dramatique.
Quelles ont été les réactions du public face à votre exposition ?
J’ai eu peu de retours. Globalement, on est allé vers un encensement de mon travail. Ce n’est pas un lieu idéal pour une exposition de ce type, pour que les photographies soient regardées avec sens. Le regard du commun est interrogatif mais glissant. Elles ont cependant été confrontées à un public large. La plupart du temps, on m’a félicité pour l’humanité de mes photographies. Il me manque toutefois l’avis de professionnels.